05/04/2023
ARRÊT N° 243/2023
N° RG 21/04986 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OQXQ
EV/MB
Décision déférée du 21 Octobre 2021 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Toulouse - 17/03574
M. [G]
[Z] [P] épouse [L]
[O] [H]
[A] [K]
[Y] [J]
[T] [D]
[W] [D]
C/
Compagnie d'assurance GROUPAMA
Compagnie d'assurance MACIF
Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GA RONNE
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
Madame [Z] [P] épouse [L] venant aux droits de Madame [B] [P] décédée le 31 mai 2018
[Adresse 11]
[Localité 8]
Représentée par Me Arnaud CLARAC, avocat au barreau de TOULOUSE
Monsieur [O] [H]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représenté par Me Arnaud CLARAC, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame [A] [K] venant aux droits de Madame [B] [P] décédée le 31 mai 2018
[Adresse 11]
[Localité 8]
Représentée par Me Arnaud CLARAC, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame [Y] [J] venant aux droits de Madame [B] [P] décédée le 31 mai 2018
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Arnaud CLARAC, avocat au barreau de TOULOUSE
Monsieur [T] [D] venant aux droits de Madame [C] [P] décédée le 18 octobre 2021, qui elle-même venait aux droits de Madame [B] [P] décédée le 31 mai 2018
[Adresse 12]
[Localité 9]
Représenté par Me Arnaud CLARAC, avocat au barreau de TOULOUSE
Monsieur [W] [D] venant aux droits de Madame [C] [P] décédée le 18 octobre 2021, qui elle-même venait aux droits de Madame [B] [P] décédée le 31 mai 2018
[Adresse 10]
[Localité 6]
Représenté par Me Arnaud CLARAC, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEES
Compagnie d'assurance GROUPAMA Prise en la personne de son représentant légal domicilié es-qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Emmanuel GIL de la SCP SCPI BONNECARRERE SERVIERES GIL, avocat au barreau de TOULOUSE
Compagnie d'assurance MACIF
[Adresse 4]
[Localité 13]
Représentée par Me Jacques MONFERRAN de la SCP MONFERRAN-CARRIERE-ESPAGNO, avocat au barreau de TOULOUSE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GA RONNE prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 6]
Assignée le 17/02/2022 à personne morale, sans avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant O. STIENNE et E. VET Conseillers chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
O. STIENNE, conseiller
E.VET, conseiller
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRET :
- REPUTE CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre.
Le 17 octobre 2015, Mme [B] [P], garantie au titre des accidents de la vie auprès des compagnies Macif et Groupama d'Oc, a été retrouvée inerte sur la voie publique devant son domicile. Elle était prise en charge par le service des urgences de l'hôpital Pierre-Paul Riquet.
Le 6 mai 2016, le juge des tutelles du tribunal d'instance de Muret a placé Mme [P] sous tutelle pour une durée de cinq ans, M. [O] [H], son compagnon, étant désigné comme tuteur.
Le 10 novembre 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse a ordonné une expertise médicale confiée au Docteur [S] aux fins de déterminer si la situation médicale de Mme [P] était d'origine accidentelle et d'évaluer son préjudice.
L'expert a déposé son rapport le 15 mai 2017.
Les assureurs ont refusé leur garantie.
Par actes des 6 et 8 septembre 2017, Mme [B] [P] représentée par son tuteur M. [H], a fait assigner les compagnies d'assurance Groupama et Macif et la CPAM de la Haute-Garonne devant le tribunal de grande instance de Toulouse pour obtenir, sur le fondement des anciens articles 1134 et suivants du code civil, la condamnation de la compagnie Groupama à lui verser différentes sommes en réparation des souffrances endurées et des préjudices subis et celle de la compagnie Macif à lui verser une rente annuelle viagère de 29 585 € par trimestre.
Mme [B] [P] est décédée le 31 mai 2018.
Par conclusions du 21 avril 2021, M. [H], Mme [A] [K] veuve [P], mère de Mme [B] [P] et Mmes [Z] [P] épouse [L], [C] [P] et [Y] [P] divorcée [J], ses s'urs, sont intervenus volontairement à l'instance.
