Le 13 octobre 1992, la Société FRANFINANCE-CREDIT, anciennement dénommée CREDIT ELECTRIQUE ET GAZIER (CREG), a fait assigner Madame X... devant le Tribunal d'Instance de VERSAILLES.
La Société FRANFINANCE-CREDIT a exposé que le 10 novembre 1990, elle a consenti à Madame X... un prêt d'un montant de 100.000 Francs destiné à financer l'achat de meubles auprès de la Société SPEED MEUBLES ; que l'emprunteuse a cessé de régler les échéances à compter d'août 1991, ce qui a entraîné la déchéance du terme.
Elle a donc demandé au tribunal de:
- condamner Mademoiselle Marie-Hélène X... à payer à la Société FRANFINANCE CREDIT pour les causes ci-dessus énoncées, - la somme de 100.773,50 francs, représentant les mensualités impayées, le capital restant dû et les intérêts échus, augmentée des intérêts de retard courus au taux conventionnel de 14,88 % l'an, sur la somme en principal de 100.515,10 francs à compter du 7 septembre 1992 jusqu'au parfait paiement, - la somme de 7.234,42 francs, au titre de l'indemnité légale de résiliation, - la somme de 6.676,13 francs, au titre des primes d'assurance à percevoir, - la somme de 850 francs hors taxes, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner Mademoiselle X... en tous les
dépens.
Le 22 décembre 1992, Madame X... a assigné en garantie Maître CHAVINIER, ès- qualités de liquidateur de la SARL SPEED MEUBLES, désigné par jugement du Tribunal de Commerce de NANTERRE en date du 15 mai 1991.
Elle a fait valoir que sur les conseils de la Société FRANFINANCE, elle a déposé plainte le 14 mai 1991 à l'encontre de la Société SPEED MEUBLES, qui ne lui a jamais livré les meubles pour lesquels le crédit était demandé et ce, malgré l'intervention de la société de crédit ; que celle-ci a commis une imprudence en versant les fonds empruntés au vu d'un document intitulé "attestation de livraison" dont il ne résulte pas que Mademoiselle X... reconnaisse avoir reçu livraison et sans vérifier la réalité de cette livraison; qu'elle est fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 9 de la loi du 10 janvier 1978.
Elle a donc demandé au tribunal de:
- surseoir à statuer dans l'attente du résultat de l'action pénale introduite contre "SPEED TRAFIC", - déclarer la Société FRANFINANCE irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes,
La société FRANFINANCE a répliqué qu'elle a bien versé les fonds au vu d'une attestation de livraison signée par Madame X...; que celle-ci ne rapporte pas la preuve que la livraison n'a pas été effectuée; qu'en toute hypothèse, en cas de résolution des contrats de vente et de crédit, Madame X... doit lui restituer le capital mis à sa disposition, de telle sorte qu'elle est au moins débitrice de la somme de 83.864,24 Francs, déduction faite des 8 mensualités réglées.
Elle a également soulevé l'irrecevabilité de la demande en annulation du contrat, au motif qu'elle a été formulée par conclusions du 17 décembre 1992, soit après le délai de deux ans prévu par l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978 qui a commencé à courir à compter de la date du contrat et qui était expiré le 11 novembre 1992.
Subsidiairement, elle a demandé que Madame X... justifie du versement de la consignation fixée par le juge d'instruction à la suite de sa plainte avec constitution de partie civile.
Maître CHAVINIER, ès qualités de liquidateur de la société SPEED MEUBLES, a déclaré s'en rapporter à justice sur la responsabilité de cette dernière, mais a indiqué qu'en application des articles 47 et 48 de la loi du 25 janvier 1985, les demandes en paiement sont irrecevables et que le créancier doit demander au tribunal de constater et fixer sa créance, dès lors que celle-ci a été déclarée auprès du représentant des créanciers.
Par jugement contradictoire et avant dire droit en date du 18 octobre 1993, le Tribunal d'instance de Versailles a invité Madame X... à produire le certificat du dépôt de consignation de la somme de 3.000 Francs auprès du doyen des juges d'instruction de Nanterre et ce, avant le 15 novembre 1993.
