21/03/2023
ARRÊT N°23/165
N° RG 20/01695 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NT4R
MA - CD
Décision déférée du 23 Avril 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SAINT-GAUDENS - 17/00464
[E]
[B] [O]
C/
[U] [O]-[G]
[Y] [O]
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 2
***
ARRÊT DU VINGT ET UN MARS DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANT
Monsieur [B] [O]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représenté par Me Emmanuelle DESSART de la SCP SCP DESSART, avocat au barreau de TOULOUSE
Assisté par Me Jean-louis DUREAU de la SCP DUREAU JEAN-LOUIS, avocat au barreau de SAINT-GAUDENS
INTIMÉS
Madame [U] [O]-[G]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représentée par Me François ABADIE, avocat au barreau de SAINT-GAUDENS
Assisté par Me Laurent ROUZEAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [Y] [O]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Catherine MOUNIELOU de la SCP MOUNIELOU, avocat au barreau de SAINT-GAUDENS
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 24 Janvier 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :
C. DUCHAC, présidente
C. PRIGENT-MAGERE, conseiller
M.C. CALVET, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : C. CENAC
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par C. DUCHAC, présidente, et par C. CENAC, greffier de chambre.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [P] [N] veuve [O], née le 21 septembre 1921 est décédée le 5 novembre 2016 à [Localité 6] laissant pour lui succéder ses trois enfants : Mme [U] [O]-[G], M. [B] [O] et M. [Y] [O].
Par testament authentique du 14 avril 2004, Mme [P] [N] avait légué à Mme [U] [O]-[G] le quart de tous ses biens par préciput et hors part (c'est à dire la quotité disponible).
M. [B] [O] disposait d'une procuration sur le compte de sa mère.
A partir de 2009, Mme [P] [N] a résidé en EHPAD. Une somme de 900 euros par mois a été mise à la charge de ses enfants.
Mme [P] [N] était propriétaire pour moitié indivise et usufruitière pour l'autre moitié, ses enfants étant nus propriétaires indivis pour la moitié, d'une maison située à [Localité 2] qu'elle occupait.
Ce bien a été vendu en 2013 au prix de 130.000 €, dont 71.483,93 € correspondant à ses droits est revenu à Mme [P] [N], la somme de 58.500 ayant été partagée entre les trois enfants.
Mme [P] [N] a souscrit un contrat d'assurance vie le 11 février 2014. Le capital était constitué d'un chèque de 30.000 € débité le 14 février 2014.
La clause bénéficiaire avait été initialement établie au profit de M. [B] [O] et à défaut ses héritiers à parts égales. Le 7 octobre 2014 la clause bénéficiaire a été modifiée pour indiquer Mme [P] [N] et à défaut M. [Y] [O].
Par exploit du 7 août 2017, Mme [U] [O]-[G] a fait assigner Mme [P] [N] et M. [Y] [O] devant le tribunal de grande instance de Saint-Gaudens afin de procéder au partage de sa succession.
Par jugement contradictoire en date du 23 avril 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Gaudens a :
- dit que M. [B] [O] est redevable de la somme de 3.867,83 euros à Mme [U] [O]-[G] en remboursement des aliments qu'elle a réglés pour son compte ;
- débouté Mme [U] [O]-[G] de sa demande d'indemnité d'occupation ;
- débouté Mme [U] [O]-[G] de sa demande d'annulation du contrat d'assurance-vie ;
- dit que M. [B] [O] a diverti de la succession la somme de 9.735 euros
- dit que la prime de 30.000 euros est manifestement exagérée et doit être prise en compte pour le calcul de la réserve des héritiers ;
- dit que l'actif net de la succession de Mme [P] [N] constituant aussi la masse à partager est de 39.735 euros ;
- dit que M. [B] [O] est privé de tout droit sur 9.735 euros pour avoir diverti cette somme de la succession ;
- dit n'y avoir lieu à désignation d'un notaire pour régler la succession ;
Vu le testament du 14 avril 2004 léguant la quotité disponible à M. [B] [O],
- fixé la quotité disponible à 7500 euros ;
- dit que les droits des parties dans la succession de Mme [P] [N] s'établissent comme suit :
- M. [B] [O] : 10.132,50 euros,
- Mme [U] [O]-[G] : 14.801,25 euros,
- M. [Y] [O] : 14.801,25 euros ;
- condamné par conséquent M. [B] [O] à verser à Mme [U] [O]-[G] la somme totale de 18.669,08 euros pour solde de l'ensemble des sommes dues ;
- condamné en outre M. [B] [O] à verser à Mme [U] [O]-[G] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme [U] [O]-[G] à verser à M. [Y] [O] 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [B] [O] aux dépens de l'instance ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- dit que la présente décision sera transmise par le greffe à l'administration fiscale pour la fixation des éventuels impôts et taxes qui en résulteraient.
