21/06/2024
ARRÊT N°2024/233
N° RG 23/00603 - N° Portalis DBVI-V-B7H-PIN3
CB/AR
Décision déférée du 19 Janvier 2023 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Montauban ( 21/00194)
Section activités diverses - Fouques Hibert F.
S.A.R.L. 5COM
S.E.L.A.R.L. FIDES
S.E.L.A.R.L. AJ UP
S.E.L.A.S. SPE 03 PARTNERS
C/
[R] [H]
confirmation partielle
Grosse délivrée
le 21 6 24
à Me Marjolaine PARADIS
Me Frédérique BELLINZONA
Me Marjolaine PARADIS
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE
***
APPELANT ET PARTIES INTERVENANTES
S.A.R.L. 5COM
prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège sis [Adresse 4]
S.E.L.A.R.L. FIDES
Prise en la personne de Me [F] [X] Es qualité de mandataire judiciaire de la société 5COM [Adresse 3]
S.E.L.A.R.L. AJ UP
Prise en la personne de Maître [I] [C] ès qualités d'administrateur judiciaire de la société 5COM, domicilié audit siège sis [Adresse 2]
S.E.L.A.S. SPE 03 PARTNERS
Prise en la personne de Me [Z] [P], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société 5COM, domicilié audit siège sis
[Adresse 5]
Représentées par Me Marjolaine PARADIS de l'AARPI Hodez Roufiat Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS
INTIME
Monsieur [R] [H]
[Adresse 1]
Représenté par Me Frédérique BELLINZONA, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C. BRISSET, Présidente, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
M. DARIES, conseillère
E. BILLOT, vice-présidente placée
Greffière, lors des débats : A. RAVEANE
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [R] [H] a été embauché selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 5 octobre 2017 par la SARL 5Com en qualité d'agent d'intervention/programmation.
Dans le dernier état de la relation contractuelle, M. [H] occupait les fonctions d'agent d'intervention/programmation senior, statut ETAM.
La convention collective applicable est celle des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 dite Syntec.
La société 5Com emploie au moins 11 salariés.
Selon lettre du 4 juin 2021 contenant mise à pied à titre conservatoire, M. [H] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 14 juin 2021.
Par courrier du 10 juin 2021, M. [H] a informé la société 5Com de son absence lors de l'entretien en raison d'un arrêt de travail pour maladie.
Par courrier daté du 29 juin 2021, M. [H] a été licencié pour faute grave.
Par courriel du 5 juillet 2021, le salarié informait son employeur qu'il avait appris par le secrétariat de la médecine du travail en date du 1er juillet 2021 qu'il ne faisait plus partie des effectifs de la société depuis le 29 juin 2021, information confirmée par la réception des documents de fin de contrat le 3 juillet 2021.
La responsable des ressources humaines de la société 5Com répondait à M. [H] le 19 juillet 2021, lui transmettant par courriel une copie de la lettre de licenciement et lui indiquant qu'une procédure était en cours auprès des services postaux, faute de réception dudit courrier.
Le 22 septembre 2021, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Montauban aux fins de contester son licenciement et obtenir le paiement de diverses indemnités.
Par jugement en date du 22 novembre 2022, le tribunal de commerce de Paris a prononcé à l'encontre de la société 5Com l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.
