05/04/2023
ARRÊT N° 244/2023
N° RG 21/04996 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OQYD
EV/MB
Décision déférée du 02 Novembre 2021 - Tribunal de Grande Instance de MONTAUBAN - 21/00352
Michel REDON
[V] [R]
C/
S.A. PACIFICA SA
Mutualité MSA MIDI PYRENEES NORD
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANT
Monsieur [V] [R]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représenté par Me Hafida CHTIOUI, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
S.A. PACIFICA SA prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Arnaud GONZALEZ de l'ASSOCIATION CABINET DECHARME, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
PARTIE INTERVENANTE FORCEE
Mutualité MSA MIDI PYRENEES NORD
Assigné le 22 février 2022 à Personne Morale
[Adresse 1]
[Localité 5]
Sans avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant O.STIENNE et E. VET Conseillers chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
O. STIENNE, conseiller
E.VET, conseiller
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRET :
- REPUTE CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre.
Le 18 août 2017, M. [V] [R] a été victime d'un accident de la circulation alors qu'il se rendait à son travail en tant que passager d'un véhicule assuré auprès de la SA Pacifica.
Il a fait l'objet d'une expertise amiable par le Docteur [J] qui a déposé son rapport définitif le 24 janvier 2020.
Par acte des 16 et 22 mars 2021, M. [R] a fait assigner la SA Pacifica et la MSA Midi-Pyrénées Nord devant le tribunal judiciaire de Montauban aux fins d'indemnisation, sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985.
Par jugement réputé contradictoire du 2 novembre 2021, le tribunal a :
- fixé à la somme globale de 6.790,80 € les préjudices extra-patrimoniaux de M. [R], à savoir 1.190,80 € au titre du déficit fonctionnel temporaire, 3.000 € au titre des souffrances endurées et 2.600 € au titre du déficit fonctionnel permanent,
En conséquence,
- condamné la SA Pacifica à payer à M. [R] la somme totale de 4.190,80€ en réparation des postes de préjudice lui revenant personnellement après imputation de la rente d'accident du travail sur le déficit fonctionnel permanent,
- déclaré le jugement commun et opposable à la MSA Midi-Pyrénées Nord,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700-1° du code de procédure civile,
- dit que chaque partie conserve la charge de ses dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par déclaration du 20 décembre 2021, M. [R] a interjeté appel jugement: «en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a débouté M. [R] de sa demande d'indemnisation intégrale de son préjudice corporel consécutif à un accident de la voie publique. Il sollicite la réformation du jugement en ce qu'il lui a notamment accordé: - la somme de 1180,80 € au titre du déficit fonctionnel temporaire au lieu de 1506,34€ demandé - la somme de 3000 € au titre des souffrances endurées en lieu de 3500€ demandés - la somme de 2600 € au titre du déficit fonctionnel permanent au lieu de 92400 € demandé - l'a débouté de sa demande d'article 700 du CPC et a laissé à sa charge les dépens exposés. ».
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. [R], dans ses dernières écritures du 17 mars 2022 demande à la cour au visa de la loi du 5 juillet 1985, de :
- infirmer le jugement du 2 novembre 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Montauban et,
- liquider les préjudices de M. [V] [R] sur la base des rapports d'expertise rendus et, à ce jour :
- condamner SA Pacifica à lui verser les sommes suivantes :
* 1446,34 € au titre du déficit fonctionnel temporaire total et partiel,
* 3500 € en réparation des souffrances endurées,
* 92400 € au titre du déficit fonctionnel permanent,
- condamner la SA Pacifica à verser à M. [R] une somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des frais irrépétibles de première instance et à la somme de 1200 € en application de ce même article au titre des frais irrépétibles d'appel,
- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les émoluments d'huissier en cas de recours à l'exécution forcée.
La SA Pacifica, dans ses dernières écritures du 10 mai 2022, signifiées à la MSA Midi-Pyrénées Nord le 8 juin 2022 demande à la cour, au visa de la loi du 05 juillet 1985, de':
- confirmer le jugement entrepris le 02 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Montauban dans toutes ses dispositions,
- débouter M. [V] [R] de ses autres demandes,
- condamner M. [V] [R] au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 1° du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maîtres Decharme-Morel-Nauges-Gonzalez en application de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture de clôture est intervenue le 16 janvier 2023.
Assignée par M. [R] le 22 février 2022, la MSA Midi-Pyrénées Nord n'a pas constitué avocat.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.
MOTIFS :
Suite à l'accident dont il a été victime le 18 août 2017, M. [R] a été transporté aux urgences où ont été diagnostiqués :
' un traumatisme crânien sans perte de connaissance,
' des contractures paravertébrales au niveau du rachis cervical et lombaire,
' des douleurs du thorax dans sa partie antérieure gauche.
