La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/07/2024 | FRANCE | N°22/03794

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 2, 25 juillet 2024, 22/03794


25/07/2024





ARRÊT N°24/507



N° RG 22/03794 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PCCS

CJ - VCM



Décision déférée du 31 Août 2022 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SAINT-GAUDENS - 18/00402

C. COMMEAU

















[R], [A], [O] [F]





C/





[D] [F] épouse [P]





























































INFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANTE



Madame [R], [A], [O] [F]

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentée par Me Jean-paul BO...

25/07/2024

ARRÊT N°24/507

N° RG 22/03794 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PCCS

CJ - VCM

Décision déférée du 31 Août 2022 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SAINT-GAUDENS - 18/00402

C. COMMEAU

[R], [A], [O] [F]

C/

[D] [F] épouse [P]

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

Madame [R], [A], [O] [F]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-paul BOUCHE de la SELEURL BOUCHE JEAN-PAUL, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

Madame [D] [F] épouse [P]

[Adresse 4]

[Localité 16]

Représentée par Me Catherine MOUNIELOU de la SCP MOUNIELOU, avocat au barreau de SAINT-GAUDENS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant, Mme C. DUCHAC, Présidente et Mme M. C. CALVET, conseiller, chargées du rapport, Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. DUCHAC, présidente

V. CHARLES-MEUNIER, conseiller

M.C. CALVET, conseiller

Greffier, lors des débats : M. TACHON

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement,par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par C. DUCHAC, présidente, et par M. TACHON, greffier de chambre.

EXPOSÉ DU LITIGE

De l'union de M. [V] [F] et de Mme [L] [U], dissoute par jugement de divorce rendu par le Tribunal de grande instance de Perpignan le 29 mai 2000, est issue Mme [R] [F], née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 11].

Par testament olographe fait à [Localité 15] (la Réunion) en date du 27 février 2013, M. [V] [F] a révoqué tout testament et autres dispositions à cause de mort antérieurs, y compris la donation entre époux consentie au profit de son ex-épouse, Mme [U] le 3 avril 1980.

M. [V] [F] est décédé le [Date décès 2] 2015 à [Localité 14], laissant pour lui succéder son unique fille. Le testament avait été déposé au rang des minutes de Me [S] [H], notaire à [Localité 8], suivant procès-verbal d'ouverture et de description en date du 1er octobre 2015. L'attestation de dévolution successorale et l'acte de notoriété ont ensuite été dressés le 23 novembre 2015 par l'Etude de Maître [M], notaire à [Localité 12].

Par acte d'huissier en date du 29 juin 2018, Mme [R] [F] a fait assigner Mme [D] [F] épouse [P], nièce du défunt, devant le tribunal de grande instance de Saint-Gaudens, sur le fondement des articles 912 et suivants du Code civil, en réduction des donations effectuées par [V] [F] au profit de cette dernière.

Par jugement en date du 10 janvier 2020, le Tribunal judiciaire de Saint-Gaudens a :

- déclaré l'action de Mme [R] [F] recevable,

- ordonné la réouverture des débats, en invitant :

les parties à conclure sur l'opportunité d'une médiation en vue de parvenir à un règlement plus consensuel du litige les opposant,

et en cas de refus de la médiation,

Mme [R] [F] à évaluer les masses de la réserve et de la quotité disponible au jour du décès de [V] [F], à chiffrer le montant de sa demande en réduction et à fournir tous éléments de preuve pour l'apprécier,

Mme [D] [P] à fournir ses explications sur l'objet des versements qu'elle a reçus entre 2009 et 2015 par chèques tirés sur le compte de [V] [F] à son profit pour un montant total de 41 098 euros,

Mme [D] [P] à appeler à la cause les personnes dont elle suppose qu'elles auraient reçu des donations postérieures,

- réservé le surplus des demandes,

- réservé les dépens,

- renvoyé l'affaire et les parties à l'audience de mise en état pour conclusions des parties.

Puis, par ordonnance en date du 10 juillet 2020, le juge de la mise en état a :

- ordonné une médiation,

- désigné en qualité de médiateur : Me [G] [N] notaire à [Localité 9] (65).

