Selon acte sous seing privé en date du 15 avril 1992, la BANQUE FEDERALE MUTUALISTE, dite BFM, a consenti à Madame X... un prêt personnel d'un montant de 75.000 Francs, au taux de 13,80 %, remboursable en 60 mensualités constantes de 1.737,35 Francs du 5 juillet 1992 au 5 juin 1997.
Le 7 décembre 1994, la BANQUE FEDERALE MUTUALISTE a fait assigner Madame X... devant le tribunal d'instance de PONTOISE.
Elle a exposé que les échéances du prêt du 15 avril 1992 n'ont plus été réglées par Madame X... à compter du 5 janvier 1993; que celle-ci ayant saisi la Commission de surendettement du Val d'Oise, un plan conventionnel de règlement a été établi le 9 février 1993 ; que la débitrice s'est refusée à exécuter ce plan et ne lui a pas retourné l'autorisation de prélèvement qui lui a été adressée par la banque le 12 février 1993 en exécution du plan ; que par courrier recommandé du 15 mars 1993, la BANQUE FEDERALE MUTUALISTE a donc notifié à Madame X... qu'elle dénonçait le plan et reprenait les poursuites. La banque a précisé qu'elle avait prononcé la déchéance du terme le 5 février 1993, conformément à l'article 6 des conditions générales du prêt.
La BANQUE FEDERALE MUTUALISTE a donc demandé au tribunal de condamner Madame X... à lui payer la somme de 67.712,95 Francs en principal, augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 5 février 1993, avec capitalisation, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil, ainsi que la somme de 4.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et ce, avec le bénéfice de l'exécution provisoire.
Madame X... n'a pas comparu ni fait comparaître pour elle devant le tribunal d'instance.
Par jugement en date du 7 novembre 1995, le tribunal d'instance de PONTOISE a rendu la décision suivante :
- condamne Madame X... à payer à la BANQUE FEDERALISTE MUTUALISTE la somme de 67.712,95 Francs avec intérêts au taux légal, la déchéance du terme étant intervenue à compter du 15 mars 1993, date de la mise en demeure,
- déboute la société requérante de sa demande relative à l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire,
- condamne la défenderesse aux dépens.
Le 13 février 1996, Madame X... a interjeté appel.
Elle fait valoir que la procédure amiable devant la Commission de surendettement s'étant soldée par un échec, elle a alors saisi le tribunal d'instance de PONTOISE ; que par jugement en date du 17 mai 1994, cette juridiction a déclaré ouverte une procédure de redressement judiciaire civil à son égard ; que notamment, le tribunal a arrêté le capital dû à la BANQUE FEDERALE MUTUALISTE à la somme de 79.353,51 Francs ; qu'il a rééchelonné sa dette en prévoyant le paiement de 60 mensualités de 681,71 Francs avec un taux d'intérêt de 0 % ; qu'il a également reporté l'exigibilité du solde de la dette à 60 mois sans intérêt ; que ce jugement a été notifié le 21 juin 1994 et qu'il n'en pas été relevé appel.
Elle soutient que la BANQUE FEDERALE MUTUALISTE ne peut prétendre
ignorer ce plan établi judiciairement qui s'est substitué au plan amiable ; qu'au surplus, à la suite du jugement du 17 mai 1994, la BANQUE FEDERALE MUTUALISTE a mis en place, dès le 5 septembre 1994, un prélèvement automatique sur son compte bancaire ; qu'elle règle les mensualités dues régulièrement depuis la notification du jugement.
Elle demande à la Cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 novembre 1995 par le tribunal d'instance de PONTOISE,
- constater que la BANQUE FEDERALE MUTUALISTE ne pouvait se prévaloir de la déchéance du terme, ni exiger le remboursement anticipé de la dette,
- condamner la BANQUE FEDERALE MUTUALISTE aux dépens, dont distraction au profit de la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La BANQUE FEDERALE MUTUALISTE réplique qu'il lui appartenait de saisir le tribunal dans le délai de deux ans à compter de la déchéance du terme intervenue le 5 février 1993, pour éviter la
forclusion prévue par l'article L.331-37 du Code de la Consommation et préserver sa créance ; qu'en effet, le jugement ouvrant une procédure de redressement judiciaire civil n'a pas pour effet de faire échapper le créancier aux conséquences d'une éventuelle forclusion.
Elle forme un appel incident et critique le jugement déféré en ce qu'il ne lui a alloué que les intérêts moratoires au taux légal, alors qu'elle réclamait l'application du taux conventionnel.
Elle demande donc à la Cour de :
- déclarer Madame X... irrecevable et mal fondée en son appel,
- l'en débouter,
- confirmer en conséquence le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celle relative au taux des intérêts moratoires,
Réformant le jugement entrepris et statuant à nouveau de ce chef,
- dire que la condamnation au titre du principal portera intérêts au taux conventionnel de 13,80 % l'an,
Y ajoutant,
- condamner Madame X... à lui payer la somme de 6.030 Francs en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de
Procédure Civile,
- condamner Madame X... en tous les dépens et dire qu'ils pourront être recouvrés directement par la SCP LAMBERT DEBRAY CHEMIN, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
L'ordonnance de clôture a été signée le 27 mars 1997 et les dossiers des parties ont été déposés à l'audience du 22 mai 1997.