Par déclaration électronique en date du 9 juillet 2020, M. [B] [O] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :
- dit que M. [B] [O] a diverti de la succession la somme de 9.735 euros,
- dit que I'actif net de la succession de Mme [P] [N] constituant aussi la masse à partager est de 39.735.00 euros,
- dit que M. [B] [O] est privé de tout droit sur 9.735 euros pour avoir diverti cette somme de la succession,
- fixé la quotité disponible à 7.500 euros,
- dit que les droits des parties dans la succession de Mme [P] [N] s'établissent comme suit :
- M. [B] [O] : 10.132,50 euros
- Mme [U] [O]-[G] : 14.801,25 euros
- M. [Y] [O] : 14.801,25 euros,
- condamné par conséquent M. [B] [O] à verser à Mme [U] [O]-[G] la somme totale de 18.669,08 euros pour solde de l'ensemble des sommes dues,
- condamné en outre M. [B] [O] à verser à Mme [U] [O]-[G] 1.000 euros sur le fondement de I'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [B] [O] aux dépens de l'instance,
- débouté M. [B] [O] des demandes suivantes:
- condamner Mme [U] [O]-[G] au paiement d'une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner Mme [U] [O]-[G] au paiement d'une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700.
Suivant ses dernières conclusions d'appelant en date du 9 janvier 2023, M. [B] [O] demande à la cour :
- de débouter Mme [U] [O]-[G] de l'intégralité de ses demandes,
- de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Mme [U] [O]-[G] de sa demande d'indemnité d'occupation et de sa demande d'annulation du contrat d'assurance-vie,
Réformant le jugement entrepris,
- de fixer à 12.826 euros le montant de la créance de M. [B] [O] sur la succession,
- de fixer à 17.714 euros le montant de la masse à partager,
- de fixer ainsi qu'il suit les droits des parties dans la succession de Mme [P] [N] veuve [O] :
- M. [B] [O] : 8.857,00 euros,
- Mme [U] [O]-[G] : 4.4428,50 euros,
- M. [Y] [O] : 4.428,50 euros,
- de condamner Mme [U] [O]-[G] au paiement d'une somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts,
- de la condamner au paiement d'une somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Suivant ses dernières conclusions d'intimé en date du 18 janvier 2023, Mme [U] [O]-[G] demande à la cour :
- de débouter M. [B] [O] de l'ensemble de ses demandes fins et moyens,
- de dire et juger les demandes reconventionnelles de Mme [U] [O] recevables et bien fondées,
Concernant l'indemnité d'occupation due par M. [B] [O]
- de réformer la décision de première instance et statuant à nouveau,
- de fixer le montant de ladite indemnité d'occupation à 600 euros par mois,
- de condamner M. [B] [O] à 36.000 euros à titre d'indemnité d'occupation pour la période de décembre 2008 à décembre 2013,
A titre subsidiaire,
- de prendre acte de la reconnaissance de M. [B] [O] qu'il doit une indemnité d'occupation pour la période d'août 2012 à décembre 2013,
- de condamner M. [B] [O] a une indemnité d'occupation de 8400 euros,
- de rapporter ces sommes à la succession,
Concernant le recel successoral
* Sur le contrat d'assurance-vie
- réformer la décision de première instance et statuant à nouveau,
- de dire et juger que le contrat d'assurance et vie n°8 517 340 681 souscrit par Mme [P] [N] auprès d'Axa et ses avenants n'ont pas été rédigés et signés par Mme [P] [N],
