21/03/2023
ARRÊT N°
N° RG 20/02430
N° Portalis DBVI-V-B7E-NWT7
J.C G / RC
Décision déférée du 06 Août 2020
Tribunal Judiciaire d'ALBI - 17/01937
MME [V]
[E] [R]
[W] [C]-[N]
C/
COMMUNE DE [Localité 15]
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
***
ARRÊT DU VINGT ET UN MARS DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTS
Madame [E] [R] veuve [N]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Bernard DE LAMY, avocat au barreau de TOULOUSE
Monsieur [W] [C]-[N]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me Bernard DE LAMY, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
COMMUNE DE [Localité 15]
Représentée par son maire en exercice dûment habilitté, domicilié en cette qualité à ladite commune
[Adresse 14]
[Adresse 14]
Représentée par Me Vincent MALBERT, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Décembre 2022, en audience publique, devant M. DEFIX et J.C GARRIGUES magistrats chargés de rapporter l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
M. DEFIX, président
J.C. GARRIGUES, conseiller
C. ROUGER, conseiller
Greffier, lors des débats : N.DIABY
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.
OBJET DU LITIGE ET PROCÉDURE
M. [M] [N] et Mme [E] [R] épouse [N] étaient propriétaires d'une parcelle sur la commune de [Localité 15], cadastrée section [Cadastre 5] jouxtant une parcelle appartenant à la commune, située section [Cadastre 2]. Ces parcelles étaient séparées par un passage qualifié tantôt de 'déversoir' par les époux [N], tantôt comme 'chemin' par la commune, propriétaire de la dite voie.
Au mois de novembre 2012, la commune de [Localité 15], ayant cédé la parcelle [Cadastre 2], a fait réaliser des travaux sur le dit passage par I'entreprise Bouquet.
Par jugement en date du 17 avril 2014, le tribunal d'instance d'Albi, sur saisine de la commune de [Localité 15], a :
- ordonné le bornage des parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 1], propriété des époux [N], d'avec le déversoir relevant du dommaine privé de la commune de [Localité 15] ;
- ordonné le bornage de la parcelle cadastrée section [Cadastre 6], propriété des époux [N], d'avec le chemin rural de [Adresse 16] relevant du domaine privé de la commune de [Localité 15]
- ordonné une expertise et désigné M. [A] pour y procéder.
Le rapport d'expertise a été déposé le 15 mai 2015.
Le 5 mars 2018, le tribunal d'instance d'Albi - saisi en lecture de ce rapport - a homologué les conclusions et a fixé les limites entre les dites parcelles aux points A, B, C, D, E et F en bas de talus selon plan annexé au rapport.
Par jugement en date du 5 mars 2018, le tribunal d'instance d'Albi a :
- homologué en tous points le rapport d'expertise judiciaire de M. [A] ;
- dit que les limites seront fixées :
# entre les parcelles section [Cadastre 5] et [Cadastre 1] et le déversoir, aux points A, B, C, D, E et F, en bas de talus,
# entre la parcelle section [Cadastre 6] et le chemin de [Adresse 16], aux points G et H,
et ce conformément aux plans n° 1 et n° 2 qui seront annexés au jugement ;
- rappelé que la haie située dans l'axe du fossé servant de délimitation entre la parcelle section [Cadastre 6] et le chemin de [Adresse 16], est mitoyenne et devra être entretenue à frais communs entre la commune de [Localité 15] d'une part et les époux [N] d'autre part ;
- débouté les époux [N] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- dt que les frais de bornage judiciaire et les dépens seront partagés par moitié entre la commune de [Localité 15] d'une part et les époux [N] d'autre part.
Par acte d'huissier en date du 4 décembre 2017, M et Mme [N] ont fait assigner la commune de [Localité 15] devant le tribunal de grande instance d'Albi au motif que les travaux menés sur le passage litigieux par la commune avaient causé des désordres sur leur propriété.
Par acte notarié en date du 20 avril 2018, M. [N] a fait don de la nue-propriété d'une maison d'habitation avec terrain attenant cadastrés [Cadastre 11], [Cadastre 5], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10] et [Cadastre 6] à son fils adoptif, M. [W] [C]-[N].
