14/06/2023
ARRÊT N°269
N° RG 20/01032 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NQ5T
PB/CO
Décision déférée du 19 Février 2020 - Tribunal de Commerce de MONTAUBAN - 2018/240
M.ROMAIN
[N] [J]
C/
SOCIETE GENERALE
confirmation
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANT
Monsieur [N] [J]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Laurent MASCARAS de l'ASSOCIATION D'AVOCATS MASCARAS CERESIANI - LES AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
SOCIETE GENERALE venant aux droits et obligations de la
S.A. BANQUE COURTOIS
[Adresse 1]
Représentée par Me Elisabeth LAJARTHE de la SELARL DBA, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant P. BALISTA, Conseiller , chargé du rapport, F.PENAVAYRE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
P. BALISTA, conseiller
F.PENAVAYRE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.
Greffier, lors des débats : C. OULIE
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par V. SALMERON, présidente, et par C.OULIE, greffier de chambre.
EXPOSE DU LITIGE
La société Pomme Lomagne a remis le 01 janvier 2017 un billet à ordre de 250000 € au bénéfice de la Sa Banque Courtois, à échéance du 28 février 2017, demeuré impayé et dont M. [N] [J] s'est porté avaliste.
Un protocole de conciliation est intervenu le 26 juin 2017 entre la société Pomme Lomagne et différentes banques, dont la Sa Banque Courtois, prévoyant une modification des conditions de remboursement, et l'ouverture d'un crédit en compte courant à durée indéterminée de 100000 €.
Suivant jugement en date du 15 octobre 2018, le tribunal de commerce de Montauban a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Pommes Lomagne.
Suivant jugement en date du 14 novembre 2018, le tribunal de commerce de Montauban a converti la procédure de redressement judiciaire de la société Pommes Lomagne en liquidation judiciaire, un plan de cession ayant été arrêté.
La Sa Banque Courtois a déclaré sa créance au passif de la procédure, à concurrence de 191950,05 €.
Par acte en date du 29 novembre 2018, la Sa Banque Courtois a fait assigner devant le tribunal de commerce de Montauban M. [N] [J], en qualité d'avaliste, en paiement de la somme de 191950,05 € outre intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2018.
Par jugement du 19 février 2020, le tribunal de commerce de Montauban a:
-condamné Monsieur [N] [J] à payer à la Banque Courtois la somme de 121252,70 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2018, date de la mise en demeure, en sa qualité d'avaliste du billet à ordre du 01 janvier 2017 ;
-débouté Monsieur [N] [J] de l'intégralité de l'ensemble de ses demandes ;
-débouté la Banque Courtois de sa demande en paiement de 1000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
-condamné Monsieur [N] [J] aux entiers dépens ;
-dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer l'exécution provisoire.
M. [N] [J] a interjeté appel de cette décision le 20 mars 2020.
Par ordonnance du conseiller de la mise en état de la cour d'appel du 25 novembre 2021, ce magistrat a rejeté la demande de communication de pièces sous astreinte de [N] [J], le condamnant aux dépens de l'incident et à verser à la Sa Banque Courtois la somme de 800 € au visa de l'article 700 du Code de procédure civile.
La clôture de la procédure est intervenue à l'audience, après rabat d'une ordonnance de clôture précédente.
Vu les conclusions notifiées par Rpva le 21 février 2023 auxquelles il est fait référence pour l'exposé de l'argumentaire de M. [N] [J] demandant à la cour de :
-infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 19 février 2020 (rg n°2018/240), par le tribunal de commerce de Montauban ;
-débouter la Société Générale venant aux droits et obligations de la Banque Courtois, de l'ensemble de ses demandes, fins et moyens ;
-à titre principal, vu les dispositions de l'article L. 650-1 du Code de commerce,
-débouter la Société Générale venant aux droits et obligations de la Banque Courtois, de sa demande en paiement de la somme de 191950,05 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 Octobre 2018 ;
-à titre subsidiaire, vu les dispositions de l'article 2314 du Code civil,
-dire et juger que Monsieur [N] [J] sera déchargé de son engagement d'avaliste ;
-dire et juger que Monsieur [N] [J] a subi un préjudice de perte de chance de voir les dettes payées par le gage sur stock lequel ne saurait être inférieur au montant de l'aval, soit 191950,05 € ;
-à titre infiniment subsidiaire, vu les dispositions de l'article 1343-5 du Code civil, si, par extraordinaire, la cour estimait devoir reconnaître une quelconque responsabilité de Monsieur [N] [J], reporter de deux ans l'échéance ;
-en tout état de cause,
-condamner la Société Générale venant aux droits et obligations de la Banque Courtois aux entiers dépens et à verser la somme de 2000 € à Monsieur [N] [J] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions notifiées par Rpva le 22 septembre 2020 de la Sa Banque Courtois, auxquelles il est fait référence pour l'exposé de l'argumentaire, demandant à la cour de :
-débouter Monsieur [J] de l'appel qu'il a interjeté le 20 mars 2020, à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Montauban le 19 févier 2020, comme étant injuste et infondé ;
-confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Montauban le 19 février 2020 ;
-y ajoutant,
-condamner Monsieur [J] à payer à la Banque Courtois la somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
-le condamner aux entiers dépens ;
Vu les conclusions de procédure de la Société Générale demandant à la cour de donner acte de ce que la Société Générale vient aux droits et obligations de la Banque Courtois, par suite de fusions absorptions intervenues le 01 janvier 2023, la Banque Courtois ayant été absorbée par Crédit du Nord qui a été absorbée par la Société Générale ;
MOTIFS DE LA DECISION
La cour donne acte à la Société Générale qu'elle vient aux droits de la Banque Courtois, suite aux fusions absorptions intervenues le 01 janvier 2023.