Le médecin concluait à la nécessité de soins pour une durée de huit jours et à l'absence d'incapacité totale de travail.
Par la suite, des maux de tête et douleurs thoraciques de l'épaule ont entraîné des examens médicaux qui se sont révélés normaux. Cependant, l'hospitalisation du 1er au 11 septembre 2017 en service de neurologie révélait qu'il souffrait d'un syndrome subjectif post-traumatique entraînant des perfusions de tricycliques.
Il sera à nouveau hospitalisé du 9 au 16 mai 2018 pour une prise en charge d'un syndrome douloureux et de symptômes chroniques post-traumatiques.
Il résulte des certificats établis les 24 avril et 2 juillet 2018 par le Docteur [C], médecin traitant de M. [R] qu'il devait être considéré comme consolidé le 31 mai 2018 avec quelques petites douleurs persistantes du dos et de la tête et qu'il aurait pu reprendre le travail le 1er juin 2018 avec restriction des charges lourdes.
Le 16 novembre 2018, le Docteur [N], nouveau médecin traitant de M.[R] lui délivrait un certificat indiquant l'impossibilité de reprendre le travail pour névrose post-traumatique sévère. Le 11 juin 2019, il concluait à des cervicalgies rebelles, des lombalgies chroniques et un état de stress post-traumatique.
Après examen de M. [R], l'expert [J] a considéré que celui-ci avait subi des contusions superficielles qui ne se sont accompagnées d'aucune lésion traumatique osseuse et dont l'évolution s'est faite vers la persistance des phénomènes douloureux malgré un traitement médical symptomatique et des séances de kinésithérapie. Parallèlement, M. [R] a développé des manifestations subjectives post-traumatiques conduisant à une prise en charge neurologique du 1er au 11 septembre 2017 puis du 9 au 16 mai 2018.
L'expert a confirmé la date de consolidation retenue par le premier médecin traitant de M. [R] au 31 mai 2018.
' sur le déficit fonctionnel temporaire :
M. [R] demande à être indemnisé sur la base de 31,58 € par jour et non de 26 € en raison de la gêne particulièrement importante qu'il a subie dans les actes de la vie courante, ayant même été hospitalisé en service de neurologie en raison de manifestations subjectives post-traumatiques.
La SA Pacifica considère que l'indemnité journalière de 26 € retenue par le tribunal est conforme à la réalité du déficit fonctionnel de M. [R] jusqu'à sa consolidation alors que selon l'expert judiciaire, en dehors des périodes d'hospitalisation, le déficit fonctionnel temporaire ne dépassait pas 10 %, ce qui démontre le caractère restreint de la gêne qu'il a subie.
La cour rappelle que le déficit fonctionnel temporaire se définit comme la gêne rencontrée par la victime dans les actes de la vie courante, il peut être constitué par une atteinte exclusivement psychique et il est indemnisé en fonction du degré d'incapacité de la victime.
En l'espèce, l'expert a retenu un déficit fonctionnel temporaire total du 1er au 11 septembre 2017 et du 9 au 16 mai 2018 correspondant à deux périodes d'hospitalisation, puis à un déficit partiel de classe 1 du 18 au 31 août 2017 et du 12 septembre 2017 au 8 mai 2018 enfin du 17 au 31 mai 2018 soit 268 jours. Sur cette base, le premier juge a indemnisé M. [R] à hauteur de 1190,80 € sur la base de 26 € par jour.
Les experts distingue quatre niveaux d'incapacité partielle, le niveau 1 correspondant à 10 %.
En l'espèce, M. [R], qui ne décrit pas la gêne rencontrée dans les actes de la vie courante, ne caractérise pas en quoi elle justifie qu'il soit indemnisé pour un montant supérieur à celui retenu par le premier juge dont la décision doit être confirmée.
' sur les souffrances endurées :
M. [R] rappelle que ce poste a été évalué à 2/7 par le Docteur [J].
La SA Pacifica conclut à la confirmation de la décision.
Ce préjudice correspond à l'indemnisation du choc subi lors de l'accident, des contusions et des troubles psychosomatiques qui en sont résultés.
Au regard des éléments retenus par l'expertise du Docteur [J], c'est à bon droit que le premier juge a indemnisé ce préjudice à hauteur de 3500 €.
' sur le déficit fonctionnel permanent :
M. [R] souligne que le Docteur [J] mandaté par la SA Pacifica a fixé le déficit fonctionnel permanent à 2 % alors que le Docteur [F] a retenu dans le cadre de l'expertise diligentée par la MSA un taux de 35 %.