M.[N] est décédé le 5 mars 2019. M. [W] [C]-[N] a poursuivi l'instance en cours par conclusions de reprise volontaire d'instance.
Par jugement contradictoire du 6 août 2020, le tribunal judiciaire d'Albi a :
- condamné la commune de [Localité 15] à restituer la part de la parcelle empiétée sur la propriété des consorts [N] cadastrée [Cadastre 5], selon bornage établi par expertise judiciaire du 15 mai 2015 de M. [A] et homologué par décision du tribunal d'instance d'Albi du 5 mars 2018, aux frais de la commune et sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du délai d'un mois suivant la signification du jugement et pendant une durée de trois mois ;
- rejeté toutes plus amples demandes ;
- condamné la commune de [Localité 15] a payer à M. [W] [C]-[N] et Mme [E] [R] veuve [N] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la commune de [Localité 15] aux entiers dépens ;
- ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration en date du 3 septembre 2020, Mme [E] [R] veuve [N] et M.[W] [C]-[N] ont relevé appel de ce jugement en ce qu'il a refusé d'accorder les justes demandes de dommages et intérêts en raison du préjudice que les appelants ont subi.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 15 novembre 2022, Mme [E] [R] veuve [N] et M. [W] [C]-[N], appelants, demandent à la cour, au visa des articles 1240 et suivants du code civil, de :
- confirmant l'empiétement commis par la commune et sa condamnation à restituer la parcelle empiétée, en portant l'astreinte définitive à 200 euros par jour de retard,
- ordonner le rétablissement des bornes aux frais avancés de la commune sous la même astreinte ;
Et en cas de tous faits nouveaux empiétements avec franchissement des bornes ou limites
fixer les dommages-intérêts forfaitaires à 5000 euros ;
- réformer le jugement sur la réparation du préjudice matériel en condamnant la commune de [Localité 15] à payer la somme de 21 838,05 euros TTC pour la reconstruction du mur qui se fera sur la limite divisoire des fonds tel que résultant du rapport d'expertise de M. [A] ;
- condamner la commune de [Localité 15] à 6000 euros de dommages et intérêts pour l'ensemble des préjudices qu'ils ont subis tel que résultant des motifs des présentes conclusions ;
- confirmer la condamnation au titre de l'article 700 de 1ère instance qui devra être complétée par une condamnation supplémentaire de 3000 euros au titre de l'article 700 pour la procédure d'appel ;
- condamner la commune de [Localité 15] aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.
Mme veuve [N] et M. [C]-[N] rappellent la chronologie du litige depuis l'année 2012.
Ils font valoir que l'ensemble des documents produits en première instance, et plus particulièrement le rapport d'expertise judiciaire et le procès-verbal de constat de Maître [D], ont permis de déterminer que les travaux entrepris par la commune de [Localité 15] avaient bien entraîné un empiétement sur leur propriété, que bien que n'ayant pas fait d'appel principal, la commune a fait appel incident sur la restitution de la parcelle [Cadastre 5] afin d'utiliser le maximum de largeur pour aboutir à un terrain autrefois non constructible dans un intérêt totalement privé, le déversoir étant trop étroit.
Ils sollicitent sur ce point la confirmation de la décision du tribunal, confirmation d'autant plus justifiée que la commune persiste dans ses errements et qu'ils ont dû faire dresser le 3 mai 2021 un nouveau procès-verbal de constat d'huissier démontrant l'usage d'engins de chantier qui empiètent sur leur propriété, le piétinement des bornes rouges et la présence des murets en partie dissimulés par la haie.