Par jugement réputé contradictoire du 21 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse :
- a déclaré recevables les interventions volontaires de Mmes [A] [K], [C] [P], [Y] [J] et [Z] [P] et de M. [O] [H],
- les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes,
- les a condamnés à payer à la compagnie Macif la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration du 20 décembre 2021, Mme [Z] [P] épouse [L], M. [H], Mme [A] [K], Mme [Y] [J] et MM. [T] et [W] [D] intervenant à l'instance en qualité d'ayants-droit de leur mère Mme [C] [P] décédée le 18 octobre 2021, ont interjeté appel de la décision.
L'ensemble des chefs du dispositif de la décision sont critiqués, à l'exception du fait qu'elle a déclaré recevables les interventions volontaires.
Dans leurs dernières écritures du 21 décembre 2022, M. [H], Mmes [K], [P] et [J] et MM. [T] et [W] [D], demandent à la cour au visa des anciens articles 1134 et suivants du code civil, de':
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulouse le 21 octobre 2021 en ce qu'il a:
* débouté M. [O] [H], Mme [A] [K] veuve [P], Mme [Z] [P] épouse [L] et Mmes [C] [P] et [Y] [J] de l'ensemble de leurs demandes,
*condamné M. [O] [H], Mme [A] [K] veuve [P], Mme [Z] [P] épouse [L] et Mmes [C] [P] et [Y] [J] à payer à la Macif la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
*condamné M. [O] [H], Mme [A] [K] veuve [P], Mme [Z] [P] épouse [L] et Mmes [C] [P] et [Y] [J] aux dépens,
- débouter les Compagnies Macif et Groupama de l'ensemble de leurs fins, demandes et prétentions en tant que contraires aux présentes écritures,
- condamner la Compagnie Groupama et Macif à garantir les ayants-droit de Mme [P] ainsi que M. [H] en sa qualité de conjoint auquel est assimilé le concubin, selon les dispositions contractuelles respectives de chaque contrat,
- condamner en conséquence la Compagnie Macif à payer, à Mmes [A] [P], [Z] [L], [Y] [J], MM. [T] [D] et [W] [D] et ce sans délai une somme de 51.770,25 € au titre de la garantie invalidité, et ce si besoin entre les mains du notaire,
- condamner la Compagnie Macif à payer à M. [O] [H] une somme de 31.140 € au titre du capital conjoint en raison du décès de Mme [P].
- condamner la Compagnie Macif à payer à M. [O] [H] une somme de 3.460 € au titre des frais d'obsèques,
- condamner la Compagnie Groupama à payer à Mmes [A] [P], [Z] [L], [Y] [J], MM. [T] M. [W] [D] et ce sans délai une somme totale de 548.870,00 € (sauf à parfaire et pour mémoire) correspondant aux sommes suivantes, et ce si besoin entre les mains du notaire qui sera ultérieurement désigné :
* assistance à tierce personne : 36.720 €,
* souffrances endurées: 50.000 €,
* préjudice esthétique: 50.000 €,
* incapacité fonctionnelle permanente: 377.150,00 €,
* préjudice d'agrément: 35.000 €,
* conséquences économiques définitives sur le plan professionnel : réservé dans l'attente de pièces complémentaires ,
Subsidiairement, si la Cour devait par extraordinaire tenir compte du décès de Mme [P] intervenu en cours de procédure,
- condamner la Compagnie Groupama à payer, si besoin par l'intermédiaire du notaire, à Mmes [A] [P], [Z] [L], [Y] [J], MM.[W] [T] [D] et ce sans délai une somme totale de 290.720,00€ (sauf à parfaire et pour mémoire) correspondant aux sommes suivantes :
* assistance à tierce personne : 36.720 €,
* souffrances endurées: 50.000 €,
* préjudice esthétique: 25.000 €,
* incapacité fonctionnelle permanente: 161.500,00 €,
* préjudice d'agrément: 17.500 €,
* conséquences économiques définitives sur le plan professionnel : réservé dans l'attente de pièces complémentaires,
En tout état de cause,
- condamner in solidum les compagnies Groupama et Macif à verser au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, 4.000 € à M. [O] [H] et 4.000 € à Mmes [A] [P], [Z] [L], [Y] [J], MM. [W] et [T] [D],
- condamner in solidum les compagnies Groupama et Macif aux entiers dépens de l'instance, qui comprendront notamment les frais d'expertise judiciaire.