La tentative de médiation a échoué.

Par jugement contradictoire en date du 31 août 2022, le tribunal judiciaire de Saint-Gaudens a :

- débouté Mme [R] [F] de sa demande de réduction,

- condamné Mme [R] [F] aux dépens,

- condamné Mme [R] [F] à payer à Mme [P] la somme de

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration électronique en date du 27 octobre 2022, Mme [R] [F] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- débouté Mme [R] [F] de sa demande de réduction,

- condamné Mme [R] [F] aux dépens,

- condamné Mme [R] [F] à payer à Mme [P] la somme de

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions d'appelante en date du 4 avril 2024, Mme [R] [F] demande à la cour de bien vouloir :

- vu les articles 912, 913, 919-2, 920 et 922 et suivants du Code Civil,

- prenant droit de l'ensemble des éléments de la cause,

- infirmer le jugement rendu le 31 août 2022 par le Tribunal judiciaire de St Gaudens en ce qu'il a :

débouté Mme [R] [F] de sa demande de réduction,

condamné Mme [R] [F] aux dépens,

condamné Mme [R] [F] à payer à Mme [D] [P] la somme de 1.500 euros,

En conséquence,

Statuant à nouveau,

- déclarer recevable l'action en réduction engagée par [R] [F],

A titre principal,

- juger que les donations faites à [D] [P] par M. [F] à hauteur de 269.948 euros doivent être réunies à la masse de calcul de la quotité disponible,

- juger que la quotité disponible de la succession de M. [F] était de 140.357,86 euros et la réserve héréditaire de 140.357,86 euros,

- juger que les donations consenties à [D] [P] par [V] [F] ont dépassé la quotité disponible et par suite, porté atteinte à la réserve héréditaire,

- ordonner en conséquence la réduction des donations faites par M. [F] à Mme [P] qui dépassent le montant de la quotité disponible fixée à 140.357,86 euros,

Par suite,

- condamner Mme [D] [P] à payer à Mme [R] [F] une indemnité de réduction de 129 590,14 euros,

- juger que cette somme portera intérêt au taux légal avec capitalisation depuis le 29 juin 2018 date de l'assignation,

A titre subsidiaire, si la Cour ne s'estimait pas suffisamment informée,

- avant dire droit, sur toutes les autres demandes, tous droits, moyens et dépens réservés :

- ordonner une expertise judiciaire,

- désigner pour y procéder tel Notaire qui plaira à la Cour de céans pour y procéder avec pour mission, après avoir pris connaissance du dossier, s'être fait remettre tous documents utiles et avoir entendu les parties ainsi que tout sachant, de :

déterminer le montant des donations faites par M. [F] à Mme [P],

déterminer la quotité disponible et la réserve héréditaire,

proposer le calcul de l'indemnité de réduction.

dire que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera son rapport au Greffe de la Cour d'Appel dans le délai de 12 mois à compter de l'avis de consignation, sauf prorogation de ce délai,

En tout état de cause,

- débouter Mme [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner Mme [D] [P] à payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner Mme [D] [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Mme [D] [P], bien que constituée par acte en date du 15 novembre 2022, n'a pas conclu.

La clôture de la mise en état a été ordonnée le 8 avril 2024 et l'audience de plaidoiries fixée le 23 avril 2024 à 14 heures.

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.

MOTIVATION

Le premier juge a rejeté la demande en réduction à défaut pour la demanderesse de faire la preuve de l'actif et du passif successoral existant au jour du décès de [V] [F] afin de pouvoir calculer les masses de réserve et de quotité disponible en application des articles 912,913 et 922 du code civil.

Par jugement avant-dire droit en date du 10 janvier 2020, le tribunal a , après avoir rejeté la demande de désignation d'un notaire à défaut d'indivision constituée, ordonné la réouverture des débats afin notamment que Mme [F] évalue la réserve et la quotité disponible au jour du décès de M. [V] [F], chiffre le montant de sa demande de réduction et fournisse tous les éléments de preuve pour l'apprécier.