Ils insistent sur l'importance de leur préjudice qui découle du refus de la commune d'avaliser le rapport d'expertise, de l'empiètement qui perdure, des dégradations commises (destruction de végétaux, d'un mur en briques foraines et d'une gloriett contenant une statuette de la vierge). Ils fournissent divers éléments de preuve afin d'établir et confirmer la preuve de la réalité et de l'importance des préjudices allégués.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 mai 2022, la commune de [Localité 15], intimée, demande à la cour, au visa de l'article 1240 du code civil, de :
- déclarer qu'elle s'est conformée au bornage fixé par M. [A], expert judiciaire, et homologué par le tribunal d'instance d'Albi par jugement du 5 mars 2018 ;
- en conséquence, déclarer qu'il n'y pas lieu à restitution de parcelle ;
- rejeter la demande de réformation du jugement dont appel ;
- confirmer jugement dont appel en ce qu'il a rejeté les demandes de M. et Mme [C]-[N]-[R] en sa condamnation au versement d'une somme de 21 383,05 € au titre du préjudice matériel allégué et d'une somme de 5 000 € au titre du préjudice moral allégué ;
- rejeter la demande de condamnation de la commune au rétablissement des bornes à ses frais avancés et sous astreinte ;
- rejeter la demande de fixation de dommages et intérêts forfaitaires à 5 000 € en cas de nouvel empiètement avec franchissement de bornes ou de limites ;
- rejeter la demande en sa condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner solidairement M. [C]-[N] et Mme [R] [N] à lui verser la somme de 3 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner solidairement M. [C]-[N] et Mme [R] [N] au paiement des entiers dépens.
La commune expose qu'elle a souhaité mettre un terme au contentieux entre les parties et qu'elle n'a donc pas interjeté appel du jugement du 6 août 2020, qu'à supposer même qu'il y ait eu empiétement lors de la réalisation des travaux, celui-ci n'a pu consister qu'en des dépôts de terre en limite parcellaire lors du creusement de la tranchée et de l'évacuation de l'ancien réseau et de la coupe de quelques branches, que la cour pourra constater que les limites du passage du déversoir après la réalisation des travaux respectent bien les bornes placées par l'expert. Elle soutient que les appelants entretiennent la confusion sur le prétendu empiètement alors même que les différents procès-verbaux de constat d'huissier démontrent l'absence de tout empiétement et le respect des bornes mises en place par l'expert judiciaire. Elle conteste être responsable des dégradations et enlèvements de bornes constatées par les huissiers. Elle indique qu'à la suite de son assignation devant le juge de l'exécution, elle a mandaté le 6 septembre 2022 un géomètre-expert et un huissier de justice qui ont pu constater le respect des limites de propriété et que seule manquait la borne intermédiaire D' , laquelle a été arrachée à l'occasion des travaux réalisés par M. [H], propriétaire de la parcelle [Cadastre 2]. Sur le nouveau procès-verbal de constat d'huissier du 4 novembre 2022 évoquant 'l'intervention récente d'une entreprise pour goudronner le chemin, y compris sur la parcelle des requérants', elle explique qu'elle ne persiste pas dans un quelconque empiètement et ne tente pas de le pérenniser par un bitumage et que le déversement malencontreux de goudron et de gravillons au-delà de la limite de propriété résulte d'une maladresse de l'entreprise liée à la configuration des lieux et à l'absence de matérialisation claire de la limite de propriété.
Elle sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qui concerne le rejet de la demande de dommages et intérêts des consorts [N], les dommages allégués n'étant selon elle toujours pas démontrés, qu'il s'agisse de la gloriette contenant une statuette de la vierge, du mur en brique foraine ou du préjudice moral.
MOTIFS
La limite de propriété entre les parcelles section [Cadastre 5] et [Cadastre 1] appartenant aux consorts [N] et le déversoir, a été définitivement fixée par le jugement du tribunal de grande instance d'Albi en date du 5 mars 2018 qui a homologué en tous points le rapport d'expertise judiciaire de M. [A] du 15 mai 2015.
Pour la bonne compréhension du litige, il convient de rappeler certains éléments de ce rapport, page 14 :
'Il existe à l'aspect sud de la limite litigieuse aux points A et B, des éléments bâtis, en briques foraines anciennes délimitant avec précision la parcelle [Cadastre 5] du passage communal. Ces éléments peuvent être considérés comme fiables et ne sont pas contestés par les parties.