- de prononcer la nullité du contrat,
- de condamner M. [B] [O] au titre du recel successoral dont il s'est rendu coupable,
subsidiairement,
- de confirmer la décision de première instance en ce qu'elle dit que la prime de 30.000 euros est manifestement exagérée et doit être prise en compte pour le calcul de la réserve des héritiers,
en toute hypothèse,
- de dire et juger que le contrat d'assurance vie n'a pas été souscrit dans les intérêts de Mme [P] [N] et que les 30.000 euros versés sur ce contrat d'assurance vie représentent une somme manifestement excessive qui doit être rapportée à la succession,
* Sur la gestion des comptes de Mme [P] [N]
- de confirmer la décision de première instance en ce qu'elle dit que M. [B] [O] a diverti des sommes de la succession et est privé de tout droit sur la succession pour les sommes diverties,
- de réformer la décision de première instance en ce qu'elle a fixé le montant des sommes diverties à 9.735 euros,
statuant à nouveau,
- de fixer le montant des sommes à rapporter à la succession par M. [B] [O] à 23.912,25 euros,
En toutes hypothèses,
- de dire et juger que M. [B] [O] s'est rendu coupable de recel successoral,
- de priver M. [B] [O] de tout droit sur cette somme dans la succession de Mme [P] [N],
Sur les opérations de liquidation-partage de la succession de Mme [P] [N]
- de réformer la décision de première instance en ce qu'elle fixe les droits de Mme [U] [O]-[G] dans la succession à seulement 14.801,25 euros,
statuant à nouveau,
- de fixer les droits de Mme [U] [O]-[G] dans la succession à 29.352 euros et condamner M. [B] [O] à lui devoir cette somme,
- au besoin, désigner pour ce faire Me [F] notaire à [Localité 3] ou tel notaire qu'il plaira à la juridiction,
subsidiairement,
- de confirmer la décision de première instance en ce qu'elle fixe les droits de Mme [U] [O]-[G] dans la succession à 14.801,25 euros et condamne M. [B] [O] à lui verser cette somme,
Sur la demande de dommages et intérêts de Mme [U] [O]-[G]
- de réformer à la décision de première instance en ce qu'elle rejette la demande de dommages et intérêts de Mme [U] [O]-[G] à l'encontre de M. [B] [O],
- de condamner M. [B] [O] à verser à Mme [U] [O]-[G] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- condamner M. [B] [O] à la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [B] [O] aux entiers dépens d'instance et d'action.
Suivant ses conclusions d'intimé en date du 29 décembre 2020, M. [Y] [O] demande à la cour :
- de constater qu'il n'est fait aucune demande contre M. [Y] [O]
- de statuer ce que de droit sur les dépens.
La clôture de la mise en état a été ordonnée le 9 janvier 2023 et l'affaire fixée à l'audience du 24 janvier 2023. Suivant l'accord des avocats, l'ordonnance de clôture a été révoquée et fixée au 24 janvier 2023.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.
MOTIFS DE L'ARRET
La somme de 3.867,83 € dont M. [B] [O] a été déclaré redevable à Mme [U] [O]-[G] en remboursement des aliments réglés pour son compte, ainsi que l'indemnité au titre de l' article 700 du code de procédure civile que Mme [U] [O]-[G] a été condamnée à payer à M. [Y] [O] ne sont pas soumises à la cour par la déclaration d'appel ni par l'appel incident, du moins dans son principe pour la première des deux sommes.
