16/12/2022
ARRÊT N°371/2022
N° RG 19/05122 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NKK7
NB/KB
Décision déférée du 28 Octobre 2019
Tribunal de Grande Instance de FOIX
(19/00138)
[S] [M]
[E] [X]
C/
MDPSH DE L ARIEGE
INFIRMATION
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale
***
ARRÊT DU SEIZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANT
Monsieur [E] [X]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Séverine FAINE, avocat au barreau de TOULOUSE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2020.026126 du 31/12/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 5])
INTIMEE
MDPSH DE L'ARIEGE
SERVICE CONTENTIEUX
[Adresse 4]
[Adresse 3]
[Localité 1]
non comparante ni représentée à l'audience
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 juin 2022, en audience publique, devant Mme N.BERGOUNIOU,magistrat chargée d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
C. KHAZNADAR, conseillère faisant fonction de président
N. BERGOUNIOU, conseillère
A.MAFFRE, conseillère
Greffier, lors des débats : K.BELGACEM
Cette affaire a fait l'objet d'une réouverture des débats à l'audience du 17 novembre 2022 en application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, en audience publique, devant Mmes N.BERGOUNIOU et M.SEVILLA, conseillères chargées d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente,
N. BERGOUNIOU, conseillère,
M. SEVILLA, conseillère,
Greffier, lors des débats : A.ASDRUBAL
ARRÊT :
- REPUTE CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
- signé par N.ASSELAIN,conseillère faisant fonction de président, et par K. BELGACEM, greffier de chambre.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES:
M. [E] [X], de nationalité française, est né le 17 octobre 1981.
Par demande reçue à la maison départementale des personnes en situation de handicap de l'Ariège le 22 mars 2018, il a sollicité l'attribution d'une allocation aux adultes handicapés (AAH).
Par décision notifiée à M. [X] le 11 juillet 2018, la commission des droits et de l'autonomie des personnes en situation de handicap de l'Ariège a rejeté sa demande au motif que son taux d'incapacité évalué au regard du guide barème pour l'évaluation des déficiences et des incapacités des personnes handicapées est inférieur à 50% .
M. [E] [X] a saisi la commission des droits et de l'autonomie des personnes en situation de handicap d'un recours amiable, qui a été rejeté par décision du 26 février 2019.
Par requête du 7 mai 2019, M. [E] [X] a formé un recours à l'encontre de cette décision.
Par jugement du 2 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Foix-Pôle social a ordonné une consultation clinique à l'audience et désigné le docteur [G] pour y procéder.
Par jugement du 28 octobre 2019, le tribunal judiciaire de Foix- Pôle social , statuant au vu du rapport de consultation médicale du docteur [G], lequel a conclu à la fixation d'un taux d'incapacité de 60%, a:
* rejeté le recours de M. [E] [X]
* constaté l'absence de dépens.
Par courrier recommandé adressé au greffe le 21 novembre 2019, reçue le 25 octobre 2019, M. [E] [X] a relevé appel de ce jugement qui lui a été notifié le 13 novembre 2019.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 4 mars 2021, à laquelle l'affaire a été successivement renvoyée au 16 décembre 2021, puis au 23 juin 2022.
Par conclusions reçues au greffe le 3 décembre 2020, M. [E] [X] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en de qu'il a fixé à 60% le taux d'incapacité dont est atteint M. [E] [X], de l'infirmer en ce qu'il a rejeté son recours, et statuant à nouveau, de :
- fixer à 60% le taux d'incapacité dont est atteint M. [E] [X],
-juger que M. [E] [X] présente une restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi,
- juger que M. [E] [X] remplit les conditions pour bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés.
Il soutient qu' il subit une restriction substantielle et durable de son accès à l'emploi; qu'il souffre d'un trouble auditif socialement invalidant et définitif, et que ses fragilités psychologiques ne lui permettent pas d'envisager une intégration dans le monde du travail.
Bien que régulièrement convoquée à l'audience, ainsi que cela résulte de la note d'audience du 16 décembre 2021 à laquelle la MDPSH de l'Ariège était représentée, la maison départementale des personnes en situation de handicap de l'Ariège n'a pas comparu.
MOTIFS:
Sur l'attribution d'une allocation à adulte handicapé
Aux termes des articles L821-1 et D821-1 du code de la sécurité sociale, toute personne résidant sur le territoire métropolitain ou dans les collectivités mentionnées à l'article L751-1 ou à Saint-Pierre-et-Miquelon ayant dépassé l'âge d'ouverture du droit à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et dont l'incapacité permanente est au moins égale à 80% perçoit, dans les conditions prévues au titre 2 du livre 8 dudit code, une allocation aux adultes handicapés.