L'état actuel des lieux ne permet pas de définir avec précision l'état avant les travaux réalisés par la mairie. Il apparaît que le talus a fait l'objet d'un débroussaillage et que la limite de fait était constituée par un muret en briques foraines lequel a été détruit, sauf à l'extrémité sud-est de la parcelle [Cadastre 5]. Selon les dires de Mme [N], ce muret longeait le bas de talus jusqu'au bas de la parcelle. Cet aspect n'est plus vérifiable actuellement mais la position du muret en bas de talus au sud-est de la parcelle peut laisser supposer que ce muret se prolongeait en bas de talus vers le nord de la parcelle.
Pour la détermination de la limite de propriété, je fais les constatations suivantes :
- l'état des lieux initial a été probablement modifié des deux côtés du passage communal, à l'exception de l'angle sud-est de la limite litigieuse ;
- la parcelle [Cadastre 2] bordant l'autre côté du passage litigieux a été bornée et l'application cadastrale sur le plan de l'état des lieux révèle que la limite bornée est compatible avec celle figurant sur le plan cadastral ;
- l'application de la cote de repérage de l'esquisse cadastrale de 1975 donne une limite en haut de talus, voire à l'intérieur de la parcelle [Cadastre 5] au niveau du point E ce qui n'est pas compatible avec l'état des lieux et la possession ;
- l'existence de vestiges d'un muret de briques foraines semble indiquer qu'il y avait une limite de fait en pied de talus partant de ce muret, le point D peut être considéré comme un point fixe sur lequel appuyer la délimitation ;
- l'application cadastrale après mesurage des parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 1] donne une limite traversant le talus en biais, ce qui n'est pas compatible avec l'élément décrit précédemment ;
- l'application de la largeur du chemin mesurée sur le plan cadastral, à partir de la limite opposée, correspond approximativement à l'actuel pied de talus, elle est cohérente avec les vestiges de mur aux points C et D ainsi qu'avec le bas de talus actuel du côté nord , au point E.
En conséquence de quoi la limite proposée est la ligne A, B, C, D, E, F, le point F ne délimitant pas le domaine public au droit du chemin Fon des Bosc, ce point devant être déterminé par une demande d'alignement individuel.'
En application du jugement du tribunal d'instance d'Albi du 5 mars2018, M. [A] a établi un plan de recollement suite à l'implantation du 11 mars 2019.
Sur l'empiétement
Le tribunal a condamné la commune de [Localité 15] à restituer la part de la parcelle empiétée sur la propriété des consorts [N] cadastrée [Cadastre 5], selon bornage établi par expertise judiciaire du 15 mai 2015 de M. [A] et homologué par décision du tribunal d'instance d'Albi du 5 mars 2018, aux frais de la commune et sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du délai d'un mois suivant la signification du jugement et pendant une durée de trois mois.
Les consorts [N] n'ont pas interjeté appel en ce qui concerne cette disposition du jugement.
La commune de [Localité 15] indique qu'elle a fait le choix de ne pas interjeter appel dans la mesure où l'aménagement du chemin respectait les limites fixées par l'expert judiciaire.
Elle demande toutefois à la cour, dans le dispositif de ses conclusions, de déclarer qu'elle s'est conformée au bornage fixé par M. [A] et homologué par le tribunal d'instance d'Albi, et de déclarer en conséquence qu'il n'y a pas lieu à restitution de parcelle, ce qui constitue un appel incident sur lequel il y a lieu de statuer.