Sur l'indemnité d'occupation
Suivant les dispositions de l'article 815-9 alinéa 2 du code civil, 'l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité '.
Mme [U] [O]-[G] demande qu'une indemnité d'occupation de la maison de [Localité 2] soit fixée à la charge de M. [B] [O] pour la période de décembre 2008 à décembre 2013. Elle expose qu'après l'admission de Mme [P] [N] en EHPAD, M. [B] [O] a occupé privativement la maison.
La cour rappelle que cet immeuble, ainsi que cela résulte du compromis de vente et de la comptabilité du notaire versés au débat par Mme [U] [O]-[G], appartenait pour moitié à Mme [P] [N] (correspondant à sa part de communauté), l'autre moitié étant soumise à un démembrement de propriété, à savoir l'usufruit pour Mme [P] [N], la nu propriété indivise pour les enfants.
Au cours de la période considérée par la demande, l'usufruit de l'ensemble de la maison appartenait à Mme [P] [N], au titre de ses droits en pleine propriété pour la moitié, au titre de son usufruit pour l'autre moitié, tandis que les trois enfants détenaient des droits indivis en nu propriété sur la moitié de l'immeuble. Dans cette configuration, seule Mme [P] [N] était en droit de réclamer une contrepartie à l'occupation par l'un de ses enfants, ce qu'elle n'a pas fait, sans qu'il soit soutenu par Mme [U] [O]-[G] l'existence d'une donation indirecte.
Contrairement à ce qu'avance Mme [U] [O]-[G], M. [B] [O] n'a pas reconnu le principe d'une indemnité d'occupation dont il serait redevable puisqu'au contraire, outre sa contestation de l'occupation et de son caractère privatif, et conteste le droit à indemnité d'occupation en présence de droits de natures différentes sur le bien entre Mme [P] [N] et ses enfants.
En outre et à titre surabondant, l'occupation privative n'est pas justifiée, puisque lorsqu'elle s'est rendue à [Localité 2], Mme [U] [O]-[G] a pu sans difficulté occuper la maison.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [U] [O]-[G] de sa demande au titre de l'indemnité d'occupation.
Sur le contrat d'assurance-vie
Mme [U] [O]-[G] demande l'annulation du contrat d'assurance-vie reprochant à M. [B] [O] d'avoir falsifié la signature de sa mère, et d'avoir surpris son consentement.
* en ce qui concerne la signature, M. [B] [O] a reconnu avoir lui-même rempli le contrat, Mme [P] [N] âgée de 93 ans n'étant pas en mesure de le faire.
Mme [U] [O]-[G] produit un rapport privé de comparaison d'écritures qui énonce : 'cette signature est différente et sur l'écriture du texte, on ne retrouve pas les mêmes similitudes que sur l'écriture de Mme [P] [N] même s'il est à noter qu'il y a peu d'écrits à comparer'
Ce document non contradictoirement établi n'est pas corroboré par des éléments extérieurs, il contient une réserve liée au manque de termes de comparaison, il ne suffit donc pas à rapporter la preuve de la falsification de la signature de Mme [P] [N] dont le grand âge peut aisément éclairer la différence entre les documents examinés, trop peu nombreux pour permettre une analyse fine.
De plus, le premier juge a justement observé que la souscription de ce contrat, qui porte M. [B] [O] comme bénéficiaire, est dans la continuité du testament de 2004 en sa faveur.
* sur le consentement de Mme [P] [N], c'est par de justes motifs que le premier juge, se fondant sur le certificat du Docteur [H] en date du 16 août 2017, a dit que Mme [U] [O]-[G] ne rapportait pas la preuve de l'insanité d'esprit de sa mère au moment de la souscription du contrat d'assurance. Par ailleurs, ce contrat a été signé seulement deux ou trois mois après la vente par Mme [P] [N] et ses enfants de la maison de [Localité 2], pour laquelle Mme [U] [O]-[G] ne remet pas en cause le consentement de sa mère.
Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [U] [O]-[G] de sa demande d'annulation du contrat d'assurance-vie.