Aux termes de l'article L146-8 du code de l'action sociale et des familles, une équipe pluridisciplinaire évalue les besoins de compensation de la personne handicapée et son incapacité permanente sur la base de son projet de vie et de références définies par voie réglementaire et propose un plan personnalisé de compensation du handicap.
Aux termes de l'article R146-28 du même code, l'équipe pluridisciplinaire détermine, le cas échéant, un taux d'incapacité permanente en application du guide-barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées figurant à l'annexe 2-4 au décret n° 2004-1136 du 21 octobre 2004 relatif au code de l'action sociale et des familles (partie réglementaire). Elle se fonde en outre sur les référentiels prévus par des réglementations spécifiques pour l'accès à certains droits ou prestations.
Aux termes du guide-barème susvisé :
- un taux de 50 % correspond à des troubles importants entraînant une gêne notable dans la vie sociale de la personne. L'entrave peut soit être concrètement repérée dans la vie de la personne, soit compensée afin que cette vie sociale soit préservée, mais au prix d'efforts importants ou de la mobilisation d'une compensation spécifique. Toutefois, l'autonomie est conservée pour les actes élémentaires de la vie quotidienne.
- un taux d'au moins 80 % correspond à des troubles graves entraînant une entrave majeure dans la vie quotidienne de la personne avec une atteinte de son autonomie individuelle. Cette autonomie individuelle est définie comme l'ensemble des actions que doit mettre en 'uvre une personne, vis-à-vis d'elle-même, dans la vie quotidienne. Dès lors qu'elle doit être aidée totalement ou partiellement, ou surveillée dans leur accomplissement, ou ne les assure qu'avec les plus grandes difficultés, le taux de 80 % est atteint. C'est également le cas lorsqu'il y a déficience sévère avec abolition d'une fonction.
Aux termes des articles L821-2 et D821-1 du code de la sécurité sociale, l'allocation aux adultes handicapés est également versée à toute personne qui remplit l'ensemble des conditions suivantes : son incapacité permanente est supérieure ou égale à 50 % et la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées lui reconnaît, compte tenu de son handicap, une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, précisée par l'article D821-1-2.
Aux termes de l'article D821-1-2 du même code, pour l'application des dispositions du 2° de l'article L821-2, la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi subie par une personne handicapée qui demande à bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés est appréciée ainsi qu'il suit :
1° La restriction est substantielle lorsque le demandeur rencontre, du fait de son handicap même, des difficultés importantes d'accès à l'emploi. A cet effet, sont à prendre en considération :
a) Les déficiences à l'origine du handicap ;
b) Les limitations d'activités résultant directement de ces mêmes déficiences ;
c) Les contraintes liées aux traitements et prises en charge thérapeutiques induits par le handicap ;
d) Les troubles qui peuvent aggraver ces déficiences et ces limitations d'activités.
Pour apprécier si les difficultés importantes d'accès à l'emploi sont liées au handicap, elles sont comparées à la situation d'une personne sans handicap qui présente par ailleurs les mêmes caractéristiques en matière d'accès à l'emploi.
2° La restriction pour l'accès à l'emploi est dépourvue d'un caractère substantiel lorsqu'elle peut être surmontée par le demandeur au regard:
a) Soit des réponses apportées aux besoins de compensation mentionnés à l'article L. 114-1-1 du code de l'action sociale et des familles qui permettent de faciliter l'accès à l'emploi sans constituer des charges disproportionnées pour la personne handicapée ;
b) Soit des réponses susceptibles d'être apportées aux besoins d'aménagement du poste de travail de la personne handicapée par tout employeur au titre des obligations d'emploi des handicapés sans constituer pour lui des charges disproportionnées ;
c) Soit des potentialités d'adaptation dans le cadre d'une situation de travail.
3° La restriction est durable dès lors qu'elle est d'une durée prévisible d'au moins un an à compter du dépôt de la demande d'allocation aux adultes handicapés, même si la situation médicale du demandeur n'est pas stabilisée. La restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi est reconnue pour une durée de un à cinq ans.
4° Pour l'application du présent article, l'emploi auquel la personne handicapée pourrait accéder s'entend d'une activité professionnelle lui conférant les avantages reconnus aux travailleurs par la législation du travail et de la sécurité sociale.
5° Sont compatibles avec la reconnaissance d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi :
a) L'activité à caractère professionnel exercée en milieu protégé par un demandeur admis au bénéfice de la rémunération garantie mentionnée à l'article L. 243-4 du code de l'action sociale et des familles ;
b) L'activité professionnelle en milieu ordinaire de travail pour une durée de travail inférieure à un mi-temps, dès lors que cette limitation du temps de travail résulte exclusivement des effets du handicap du demandeur ;
c) Le suivi d'une formation professionnelle spécifique ou de droit commun, y compris rémunérée, résultant ou non d'une décision d'orientation prise par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article L. 241-5 du code de l'action sociale et des familles.