Par jugement du 19 janvier 2023, après débats à l'audience du 13 octobre 2022, le conseil a :
- dit et jugé que les temps de trajet de M. [R] [H] entre son domicile et le lieu de sa première intervention, ainsi que ceux entre l'emplacement de sa dernière mission et son adresse personnelle doivent être comptabilisés en temps de travail effectif et rémunérés comme tels que la SARL 5Com n'est pas en capacité de décompter avec précision le temps de travail effectif de M. [H],
- dit et jugé qu'à compter du mois de juin 2020, M. [H] était en droit de percevoir des indemnités de congés payés correspondant à 10 % de sa rémunération brute perçue sur la période de référence,
- dit et jugé que la société 5Com a manqué à son obligation de repos quotidien durant la période du 22 au 23 mars 2021,
- dit et jugé que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité à l'égard de M. [H],
- dit et jugé que la société 5Com a notifié à M. [H] son licenciement par courrier recommandé avec accusé de réception, dans les délais légaux,
- dit et jugé que la procédure de licenciement est régulière,
- dit et jugé que M. [H] a commis une faute le 4 juin 2021 en ne portant pas ses équipements de protection individuelle,
- dit et jugé que cette faute aurait dû être sanctionnée par une mise à pied à titre disciplinaire,
- dit et jugé que la société 5Com n'a pas respecté l'échelle des sanctions,
- dit et jugé que le licenciement de M. [H], intervenu le 29 juin 2021, est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- dit et jugé que la mise à pied de M. [H] à titre conservatoire doit être requalifiée en mise à pied à titre disciplinaire,
- dit et jugé que M. [H] est en droit de prétendre à une indemnité de licenciement,
- dit et jugé que M. [H] est en droit de prétendre à une indemnité compensatrice de préavis représentant 2 mois de salaire.
En conséquence :
- condamné la société 5Com, prise en la personne de son représentant légal, à verser à M. [H] les sommes de :
- 10 896,11 euros à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires et 1 089,11 euros à titre de congés payés afférents,
- 100 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice induit par le manquement de la société 5Com à son obligation de repos quotidien,
- 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait du manquement de la société 5Com à son obligation de sécurité,
- 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
-1 596,73 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 3 350,48 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 335,05 euros au titre des congés payés afférents,
- 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société 5Com, prise en la personne de son représentant légal, au remboursement à pôle emploi des indemnités chômage perçues par M. [H], dans la limite de 6 mois d'indemnités,
- prendre acte de la remise par la société 5Com, prise en la personne de son représentant légal, à M. [H], lors de l'audience du bureau de jugement, d'un chèque de 576,64 euros correspondant au rappel d'indemnités de congés payés, et de la remise du bulletin de paie correspondant,
- débouté M. [H] de ses autres demandes,
- débouté la société 5Com de ses demandes reconventionnelles,
- condamné la société 5Com, prise en la personne de son représentant légal, au paiement de tous les frais qui seraient engagés au titre de l'exécution de la présente décision et aux dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire sauf pour ce qu'elle est de droit,
- fixé la moyenne des 3 derniers mois de salaires à 1675,24 euros.
Le 17 février 2023, la société 5Com, assistée des organes de la procédure, a interjeté appel du jugement, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués de la décision.
Dans ses dernières écritures en date du 26 septembre 2023, auxquelles il est fait expressément référence, la société 5Com, assistée des organes de la procédure, demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulouse en date du 19 janvier 2023 en ce qu'il a :
- dit et jugé que la SARL 5Com a notifié à M. [R] [H] son licenciement par courrier recommandé avec accusé de réception dans les délais légaux,
- dit et jugé que la procédure de licenciement est régulière,
- pris acte de la remise par la société 5Com, prise en la personne de son représentant légal, à M. [R] [H], lors de l'audience du bureau de jugement, d'un chèque de 576,64 euros correspondant au rappel d'indemnités de congés payés, et de la remise du bulletin de paie correspondant,
- débouté M. [H] de ses autres demandes,
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulouse en date du 19 janvier 2023 en ce qu'il a :
- dit et jugé que les temps de trajet de M. [H] entre son domicile et le lieu de sa première intervention, ainsi que ceux entre l'emplacement de sa dernière mission et son adresse personnelle doivent être compatibilisés en temps de travail effectif et rémunérés comme tels,