La reconnaissance du caractère manifestement excessif des primes d'assurances (en l'espèce du seul versement de la somme de 30.000 €) n'est pas visé à la déclaration d'appel de M. [B] [O]. Si Mme [U] [O]-[G] demande l'infirmation de cette disposition c'est uniquement en cohérence avec la demande d'annulation du contrat, puisqu'à titre subsidiaire, elle ne la conteste pas.
Cette disposition sera dés lors confirmée.
Sur le recel
Suivant les dispositions de l'article 778 du code civil, 'sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.
Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part' .
Pour être caractérisé, le recel suppose la démonstration par celui qui l'invoque :
- de la dissimilation d'un bien ou d'un droit faisant partie de la succession ou susceptible de l'être;
- l'intention frauduleuse de s'assurer un avantage à l'encontre des cohéritiers. Cette intention ne se déduit pas de la seule matérialité de la dissimulation.
Elément matériel du recel
* dissimulation du contrat d'assurance-vie
Le premier juge a justement relevé que Mme [U] [O]-[G] indique elle-même dans ses écritures que M. [B] [O] a indiqué au notaire l'existence du contrat d'assurance-vie dès l'ouverture de la succession. Il n'a donc pas dissimulé ce contrat.
* caractère manifestement excessif de la prime d'assurance-vie
Le caractère manifestement excessif de la somme versée au contrat d'assurance-vie ne procède pas de M. [B] [O] mais de la seule volonté de Mme [P] [N]. Cet élément n'entre donc pas dans l'élément matériel du recel.
* le défaut de restitution des remboursements d'impôt
M. [B] [O] reconnaît que la somme de 5.247 € lui a été versée par l'administration fiscale au titre du dégrèvement de l'impôt foncier qui revenait à M. [B] [O] et qu'il n'a pas reversé cette somme sur les comptes de Mme [P] [N].
Cette somme devra être réintégrée par M. [B] [O] à l'actif de la succession.
Le défaut de restitution spontanée par M. [B] [O] d'une somme qui revenait à sa mère constitue l'élément matériel du recel.
* prélèvements sur les comptes de Mme [P] [N]
Il est acquis au débat que M. [B] [O], qui disposait d'une procuration sur les comptes de sa mère, a géré ses affaires.
La méthode globale retenue par le premier juge pour évaluer si les sommes prélevées par M. [B] [O] sur le compte de sa mère, qui consiste à opérer la balance entre les crédits et les débits pendant la période considérée où elle vivait en EHPAD est pertinente. Elle permet en effet de prendre en considération les différents mouvements d'un patrimoine vers l'autre.
La période considérée va de janvier 2014, après la vente de la maison, jusqu'au décès le 5 novembre 2016, soit 34 mois. Elle est admise par les parties.
Sera comptabilisé séparément le montant du dégrèvement de taxe foncière, dû à Mme [P] [N] mais versé par l'administration à M. [B] [O] qui ne l'a pas restituée, puisque cette somme n'a pas transité par les comptes de la défunte. Cette somme devra être réintégrée par M. [B] [O] à l'actif de la succession.
Les revenus de Mme [P] [N] constitués de ses pensions de retraite soumises à impôt, ainsi que des prestations sociales (CAF et MGEN), au vu des avis d'imposition de Mme [P] [N] et de ses relevés de compte, s'élevaient à 1.200 € par mois, soit pour la période en cause 1.200 x 34 = 40'800 €.
Au 31 décembre 2013 , le compte bancaire de Mme [P] [N] portait un solde de 1.716,98 €. Elle a reçu début janvier 2014 la somme de 71.483,93 € au titre de sa part dans la vente de la maison (comptabilité du notaire).
M. [B] [O] justifie par la production des relevés de comptes et chèques, avoir réglé pour le compte de sa mère, la somme totale de 11.377,00 € (admise à hauteur de 9.970 € par Mme [U] [O]-[G]), cette somme incluant les frais d'obsèques . Elle sera inscrite, non pas au débit du compte de la défunte comme l'a fait le premier juge, mais au crédit, puisqu'il s'agit de sommes qui lui ont profité.