Pour statuer ainsi, le premier juge :
- a constaté que le bornage réalisé par l'expert judiciaire faisait état d'une limite de propriété en bas de talus et établissait une largeur de chemin appartenant à la commune de 3,61 mètres au tournant du chemin Fon del Bosc à 2,20 mètres au niveau de l'angle du mur existant ;
- a relevé que suivant procès-verbal de constat en date du 12 mars 2013, Maître [D], huissier de justice à [Localité 12], avait constaté que 'le chemin fraîchement aménagé entre la parcelle [Cadastre 5] et la parcelle [Cadastre 2] présente une largeur moyenne de 3,50 mètres, à l'entrée côté route sa largeur est d'environ 6 mètres cinquante ' ;
- a également relevé que l'expert judiciaire avait constaté en 2015 que 'l'état des lieux initial a été probablement modifié des deux côtés du passage communal, à l'exception de l'angle sud-est de la limite litigieuse. La parcelle [Cadastre 2] bordant l'autre côté du passage litigieux a été bornée et l'application cadastrale sur le plan de l'état des lieux révèle que la limite bornée est compatible avec celle figurant au plan cadastral' ;
- en a conclu qu'il était donc manifeste que les travaux avaient entraîné un empiétement sur la propriété des consorts [N] dont l'expert notait que l'état des lieux et la possession justifiaient le bornage tel que réalisé, et que quand bien même le bornage avait été réalisé postérieurement aux travaux, la présence du talus, des arbres et des vestiges de murs en briques foraines démontraient l'existence d'une possession des consorts [N] et un risque d'empiétement de la commune.
En l'absence d'éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime qu'au 6 août 2020, date du jugement dont appel, le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties. Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en ce qui concerne cette disposition.
En revanche, il n'y a pas lieu, s'agissant de cette disposition du jugement, de fixer une nouvelle astreinte dès lors que le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Albi a été saisi par les consorts [N] par acte du 30 juin 2022 en liquidation d'astreinte et fixation d'une nouvelle astreinte (RG n° 22/01022).
Il convient désormais de statuer sur les deux autres demandes formées à ce titre par les consorts [N] en cause d'appel, à savoir :
- ordonner le rétablissement des bornes aux frais avancés de la commune, sous la même astreinte;
- en cas de tous faits nouveaux d'empiétement avec franchissement des bornes ou limites, fixer les dommages et intérêts forfaitaires à 5000 € .
Suivant procès-verbal en date du 3 mai 2021, Maître [K], huissier de justice, a constaté à la demande des consorts [N] (pièce n° 19) :
- qu'à son arrivée sur la propriété des consorts [N], un camion toupie était en train de livrer du béton et stationnait sur le chemin aménagé, une des roues avant droite se trouvant juste au-dessus d'une borne dont le capuchon signalétique était fortement incliné ;
- que sur la parcelle [Cadastre 2], un gros engin à chenilles était en train de forer des trous dans lesquels des pieux béton étaient coulés ; que des traces d'engin empiétaient sur la parcelle des requérants, sur une largeur d'un mètre environ ; qu'il notait la présence de lauriers écrasés sur cette même bande ; qu'il constatait en limite haute de la propriété la présence d'une souche et d'un arbre partiellement débité, M. [C]-[N] lui expliquant que pour réaliser le chemin d'accès l'entrepreneur avait coupé les racines d'un grand acacia qui s'était abattu à la première tempête et que quelque temps plus tard l'arbre voisin dont les racines étaient maintenues par l'acacia avait chuté à son tour ;
- que le chemin d'accès était limité côté parcelle [Cadastre 2] par la présence d'une souche qui formait un obstacle naturel à l'élargissement de ce côté ;
- qu'en bordure du chemin Fon del Bosc, la largeur du passage entre les parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 5] se limitait à 3,80 mètres au niveau des compteurs électriques ; que la borne rouge posée par l'expert judiciare au début du chemin avait été piétinée.
Suivant procès-verbal en date du 23 mars 2022, Maître [K], a constaté à la demande des consorts [N] (pièce n° 35) :
- que les bornes désignées C et D sur le plan de bornage judiciaire étaient de type OGE, fixées à l'aide d'un piquet ; que la languette de visibilité en plastique de la borne D était détériorée et déformée, de toute évidence par le passage de véhicules ; que la borne C semblait intacte mais que des traces de passage d'engins étaient visibles sur la propriété des requérants ;
- que lors de ses opérations, M. [O] [H], propriétaire de la parcelle [Cadastre 2], lui avait indiqué que le fourgon du plombier s'était trouvé embourbé et avait été contraint de faire appel à un engin de chantier pour se dégager, que l'accès à sa maison était difficile, même avec un véhicule léger ;
- que M. [H] lui avait également confirmé que la borne D', introuvable, avait été arrachée, et que deux piquets plantés pour matérialiser la propriété [N] avec de la Rubalise avaient été arrachés pour faciliter le travail de l'engin ;
- que la borne E restait visible mais que la languette de la borne matérialisée en F sur le plan était totalement écrasée.