- dit et jugé que la société 5Com n'est pas en capacité de décompter avec précision le temps de travail effectif de M. [H],
- dit et jugé qu'à compter du mois de juin 2020, M. [H] était en droit de percevoir des indemnités de congés payés correspondant à 10% de sa rémunération brute perçue sur la période de référence,
- dit et jugé que la société 5Com a manqué à son obligation de repos quotidien durant la période du 22 au 23 mars 2021,
- dit et jugé que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité à l'égard de M. [H],
- dit et jugé que M. [H] a commis une faute le 4 juin 2021 en ne portant pas ses équipements de protection individuelle et que cette faute aurait dû être sanctionnée par une mise à pied à titre disciplinaire,
- dit et jugé que la société 5Com n'a pas respecté l'échelle des sanctions,
- dit et jugé que le licenciement de M. [H] intervenu le 29 juin 2021 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- dit et jugé que la mise à pied de M. [H] à titre conservatoire doit être requalifiée en mise à pied à titre disciplinaire,
- dit et jugé que M. [H] est en droit de prétendre à une indemnité de licenciement,
- dit et jugé que M. [H] est en droit de prétendre à une indemnité compensatrice de préavis représentant 2 mois de salaire,
- condamné la société 5Com, prise en la personne de son représentant légal, à verser à M. [H] les sommes de :
- 10 896, 11 euros à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires,
- 1 089,11 euros à titre de congés payés afférents,
- 100 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi induit par le manquement de la société 5Com à son obligation de repos quotidien,
- 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait du manquement de la société 5Com à son obligation de sécurité, - 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- 1 596,73 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 3 350,48 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 335,05 euros au titre des congés payés afférents,
- 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société 5Com, prise en la personne de son représentant légal au remboursement pôle emploi des indemnités chômage perçues par M. [H] dans la limite de 6 mois d'indemnités,
- débouté la société 5Com de ses demandes reconventionnelles,
- condamné la société 5Com, prise en la personne de son représentant légal, au paiement de tous les frais qui seraient engagés au titre de l'exécution de la présente décision et aux dépens,
- fixé la moyenne des 3 derniers mois de salaire à 1 675,24 euros.
En conséquence, statuant à nouveau :
- juger que le licenciement de M. [H] repose sur une faute grave et est bien-fondé,
- débouter M. [H] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner M. [H] à verser à la société 5Com la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [H] aux entiers dépens de l'instance.
Elle soutient que la procédure de licenciement est régulière, les services postaux ayant perdu la lettre de notification. Elle estime que la faute grave était caractérisée au regard des négligences professionnelles antérieures. Subsidiairement, elle s'explique sur les indemnités. Elle conteste que les temps de déplacement vers le premier rendez-vous et depuis le dernier rendez-vous puissent en l'espèce être qualifiés de temps de travail et ajoute que les temps de déplacement n'avaient pas de caractère anormal. Elle s'explique sur les tableaux présentés par le salarié et soutient que les temps de repos ont été respectés. Elle admet une régularisation sur les congés payés. Elle conteste enfin tout manquement à son obligation de sécurité.
Dans ses dernières écritures en date du 27 juin 2023, auxquelles il est fait expressément référence, M. [H] demande à la cour de :
Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées :
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il condamne la SARL 5Com au paiement des sommes suivantes :
- 10 896,11 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et 1 089,11 euros de congés payés afférents,
- 100 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du temps de repos quotidien,
- 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral né du manquement à l'obligation de sécurité et de loyauté,
- 3 483,80 euros (2 mois de salaire) au titre de l'indemnité de préavis,
- 348,38 euros au titre des indemnités de congés payés sur préavis,
- 1 596,73 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Subsidiairement, en cas d'infirmation du jugement prud'homal sur la condamnation au paiement des heures supplémentaires :
- condamner la société 5com au paiement de 9 000 euros à titre de contrepartie financière pour le temps de trajet dépassant le temps normal,
- infirmer le jugement en ce qu'il requalifie la mise à pied conservatoire et mise à pied disciplinaire et condamner l'employeur au paiement de 1 447,08 euros au titre du salaire pendant la mise à pied conservatoire, outre 144,70 euros à titre d'indemnités de congés payés afférents.