Les frais de trajet avancés par M. [B] [O] pour ses allées venues à la maison de retraite doivent rester à sa charge comme correspondant à des dépenses personnelles, il ne précise pas sur quel fondement il réclame qu'elles soient inscrites au passif de la succession.
La prime de 30.000 € versée sur l'assurance-vie n'est pas sortie du patrimoine de Mme [P] [N] mais elle a été prélevée de son compte bancaire et n'était pas directement disponible. Elle sera donc inscrite au titre des dépenses.
Les factures de l'EHPAD produites au débat permettent de retenir ce poste de dépense à hauteur de 68.395 €, cette somme incluant les factures émises à la fin de l'année 2013, réglées en 2014.
Les dépenses de confort de Mme [P] [N] ont été justement appréciées par le premier juge à 150 € par mois, soit au total 150 x 34 = 5.100 €.
Les comptes de Mme [P] [N] peuvent donc s'établir ainsi du 1er janvier 2014 au 5 novembre 2016, exprimées en euros.
Recettes
dépenses
solde compte bancaire au 31/12/2013
1.716,98
vente maison
71.483,93
prime assurance vie
30.000
pensions et allocations
40.800
factures EHPAD
68.395
dépenses de confort
5.100
sommes payées par M. [B] [O]
11.377
total
125'377,91
103'495
Reste donc un solde de 21'882,91 € dont M. [B] [O] ne justifie pas, alors que les relevés de compte et chèques produits font apparaître notamment des dépenses d'achat de matériaux qui ne peuvent pas avoir été faites dans l'intérêt de Mme [P] [N] qui vivait en maison de retraite et dont l'immeuble avait été vendu.
La cour retiendra donc que M. [B] [O] a prélevé pour son compte des sommes à hauteur de 21.882,91 €.
Le défaut de restitution à Mme [P] [N] du dégrèvement de taxe foncières (5.247 €) ainsi que les prélèvements à des fins personnelles à hauteur de 21.882,91 €, qui n'ont pas été spontanément déclarés, constituent les éléments matériels du recel.
Sur l'élément moral du recel
La seule matérialité et non déclaration des prélèvements et rétention ci-dessus doivent pour que le recel soit caractérisé, procéder de l' intention de M. [B] [O] de frustrer ses cohéritiers.
La charge de cette preuve incombe à Mme [U] [O]-[G].
Il n'est pas contesté que M. [B] [O] était très présent auprès de sa mère jusqu'à la fin de sa vie et vivait dans une grande proximité matérielle et affective avec elle. Cela est confirmé par les attestations qu'il verse au débat, faisant état de son dévouement et par la position dans le présent litige de M. [Y] [O] qui n'entend rien demander au regard de l'investissement familial de son frère.
Cette proximité a emporté une forme de confusion des patrimoines, qui a conduit M. [B] [O] à prélever à des fins personnelles des sommes sur le compte de sa mère mais également à payer de ses fonds propres des factures pour le compte de la défunte sans opérer un remboursement en sa faveur. Cette réciprocité est en contradiction avec toute intention frauduleuse de désavantager ses frères et soeurs.
Le fait pour M. [B] [O] d'avoir déclaré au notaire qu'il n'y avait aucun actif dans la succession ne caractérise pas l' intention frauduleuse, puisqu'il n'y avait en effet ni immeuble ni liquidités, et que le caractère manifestement excessif de la prime d'assurance ne procède pas d'une manoeuvre de sa part. La seule méconnaissance par M. [B] [O] des droits de ses frères et soeurs du fait des sommes qu'il doit aujourd'hui rapporter ou réintégrer ne caractérise pas l'intention délibérée de les frustrer.
