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03/09/2024 | FRANCE | N°23/03736

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 03 septembre 2024, 23/03736


03/09/2024





ARRÊT N° 306



N° RG 23/03736 - N° Portalis DBVI-V-B7H-PZC5

IMM / CD



Décision déférée du 16 Octobre 2023 - Tribunal de Commerce de Toulouse - 2022J180

M. DEBAINS

















Société TECNICAS DE ENVASADO CORFER SL





C/



S.A.R.L. GELADOC

S.A.R.L. GELADOC SARL





























































CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANTE



Société TECNICAS DE ENVASADO CORFER SL

Société située dans la province de Al...

03/09/2024

ARRÊT N° 306

N° RG 23/03736 - N° Portalis DBVI-V-B7H-PZC5

IMM / CD

Décision déférée du 16 Octobre 2023 - Tribunal de Commerce de Toulouse - 2022J180

M. DEBAINS

Société TECNICAS DE ENVASADO CORFER SL

C/

S.A.R.L. GELADOC

S.A.R.L. GELADOC SARL

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

Société TECNICAS DE ENVASADO CORFER SL

Société située dans la province de Albacete en Espagne

[Adresse 3]

[Localité 1] / ESPAGNE

Représentée par Me Emilie ROQUE, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Rafael LEDESMA, avocat plaidant au barreau de Saragosse

INTIMEE

S.A.R.L. GELADOC SARL

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Eric ARNAUD-OONINCX de la SELARL ERIC ARNAUD-OONINCX, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère, chargée du rapport et V. SALMERON, présidente. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère

M. NORGUET, conseillère

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre.

Exposé des faits et procédure :

La Sarl Geladoc a acquis courant 2015 du matériel de fabrication et stockage de glace auprès de la société de droit espagnol Technicas de Envasado Corfer ( la société Corfer). La fourniture et la pose de ce matériel sont intervenues dans le courant du second trimestre 2015.

La société Gelado s'est plainte de dysfonctionnements du matériel et a refusé de payer les factures.

Par acte du 27 juillet 2018, la société Geladoc a assigné la société Corfer devant le juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse aux fins que soit ordonnée une expertise pour faire constater les dysfonctionnements du matériel.

Par ordonnance du 4 octobre 2018, le juge des référés a fait droit à cette demande et désigné M.[X] [D] en qualité d'expert.

L'expert a déposé son rapport le 27 septembre 2019.

Par exploit en date du 4 février 2022, la société Geladoc a fait assigner la société Corfer devant le tribunal de commerce de Toulouse afin d'obtenir sa condamnation à l'indemniser de divers préjudices.

La société Corfer a invoqué l'incompétence du tribunal de commerce et demandé son dessaisissement au profit de la juridiction de Albacete, déjà saisie d'une procédure opposant les parties.

Par jugement du 16 octobre 2023, le tribunal de commerce de Toulouse a débouté la société Corfer de ses exceptions d'incompétence, s'est déclaré compétent et a renvoyé les parties à conclure au fond.

Par déclaration en date du 31 octobre 2023, la société Technicas de Envasado Corfer, a relevé appel de ce jugement.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions notifiées le 26 mars 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la société Tecnicas de Envasado Corfer demandant de :

- Infirmer le jugement en ce qu'il :

Déboute la société Corfer de ses exceptions d'incompétence ;

Se déclare compétente ;

Renvoie les parties à l'audience du 13 novembre 2023 à 14 heures afin qu'elles aient conclu au fond ;

Réserve les demandes liées à l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

et, statuant à nouveau :

- Constater qu'elle a soulevé in limine litis les exceptions européennes de litispendance et de connexité ;

- Dire qu'il y a lieu de recevoir l'exception de litispendance européenne;

- Juger que les conditions de l'exception de litispendance européenne sont réunies ;

- Dire qu'il y lieu en conséquence à dessaisissement de la juridiction commerciale française au profit de la cour d'appel de Albacete actuellement chargée d'instruire la procédure commerciale initiée par elle et conséquemment l'ensemble des questions liées à la formation, l'interprétation et l'exécution du contrat liant les parties ;

Subsidiairement,

- Dire qu'il y a lieu de recevoir l'exception européenne de connexité

- Juger que les conditions de l'exception de connexité sont réunies ;

- Dire qu'il y lieu en conséquence à dessaisissement de la juridiction commerciale française au profit de la cour d'appel de ALBACETE actuellement chargée d'instruire la procédure commerciale initiée par elle et conséquemment l'ensemble des questions liées à la formation, l'interprétation et l'exécution du contrat liant les parties, et transmettre à la cour d'appel de Albacete l'entier dossier pour jonction ;

Ou encore, subsidiairement,

- Prononcer le sursis à statuer de la procédure devant leTribunal de Commerce de Toulouse jusqu'à ce que les juridictions espagnoles rendent une décision définitive.