Sur le soutien abusif
Pour s'opposer au paiement, l'appelant avaliste fait valoir, au visa de l'article L 650-1 du Code de commerce, un soutien abusif de la banque à la société Pommes Lomagne.
Il expose qu'aux termes du protocole de conciliation du 26 juin 2017, portant aménagement des dettes de la société Pommes Lomagne, l'objectif de la banque était de «réduire son exposition à court terme» étant pointé dans le protocole «le déséquilibre des engagements bancaires court et moyen terme», «le fait que la trésorerie de Pommes Lomagne étaient grevée de soutiens apportés aux sociétés partenaires économiques» et «les difficultés de trésorerie liées à diverses circonstances».
Il en déduit une situation irrémédiablement compromise de la société connue de la banque à la date de l'octroi de son aval.
L'appelant fait également valoir des garanties prises en contrepartie des concours consentis disproportionnées, notamment au regard d'un gage sur stock, du cautionnement de M. [J] et de la cession de créances professionnelles.
Aux termes de l'article L 650-1 du Code de commerce, dans sa version applicable à la date de l'aval fourni par l'appelant, lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.
Pour le cas où la responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours peuvent être annulées ou réduites par le juge.
La responsabilité du créancier suppose que le concours consenti soit lui même fautif.
En l'espèce, le billet à ordre de 250000 €, à échéance du 28 février 2017, a été avalisé le 01 janvier 2017 par M. [N] [J] et le protocole de conciliation, portant réaménagement des dettes de la société, est intervenu postérieurement à ce billet à ordre et à la demande de la société Pommes Lomagne, représentée par son gérant, M. [N] [J].
Ce protocole de conciliation du 26 juin 2017 avait pour objet de «restructurer l'endettement de la Sarl Pommes Lomagne afin de lui permettre d'assurer la pérennité de son activité» et comportait des mesures de réaménagement des crédits à moyen terme par un allongement de leur durée et un désengagement programmé des banques porteuses d'encours à court à terme «sur une partie des lignes actuellement consenties», dont la Banque Courtois.
Aux termes du protocole, était prévue pour la banque, en remplacement des billets à ordre à court terme, la mise en place d'un crédit moyen terme de 48 mois d'un montant de 100000 € et d'une ouverture de crédit de 100000 € à durée indéterminée.
À la date de souscription du billet à ordre de janvier 2017, le dernier solde intermédiaire de gestion de la société Pommes Lomagne, daté du 31 août 2016, mentionnait un résultat bénéficiaire de 414428 € (pièce n°12 de la banque-bilan économique et social).
La déclaration de cessation des paiements de la société Pomme Lomagnes est intervenue le 28 septembre 2018, plus d'un an et demi après la souscription du billet à ordre litigieux.
Aucune pièce n'établit en conséquence que la situation de la société Pommes Lomagne était telle que l'octroi de crédit sous forme de billets à ordre aggravait nécessairement et irrémédiablement la santé financière de la société, le fait que le protocole de conciliation mentionne des difficultés de trésorerie, qu'il avait vocation à résoudre, ne caractérisant pas une situation irrémédiablement compromise.
Dès lors, faute de démontrer un concours fautif dans l'octroi de ce billet à ordre, l'appelant n'est pas fondé à invoquer les dispositions de l'article L 650-1 du Code de commerce sans qu'il soit nécessaire d'examiner les garanties prises par la banque et notamment le gage sur stock consenti pour un montant et à une date indéterminés à la Banque Courtois, via la société Auxiga, dont l'appelant sollicitait la production au stade de la mise en état.
Sur l'application de l'article 2314 du Code civil
L'appelant fait encore valoir qu'il a subi une perte de chance de voir la dette de la société en liquidation judiciaire entièrement remboursée par le jeu du gage sur stock consenti à la banque via la société Auxiga.
Aux termes de l'article 2314 du Code civil, la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution.
Cet article est également applicable à l'avaliste mais à la condition de démontrer une négligence fautive du créancier qui l'a empêché d'être subrogé dans les droits et privilèges de ce dernier.
En l'espèce, le gage consenti à la Banque Courtois, qui n'est pas versé aux débats, a bien été pris en compte dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Pommes Lomagne ayant abouti à un plan de cession, suivant jugement du tribunal de commerce du 13 novembre 2018.
Le rapport établi par le mandataire judiciaire en vue de la cession, M. [F], mentionne que la valorisation du stock de pommes est de 350000 €, «somme à affecter en totalité auprès des créanciers gagistes Crédit Agricole Nord Midi-Pyrénées et Banque Courtois contre mainlevée du gage, conformément aux dispositions de l'article L 642-12 alinéa 5 du Code de commerce» (pièce n°12 de la banque).
Dès lors, l'appelant ne justifie pas d'une perte de garantie.
C'est donc à bon droit que le jugement a écarté le moyen tiré d'une perte de garantie et a condamné l'appelant, après déduction de la somme de 70697,35 € perçue par la banque dans le cadre de la procédure collective.
Sur les délais de paiement
L'appelant ne justifie par aucune pièce de sa situation financière actuelle.
Dès lors c'est à bon droit que le jugement a écarté la demande de délais de paiement.
Sur les demandes annexes
L'équité commande d'allouer à la société intimée une somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.
Partie perdante, M. [N] [J] supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, dans les limites de sa saisine,
Donne acte à la Sa Société Générale qu'elle vient aux droits de la Sa Banque Courtois.
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Montauban du 19 février 2020.
Y ajoutant,
Condamne M. [N] [J] à payer à la Sa Société Générale la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne M. [N] [J] aux dépens d'appel.
Le greffier La présidente.