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05/04/2023 | FRANCE | N°19/03615

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 05 avril 2023, 19/03615


05/04/2023





ARRÊT N° 242/2023



N° RG 19/03615 - N° Portalis DBVI-V-B7D-ND6Z

OS/MB



Décision déférée du 02 Octobre 2018 - Tribunal de Grande Instance d'ALBI - 17/00148

Mme RAINSART

















S.A. CNP ASSURANCES





C/



[W] [K] épouse [I]

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD MI DI PYRENEES






























>





























CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANTE



S.A. CNP ASSURANCES

[Adresse 2]

[Localité ...

05/04/2023

ARRÊT N° 242/2023

N° RG 19/03615 - N° Portalis DBVI-V-B7D-ND6Z

OS/MB

Décision déférée du 02 Octobre 2018 - Tribunal de Grande Instance d'ALBI - 17/00148

Mme RAINSART

S.A. CNP ASSURANCES

C/

[W] [K] épouse [I]

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD MI DI PYRENEES

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

S.A. CNP ASSURANCES

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Philippe REYNAUD de la SCP PALAZY-BRU ET ASSOCIES, avocat au barreau D'ALBI

INTIMEES

Madame [W] [K] épouse [I]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Laure LEONI, avocat au barreau D'ALBI

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD MIDI PYRENEES société coopérative à capital variable représentée par son représentant légal domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Karine GROS de la SCP MAIGNIAL GROS DELHEURE MARTINET-GAMBAROTTO, avocat au barreau D'ALBI

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant O.STIENNE et E. VET, Conseillers chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BENEIX-BACHER, président

O. STIENNE, conseiller

E.VET, conseiller

Greffier, lors des débats : M. BUTEL

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre.

FAITS

Le 5 septembre 2003, Mme [W] [I], née [K], alors âgée de 37 ans, et son époux ont souscrit une assurance auprès de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel nord Midi-Pyrénées (la CRCA) et de la S.A. CNP Assurances, adossée à la souscription d'un prêt immobilier à usage locatif d'un montant de 218.422,80 €, remboursable en 180 mensualités.

Mme [I], agent hospitalier, a été placée en arrêt de travail à compter du 6 mai 2013 et le 28 octobre 2014, la CPAM du Tarn lui a notifié la prise en charge de son affection comme maladie professionnelle au titre d'une invalidité de 2ième catégorie. Le 20 janvier 2015, elle a été licenciée pour inaptitude.

PROCEDURE

Par actes en date du 17 janvier 2017, Mme [I] née [K] a fait assigner la S.A. CNP Assurances et la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Midi-Pyrénées devant le tribunal de grande instance d'Albi pour obtenir sur le fondement des articles 1147 et 1154 du code civil, L140-4 ancien, et L141-1 à L141-4 du code des assurances et 312-9 du code de la consommation,

A titre principal, essentiellement,

*la condamnation de la CNP Assurances à :

- solder le prêt n° 11280918656 en capital et intérêts soit la somme de 113 690,97 euros au titre de la prise en charge de la garantie invalidité totale et définitive arrêtée à la date du 1er décembre 2014,

- prendre en charge rétroactivement à compter du 1er décembre 2014 les échéances de prêt n° 11280918656 qui ont été indûment payées par Mme [I] entre le 1er décembre 2014 et la date du jugement à venir,

- à payer à Mme [I] les sommes qui ont été indûment payées au titre de l'assurance couverture de prêt de la date de la saisine du tribunal à la date du jugement à venir,

Subsidiairement,essentiellement, au titre de son manquement à l'obligation d'information et de conseil, la condamnation de la banque à verser la somme

correspondant au montant qui aurait été pris en charge par la CNP si Mme [I] avait été couverte au titre de l'invalidité totale définitive (ITD).