Suivant procès-verbal en date du 4 novembre 2022, Maître [K] a constaté à la demande des consorts [N] (pièce n° 38) :
- que la commune de [Localité 15] avait fait goudronner l'impasse du chemin creux bordant leur parcelle ;
- que par rapport aux bornes D et E figurant sur la plan du géomètre, signalées par des piquets reliés par une rubalise, du gravillon avait été déversé sur une longueur de 12,80 m et sur une largeur variant de quelques centimètres à 85 centimètres, que des traces de goudron étaient visibles à 45 centimètres à l'intérieur de la propriété [N].
La commune de [Localité 15] produit quant à elle, datés du 6 septembre 2022, un relevé d'état des lieux de la limite du chemin communal au droit de la parcelle [Cadastre 5] établi par M. [J], géomètre-expert, et un procès-verbal de constat dressé à sa demande par Maître [X], huissier de justice (pièces n° 15 et 16).
M. [J] indique que les lieux sont dans un état identique à celui résultant du plan de récolement de M. [A] du 11 mars 2019, que la borne intermédiaire D' n'a pas été retrouvée et que sa réimplantation devra faire l'objet d'une procédure de rétablissement de limite.
Maître [X] décrit quant à lui un chemin empierré d'une longueur de 25 mètres permettant l'accès depuis [Adresse 13] à la propriété [H] (parcelle [Cadastre 2]). Il indique qu'en suivant les quatre bornes OGE situées en bordure de chemin et de la parcelle [Cadastre 5], le chemin communal n'empiète pas sur cette parcelle.
Ces constatations sont antérieures à celles de Maître [K] du 4 novembre 2022 qui a pu constater que le chemin avait été goudronné.
Il ressort de ces éléments d'appréciation que postérieurement au jugement du 6 août 2020, la propriété des consorts [N] a continué à faire l'objet de divers empiétements et dégradations, certes moins importants que les précédents, dont la commune de [Localité 15] est responsable.
Celle-ci est en effet propriétaire du chemin litigieux séparant la propriété des consorts [N] de la parcelle [Cadastre 2] vendue à M. [H] pour y construire une maison d'habitation. Vis-à-vis des consorts [N], elle est seule responsable des empiétements et dommages trouvant leur origine dans ce chemin, sans pouvoir rejeter cette responsabilité sur M. [H] ou sur les entreprises chargées d'effectuer les travaux de construction ou de goudronnage du chemin. Au demeurant, il apparaît que les difficultés trouvent leur origine dans l'insuffisance de la largeur du chemin, M. [H] indiquant lui-même que l'accès à sa maison était difficile, même avec un véhicule léger.
En l'état actuel du litige, il y a lieu d'ordonner le rétablissement de la borne intermédiaire D' aux frais de la commune de [Localité 15], dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 100 € par jour de retard pendant 90 jours.
La demande de condamnation forfaitaire au paiement de la somme de 5000 € pour toute nouvelle emprise sur la propriété [N] doit être rejetée. Tous les dommages subis par les consorts [N] à la date de l'audience sont pris en compte dans le présent arrêt. Dans l'hypothèse d'un nouvel empiètement ou de nouveaux dommages subis par leur propriété, il leur appartiendra de saisir à nouveau le tribunal.
Sur la demande de dommages et intérêts
Les consorts [N] sollicitaient en première instance la condamnation de la commune au paiement de la somme de 21.838,05 € au titre de la réparation de leur préjudice matériel et de la somme de 5000 € au titre de leur préjudice moral. Ils reprochaient à la commune la destruction de végétaux, d'un mur en briques foraines et d'une gloriette contenant une statuette de la vierge.