Il considère que les notions de déficit fonctionnel permanent de droit commun et l'incapacité en droit de la sécurité sociale se recoupent sur un point : celui de l'indemnisation des conséquences personnelles de l'accident au terme desquelles il doit être tenu compte des possibilités de l'individu et de l'incidence que peuvent avoir les séquelles constatées sur les facultés physiques et mentales (code de la sécurité sociale) c'est-à-dire son potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel (droit commun).
Or le docteur [F] a considéré que le taux retenu de 30 % était décomposé ainsi :
' 25 % pour les séquelles de la lignée psychotraumatique à type de syndrome de stress post-traumatique modéré à sévère,
' 5 % pour les séquelles fonctionnelles rachidiennes.
Ce taux a été réévalué à 35 % en avril 2020.
Il rappelle avoir été hospitalisé le 16 mai 2018 pour la prise en charge de douleurs mais aussi de « symptômes chroniques post-traumatiques de gestion difficile ». D'ailleurs, des psychotropes lui ont été prescrits le 16 novembre 2018, le Docteur [N] a constaté qu'il présentait une névrose post-traumatique sévère et le Docteur [O], dont l'avis a été sollicité par le Docteur [J], a reconnu un état de stress aigu mais retenu par erreur que ce stress post-traumatique n'était apparu que deux ans après l'accident.
La SA Pacifica rappelle que l'incapacité au sens de la législation sociale et le déficit fonctionnel permanent sont deux notions distinctes et que le taux d'incapacité selon la législation sociale prend en considération les aptitudes et la qualification professionnelle de la personne.
La cour rappelle que le déficit fonctionnel permanent est le préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel de la victime après consolidation. Ce poste de préjudice permet d'indemniser non seulement l'atteinte à l'intégrité physique et psychique au sens strict mais également les douleurs physiques et psychologiques notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence.
En l'espèce, le Docteur [J] a rendu son rapport le 24 janvier 2020, après avoir examiné M. [R] il a retenu un taux d'IPP de 2 % correspondant aux manifestations douloureuses fonctionnelles pluri-focales et un syndrome subjectif. Cependant, il a été informé des conclusions du Docteur [F] commis par la MSA qui dans son rapport du 28 mai 2019, a retenu que M. [R] présentait une symptomatologie psychopathologique avec reviviscence diurne et nocturne des faits associée à des troubles du sommeil et décrivait des ruminations anxieuses. Il a conclu que les séquelles algo-fonctionnelles rachidienne et psychosomatique présentées par M.[R] justifiaient un taux global d'incapacité permanente partielle de 30% dont 5 % pour des séquelles fonctionnelles rachidiennes.
Le Docteur [J] a alors sollicité l'avis d'un médecin expert psychiatre, le docteur [O], aux fins de déterminer si l'état de M. [R] était stabilisé au plan psychiatrique et dans l'affirmative, d'indiquer le taux d'IPP devant être retenu par référence au barème de droit commun au plan psychiatrique.
Le Docteur [O] a examiné M. [R] le 10 décembre 2019 et n'a relevé aucun trouble psychologique séquellaire, ni de névrose post-traumatique rapportant seulement un état douloureux chronique à un tableau de sinistrose et ne retenant en conséquence aucune séquelle psychiatrique.
Au vu de ces conclusions, le Docteur [J] a considéré qu'il n'existait depuis la date de consolidation du 31 mai 2018 aucun élément médical nouveau au plan somatique ou psychologique, le diagnostic de névrose post-traumatique étant maintenu un taux d'IPP de 2 %.
Il convient de rappeler que le Docteur [F] n'est pas psychiatre et que l'analyse médicale du Docteur [O], psychiatre, n'est pas médicalement critiquée.
De plus, le Docteur [F], commis par la MSA s'est prononcé au regard de l'article L 434-2 du code de la sécurité sociale selon lequel : «Le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité. ».
Or, les aptitudes et la qualification professionnelle sont étrangères aux critères devant être envisagés dans le cadre de la présente indemnisation.
En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a retenu un taux de déficit fonctionnel permanent de 2 % qu'il a indemnisé sur la base de 1300 € le point d'incapacité, la victime étant âgée de 43 ans au jour de la consolidation, soit un montant de 2600 €. Enfin, il n'est pas contesté que cette indemnité a été intégralement absorbée par l'imputation prioritaire de la rente d'accident de travail d'un montant annuel de 3250,70 €.
Dès lors, le jugement déféré doit être confirmé.
Sur les demandes annexes :
L'équité commande d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a octroyé à la SA Pacifica une somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter les demandes des parties en première instance et en cause d'appel.
Enfin, chaque partie gardera la charge des dépens par elle engagés.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant dans les limites de sa saisine :
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné M. [V] [R] à verser à la SA Pacifica 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Rejette les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel,
Dit que chaque partie gardera la charge des dépens par elle engagés en cause d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
M. BUTEL C. BENEIX-BACHER