Par jugement du 02 octobre 2018, le tribunal de grande instance d'Albi a :

- constaté que la S.A. CNP Assurances n'a pas fourni à Mme [W] [K] épouse [I] une notice d'information délimitant clairement les garanties souscrites par elle,

- dit qu'en conséquence aucune limite ou restriction relative aux garanties souscrites ne peut être opposée à Mme [W] [K] épouse [I],

- condamné la S.A. CNP Assurances à solder le prêt n° 11280918656 en capital et intérêts soit la somme de 113 690,97 euros au titre de la prise en charge de la garantie invalidité totale et définitive arrêtée au 1er décembre 2014,

- condamné la S.A. CNP Assurances à prendre en charge les échéances du prêt 11280918656 et les sommes au titre de l'assurance à compter du 1er décembre 2014,

- dit que l'ensemble de ces sommes porteront intérêt au taux légal conventionnel à compter de la présente décision,

- débouté les parties de leurs plus amples demandes,

- condamné la S.A. CNP Assurances à payer à Mme [W] [K] épouse [I] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la S.A. CNP Assurances aux entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

*

Par déclaration en date du 30 juillet 2019, la S.A. CNP Assurances a interjeté appel du jugement, sollicitant sa réformation en ce qu'il a :

- jugé que la CNP ne pouvait opposer aucune limite ou aux restrictions relatives aux garanties souscrites à Mme [W] [K] épouse [I],

- condamné la CNP à offrir sa garantie, nonobstant la renonciation à la garantie ITT formulée par l'emprunteur,

- en ce qu'elle a été condamnée à payer 2 fois les mêmes choses à savoir d'une part solder le prêt en capital et intérêts soit la somme de 113 690,97 euros au titre de la prise en charge de la garantie invalidité totale et définitive arrêté au 1er décembre 2014 et d'autre part à prendre en charge les échéances du même prêt et les sommes au titre de l'assurance à compter du 1er décembre 2014, alors même que Mme [I] ne démontre pas que son état de santé réunit les conditions de la garatnie, le seul constat de la perception d'une pension d'invalidité de 2ième catégorie étant insuffisant à démontrer la réunion des conditions prévues au contrat.

Par arrêt du 19 mai 2021, la cour d'appel de Toulouse a :

Confirmé le jugement déféré en ce qu'il a dit que la CNP Assurances n'a pas fourni à Mme [W] [K] épouse [I] une notice d'information délimitant clairement les garanties souscrites par elle et dit qu'en conséquence aucune limite ou restriction relative aux garanties souscrites ne peut être opposée à Madame [W] [K] épouse [I],

Infirmé le jugement entrepris pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que la police souscrite par Mme [I] auprès de la société CNP Assurances couvre le risque invalidité totale et définitive,

Dit que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Midi Pyrénées a engagé sa responsabilité contractuelle envers Mme [I],

Avant dire droit, sur l'état d'invalidité totale et définitive de Mme [I], tous droits et moyens des parties demeurant réservés:

Ordonné une mesure d'expertise médicale laquelle aura pour mission de :

1) se faire communiquer l'entier dossier médical de Mme [I],

2) procéder à son examen,

3) dire s'il se trouve dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée lui donnant gain ou profit, et le cas échéant, depuis quelle date,

4) dire si son état de santé est consolidé, au sens des conditions générales du contrat d'assurance et, le cas échéant, depuis quelle date,

Réservé le surplus des demandes relatif aux dommages et intérêts à l'encontre de la banque,au cours des intérêts au taux légal conventionnel à compter de la délivrance de l'assignation outre capitalisation conformément à l'article 1154 du code civil,

Réservé les frais irrépétibles et les dépens.

**

L'expert judiciaire, le Dr [V] a déposé son rapport le 1er décembre 2021.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

La S.A CNP Assurances, dans ses dernières écritures en date du 28 janvier 2022, demande à la cour de :

A titre principal,

- homologuer le rapport d'expertise médicale du docteur [V] en date du 30 novembre 2021,

- constater que Mme [W] [K] épouse [I] n'est pas dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée lui donnant gain ou profit,

En conséquence,

- reformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Albi en date du 02 octobre 2018 en ce qu'il a condamné la CNP,

- débouter Mme [W] [K] épouse [I] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

En tout état de cause,

- reformer le jugement du 02 octobre 2018 en ce qu'il a condamné la CNP à payer d'une part, la somme de 113 690, 97 € et d'autre part à prendre en charge les échéances de prêt et les sommes au titre de l'assurance à compter du 1er décembre 2014,

- condamner Mme [W] [K] épouse [I] au paiement de la somme de 2 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle soutient essentiellement que :

- la cour a considéré que la police d'assurance couvrait bien le risque Invalidité Totale et Définitive mais a infirmé la décision des premiers juges et a jugé que les définitions comprises dans les conditions générales sont parfaitement opposables à l'assuré,

- la définition de l'invalidité totale définitive (ITD) est parfaitement claire,

- Mme [K] est couverte, si tant est que les conditions le permettent, pour le risque dans les conditions définies aux conditions générales d'assurance qui lui sont opposables,

- si Mme [K] perçoit bien une pension d'invalidité de 2 ième catégorie, elle ne se trouve pas pour autant dans l'impossiblité définitive de se livrer à toute occupation et à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit ; sa demande au titre de la garantie ITD est donc infondée,

Subsidiairement,si la cour retenait que Mme [K] remplit les conditions de la garantie ITD, le jugement devra être infirmé en ce qu'il a condamné l'assureur à indemniser par deux fois les échéances du prêt .