Le premier juge a rappelé le contenu des procès-verbaux de constat de maître [D] en date du 13 décembre 2012 et de maître [G] en date du 18 avril 2013, ainsi que des attestations de M et Mme [S] :
- 'Sur le talus de la parcelle [Cadastre 5], à l'entrée du chemin, des branches de divers arbustes ont été coupées, d'autres présentent des traces de scie. Une branche de cèdre du Liban a également été coupée. Au sol des branches de buis et de houe. Toujours sur le même talus nous notons la présence d'une souche de 'Laurier du Portugal' ayant fait l'objet d'un abattage récent ' (procès-verbal de Maître [D]) ;
- 'Une tranchée a été creusée dans le dit chemin. Des monticules de terre sont stockés le long de la tranchée, côté parcelle [Cadastre 5]. Des racines et radicules émergent à nu dansla tranchée. Plusieurs branches d'arbres et d'arbustes prenant racine dansla parcelle [Cadastre 5] sont cassées ou élaguées ' ( procès-verbal de Maître [G]) ;
- 'l'endroit est composé d'un talus de buis et laurier Thym ' et de 'haies et petites allées de buis pas très bien entretenues' (attestations [S]).
Il en a justement conclu qu'il était manifeste, compte tenu de la date des constats d'huissiers, du peu d'entretien réalisé par les consorts [N] et de l'ampleur des travaux démontrée par les photographies communiquées à la procédure, que la commune était à l'origine de l'abattage des arbres constaté par huissier de justice, ce qui d'ailleurs démontrait un peu plus l'empiétement réalisé.
Par ailleurs, en l'absence d'éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en estimant que la preuve du lien de causalité entre les travaux de la commune et la dégradation du muret et de la gloriette faisait défaut.
Les consorts [N] ont été déboutés de leur demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel au motif que le préjudice dont l'indemnisation était sollicitée n'était constitué que par le coût de reconstruction du mur de clôture évalué à 21.838,05 € TTC par M. [B].
Le rejet de cette demande doit être confirmé.
En cause d'appel, les consorts [N] sollicitent l'allocation de la somme de 6000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l'ensemble des préjudices subis tels que résultant de leurs conclusions.
Il apparaît que la perte de plusieurs arbres et arbustes constatée par le premier juge, les conditions dans lesquelles se sont déroulés les travaux de réalisation du chemin, avec de multiples empiétements sur la propriété [N], mis en évidence par les photographies versées au débat, l'obligation dans laquelle se sont trouvés les consorts [N] de faire constater par huissier au fur et à mesure de l'avancement des travaux les empiétements et dégradations, les dégradations et disparitions de bornes, et le non-respect persistant de leur droit de propriété, leur ont causé des troubles de jouissance, de nombreux désagréments et un préjudice moral justifiant la condamnation de la commune au paiement de la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts.
Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
La commune de [Localité 15], partie principalement perdante, doit supporter les dépens de première instance, ainsi que décidé par le premier juge, et les dépens d'appel.
Elle se trouve redevable d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, que le premier juge a justement estimée au titre de la procédure de première instance, et dans les conditions définies par le dispositif du présent arrêt au titre de la procédure d'appel.
Elle ne peut elle-même prétendre à une indemnité sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire d'Albi en date du 6 août 2020, sauf en ce qu'il a débouteé les consorts [N] de leur demande de dommages et intérêts formée au titre du préjudice moral.
Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,
Ordonne le rétablissement de la borne intermédiaire D' aux frais de la commune de [Localité 15], dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 100 € par jour de retard pendant 90 jours.
Déboute les consorts [N] de leur demande de condamnation forfaitaire au paiement de la somme de 5000 € pour toute nouvelle emprise sur leur propriété [N].
Condamne la commune de [Localité 15] à payer à Mme [R] veuve [N] et à M. [C]-[N], pris ensemble, la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts.
Condamne la commune de [Localité 15] aux dépens d'appel.
Condamne la commune de [Localité 15] à payer à Mme [R] veuve [N] et à M. [C]-[N], pris ensemble, la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée à ce titre par le premier juge.
Déboute la commune de [Localité 15] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président
N. DIABY M. DEFIX