En toutes hypothèses :
- dire la décision opposable à la SELARL Fides prise en la personne de Me [F] [X], es qualité de mandataire judiciaire de la société 5Com, la SELARL AJ UP prise en la personne de Maître [I] [C], es qualité d'administrateur judiciaire de la société 5Com et SELAS. SPE 03 Partners prise en la personne de Me [Z] [P], es qualité d'administrateur judiciaire de la société 5Com,
- condamner la société 5Com au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
Il soutient que les heures de trajet constituaient bien du temps de travail effectif. Subsidiairement, il sollicite la contrepartie de trajets anormaux. Il invoque un manquement au temps de repos journalier et un manquement à l'obligation de sécurité. Il soutient enfin que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 7 mai 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le temps de travail,
Il est constant que le salarié ne disposait pas d'un lieu de travail fixe et que ses tâches étaient itinérantes. Il est constant que le temps de déplacement du salarié pour se rendre sur le lieu du premier rendez-vous depuis son domicile et celui pour regagner son domicile depuis le lieu du dernier rendez-vous n'est pas en principe du temps de travail effectif. Toutefois, ce temps passé par le salarié, utilisant un véhicule de service, peut constituer du temps de travail effectif si pendant cette durée il est à la disposition de l'employeur sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles.
Pour qualifier ces temps de temps de travail effectif, le conseil a retenu que le salarié devait adresser à l'employeur chaque début de semaine avant de partir vers le premier rendez-vous et chaque fin de semaine en arrivant à son domicile une photo du kilométrage du véhicule. Toutefois, ceci demeure insuffisant. En effet, cette mesure visait à interdire tout usage personnel du véhicule de service pendant le week-end mais ne peut constituer un élément de preuve sur la situation du salarié pendant les temps de trajet commençant et finissant la journée. Il n'est ainsi pas soutenu et encore moins établi que le salarié devait répondre à son employeur et exécuter ses directives tenant par exemple à la prise de rendez-vous ou à des modifications d'emploi du temps pendant ces trajets. Le salarié ne donne d'ailleurs aucun élément factuel sur les conditions d'exécution des trajets qui permettrait à la cour de les qualifier véritablement. Ainsi, le salarié n'était pas à la disposition de son employeur avant le début de son premier rendez-vous et après l'exécution du dernier de sorte que les temps de trajet ne peuvent être qualifiés de temps de travail effectif.
Ils pouvaient en revanche constituer des temps de trajet excédant le temps normal de trajet au sens des dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail ouvrant droit à contrepartie. L'employeur ne saurait tout d'abord considérer que s'agissant d'un travail itinérant les stipulations contractuelles prévoyant la réalisation des tâches en Occitanie, c'est toute la région qui constituait pour lui un trajet habituel. Il n'existait aucun dispositif de contrepartie et même aucun dispositif de recueil des durées de trajet permettant de déterminer ou non leur caractère anormal. Or, le salarié produit des exemples de calcul d'itinéraire pouvant excéder 1h15 sans même tenir compte des aléas de circulation ou d'encombrement, ce qui excède un temps normal de trajet. Il y avait donc bien lieu à contrepartie.
Il n'y a en revanche pas lieu à rappel de salaire au titre des heures supplémentaires. En effet, il résulte tant de l'argumentation des parties que des tableaux présentés à l'appui de la demande que ce sont uniquement les temps de trajet, non retenus par la cour comme du temps de travail effectif, qui généraient des heures supplémentaires, lesquelles ne peuvent donc être qualifiées comme telles. Le salarié l'admet d'ailleurs implicitement dans ses écritures puisque son subsidiaire est présenté en considération uniquement de la contrepartie des trajets anormaux.
Cette contrepartie, au regard des éléments produits, doit être évaluée à la somme de 6 000 euros par infirmation du jugement, le salarié étant débouté de sa demande principale au titre des heures supplémentaires. Au regard de la procédure collective, il sera procédé par voie de fixation au passif.