*

Mme [W] [K] épouse [I], dans ses dernières écritures en date du 13 février 2022, demande à la cour au visa des articles 1147 et 1154 du code civil, de :

A titre principal,

- dire que Mme [I] se trouve dans l'incapacité d'exercer une activité lui donnant gain et/ou profits,

- qu'en tout état de cause, c'est à la date du 1er décembre 2014 que la cour doit se placer pour juger de l'invalidé définitive de Mme [I],

- condamner en conséquence les CNP assurances à verser directement à Mme [I] la somme de 113 690,97 euros correspondant au prêt

n° 11280918656 en capital et intérêts au titre de la prise en charge de la garantie invalidité totale et définitive arrêté à la date du 1er décembre 2014,

- condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Nord Midi-Pyrénées à payer à Mme [I] la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- dire et juger que les condamnations porteront intérêts au taux légal conventionnel à compter de la délivrance de l'assignation,

- dire et juger que les intérêts seront capitalisés conformément à l'article 1154 du code civil,

- condamner les défenderesses au paiement de la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en sus des 1500 euros accordés en 1ère instance et aux entiers dépens,

- dire et juger que l'ensemble des condamnations sera supporté in solidum par les défenderesses,

A titre subsidiaire,

- confirmer que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Nord Midi-Pyrénées a commis une faute dans le cadre de son obligation d'information et de conseil qui constitue une perte de chance indiscutable pour Mme [I],

- juger qu'il y a un lien de causalité entre la faute de la banque et le préjudice subi par Mme [I],

- condamner en conséquence la banque à réparer ce préjudice,

- condamner en conséquence le Crédit Agricole à verser la somme de 113 690,90 euros à Mme [I] correspondant au montant qui aurait été pris en charge par la CNP si Mme [I] avait été couverte au titre de l'invalidité totale et définitive (ITD),

- condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Nord Midi-Pyrénées à payer à Mme [I] la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- dire et juger que les condamnations porteront intérêts au taux légal conventionnel à compter de la délivrance de l'assignation,

- dire et juger que les intérêts seront capitalisés conformément à l'article 1154 du Code civil,

- condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Nord Midi-Pyrénées au paiement de la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

- condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Nord Midi-Pyrénées au paiement des entiers dépens.

Elle fait valoir essentiellement que :

- elle admet l'erreur invoquée par l'appelant sur la double condamnation prononcée par le jugement

- elle remplit les conditions de mise en oeuvre de la garantie ITD ;c'est bien au moment de la mise en invalidité 2ième catégorie réduisant sa mobilité de 2/3 à compter du 1er décembre 2014 qu'il faut se placer pour rembourser le crédit et non au 13 octobre 2021 date de l'expertise ;elle est droitière et ne peut exercer un travail sédentaire, de type secrétariat ou vente ; l'usage régulier de son bras droit est impossible ;elle produit aux débats plusieurs expertises de son rhumatologue en ce sens et la cour n'est pas liée par le rapport d'expertise judiciaire,

-subsidiairement, si la banque avait correctement remplit son obligation de conseil,la garantie aurait trouvé à s'appliquer beaucoup plus tôt, sans procès; l'expertise aurait eu lieu en décembre 2014 et à cette période, tous les médecins étaient unanimes pour retenir qu'elle était dans l'incapacité totale et définitive de se livrer à toute occupation et/ou toute activité rémunérée ou lui donnant gain et profit,

-dûment éclairée par la banque tenue de lui conseiller une couverture adaptée à ses besoins et à sa situation,Mme [K] aurait été en mesure de faire le choix,lors de la souscription du contrat,d' une assurance couvrant l'incapacité totale ou partielle de sorte que sa situation de mobilité réduite l'obligeant à exercer des emplois sédentaires n'aurait pas été un obstacle à une prise en charge ; il existe un lien de causalité entre la faute commise par la banque et le préjudice subi.