Par ces dernières écritures du 15 juin 2022, la Compagnie Groupama d'Oc demande à la cour au visa des articles L 112.3 du code des assurances, 1315 ancien, 720 et 730 suivants, 1134 ancien et 1101 et suivants nouveaux du code civil et 9 du code de procédure civile, de':
- confirmer le jugement rendu le 21 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Toulouse en ce qu'il a :
* débouté les consorts [H]'[K]'[P]'[L]'[J] de l'ensemble de leurs demandes ;
* condamné les consorts [H]'[K]'[P]'[L]'[J] aux entiers dépens ;
Au principal :
- relever la défaillance de l'assurée et des consorts [P]-[L]-[H]- [D], dans la charge de la preuve leur incombant ;
- déclarer infondées les demandes des consorts [P]-[L]-[H]-[D] ;
- rejeter en conséquence toutes demandes, fins et prétentions formées à l'encontre de la compagnie Groupama d'Oc ;
Subsidiairement :
- constater l'absence d'évènement accidentel au sens contractuel ;
- rejeter l'action engagée à l'encontre de la compagnie Groupama d'Oc ;
- débouter en conséquence les consorts [P]-[L]-[H]-[D] de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la compagnie Groupama d'Oc ;
A titre infiniment subsidiaire :
- donner acte à la Compagnie Groupama d'Oc de son offre d'indemnisation sur les bases ci-après :
* souffrances endurées : 4.000 €;
* préjudice esthétique : 3.000 €;
* incapacité fonctionnelle permanente : 25 391.61 €;
* préjudice d'agrément : néant;
- appliquer une réduction du droit à garantie de 50% ;
- accorder en conséquence aux consorts [P]-[L]-[H], la somme cumulée de 16195.80 €;
- rejeter le surplus des demandes à l'encontre de la Compagnie Groupama d'Oc ;
En toute hypothèse :
- condamner in solidum les consorts [P]-[L]-[H]-[D] d'avoir à régler à la compagnie Groupama d'Oc la somme de 2.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner en sus les consorts [P]-[L]-[H]-[D] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Pas dernières écritures du 16 juin 2022, la compagnie Macif demande à la cour de':
A titre principal,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 21 octobre 2021 en ce qu'il a retenu l'absence d'évènement accidentel au sens du contrat d'assurance Macif ;
A titre subsidiaire,
- juger que le comportement de Mme [P] est constitutif d'une exclusion de garantie ;
En tout état de cause,
- condamner les appelants à payer à la compagnie Macif la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner les appelants aux entiers dépens de l'instance.
La CPAM de Haute-Garonne n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 janvier 2023.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.
MOTIFS
Les appelants font valoir que la seule absence de témoins directs est insuffisante pour opposer un refus de garantie alors que la preuve de circonstances de l'accident est difficile mais peut cependant résulter de présomptions graves précises et concordances et qu'en l'espèce, il est établi que Mme [P] a été victime d'un accident non intentionnel lié à une simple chute au sol.
Ils font valoir qu'il résulte des attestations produites que lorsque Mme [P] est rentrée à son domicile après une soirée passée avec des amis, elle était lucide et en état de rentrer seule et précisent que la rue dans laquelle elle a été retrouvée est particulièrement mal éclairée, et présente de nombreux nids-de-poule.
Ils considèrent que sauf à vider la garantie de toute substance, il n'appartient pas aux ayants-droits de la victime de prouver un fait négatif consistant à démontrer que le décès ne peut pas provenir d'une autre cause que de l'accident alors que la chute est elle-même établie et qu'il n'est pas démontré qu'elle résulte de l'alcoolisation de Mme [P] et que les dommages ne sont pas liés à l'alcool mais seulement à cette chute et qu'il appartenait aux assureurs d'inclure une clause d'exclusion de garantie dans l'hypothèse des accidents survenus alors que l'assuré était sous l'empire d'un état alcoolique.
Selon les appelants, les assureurs devaient se placer sur le terrain de la faute intentionnelle c'est-à-dire celle supposant la volonté de causer les dommages et pas seulement d'en créer le risque et considèrent qu'ils ne peuvent dénier leur garantie lorsque le dommage résulte d'un comportement imprudent ou maladroit de l'assuré ou lorsqu'aucun tiers responsable n'est identifié.
La MACIF rappelle que Mme [P] avait une alcoolémie très élevée lors de sa chute. Or, l'absorption d'alcool ne constitue pas une cause extérieure générant un état soudain et imprévisible garanti et l'expert a confirmé la vraisemblance scientifique d'une origine première du dommage corporel et une chute au sol provoqué par l'état d'ivresse éthylique aiguë caractérisé.