Par courrier du 2 novembre 1993, Madame X... a produit ce certificat daté du 28 juin 1993.
Par jugement contradictoire et susceptible d'appel dans les conditions de l'article 380 du nouveau code de procédure civile, en date du 6 janvier 1994, le Tribunal d'instance de Versailles a sursis à statuer sur les demandes de la société FRANFINANCE, jusqu'à ce qu'il soit statué par une décision définitive sur la plainte avec constitution de partie civile de Madame X... à l'encontre des représentants de la société SPEED MEUBLES.
Le 28 juillet 1994, le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Nanterre chargé d'instruire la plainte de Madame X..., a rendu une ordonnance de non lieu.
A la suite de cette ordonnance, la société FRANFINANCE a conclu à la validité du contrat principal. Subsidiairement, elle a soutenu que le contrat de prêt a été résilié automatiquement à la date de la première échéance impayée le 30 août 1991 et que sa résolution ne peut donc être ordonnée judiciairement. Elle a de nouveau soulevé
l'irrecevabilité de la demande de résolution du contrat en vertu de l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978. Elle a donc maintenu ses demandes.
Madame X... et Maître CHAVINIER, ès qualités de représentant des créanciers et de liquidateur de la société SPEED MEUBLES, ont repris leur argumentation antérieure. Madame X... a maintenu ses demandes.
Par jugement en date du 7 septembre 1995, le tribunal d'instance de Versailles a rendu la décision suivante:
reprendre côte 15 dossier tribunal de E à F.
Le 8 février 1996, Madame X... a interjeté appel.
Elle fait grief au jugement déféré de l'avoir condamnée à payer à la société FRANFINANCE la somme de 83.864,24 F avec intérêts au taux légal, alors que l'organisme prêteur s'était rendu coupable d'une faute et ne pouvait prétendre au remboursement du capital versé entre les mains du vendeur. Elle invoque les dispositions de l'article L.311-20 du code de la consommation et la jurisprudence de la Cour de cassation, selon laquelle la faute de l'organisme prêteur l'empêche de réclamer à l'emprunteur l'exécution de son obligation de remboursement du prêt à laquelle il n'est pas tenu avant l'exécution de la prestation.
Subsidiairement, elle soutient que les conditions dans lesquelles s'est opéré le versement des fonds constituent une faute génératrice pour elle d'un important préjudice.
Elle demande donc à la Cour de:
reprendre côte 5 dossier Cour de G à H
La société FRANFINANCE CREDIT développe les arguments présentés devant le tribunal; en particulier, elle conclut à la validité du contrat principal, à la mauvaise foi de Mme X..., à la validité du contrat de crédit lié. Elle souligne que la demande de dommages et intérêts de Mme X... est irrecevable, car formée pour la première fois en cause d'appel et mal fondée.
Elle demande donc à la Cour de:
reprendre côte 10 dossier Cour de I à J
Maître CHAVINIER, ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SPEED MEUBLES, demande à la Cour de:
reprendre côte 13 dossier Cour de K à L
L'ordonnance de clôture a été signée le 27 mars 1997 et les dossiers des parties ont été déposés à l'audience du 22 mai 1997.