*

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Nord Midi-Pyrénées, dans ses dernières écritures en date du 24 février 2022, demande à la cour de :

- vu l'arrêt du 19 mai 2021 et le rapport d'expertise médical

- réformer le jugement rendu en première instance,

- constater que Mme [K] n'est pas dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée lui donnant gain ou profit et qu'elle ne peut donc pas bénéficier de la garantie incapacité totale et définitive,

- constater que Mme [K] ne peut donc se prévaloir d'aucune perte de chance à l'égard dont serait responsable la Caisse Régionale de Crédit Agricole Nord Midi-Pyrénées,

- débouter Mme [K] de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Nord Midi-Pyrénées,

- condamner Mme [I] au paiement de la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Elle soutient essentiellement que :

- à la lecture du rapport d'expertise, Mme [K] ne peut bénéficier de la garantie ITD;

- elle ne démontre pas qu'elle remplit les deux conditions cumulatives à savoir : l'invalidité doit la placer dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit ; la date de réalisation du risque reconnue par l'assureur se situe avant l'âge limite indiqué aux conditions particulières,

-Mme [K] ne peut donc se prévaloir d'aucun préjudice puisqu'elle ne peut bénéficier de la garantie ITD ; l'expert judiciaire a retenu une date de consolidation au 1er décembre 2014 ;son état n'évolue plus depuis cette date et sa capacité à exercer une activité rémunérée est la même à cette date qu'aujourd'hui,

-elle ne peut donc se prévaloir d'une perte de chance et doit être déboutée de ses demandes.

*

L'ordonnance de clôture est intervenue le 31 octobre 2022.

MOTIFS

Sur les demandes formées envers la CNP

Selon l'article 4-2 des conditions générales, opposables à Mme [I] qui sollicite précisément la garantie ITD qu'elles prévoient, l'assuré est en état d'invalidité lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

- l'invalidité dont il est atteint le place dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit,

- la date de réalisation du risque reconnue par l'assureur se situe avant l'âge limite indiqué aux conditions particulières.

La prestation est identique à celle prévue en cas de décès.

Le 28 octobre 2014, Mme [I] étant alors âgée de 48 ans, la CPAM du Tarn lui a notifié à compter du 1er décembre 2014 sa prise en charge au titre d'une invalidité 2ième catégorie, c'est-à-dire un état d'invalidité réduisant des deux tiers au moins sa capacité de travail pour une tendinopathie des muscles épicondyliens du coude droit, inscrite au tableau n° 57 au titre des affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail.

Elle a été licenciée pour inaptitude professionnelle le 20 janvier 2015.

Mme [I] était agent hospitalier au sein d'une clinique depuis 1993.

Lors de l'expertise judiciaire, il est noté qu'elle n'a pas repris d'activité professionnelle.

Après avoir décrit l'ensemble des pièces médicales du dossier de Mme [I], l'expert judiciaire [V] émet dans son rapport du 1er décembre 2021 les conclusions suivantes :

- l'état de Mme [I] peut être considéré comme consolidé à la date de mise en invalidité 2ième catégorie le 1er décembre 2014,

- son état la rend à cette date dans l'impossibilité définitive de se livrer à son activité professionnelle antérieure d'agent hospitalier,

- Mme [I] n'était pas dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et à toute activité rémunérée lui donnant gain ou profit : une activité excluant toute manutention reste possible.

L'expert précise que depuis la mise en invalidité deuxième catégorie du 1er décembre 2014, Mme [I] n'a présenté aucune pathologie rhumatismale réellement évolutive et que son état doit être consolidé à cette date.

L'expert poursuit en relevant que l'association d'un rhumatisme inflammatoire connu depuis 2006 à diverses pathologies douloureuses articulaires, notamment l'épicondylalgie droite, contre indique la reprise de l'activité professionnelle antérieure d'agent hospitalier, particulièrement exigente au plan rachidien.

Il reprend ainsi ce qu'indiquait le Dr [Y], rhumatologue dans son dernier certificat du 27 septembre 2021 selon lequel 'l'état rhumatismal ne permet pas une activité professionnelle antérieure nécessitant manutention ou usage régulier de ce bras droit'.

L'expert estime cependant que l'exercice d'une activité sédentaire (secrétariat, accueil, surveillance, conduite de véhicule, vente ...) reste compatible avec l'état d'invalidité.