Après avoir constaté que Mme [F], sans produire de nouvelle pièce, chiffrait sa demande, le premier juge a souligné l'absence d'élément de recherche sur l'existence de biens immobiliers dans le patrimoine du de cujus tout autant que de dettes de la succession, comme les factures en cours, etc...

Ainsi, il a estimé que Mme [F] était défaillante dans la charge de la preuve de la masse des biens existant au décès et donc de la réserve et de la quotité disponible et donc de l'excès allégué de donations consenties à Mme [P] et l'a déboutée.

En cause d'appel, Mme [F] produit en complément notamment les échanges qu'elle a eu par mail avec Me [T], notaire à [Localité 10], qui l'a contactée en août 2015 se disant être chargée du règlement de la succession de son père. En raison du dépôt d'un testament auprès de la SCP [H] en date du 27 février 2013, Me [I] a pris la suite, et il lui était demandé un état de la succession de M. [F] : le notaire qui a procédé à l'acte de notoriété signé le 23 novembre 2015 , a alors confirmé que la succession n'était composée que des comptes bancaires ouverts auprès de la [7] pour 14.572,98 euros ayant refusé de lui dresser un état plus officiel au vu de la faible composition du patrimoine.

Dès lors, les éléments au dossier permettent d'établir un actif successoral constitué au jour du décès du solde du livret A ouvert auprès de la [7] de 823,03 euros et du solde de son compte de dépôt ouvert dans la même banque pour 13.749,95 euros, soit un total de 14.572,98 euros.

Concernant les dettes du défunt et celles nées à l'occasion de son décès, elles s'élèvent à la somme de 3 805,26 euros au vu du relevé de compte à la date du 1er septembre 2020, aucune autre source de passif ne résultant des pièces aux débats pas plus que de l'existence d'un patrimoine immobilier de quelle que sorte que ce soit.

Ainsi l'actif net s'établit à la somme de 10.767,72 euros (14 572,98 euros - 3805,26 euros).

En application de l'article 922 alinéa 2 du code civil, aux biens existants dont ont été déduites les dettes, sont réunies fictivement les biens donnés entre vifs par le défunt pour leur valeur au jour du décès selon leur état à l'époque de la donation.

A ce titre Mme [F] demande de procéder à la réunion fictive des sommes et biens donnés à Mme [P] par M. [F] en ces termes :

- 41 098 euros de chèques

- 46 000 euros de la vente viagère sans bouquet, prix retiré de le vente

- 26 250 euros de rente viagère

- 156 600 euros de la vente du terrain de [Localité 16] acquis à vil prix pour 5800 m² le 25 février 1999,

soit une somme globale de 269 948 euros.

Sur la donation de la somme de 41 098 euros par chèques

Mme [F] produit la copie des chèques émis tirés sur le compte de M. [F] au profit de Mme [P] entre 2009 et 2015. Il résulte de l'examen de ces pièces que depuis 2009 au profit de Mme [D] [P] ont été effectués les chèques suivants :

* en 2009 : 400 euros le 10 mai

500 euros le 12 août

1 200 euros le 21 septembre

400 euros le 12 novembre

* en 2010 : 400 euros le 7 juin

1 200 euros le 5 avril

1 000 euros le 30 novembre

* en 2011 : 700 euros le 15 mars

1 000 euros le 12 avril 2011

1 000 euros le 10 octobre

1 000 euros le 22 novembre

* en 2012 : 400 euros le 10 avril

10 000 euros le 1er juin

1 300 euros le 20 septembre

* en 2013 : 500 euros le 6 février

1 300 euros le 14 mars

1 300 euros le 10 octobre

* en 2014 : 400 euros le 27 mars

1 400 euros le 28 septembre

* en 2015 : 1 500 euros le 25 février

11 000 euros le 20 mars 2015.

Soit un total de 37 900 euros, les trois autres chèques ayant été tirés pour

- 1 246 euros au profit de [Y] [P] en avril 2009

- 1 252 euros au profit de [E] [P] en mai 2009 et 700 euros en mai 2010, et ne pouvant être considérés comme des donations à [D] [P].