Par conséquent, Mme [U] [O]-[G] ne rapporte pas la preuve de l'intention frauduleuse qui doit présider au recel. Elle sera donc déboutée de ses demandes de ce chef, réformant en cela la décision dont appel.
En conclusion, M. [B] [O] devra rapporter ou réintégrer à la succession de Mme [P] [N] :
- rapport de la prime d'assurance vie 30.000,00 €
- réintégration dégrèvement fiscal 5.247,00 €
- réintégration sommes prélevées 21'882,91 €
Sur les comptes entre les parties
Au vu des éléments ci-dessus les comptes entre les parties s'établissent comme suit.
Passif de la succession
- sommes réglées par M. [B] [O] pour le compte de Mme [P] [N]
11.377,00 €
Actif de la succession, constitué des créances qu'elle détient sur M. [B] [O]
- rapport de la prime d'assurance vie 30.000,00 €
- réintégration dégrèvement fiscal 5.247,00 €
- réintégration sommes prélevées 21'882,91 €
Total 57'129,91€
Actif net
45'752,91€
Droits des copartageants sur l'actif net
- quotité disponible en présence de trois enfants
11'438,23 €
- droits de M. [B] [O] en application du testament du 14 avril 2004
22'876,46 €
- droits de Mme [U] [O]-[G] 11'438,23 €
- droits de M. [Y] [O] 11'438,23 €
M. [B] [O] qui a reçu la totalité de l'actif net doit donc à ses frères et soeurs une soulte de 11.438,23 € chacun.
M. [Y] [O] ne demande rien.
M. [B] [O] sera condamné à payer à Mme [U] [O]-[G] la somme de 11.438,23 €, augmentée de la somme de 3.867,83 € qu'il doit personnellement à sa soeur au titre du remboursement d'aliment, soit 15'306,06 €.
Sur les dépens et l' article 700 du code de procédure civile
M. [B] [O] sera condamné aux dépens.
Au regard de l'équité, Mme [U] [O]-[G] sera déboutée de sa demande au titre de l' article 700 du code de procédure civile , tant en première instance qu'en appel, réformant le jugement déféré.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Dans la limite de sa saisine,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- débouté Mme [U] [O]-[G] de sa demande d'indemnité d'occupation ;
- débouté Mme [U] [O]-[G] de sa demande d'annulation du contrat d'assurance-vie ;
- dit que la prime de 30.000 euros est manifestement exagérée et doit être prise en compte pour le calcul de la réserve des héritiers ;
- condamné M. [B] [O] aux dépens
Réforme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute Mme [U] [O]-[G] de sa demande au titre du recel,
Dit que M. [B] [O] doit rapporter à la succession la somme de 30.000 € correspondant à l'assurance-vie,
Dit que M. [B] [O] doit réintégrer à la succession les sommes de :
- 5.247,00 € au titre dégrèvement fiscal
- 21'882,91 € au titre des sommes prélevées sur le compte de M. [B] [O]
Dit que M. [B] [O] détient une créance sur la succession à hauteur de 11.377,00 € correspondant à des sommes qu'il a payées pour le compte de Mme [P] [N],
Dit que l'actif net de la succession s'élève à 45'752,91€
Fixe la quotité disponible à 11.438,23 €
Fixe comme suit les droits de chacun :
- droits de M. [B] [O] en application du testament du 14 avril 2004
22'876,46 €
- droits de Mme [U] [O]-[G] 11'438,23 €
- droits de M. [Y] [O] 11'438,23 €
Constate que M. [B] [O] a reçu la totalité de l'actif net,
Constate que M. [Y] [O] ne forme pas de demande,
Condamne M. [B] [O] à payer à Mme [U] [O]-[G] la somme de 15'306,06 € correspondant à ses droits dans la succession augmentés de la somme de 3.867,83 € au titre du remboursement d'aliment,
Déboute Mme [U] [O]-[G] de ses demandes au titre de l' article 700 du code de procédure civile ,
Condamne M. [B] [O] aux dépens.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
C. CENAC C. DUCHAC
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