Le simple placement en invalidité 2ème catégorie implique un état de santé réduisant d'au moins 2/3 la capacité de travail ou de gain de l'assuré, ne correspond pas obligatoirement à une impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit au sens du contrat ; cet état est en outre susceptible d'être révisé en fonction de l'évolution possible de son état de santé.

Contrairement à ce que soutient Mme [I], l'expert judiciaire a bien analysé sa situation au moment de son placement en invalidité 2ème catégorie le 1er décembre 2014, date qu'il retient d'ailleurs pour la consolidation. Si l'incapacité de Mme [I] à poursuivre son activité professionnelle d'agent hospitalier n'est pas contestée, il n'est pas établi pour autant qu'aucune autre activité professionnelle lui est interdite.

Comme le relève l'expert et ce alors même qu'il a pris en considération le certificat du Dr [Y], l'invalidité de Mme [I] reste compatible avec une activité sédentaire telle que notamment l'accueil, la surveillance, activités excluant toute manutention et usage régulier du bras droit.

Les certificats médicaux rappelés dans l'expertise, contrairement aux dires de Mme [I], ne mentionnent pas une incapacité d'exercer tout emploi.

Mme [I] ne verse au débat aucun élément d'ordre médical ou pièce probante susceptible de remettre en cause les conclusions de l'expert judiciaire.

Dès lors, il convient de retenir que Mme [I] ne peut prétendre à la prise en charge par la CNP de la garantie invalidité totale et définitive.

Elle doit être déboutée en conséquence de ses demandes formées à l'encontre de la S.A. CNP Assurances et le jugement infirmé en ce qu'il a condamné la S.A. CNP Assurances :

- à solder le prêt n° 11280918656 en capital et intérêts soit la somme de 113690,97 euros au titre de la prise en charge de la garantie invalidité totale et définitive arrêté au 1er décembre 2014,

- à prendre en charge les échéances du prêt 11280918656 et les sommes au titre de l'assurance à compter du 1er décembre 2014,

- dit que l'ensemble de ces sommes porteront intérêt au taux légal conventionnel à compter de la présente décision.

A titre subsidiai

Sur les demandes formées envers la banque

En application de l'article 1147 ancien du code civil, il est mis à la charge du souscripteur d'un contrat d'assurance de groupe, une obligation d'information et de conseil, celui-ci devant informer les adhérents sur l'étendue de la garantie souscrite et éclairer les parties sur l'adéquation des risques couverts à leur situation personnelle. Il incombe à la banque de prouver qu'elle a respecté cette obligation d'information en application de l'article 1315, alinéa 2 ancien du code civil.

Le banquier, qui propose à son client auquel il consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation. Le souscripteur est tenu pour responsable du préjudice subi par l'adhérent de ce fait, notamment celui dû à la perte de chance de l'adhérent d'avoir souscrit une garantie plus étendue.

La cour, par arrêt du 19 mai 2021, a dit que la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel Midi Pyrénées avait engagé sa responsabilité contractuelle envers Mme [I], la banque ayant remis à Mme [I] les conditions générales et particulières du contrat d'assurances, sans attirer son attention sur les risques couverts et les risques exclus.

Elle a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, à condition que la preuve soit rapportée de l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Mme [I] soutient que si elle avait été couverte dès la souscription du crédit pour la garantie invalidité totale et définitive, l'expertise aurait eu lieu en décembre 2014, date où tous les médecins reconnaissaient qu'elle était dans l'incapacité totale et définitive de se livrer à toute occupation et/ou toute activité rémunérée ou lui donnant gain et profit.

Cependant, contrairement aux affirmations de Mme [I],il a été retenu,et ce en tenant compte de son état de santé à la date du 1er décembre 2014, qu'elle ne remplissait pas les conditions de la garantie invalidité totale et définitive puisque pouvant exercer certaines activités sédentaires, excluant toute manutention ou usage régulier du bras droit.

L'absence de prise en charge du solde du prêt n'est donc pas en lien de causalité avec la faute de la banque.

Aucun chef de préjudice ne peut être invoqué de ce chef.

Mme [I] soutient également que dûment éclairée par la banque tenue à son égard de lui conseiller une couverture adaptée à ses besoins et à sa situation, elle aurait été en mesure de faire le choix d'une assurance couvrant l'incapacité totale ou partielle, de sorte que sa situation de mobilité réduite l'obligeant à exercer des emplois sédentaires n'aurait pas été un obstacle à une prise en charge.