Sur les manquements de l'employeur au titre de l'obligation de repos quotidien et au titre de l'obligation de sécurité,
Le conseil s'agissant des temps de repos a retenu un unique manquement lié à une formation à [Localité 8] ayant engendré un temps de trajet. La cour n'a pas retenu ci-dessus que les temps de trajet anormaux constituaient du temps de travail. Toutefois, il n'en est pas de même pour ce trajet précis. Il ne s'agissait pas en effet d'un chantier que le salarié devait réaliser mais d'une formation pour laquelle il ne disposait d'aucune latitude quant à l'organisation. En effet, il justifie avoir demandé à son supérieur s'ils rentraient le soir à leur domicile et d'une réponse affirmative de l'employeur. Dès lors, ce temps précis a constitué un temps de travail effectif et compte tenu des durées respectives de la formation et du trajet, il existe une incompatibilité avec le respect du temps de repos quotidien. Ce manquement de l'employeur a bien causé un préjudice au salarié, ne serait-ce que par une fatigue excessive et le jugement sera confirmé en ce qu'il a indemnisé ce préjudice par une somme de 100 euros, sauf pour la cour à procéder par voie de fixation au passif.
Quant à l'obligation de sécurité, elle découle des dispositions des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail. En l'espèce, M. [H] invoque un management à base de pressions pour poser le plus de compteurs Linky possible et ce indépendamment des difficultés qui pouvaient être rencontrées. L'employeur conteste tout manquement et fait valoir que ce n'est qu'à compter de sa suspension par le donneur d'ordre Enedis que M. [H] a été placé en arrêt de maladie simple.
Il n'en demeure pas moins que le salarié produit différentes attestations de collègues faisant état d'une pression de l'employeur sur les salariés pour poser le plus possibles de compteurs Linky ainsi que l'exercice par le comité social et économique d'un droit d'alerte précisément sur le sujet des refus par les particuliers de la pose de ce type de compteur.
Or, si l'obligation de sécurité est de moyens renforcés et non de résultat, il incombe à l'employeur de justifier qu'il a bien mis en place les mesures de nature à y satisfaire. Tel n'est pas le cas en l'espèce. En effet, l'employeur ne saurait tout d'abord se retrancher derrière le fait que le droit d'alerte ne concernait pas M. [H] précisément puisqu'il s'agissait d'une préoccupation générale concernant tous les poseurs de compteur. Il ne saurait davantage se retrancher derrière les formations suivies par le salarié. Si celles-ci comportaient des éléments techniques indispensables, elles ne répondaient pas à cette préoccupation par la seule diffusion d'éléments de langage. Quant à la pression, l'employeur se borne à soutenir qu'il s'agissait uniquement d'un dispositif incitatif et qu'il existait des challenges lorsqu'il n'était de surcroît relevé aucun manquement relevant de la sécurité. Il s'agit cependant d'un dispositif général et aucun élément concret n'est donné quant à la mise en place d'actions précises ne serait-ce que pour répondre au droit d'alerte. L'employeur ne justifie donc pas d'avoir satisfait à son obligation de ce chef. Ce manquement a bien causé un préjudice au salarié ne serait-ce que par la pression mise pour poser le plus de compteurs possibles. C'est à juste titre que les premiers juges ont alloué la somme de 500 euros à ce titre et il y a lieu à confirmation, sauf pour la cour à procéder par voie de fixation au passif.
Sur le licenciement,
M. [H] a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave. Elle se définit comme un fait ou un ensemble de faits, personnellement imputables au salarié, constituant une violation d'une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l'entreprise, d'une gravité telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise.
Lorsque l'employeur retient la qualification de faute grave, il lui incombe d'en rapporter la preuve et ce dans les termes de la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l'espèce, la lettre de licenciement a énoncé le motif dans les termes suivants :
Nous vous avons convoqué à un entretien préalable en date du 14 juin 2021, auquel vous ne vous êtes pas présenté. En effet, vous nous avez adressé un courrier, en date du 10 juin 2021, afin de contester votre mise à pied, notifiée à l'orale.
Pourtant, en date du 4 juin 2021, M. [O] [Y], Responsable de Zone à [Localité 9], vous a bien notifié votre mise à pied conservatoire, par le biais d'un message téléphonique laissé sur votre répondeur. Suite à ce message, vous vous êtes rendu au dépôt de [Localité 9] afin de rendre votre véhicule et l'ensemble de votre matériel, mis à disposition dans le cadre de votre mission.