SUR CE, LA COUR,
1) Sur le contrat principal de vente
Considérant que Madame X... a constamment contesté avoir été livrée des biens financés par le prêt litigieux par la société SPEED TRAFIC SPEED MEUBLES ; qu'elle a avisé l'organisme prêteur de cette absence de livraison, puisque par courrier en réponse du 23 avril 1991, la société FRANFINANCE l'a informée, à la fois du versement des fonds entre les mains du vendeur, sur la simple présentation d'un bordereau d'attestation de livraison, et de sa décision d'engager des poursuites pénales contre la Société SPEED TRAFIC ; qu'il convient de remarquer qu'à cette date, l'établissement de crédit ne remettait pas en cause les affirmations de Madame X... concernant les agissements de la Société SPEED et lui conseillait même de déposer plainte contre elle ; que ce conseil ne pouvait être donné à la légère, eu égard à ses conséquences judiciaires possibles et laissait entendre que la société FRANFINANCE mettait en cause, pour le moins, les procédés du vendeur ;
Considérant que Madame X... a suivi ce conseil, puisqu'elle a déposé plainte le 14 mai 1991 et consigné la somme de 3.000 Francs auprès du Doyen des Juges d'instruction du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE, selon certificat daté du 28 juin 1993 ; que
l'ordonnance de non lieu rendue le 28 juillet 1994 ne vaut que sur le plan des poursuites pénales ; qu'il ne saurait en être tiré argument quant à la réalité de la livraison ;
Considérant que Madame X... produit deux attestations de témoins (régulières en la forme), lesquels, en termes précis et circonstanciés, déclarent qu'ils n'ont pas vu les meubles neufs commandés au domicile de Madame X... ;
Considérant que la Société FRANFINANCE conteste aujourd'hui, non pas le défaut de livraison, mais plutôt les moyens de preuve de Madame X... ; que la société de crédit n'y oppose cependant qu'une attestation de livraison signée par l'emprunteur ; qu'en réalité, cette attestation figure en bas de la quatrième page du contrat de crédit, en dessous des renseignements concernant l'emprunteur ; que le paragraphe est intitulé "Attestation de livraison-Demande de financement" ; qu'il est signé de Madame X..., mais n'est pas daté ; que son emplacement et l'absence de date corroborent son affirmation selon laquelle ce formulaire lui a été soumis pour signature à la date à laquelle elle a souscrit à l'offre de crédit; qu'en revanche, Maître CHAVINIER, ès-qualités de liquidateur de la Société SPEED MEUBLES, n'a jamais été en mesure de produire un bon de livraison ; que la preuve de la livraison qui incombe à la Société FRANFINANCE, n'est donc pas apportée ;
Considérant que, par conséquent, c'est à juste titre que le premier juge a estimé non établie la livraison des meubles et a prononcé la
résolution du contrat de vente en application des articles 1604 et suivants et 1184 du Code Civil ;
2) Sur le contrat de crédit affecté,
a) Sur la recevabilité de la demande en résolution du contrat de crédit
Considérant que Madame X... fonde son action contre le prêteur sur le fait que celui-ci a versé les fonds au vendeur, sans effectuer de vérifications suffisantes quant à la livraison; que l'événement qui a donné naissance au litige est donc en principe ce versement des fonds, dont la société FRANFINANCE ne précise ni n'établit la date; que dans son courrier en date du 3 décembre 1990, par lequel elle aurait informé Mme X... du versement du capital, force est de constater qu'aucune mention ne se rapporte à ce versement; que dans ces conditions, l'événement qui a donné naissance au litige est le versement de la première mensualité, en l'absence de livraison, soit le 30 décembre 1990;
Considérant que dans son jugement avant dire droit en date du 18
octobre 1993, le premier juge a relevé que Mme X... avait formulé ses moyens de défense, y compris ses demandes de résolution des contrats de vente et de crédit, dans des conclusions du 17 décembre 1992; que cette date n'est pas contestée par la société FRANFINANCE; que par conséquent, le délai de deux ans, prévu par l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978 (article L.331-37 du code de la consommation) n'était pas alors expiré; que la demande de résolution du contrat de crédit est donc recevable;
b) Sur le bien fondé de la demande en résolution du contrat de crédit Considérant que la société FRANFINANCE, en affirmant qu'il serait impossible au juge d'ordonner la résiliation d'un contrat valablement résilié antérieurement, entretient la confusion entre les deux notions tout à fait distinctes de résiliation et de résolution; que la première n'a d'effet que pour l'avenir, en mettant fin au contrat à la date à laquelle elle intervient, alors que la seconde a des effets dans le passé puisqu'elle anéantit le contrat;
Considérant que c'est donc à juste titre que le premier juge a dit que la déchéance du terme dont la société de crédit s'est prévalue le 2 janvier 1992, n'empêchait pas que le contrat puisse être résolu postérieurement;
Considérant qu'aux termes de l'article L.311-21 du code de la consommation, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé; que la Cour confirme donc le jugement déféré en ce qu'il a constaté la résolution de plein droit du contrat de crédit affecté;
3) Sur la créance de la société FRANFINANCE à l'encontre de Mme X...