Elle considère donc que l'état d'ivresse éthylique aiguë de la victime a eu des incidences sur son comportement et que sa chute ne peut être considérée comme accidentelle, étant rappelé que le mécanisme de l'assurance repose sur un aléa et que la consommation d'alcool qui génère un état d'ébriété altérant le comportement de la personne fait disparaître l'alea.
La compagnie Groupama d'Oc rappelle qu'une alcoolisation aiguë entraîne des effets décrits par l'expert : baisse de vigilance voire confusion, troubles de l'équilibre et que les appelants ne démontrent pas que les dommages subis par Mme [P] ont une origine accidentelle alors que le Docteur [S] a affirmé que l'origine accidentelle, au sens contractuel, de la situation médicale de Mme [P] n'est pas établie avec certitude.
En application des dispositions combinées des articles 1134 du Code civil dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016,9 du code de procédure civile et L 112-3 du code des assurances, l'assuré doit prouver le sinistre dont il a été victime, mais aussi que les conditions requises par la police pour mettre en jeu la garantie sont réunies.
Avant les faits, Mme [P] avait souscrit :
' le 18 novembre 2009 auprès de la compagnie Groupama d'Oc un contrat « garantie des accidents de la vie » à effet au 1er janvier 2010.
Ce contrat prévoyait la garantie de toutes les atteintes corporelles consécutives à un accident subi par l'assurée au cours de sa vie privée, y compris lorsque cet accident résulte d'un événement naturel. Le contrat définit le terme accident comme : «toute atteinte corporelle provenant d'un événement soudain, imprévu, extérieur à la victime et constituant la cause du dommage »,
' auprès de la SA Macif à une date non précisée un contrat « garantie accident », dont il n'est pas contesté qu'il était en cours lorsque les faits sont intervenus, la garantissant de tout accident survenu au cours de la vie privée ou d'un accident de trajet domicile-travail. Le contrat définit l'accident comme: toute atteinte corporelle, non intentionnelle de la part de la victime, conséquence directe et certaine de l'action soudaine et imprévisible d'une cause extérieure.
Il appartient en conséquence aux appelants d'établir que l'accident dont a été victime Mme [B] [P] résulte d'un accident au sens des contrats souscrits qui le définissent de manière similaire comme un événement soudain, imprévisible et qui lui était extérieur.
Si le fait que Mme [P] n'a pas chuté volontairement n'est pas contesté, il est cependant insuffisant à caractériser l'existence d'un accident au sens des contrats et à entraîner la garantie des assureurs.
En l'espèce, le 17 octobre 2015 Mme [P] est tombée sur la voie publique, sa chute n'a eu aucun témoin. Elle a été retrouvée inerte sur le sol devant son domicile et admise au service des urgences de l'hôpital Pierre-Paul Riquet.
Elle a subi en urgence une évacuation de l'hématome sous-dural droit mais une aggravation dans la nuit du 20 au 21 octobre a imposé une crâniectomie décompressive fronto-pariéto-temporale gauche avec mise en place d'une dérivation ventriculaire externe.
Une pneumopathie révélée le 30 octobre 2015 était traité et le 9 décembre 2015, elle était transférée à la clinique de [15] dans l'unité d'éveil pour rééducation et réadaptation fonctionnelle.
Une hydrocéphalie majeure découverte le 23 décembre 2015 entraînait une nouvelle hospitalisation au service de neurochirurgie de l'hôpital [14] où elle est restée jusqu'au 11 janvier 2016, date à laquelle elle a été admise de manière définitive à la clinique de [15] dans un état pauci-relationnel qui ne s'est jamais amélioré.
Le Docteur [S], commis par ordonnance de référé du 10 novembre 2016, relève :
' qu'il n'est pas rapporté d'atteinte traumatique : pas de fracture du massif facial, rachis cervical dédouané, pas de fracture, pas d'entorse, pas d'hématome, pas de traumatisme du thorax, pas de mention d'une lésion viscérale ou des membres ni de dégradation du vêtement cutané,
' que le bilan biologique a révélé une alcoolémie de 2,19 g/lcorrespondant à l'absorption de 105 g d'alcool et rappelle qu'il est admis que les effets de l'alcool apparaissent dès 0,5 g/l, devenant sédatif à partir de 1,50 g/l (syndrome cérébelleux marqué responsable de troubles de l'équilibre : allure titubante, diplopie, réflexes diminués, troubles de la marche),et graves après 2,50 g/l.