II est à noter que, le véhicule immatriculé [Immatriculation 7], qui a été mis à votre disposition, était particulièrement détérioré lors de la restitution : pare-brise fissuré, boitier de la clé du véhicule endommagé, pommeau de vitesse dégradé, saleté apparente.
Il vous a été pourtant rappelé à de nombreuses reprises que, conformément à l'article 8 de votre contrat de travail, le salarié doit veiller au bon entretien du véhicule.
Nous vous informons que nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave, compte tenu des éléments suivants :
En date du 4 juin 2021, lors d'une visite qualité effectuée par ENEDIS à l'adresse suivante : [Adresse 6] - sur le Point De Livraison numéro 23410853818477, vous avez fait l'objet d'une suspension d'autorisation d'accès au réseau de distribution d'électricité.
En effet, lorsque le visiteur qualité est arrivé, il a constaté que vous ne portiez pas l'ensemble de vos EPI (Equipement de Protection Individuelle) nécessaires lors d'une intervention sous tension. Par ailleurs, il apparaît que vos outils n'étaient pas protégés et que le couteau n'était pas dans son étui. Enfin, le contrôleur a également constaté que le compteur grésillait, laissant apparaître un défaut de branchement et de serrage.
Ces négligences portent gravement atteinte à votre sécurité et à celle de votre entourage, et sont inacceptables.
Conformément à l'article L4122-1 du Code du travail, nous vous rappelons que vous devez prendre soin de votre santé, de votre sécurité et de celles des autres personnes concernées par vos actes ou omissions au travail.
A ce titre, l'article II-A-4 du règlement intérieur applicable à 5COM précise que « chaque salarié doit, d'une part, respecter les instructions données par sa hiérarchie en matière de sécurité et, d'autre part, veiller au port des équipements de protection individuels et collectifs mis à sa disposition selon les consignes données à cet effet par sa hiérarchie ».
Ces faits sont d'autant plus surprenants que vous avez fait l'objet de nombreuses notifications de manquements suite à des visites qualités réalisées par notre client, ENEDIS, sur vos interventions :
- Le 7 janvier 2021, sur le PDL numéro 23228798819765, il a été constaté que le coupe circuit principal individuel (CCPI) était à nu car vous n'aviez pas vissé le capot,
- Le 30 mars 2021, sur le PDL numéro 23411432692523, il a été constaté que le couple de serrage
- Le 14 avril 2021, sur le POL numéro 23212300938399, il a été constaté qu'un des macarons n'était pas posé,
- Le 20 avril 2021, sur le PDL numéro 23269609187158, il a été constaté que le coffret était mal fixé,
- Le 20 avril 2021, sur le PDL numéro 23269753904908, il a été constaté un défaut de serrage.
Malgré nos nombreux rappels sur le mode opératoire, nous ne pouvons que constater un déni de procédure et de sécurité.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise est impossible. Votre licenciement prend donc effet immédiatement, à la date d'envoi de la présente, sans indemnité de préavis ni de licenciement.
L'employeur justifie que le 4 juin 2021, son donneur d'ordre, Enedis, a suspendu à titre temporaire l'autorisation d'accès sur le réseau de M. [H] à raison d'un non port des équipements de protection individuelle et de non-conformités tenant à la protection des outils et à la pose du compteur. Le fait est ainsi matériellement établi et d'ailleurs non contesté.
Il pouvait relever de la sphère disciplinaire. Cependant, la cour constate tout d'abord que la suspension du salarié était temporaire et qu'Enedis l'indiquait expressément puisque cette entité sollicitait des actions correctrices. Or, l'employeur ne peut en l'espèce se prévaloir comme il le fait d'antécédents.