- En tout état de cause, condamner la Geladoc à lui verser la somme de 7.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

A titre subsidiaire,

- Inviter les parties à conclure sur le fond, et ainsi fixer une nouvelle date d'audience afin que les parties puissent organiser leur défense sur le fond.

Vu les conclusions notifiées le 4 avril 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la société Geladoc demandant à la cour au visa de l'article 561 Cpc, de

- confirmer la décision en date du 16 octobre 2023, en ce qu'elle a consacré la compétence du Tribunal de commerce de Toulouse pour connaître du litige entre la société Geladoc et Corfer conformément à l'article 7 inscrit à la section 2 du chapitre II du règlement UE no 1215/2012 du 12 décembre 2012 ;

- Déclarer Corfer irrecevable en ses exceptions de litispendance internationale et de connexité européenne,

- Déclarer Geladoc recevable en l'ensemble de ses demandes ;

- Condamner Corfer au paiement de la somme de EUR 5000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner Corfer aux entiers dépens.

Motifs 

La société Corfer demande à la cour de constater l'incompétence du tribunal de commerce pour connaître des demandes de la société Geladoc et son dessaisissement au profit de la cour d'appel d'Albacete.

A cette fin, elle soutient que le tribunal de commerce de Toulouse, saisi par la société Geladoc n'est pas compétent pour connaître du litige dès lors que la cour d'appel d'Albacete est déjà saisie des même demandes.

Elle précise en effet avoir le 21 novembre 2018, assigné en paiement la société Geladoc devant le Juzgado de Primera Instancia de Albacete.

Dans le cadre de cette instance la société Geldoc a soulevé l'incompétence de la juridiction espagnole.

Le tribunal espagnol a accueilli l'exception d'incompétence mais la cour d'appel de Albacete a par arrêt du 26 janvier 2021 infirmé le premier juge et déclaré compétent le Juzgado de Primera Instancia

Par jugement du 10 novembre 2022, le Juzgado de Primera Instancia de Albacete, statuant sur le fond du litige a débouté la société Corfer de ses demandes en paiement des factures.

Un recours ayant été formé, l'affaire est pendante au fond devant la cour d'appel d'Albacete.

A titre subsidiaire, la société Corfer soutient que les litiges dont sont saisies la juridiction toulousaine et la juridiction espagnole sont connexes.

La société Geladoc soutient pour sa part que le litige dont est saisie la juridiction espagnole est distinct de celui dont elle a saisi le tribunal de commerce de Toulouse et qu'il n'y a donc pas de litispendance.

Elle s'oppose à ce que soit retenue l'exception de connexité dès lors que sa demande indemnitaire n'ayant pas été examinée en première instance devant le tribunal d'Albacete, la décision d'incompétence au profit de la cour d'appel d'Albace aurait pour effet de la priver d'un degré de juridiction.

Elle ajoute qu'il n'existe aucun risque de contrariété puisque l'instance pendante en Espagne tend au paiement d'une facture et celle dont la juridiction toulousaine a été saisie ne tend qu'à la réparation d'un préjudice.

Selon l'article 29 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, 'Sans préjudice de l'article 31, paragraphe 2, lorsque des demandes ayant le même objet et la même cause sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d'États membres différents, la juridiction saisie en second lieu sursoit d'office à statuer jusqu'à ce que la compétence de la juridiction première saisie soit établie( ...).

Lorsque la compétence de la juridiction première saisie est établie, la juridiction saisie en second lieu se dessaisit en faveur de celle-ci.'

L'article 30 de ce Réglement prévoit que :

'1- Lorsque des demandes connexes sont pendantes devant des juridictions d'États membres différents, la juridiction saisie en second lieu peut surseoir à statuer.

2. Lorsque la demande devant la juridiction première saisie est pendante au premier degré, toute autre juridiction peut également se dessaisir, à la demande de l'une des parties, à condition que la juridiction première saisie soit compétente pour connaître des demandes en question et que sa loi permette leur jonction.