Il appartient au vu de l'importance des sommes engagées sur la période et au vu du patrimoine restant au jour du décès à Mme [P] de l'absence de donation ou à tout le moins de caractère de cadeau d'usage du versement de ces sommes, ce qu'elle ne fait pas devant la cour, étant rappelé que le premier juge n'a pas examiné ces demandes et que dès lors la cour ne peut que constater la défaillance de Mme [P] à justifier de la nature des sommes perçues.

En conséquence c'est une somme de 37 900 euros qu'il faudra ramener fictivement à la masse active de la succession.

Sur la somme de 46 000 euros de la vente viagère et le paiement de la rente

Le 20 mars 2009, [V] [F] a vendu à sa nièce, [D] [P], devant Maître [K] la propriété d'un appartement sis [Adresse 6] à [Localité 13] sous réserve d'un droit d'usage et d'habitation en contrepartie d'une rente viagère annuelle de 4 200 euros à la charge de l'acquéreur, sans bouquet, pour une valeur déclarée de 80 000 euros.

Dans le cadre de la première instance Mme [P] a justifié de la revente du bien pour un montant net vendeur de moins de 36 111 euros le 15 juillet 2016, tandis qu'elle affirmait avoir bien réglé le montant de la rente à hauteur de 350 euros/mois en produisant des quittances manuelles, sans pour autant produire ses extraits de compte pour justifier de la réalité des transferts financiers qui représentent la somme de 26 250 euros sur la période jusqu'au décès de M. [F] alors qu'elle disposait de la procuration sur le compte de M. [F].

Si Mme [F] est en demande, il appartient à Mme [P] de justifier du paiement effectif du prix de vente (de la rente ici) puisqu'elle affirme s'en être libéré, d'autant qu'aucun bouquet n'ayant été prévu, le simple droit d'usage et d'habitation était bien insuffisant à éviter une requalification en donation déguisée.

En tout état de cause, le bien ayant été revendu pour un montant net de 36 111 euros alors que M. [F] l'occupait sur toute la période, seul ce montant sera réintégré au calcul sans que celui de la rente ne soit rajouté puisque c'est le défaut de paiement du prix qui constitue la donation déguisée.

Ainsi à ce titre la somme de 36 111 euros sera réintégrée à la masse.

Concernant le terrain de [Localité 16]

Selon acte en date du 25 février 1999, [V] [F] a vendu à Mme [D] [P] plusieurs parcelles de terre sur la commune de [Localité 16] (31) pour une contenance totale de 58 a10 ca au prix de 609,80 euros (4000 francs).

Mme [F] soutient qu'il s'agit d'une donation déguisée en ce que quelques mois plus tard, le 18 décembre 1999, la commune de [Localité 16] a racheté une parcelle de 370 m² (sur les 5810 m² globaux) pour la somme de 10 000 francs.

A défaut pour Mme [P] de justifier de la revente du surplus de ce terrain ni même des fermages qu'elle alléguait, Mme [F] propose une évaluation à hauteur de la somme de 25 euros/m² pour ce terrain.

La vente à vil prix résulte suffisamment de l'acte de revente auprès de la commune quelques mois plus tard : ainsi l'évaluation du terrain se fera sur la base proposée, soit 25 euros/m² pour le terrain dont la revente n'est pas démontrée, soit 136 000 euros au total outre la somme de 1 524,5 euros de le vente auprès de la Mairie.

Ainsi la somme de 137 524,5 euros devra être réintégrée,

soit un total à réintégrer au titre des donations faites à Mme [P] : 137 524,5 + 36 111 + 37 900 = 211 535,5 euros.

Sur les biens reçus par Mme [R] [F]

Mme [R] [F] a reçu en donation de ses parents la nue-propriété d'un bien immobilier sis à [Localité 17] (94), selon acte de donation du 29 avril 1992, mais ce bien a été rapidement revendu le 29 août 1994 et la répartition des fonds a été adressée aux deux époux sans qu'il ne soit établi que Mme [F] ait jamais perçu sa part.