Aux termes des articles L821-2 et D821-1 du code de la sécurité sociale, l'allocation aux adultes handicapés est également versée à toute personne qui remplit l'ensemble des conditions suivantes :
son incapacité permanente est supérieure ou égale à 50% et la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées lui reconnaît, compte tenu de son handicap, une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, précisée par l'article D821-1-2. Le versement de l'allocation aux adultes handicapés au titre du présent article prend fin à l'âge auquel le bénéficiaire est réputé inapte au travail dans les conditions prévues au cinquième alinéa de l'article L821-1.
Aux termes de l'article L821-1 alinéa 5 du même code, le droit à l'allocation aux adultes handicapés est ouvert lorsque la personne ne peut prétendre, au titre d'un régime de sécurité sociale, d'un régime de pension de retraite ou d'une législation particulière, à un avantage de vieillesse, à l'exclusion de l'allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l'article L815-1, ou d'invalidité, à l'exclusion de la prestation complémentaire pour recours à constante d'une tierce personne visée à l'article L355-1, ou à une rente d'accident du travail, à l'exclusion de la prestation complémentaire pour recours à tierce personne mentionnée à l'article L434-2, d'un montant au moins égal à cette allocation.
En l'espèce, un taux d'incapacité inférieur à 50 % sans restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi a été attribué à M. [E] [X] par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées.
Le médecin consultant désigné par les premiers juges, qui a examiné M. [X], a indiqué que ce dernier présente depuis l'enfance, à la suite d'une souffrance foetale, une cécité totale de l'oeil droit et une hypoacousie de perception bilatérale prédominant à droite. Il existe un retentissement psychologique évident avec un lourd passé personnel. Il a conclu à un taux d'incapacité de 60%, avec restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi. Il a néanmoins précisé que les actes essentiels de la vie sont conservés.
La maison départementale des personnes en situation de handicap de l'Ariège ne verse aux débats aucun élément de nature à remettre en cause le taux d'incapacité de 60% retenu par le docteur [G].
M. [X] verse aux débats des éléments de son dossier médical qui démontrent qu'en sus des pathologies rappelées par le médecin consultant, il souffre de troubles du comportement : troubles de la communication à cause de son image négative, vie sociale difficile à mettre en place.
Compte tenu des pathologies dont il souffre et de son absence de qualification professionnelle, M. [X], qui bénéficie d'un accompagnement spécifique d'insertion auprès des services du conseil départemental de l'Ariège, n'est pas en mesure d'exercer une quelconque activité professionnelle. Le docteur [G] a d'ailleurs retenu l'existence d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi. C'est donc par une fausse appréciation des dispositions applicables que les premiers juges ont écarté M. [X] du bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés, au motif que les actes essentiels de la vie sont conservés, condition qui ne figure pas dans l'énumération prévue à l'article D.821-1-2 du code de la sécurité sociale.
Le jugement déféré doit dès lors être infirmé en ce qu'il a jugé que M. [X] ne présentait pas de restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, et a rejeté le recours formé par M. [X] à l'encontre de la décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du 26 février 2019. M. [X] doit dès lors bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés à compter du premier jour du mois civil suivant celui du dépôt de sa demande, soit en l'espèce à compter du 1er avril 2018, et ce pour une durée de cinq ans.
La MDPSH de l'Ariège, qui succombe, supportera les dépens de l'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
Et, statuant à nouveau et y ajoutant:
Infirme la décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de l'Ariège en date du 26 février 2019, en ce qu'elle a reconnu à M. [E] [X] un taux d'invalidité inférieur à 50% et a refusé de le reconnaître en situation de restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi.
Dit que M. [E] [X] , dont le taux d'incapacité est compris entre 50% et 79%, relève d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi.
Dit que M. [E] [X] doit bénéficier à compter du 1er avril 2018 et pour une durée de cinq années, de l'allocation aux adultes handicapés.
Dit que la maison départementale des personnes en situation de handicap de l'Ariège doit transmettre, sans délai, à l'organisme payeur de cette prestation, le présent arrêt.
Condamne la maison départementale des personnes en situation de handicap de l'Ariège aux dépens, étant précisé que les frais de la consultation médicale ordonnée en première instance en sont exclus pour demeurer à la charge de la caisse nationale de l'assurance maladie.
Le présent arrêt a été signé par N.ASSELAIN, conseillère faisant fonction de président et K.BELGACEM, greffier de chambre.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
K.BELGACEM N.ASSELAIN
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