Le dommage résultant d'un tel manquement consiste en une perte de chance d'être mieux assuré, c'est-à-dire de souscrire une autre assurance ou une assurance complémentaire mieux adaptée à la situation, toute perte de chance ouvrant droit à réparation, sans que l'emprunteur ait à démontrer que, mieux informé et conseillé par la banque, il aurait souscrit de manière certaine une assurance garantissant le risque réalisé.

En l'espèce, précision faite que le préjudice invoqué concerne une période où l'état de santé de Mme [I] est consolidé, seul le risque concernant une invalidité ou une incapacité permanente totale ou partielle pouvait être proposé.

Comme il a été vu auparavant, un contrat d'assurance couvrant la garantie invalidité totale n'aurait pu permettre la prise en charge du prêt eu égard à l'état de santé de Mme [I].

En revanche, la banque aurait dû proposer à Mme [I], eu égard à ses besoins, son âge, sa situation professionnelle et au montant du prêt immobilier souscrit, un contrat couvrant une invalidité ou incapacité permanente et partielle, l'empêchant d'exercer son activité professionnelle antérieure.

Compte tenu de ces éléments, il convient de retenir une perte de chance pour Mme [I] d'avoir pu contracter ce type d'assurance aux fins d'une prise en charge au titre d'une invalidité ou incapacité permanente partielle à hauteur de 30 %.

Les parties s'accordent sur la somme qui était dûe au 1er décembre 2014 au titre du prêt soit 113 690,97 €.

La banque doit en conséquence verser à Mme [I] au titre du préjudice subi en lien de causalité avec son manquement une somme de 34 107,29€, somme arrondie à 34 107,30 € à titre de dommages et intérêts, outre intérêts légaux à compter de la présente décision, date de fixation du préjudice, avec capitalisation des intérêts dûs pour une année entière.

Mme [I] qui ne développe aucun motif au soutien de sa demande en réparation d'un préjudice moral et ne verse au débat aucune pièce démontrant son existence sera déboutée de ce chef de demande.

Sur les demandes annexes

Les dépens de première instance, eu égard au manquement de l'assureur retenu devront rester à sa charge, comme retenu par le jugement critiqué.

Les dépens d'appel, eu égard au sort du litige, seront supportés par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel nord Midi-Pyrénées, excepté les frais d'expertise médicale qui resteront à la charge de Mme [K]-[I].

L'équité commande de condamner la Caisse régionale de crédit agricole mutuel nord Midi-Pyrénées à verser à Mme [K]-[I] la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles en cause d'appel, la décision entreprise étant confirmée en ce qu'elle a condamné la S.A. CNP Assurances à lui verser une somme de 1500€ pour les frais irrépétibles exposés en première instance.

Les autres demandes formées à ce titre doivent être rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 19 mai 2021,

Déboute Mme [W] [K]-[I] de sa demande formée à l'encontre

de la S.A. CNP Assurances au titre de la garantie invalidité totale et définitive.

Infirme en conséquence le jugement en ce qu'il a condamné la S.A. CNP Assurances :

- à solder le prêt n° 11280918656 en capital et intérêts soit la somme de 113690,97 euros au titre de la prise en charge de la garantie invalidité totale et définitive arrêté au 1er décembre 2014,

- à prendre en charge les échéances du prêt 11280918656 et les sommes au titre de l'assurance à compter du 1er décembre 2014,

- dit que l'ensemble de ces sommes porteront intérêt au taux légal conventionnel à compter de la présente décision.

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la S.A. CNP Assurances à verser à Mme [K]-[I] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et l'a condamnée aux dépens de première instance.

Condamne la Caisse régionale de crédit agricole mutuel nord Midi-Pyrénées à verser à Mme [K]-[I] la somme de 34 107,30 € à titre de dommages et intérêts, outre intérêts légaux à compter de la présente décision, et capitalisation des intérêts dûs pour une année entière.

Déboute Mme [K]-[I] de sa demande en dommages et intérêts pour préjudice moral.

Condamne la Caisse régionale de crédit agricole mutuel nord Midi-Pyrénées à verser à Mme [K]-[I]la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles en cause d'appel.

Rejette les autres demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la Caisse régionale de crédit agricole mutuel nord Midi-Pyrénées aux dépens d'appel, excepté les frais d'expertise judiciaire qui resteront à la charge de Mme [K]-[I].

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. BUTEL C. BENEIX-BACHER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/03615
Date de la décision : 05/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-05;19.03615 ?
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