Considérant que la résolution du contrat de crédit anéantit les obligations contractuelles des parties; que néanmoins, elle entraîne la remise en l'état antérieur et par conséquent la restitution des prestations reçues de part et d'autre, sous réserve qu'elle soit possible ou qu'un texte spécial ne trouve application;
Considérant que la Société FRANFINANCE n'est donc pas fondée à réclamer à Madame X... le montant d'une créance calculée conformément au contrat ; que le capital dont elle demande le
remboursement, à titre subsidiaire en sollicitant la confirmation du jugement déféré, a été versé par elle entre les mains de la Société SPEED MEUBLES ; que cependant, la Cour a retenu que la preuve de la livraison n'était pas rapportée ; que la société de crédit a agi avec légèreté en versant les fonds au seul vu d'un document figurant au contrat de crédit et non daté, et non au vu d'un bon de livraison ; que l'obligation personnelle de Madame X... à la restitution de cette somme peut être mise en doute puisqu'elle n'a pas reçu la contrepartie du versement des fonds ;
Considérant que surtout, en matière de crédits affectés, l'article L.311-20 du Code de la consommation dispose que les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation ; qu'il en résulte que si le bien financé n'a pas été livré par la faute du vendeur, le prêteur qui a fautivement versé les fonds sans s'assurer de la réalité de l'exécution de la prestation financée, ne peut réclamer à l'emprunteur -dont les obligations contractuelles n'ont pas pris effet et envers lequel aucune autre obligation ne peut être invoquée- la restitution des sommes versées au vendeur ;
Considérant que la Société FRANFINANCE n'est donc pas fondée à réclamer à Madame X... le remboursement du capital versé entre les mains de la Société SPEED MEUBLES ; que la Cour infirme sur ce
point le jugement déféré ;
Considérant que dans ses écritures en appel, Madame X... ne réclame pas le remboursement des échéances versées par elle, mais en sollicite seulement la déduction (des sommes qu'elle aurait pu être condamnée à payer à la société FRANFINANCE) ;
4) Sur les demandes subsidiaires de Madame X...
Considérant qu'en l'absence de toute condamnation au paiement de l'appelante, sa demande de garantie est sans objet; qu'en tout état de cause, il convient de constater que la liquidation judiciaire de la société SPEED MEUBLES a été clôturée pour insuffisance d'actif par jugement rendu le 9 février 1984 et que la Cour ordonne donc la mise hors de cause Maître CHAVINIER ès-qualités ;
Considérant que les autres demandes subsidiaires de l'appelante sont également sans objet ;
5) Sur les frais irrépétibles
Considérant qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré dans ses dispositions à ce titre ;
Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à Madame X... la somme de 3.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que la Cour condamne la Société FRANFINANCE à lui verser cette somme ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de vente de meubles conclu entre la société SPEED MEUBLES et Mme X... et en ce qu'il a constaté la résolution de plein droit du contrat de crédit affecté conclu entre Mme X... et la société FRANFINANCE;
Le confirme également quant à ses dispositions relatives à l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;
Infirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions;
Et statuant à nouveau:
Déboute la société FRANFINANCE CREDIT de toutes ses demandes en paiement à l'encontre de Mme X...;
Constate que la liquidation judiciaire de la société SPEED MEUBLES a été clôturée pour insuffisance d'actif par jugement rendu le 9 février 1984;
Met hors de cause Maître CHAVINIER, ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SPEED MEUBLES;
Déboute Madame X... de ses demandes subsidiaires;
Condamne la société FRANFINANCE CREDIT à payer à Madame X... la somme de 3.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;
La condamne à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Et ont signé le présent arrêt:
Le Greffier,
Le Président,
Sylvie RENOULT
Alban CHAIX