Il explique que parmi les complications les plus fréquentes induites par une alcoolisation aiguë figurent les chutes et leurs complications traumatiques : traumatisme crânien dans 30 à 70 % des cas avec hématomes cérébraux et hémorragies méningées.
Or, en l'espèce, Mme [P] a présenté un hématome sous-dural aigu du côté droit lié à la rupture d'une veine d'amarrage du cortex à la dure-mère et au saignement dans l'espace sous-dural d'une contusion hémorragique parenchymateuse, selon le compte rendu opératoire. Il considère que les contusions cérébrales oedémato-hémorragiques du côté gauche constituent des lésions de contrecoup par rapport au point d'impact temporal droit : le cerveau ayant été ballotté depuis le côté de l'impact vers le côté opposé. Il conclut que les lésions intracrâniennes et en particulier la fracture du crâne côté droit était la résultante d'un traumatisme très violent : soit des coups portés directement sur le crâne soit un heurt sévère sur le sol de la tête.
Enfin, l'expert conclut que les données objectives du dossier confrontées aux données actuelles de la science ne permettent aucune certitude quant à l'origine du dommage mais seulement de retenir des hypothèses dont la plus plausible est l'important état d'imprégnation éthylique aiguë présentée par Mme [P] qui a été très vraisemblablement à l'origine d'une chute de sa hauteur provoquant exclusivement des lésions traumatiques crânio-cérébrales sans autre atteinte anatomique, concordantes avec un violent impact sur la tête du côté droit et facilitées par son traitement antiagrégant plaquettaire, l'alcoolisation ayant pu aussi entraîner une moindre réaction lors de la chute pour essayer d'en amoindrir les conséquences.
Les attestations des personnes ayant passé la soirée avec Mme [P], qui n'ont pas assisté à sa chute, ne sont pas déterminantes en ce qu'elles ne donnent aucune précision sur son état, au regard de l'importante alcoolémie qui a été par la suite établie et à laquelle elles ne font aucune référence, M.[F] indiquant qu'elle est partie « normalement » et M. [U] qu'elle s'exprimait bien.
De plus, si les appelants invoquent le mauvais état de la rue et des problèmes d'éclairage, ces circonstances ne sont pas démontrées par les attestations lapidaires produites qui évoquent un défaut d'éclairage et des nids-de-poule, qui ne ressortent absolument pas des photographies versées qui ne révèlent pas la défaillance du système d'éclairage, ni une particulière dégradation du revêtement du trottoir dans la rue où était domiciliée Mme [P], les lieux paraissant parfaitement accessibles par toute personne, même présentant des difficultés locomotrices.
Il résulte de ces éléments, que les appelants ne démontrent pas la dangerosité intrinsèque des lieux et que l'expertise n'a pas révélé d'indice de l'intervention d'un tiers dans la chute de la victime.
Par ailleurs , il est établi que Mme [P] avait consommé de l'alcool en très grande quantité avant sa chute ce qui, selon l'expert, avait été un facteur déterminant de celle-ci en ce que l'alcool consommé comme en l'espèce en grande quantité, entraîne des troubles de l'équilibre et mais aussi de la conscience pouvant empêcher, chez celui qui tombe un geste de protection. Or,l'état éthylique d'une personne ne peut être considéré comme une circonstance externe.
En conséquence, les appelants ne démontrent pas que la chute de la victime est la conséquence directe et certaine de l'action soudaine et imprévisible d'une cause extérieure, compte tenu de l'incertitude sur l'origine et les circonstances de la chute, le jugement en ce qu'il a considéré que les garanties souscrites ne pouvaient être mobilisées.
L'équité commande d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné les consorts [P]-[L]-[H] à verser à la Macif 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter l'ensemble des demandes présentées à ce titre tant en première instance qu'en cause d'appel.
Les appelants qui succombent garderont la charge des dépens de première instance par confirmation du jugement déféré et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant dans les limites de sa saisine :
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné Mmes [A] [K], [C] [P], [Y] [J] et [Z] [P] et M. [O] [H] à verser 2000 € à la SA Macif,
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant :
Rejette la demande de la SA Macif au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes présentées en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mmes [A] [P], [Z] [L], [Y] [J] et MM.[O] [H], [W] et [T] [D] aux dépens l'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
M. BUTEL C. BENEIX-BACHER