Il est en premier lieu impossible pour lui, par application des dispositions de l'article L. 1332-5 du code du travail de faire état en l'espèce d'un avertissement antérieur puisqu'il est daté du 9 avril 2018, soit plus de trois ans avant le début de la procédure de licenciement. Il ne peut davantage se prévaloir des non conformités relevées par Enedis. En effet, la cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour déterminer la fréquence des non conformités et si celles concernant M. [H] étaient véritablement importantes ou non. Mais surtout, chacun des courriers adressés par Enedis au titre de ces non conformités demandait à l'employeur de réaliser une analyse des faits et de définir des actions correctrices. Aucun élément pertinent n'est produit en ce sens. Les formations dont il est certes justifié étaient générales et pour la dernière portaient bien davantage sur la reprise des poses après la crise sanitaire que sur la prise en compte des incidents signalés par Enedis. Concrètement, il apparaît ainsi qu'Enedis a certes signalé des difficultés, demandant à chaque fois des actions correctrices pour lesquelles il n'est donné aucun élément par l'employeur. La suspension de l'accès au réseau procédait, pour ce tiers, d'une graduation dans sa réponse mais celle-ci ne pouvait être répercutée sur le salarié que s'il était justifié de la même graduation à son endroit. Or, il n'est pas donné d'élément sur la transmission au salarié de ces signalements et sur les modalités mises en 'uvre pour permettre une véritable action correctrice.
Dès lors, l'employeur pouvait se placer sur un terrain disciplinaire mais ne pouvait immédiatement se placer sur le terrain de la rupture a fortiori pour faute grave, mesure parfaitement disproportionnée. Il s'en déduit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé de ce chef et en ce qu'il a ordonné le remboursement des indemnités chômage dans la limite de six mois. Le conseil ne pouvait en revanche requalifier la mesure de mise à pied, expressément conservatoire et dont le sort doit suivre celui du licenciement, en mise à pied disciplinaire de sorte qu'il y a lieu à réformation de ce chef.
Sur les conséquences, M. [H] peut donc prétendre à l'indemnité de préavis (3 350,48 euros) aux congés payés afférents (335,05 euros) et à l'indemnité de licenciement (1 596,73 euros) dont les montants ne sont pas spécialement contestés. Il peut également prétendre à des dommages et intérêts qui seront fixés en considération d'un salaire de 1 675,24 euros, d'une ancienneté de trois années complètes, des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail et du fait qu'il est justifié d'une situation de chômage jusqu'en octobre 2022. Le montant des dommages et intérêts a été exactement apprécié et il y a lieu à confirmation de ces chefs, sauf pour la cour à procéder par voie de fixation au passif.
Il y a en revanche lieu à infirmation au titre de la mise à pied qui ne pouvait être qualifiée de disciplinaire de sorte que le salarié peut prétendre à la somme de 1 447,08 euros à ce titre outre 144,70 euros au titre des congés payés afférents. Ces sommes seront fixées au passif.
Le jugement sera confirmé sur le sort des frais et dépens.
L'appel est globalement mal fondé de sorte que l'employeur sera condamné au paiement d'une somme complémentaire de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Montauban du 19 janvier 2023 sauf en ce qu'il a qualifié les temps de trajet de temps de travail et condamné l'employeur au paiement de la somme de 10 896,11 euros à titre de rappel de salaire outre 1 089,11 euros au titre des congés payés afférents, qualifié la mise à pied de disciplinaire et rejeté les demandes de rappel de salaire à ce titre, sauf pour la cour à dire qu'il convient de substituer à la condamnation au paiement une fixation au passif de la SARL 5com.
L'infirme de ces chefs,
Fixe les créances de M. [H] au passif de la SARL 5com, outre aux sommes objet de la confirmation, aux sommes de :
- 6 000 euros à titre de contrepartie des temps anormaux de trajet,
- 1 447,08 euros à titre de rappel de salaire (mise à pied conservatoire)
- 144,70 euros au titre des congés payés afférents,
Y ajoutant,
Condamne la SARL 5com à payer à M. [H] la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne la SARL 5com aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière.
La greffière La présidente
A. RAVEANE C. BRISSET
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