Il n'y a pas lieu à procéder à des réintégrations de ce chef.

Enfin concernant d'éventuelles donations reçues par des tiers, notamment des compagnes vivant à l'Ile de la Réunion ou à Madagascar, ces tiers ne sont pas partie à l'instance et aucune pièce ne démontre de la réalité de remises d'argent qui s'apparenteraient à des donations.

Sur le calcul de la quotité disponible et de la réserve

En vertu de l'article 912 du code civil, la réserve héréditaire est la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charge à certains héritiers dit réservataires s'ils sont appelés à la succession et s'ils l'acceptent. La quotité disponible est la part des biens et droits successoraux qui n'est pas réservée par la loi et dont le défunt a pu disposer librement par des libéralités.

En application de l'article 913 du code civil les libéralités soit par actes entre vifs, soit par testament, ne pourront excéder la moitié des biens du disposant s'il ne laisse à son décès qu'un enfant.

La libéralité faite hors part successorale s'impute sur la quotité disponible et l'excédent est sujet à réduction.

En l'espèce [V] [F] n'avait qu'un enfant au jour de son décès et plus de conjoint : ainsi la réserve héréditaire consacrée à sa fille est de la moitié de la succession, et la quotité disponible de l'autre moitié.

Dès lors le calcul en application de l'article 922 alinéa 2 du code civil est le suivant :

' Biens existants : 14 572,98 €

' Dettes à déduire : - 3 805,26 €

' Actif net successoral : valeur décès = 10 767,72 €

' Réunion fictive de la donation : + 211 535,5 euros

' Masse de calcul de la réserve = 222 303,22 euros

' Taux de la réserve en présence d'un seul enfant : 1/2

' Montant de la réserve globale : 222 303,22 € × 1/2 =111 151,61 €

' Montant de la quotité disponible : 111 151,61 €

Sur l'imputation des libéralités

Une libéralité n'est réductible que pour autant que, excédant la quotité disponible, elle porte atteinte à la réserve ; et ne l'est que dans la seule mesure nécessaire au respect de cette réserve.

Dès lors, il convient de comparer ce dont le défunt a disposé par libéralités, entre vifs (donations), ainsi qu'à cause de mort, avec la fraction de ses biens dont il pouvait disposer. Et si le défunt a consenti plusieurs libéralités, il faut en déterminer l'ordre d'imputation, étant précisé qu'en l'espèce toutes les libéralités ont été faites à des tiers non successibles et sont donc imputées sur la quotité disponible et qu'ayant été toutes faites au profit d'un seul bénéficiaire, l'imputation chronologique est inutile.

En l'espèce, Mme [P] a été gratifiée à hauteur de la somme de 211 535,5 euros alors que la quotité disponible est de 111 151,61 €.

Ainsi, comme la libéralité excède la quotité disponible, elle est sujette à réduction au prorata de l'excédent, ce qui représente une somme de 100.383,89 euros au visa de l'article 924 du code civil avec intérêts au taux légal à compter du 1er février 2022, date des premières conclusions sollicitant une condamnation en paiement.

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Mme [P] sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel et de première instance par réformation de la décision déférée.

En équité Mme [P] sera condamnée au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la décision sera infirmée en ce qu'elle a condamné Mme [F] à verser une indemnité sur le fondement de ce même article.

PAR CES MOTIFS

la Cour,

statuant dans les limites de sa saisine,

Infirme la décision en ce qu'elle a

- débouté Mme [R] [F] de sa demande de réduction,

- condamné Mme [R] [F] aux dépens,

- condamné Mme [R] [F] à payer à Mme [P] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Accueillant la demande de réduction,

Ordonne la réduction des donations faites par M. [F] à Mme [D] [P] à hauteur de la somme de 100 383,89 euros ;

Condamne en conséquence Mme [D] [P] à payer à Mme [R] [F] cette somme de 100 383,89 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er février 2022,

Condamne Mme [D] [P] à payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [D] [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,

M. TACHON C. DUCHAC.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 2
Numéro d'arrêt : 22/03794
Date de la décision : 25/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-25;22.03794 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award