3. Sont connexes, au sens du présent article, les demandes liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément.'

En l'espèce, le tribunal d'Albacete a été saisi le 21 novembre 2018 par la société Corfer d'une demande en paiement d'une facture, à laquelle la société Geladoc s'est opposée en invoquant ' une exception de non-conformité de l'exécution' (pièce 30 de la société Geladoc). Dans le cadre de cette instance, la société Geladoc a notamment fait état du rapport d'expertise de M.[D], estimant que les vices de la chose étaient caractérisés, ce qui justifiait son refus de payer les sommes restant due au titre du prix de vente.

Le tribunal de commerce de Toulouse a été saisi le 4 février 2022 par la société Geladoc d'une demande en réparation de préjudices matériels et d'exploitation résultant des défauts de la chose vendue.

Il convient en premier lieu de rechercher si ces litiges qui opposent les mêmes parties présentent une identité de cause et d'objet au sens de l'article 29 susvisé.

Au sens de l'article 21 de la convention de Bruxelles, la cause comprend les faits et la règle juridique invoqués comme fondement de la demande, et l'objet consiste dans le but de la demande.

En l'espèce, les demandes, fondées sur le même rapport contractuel, ont la même cause.

Elles n'ont cependant pas le même objet et ne tendent pas à la même fin dès lors que le tribunal de commerce de Toulouse n'est saisi par la société Geladoc que d'une demande indemnitaire en raison des préjudices qu'il impute aux vices de la chose vendue par Corfer et que, en revanche, la juridiction espagnole, saisie d'une demande de paiement des factures, doit certes apprécier les conditions d'exécution du contrat mais n'est saisie d'aucune demande liée à un préjudice résultant de cette inexécution.

Il n'y a donc pas lieu d'accueillir l'exception de litispendance.

Quoique distinctes, les demandes formées par la société Corver dans l'instance pendante devant la cour d'appel d'Albacete et par la société Geladoc devant le tribunal de commerce de Toulouse sont néanmoins connexes en ce qu'elles imposent toutes deux qu'une appréciation soit portée sur l'exécution par la société Corfer de ses obligations contractuelles ainsi que l'existence de vices ou non-conformités de la chose vendue et qu'il importe que cette appréciation soit la même dans chacune des deux procédures.

Les conditions de la connexité telle qu'elle est définie à l'article 30 § 3 du Réglement susvisé sont donc réunies. Il convient dès lors de déterminer ses effets.

La connexité peut justifier soit le sursis à statuer en application du §1 de l'article 30, soit, dans des conditions plus restrictives, le dessaisissement de la seconde juridiction saisie, prévu au §2.

A ce stade, le tribunal n'a statué que sur sa compétence et la cour, par l'effet dévolutif de l'appel n'est saisie que de cette question. Il ne lui appartient donc pas d'examiner la demande de sursis à statuer.

Le tribunal n'a pas examiné l'opportunité d'un sursis à statuer mais, les conditions de la connexité étant réunies, il lui appartiendra nécessairement d'apprécier si l'objectif posé par le legislateur européen de limiter les risques de contrariété de décisions d'un État de l'Union à un autre, justifie une telle mesure.

En revanche, les conditions du dessaisissement, sollicité par la société Corfer, telles qu'elles résultent du paragraphe 2 de l'article 30 ne sont pas réunies puisque ce texte exige que la demande formée devant la première juridiction saisie, soit toujours pendante devant la juridiction du premier degré. En effet, à cette condition seulement, l'objectif énoncé à l'article 30 §3 d'instruire et juger les deux demandes en même temps peut être atteint.

Or, tel n'est pas le cas en l'espèce puisque si le tribunal d'Albacete a été saisi par acte du 21 novembre 2018, antérieurement à la saisine du tribunal de commerce de Toulouse par acte du 4 février 2022, cette instance n'est plus pendante devant le tribunal qui a tranché le fond du litige et les parties reconnaissent que la cour d'appel d'Albacete en est désormais saisie.

Il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de dessaisissement.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a retenu la compétence du tribunal.

Chacune des parties conservera la charge des dépens engagés en cause d'appel.

Il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

Confirme le jugement déféré,

Dit que le dossier de la procédure sera retourné au tribunal de commerce de Toulouse,

Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens engagés en cause d'appel.

Le greffier La présidente

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23/03736
Date de la décision : 03/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-03;23.03736 ?
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