SUR CE LA COUR
1) Sur l'appel principal :
Considérant que le juge saisi d'une demande de redressement judiciaire civil doit vérifier les créances avant de mettre en oeuvre, éventuellement, les mesures prévues par l'article L.331-7 du Code de la Consommation, à savoir principalement le report ou le rééchelonnement des dettes ; que néanmoins, le jugement d'ouverture de redressement judiciaire civil, d'arrêt des créances et d'établissement du plan de remboursement, ne prononce pas de condamnation au paiement et ne constitue pas un titre exécutoire de créance ; que dans ces conditions, tout créancier d'un débiteur en redressement judiciaire civil qui a encouru la déchéance du terme prévue contractuellement, a intérêt à agir en justice afin d'obtenir ce titre exécutoire ; qu'il en est ainsi, même si la forclusion prévue par l'article L.311-37 du Code de la Consommation ne peut lui être opposée, en raison du report du point de départ du délai de deux ans au premier incident non régularisé après le jugement fixant les modalités du plan de redressement ;
Considérant que l'appelante verse au dossier le jugement de
redressement judiciaire civil rendu à son égard le 17 mai 1994 par le tribunal d'instance de PONTOISE, ainsi que le nouvel échéancier établi par la banque le 5 août 1994 à la suite de ce jugement ; que le point de départ du délai de forclusion ne peut être que le premier incident non régularisé après ce rééchelonnement; que par conséquent, contrairement à ce qu'allègue la BANQUE FEDERALE MUTUALISTE, le délai de forclusion n'a pas expiré le 5 février 1995 ; qu'il n'en demeure pas moins que cette dernière a conservé son intérêt à agir afin d'obtenir un titre de créance ;
Considérant que la BANQUE FEDERALE MUTUALISTE réclame le paiement du capital restant dû au 5 février 1993, date de la déchéance du terme, soit 67.712,95 Francs, ainsi qu'il en est justifié par la production du tableau d'amortissement du contrat de prêt initial ; que le jugement de redressement judiciaire civil du 17 mai 1994 a retenu la créance de la BANQUE FEDERALE MUTUALISTE pour un montant de 79.353,51 Francs ; que conformément à ce jugement, la BANQUE FEDERALE MUTUALISTE a fixé des mensualités de 681,71 Francs dans son nouvel échéancier du 5 août 1994 ; que la banque ne prétend pas que ces mensualités n'auraient pas été réglées ; que dans ces conditions, la Cour condamne Madame X... à payer le capital restant dû au 5 février 1993, dont le montant est établi et non contesté, mais en deniers ou quittances, pour tenir compte des règlements intervenus depuis, en vertu du jugement de redressement judiciaire civil, lesquels devront être déduits ;
2) Sur les modalités de remboursement de la dette :
Considérant que le jugement précité de redressement judiciaire civil du 17 mai 1994, notifié aux parties par le greffe du tribunal le 21 juin 1994, n'a pas été frappé d'appel et a même reçu exécution de la part de la BANQUE FEDERALE MUTUALISTE qui a établi un nouvel échéancier conforme ; que cette décision a autorité de chose jugée ; que les modalités de remboursement de la dette de l'appelante fixées par ce jugement s'imposent à la Cour ;
Considérant que la Cour constate que le jugement du 17 mai 1994 a fixé les mensualités de remboursement à 681,71 Francs et a reporté l'exigibilité du solde de la créance à soixante mois, sans intérêts ; que par conséquent, le cours des intérêts ne reprendra qu'à l'issue de ces soixante mois sur les sommes restant dues à cette date ; que la Cour condamne l'appelante à payer les intérêts au taux contractuel de 13,80 % l'an, calculés à compter du 5 août 1999, sur les sommes qui resteront dues à cette date ; que la Cour déboute la BANQUE
FEDERALE MUTUALISTE du surplus de son appel incident ;
3) Sur les demandes des parties au titre des frais irrépétibles :
Considérant que le premier juge a débouté la BANQUE FEDERALE MUTUALISTE de sa demande à ce titre ; que la Cour confirme le jugement déféré sur ce point ;
Considérant qu'il n'apparaît pas contraire à l'équité de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles engagés en instance d'appel ; que la Cour les déboute de leurs demandes à ce titre ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Vu le jugement de redressement judiciaire civil rendu à l'égard de Madame X... le 17 mai 1994 par le tribunal d'instance de PONTOISE ;
- CONFIRME le jugement déféré en date du 7 novembre 1995 ;
Et y ajoutant et réformant :
- CONDAMNE Madame X... à payer à la BANQUE FEDERALE
MUTUALISTE la somme de 67.712,95 Francs, en deniers ou quittances, pour tenir compte des règlements intervenus depuis et en vertu du jugement de redressement judiciaire civil du 17 mai 1994, lesquels devront être déduits de ce montant ;
- CONSTATE que le jugement du 17 mai 1994 a établi les mensualités de remboursement de la dette de Madame X... envers la BANQUE FEDERALE MUTUALISTE, en fixant les échéances mensuelles de remboursement à 681,71 Francs et en reportant l'exigibilité du solde de la créance à soixante mois, sans intérêts ;
- CONSTATE que par conséquent, le cours des intérêts ne reprendra qu'à l'issue de ces soixante mois sur les sommes restant dues à cette date ;
- CONDAMNE Madame X... à payer les intérêts au taux contractuel de 13,80 % l'an, calculés à compter du 5 août 1999, sur les sommes qui resteront dues à cette date ;
- DEBOUTE Madame X... des fins de toutes ses autres demandes ;
- DEBOUTE la BANQUE FEDERALISTE MUTUALISTE du surplus de son appel incident ;
- DEBOUTE Madame X... ainsi que la BANQUE FEDERALE MUTUALISTE de leurs demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
- CONDAMNE Madame X... à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP LAMBERT DEBRAY CHEMIN, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.