La Cour est saisie d'un appel interjeté le 14 octobre 1996 par Madame Dominique X..., à l'encontre d'un jugement du Tribunal d'Instance d'ANTONY en date du 1er avril 1996.
Le 6 octobre 1997, la SA B.N.P a fait signifier des conclusions dans lesquelles elle a soulevé l'irrecevabilité de l'appel comme tardif.
Par ordonnance d'incident en date du 20 novembre 1997, le Conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable comme tardif, l'appel interjeté par Madame X... à l'encontre du jugement du Tribunal d'Instance d'ANTONY du 1er avril 1996, et l'a condamnée aux dépens d'incident.
Le 5 décembre 1997, Madame X... a présenté une requête afin de déférer cette ordonnance à la Cour.
Elle soutient que tant l'assignation introductive d'instance que la signification du jugement déféré ont été délivrées à son ancien domicile ; qu'en effet, il est démontré par les pièces versées aux débats qu'elle n'habitait plus 37 rue MALAR à Paris 7ème depuis fin 1993 ; qu'en outre, l'huissier s'est présenté le 11 juin 1996 à cette adresse pour tentative de signification du jugement et le 12 juin pour dresser procès-verbal en vertu des dispositions de l'article 659 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que la S.A B.N.P avait les moyens d'indiquer à son huissier l'adresse de son employeur, afin de
faire délivrer les actes de signification sur son lieu de travail et à sa personne ; que tant la signification du 12 juin 1996, que l'assignation introductive d'instance sont nulles et de nul effet. Elle souligne qu'en revanche, pour faire exécuter le jugement, la S.A B.N.P a fait diligenter les mesures d'exécution à son domicile.
Elle demande à la Cour de : Vu l'article 914 du Nouveau Code de Procédure Civile, - réformer l'ordonnance du Conseiller de la mise en état en date du jeudi 20 novembre 1997, - déclarer nul et de nul effet la signification du jugement déféré intervenue le 12 juin 1996 selon un procès-verbal de recherches infructueuses, - déclarer recevable l'appel interjeté par Madame X..., - condamner la Société BANQUE NATIONALE DE PARIS aux dépens, - dire qu'ils pourront être directement recouvrés par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS ET ASSOCIES, titulaire d'un office d'avoué, dans les conditions prévues par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La B.N.P réplique qu'elle n'a pas été destinataire des déclarations de changement d'adresse de Madame X... ; qu'à ce jour, il existe 21 personnes se nommant "X..." et se prénommant "Dominique" inscrites au minitel ; qu'on ne saurait considérer comme loyale et normale l'attitude d'un débiteur qui tente d'échapper aux éventuelles poursuites de l'un de ses créanciers ; que Madame X..., employée de banque, connaissait la portée de son engagement de caution et devait lui faire connaître sa nouvelle adresse ; que toute signification effectuée sur le lieu de travail doit être remise en
mains propres à son destinataire ; qu'il s'agit là d'une tâche impossible dans une entreprise de la taille du CREDIT AGRICOLE, où est employée l'appelante, singulièrement au siège social situé Boulevard Pasteur, les hôtesses d'accueil ayant pour mission d'éconduire les importuns que sont les huissiers ; qu'au surplus, Madame X... n'aurait pas manqué alors d'invoquer une mesure attentatoire à sa vie professionnelle.
Elle demande à la Cour de : - débouter Madame X... de sa demande de déféré, - confirmer en tous points l'ordonnance déférée, - condamner Madame X... à lui payer la somme de 5.000 Francs en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner Madame X... en tous les dépens et dire qu'ils pourront être recouvrés directement par LA SCP JUPIN-ALGRIN, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
L'affaire a été plaidée à l'audience du 3 mars 1998.
SUR CE, LA COUR,
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 659 du Nouveau
Code de Procédure Civile, le procès-verbal de recherches infructueuses ne peut être valablement effectué que si la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus ;
Considérant que dans ses écritures, la SA B.N.P ne dénie pas qu'elle connaissait le lieu de travail de Madame X... à la date de la signification du jugement, puisqu'elle invoque seulement l'impossibilité matérielle d'y procéder à la signification ; que d'ailleurs, dans sa requête aux fins de saisie des rémunérations adressée au Tribunal d'Instance de PARIS 15ème, en date du 21 août 1996, régulièrement communiquée, l'avocat de la SA B.N.P indique que Madame X... est salariée au CREDIT AGRICOLE 91/93 Boulevard Pasteur PARIS 15ème ; qu'il ressort des pièces versées aux débats, (notamment bulletins de salaires et courrier de Madame X... adressé au conseil de la SA B.N.P le 3 septembre 1996, en "réaction" à la demande de saisie des rémunérations) que Madame X... travaillait bien à cette adresse; qu'au surplus, la SA B.N.P ne tente pas d'expliquer de quelle manière elle aurait été informée du lieu de travail de l'appelante entre la date de la signification du jugement (17 juin 1996) et celle de la requête aux fins de saisie des rémunérations (21 août 1996) ;
Considérant que dès lors que la SA B.N.P connaissait le lieu de travail de Madame X..., elle devait le communiquer à son huissier instrumentaire chargé par elle de faire signifier le jugement et ce,
nonobstant les difficultés invoquées, dans la mesure où la signification selon les modalités de l'article 659 du Nouveau Code de Procédure Civile doit être une exception, en cas d'impossibilité de signifier à domicile, résidence ou lieu de travail connus ;
Considérant que, par conséquent, la signification du jugement déféré selon procès-verbal de recherches infructueuses en date du 17 juin 1996 n'est pas régulière ; que le grief causé à Madame X... résulte du fait qu'elle a fait courir à son encontre le délai d'appel, la privant ainsi de son recours ; que par conséquent, la Cour annule l'acte de signification du 17 juin 1996 et déclare recevable l'appel formé par Madame X..., contre laquelle le délai prévu par l'article 538 du Nouveau Code de Procédure Civile n'a pas commencé à courir ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
INFIRME en son entier l'ordonnance déférée ;
ET STATUANT A NOUVEAU :
ANNULE l'acte de signification du jugement déféré en date du 17 juin 1996 ;
DECLARE recevable l'appel formé par Madame X... contre le jugement déféré ;
CONDAMNE la SA B.N.P aux dépens d'incident qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS ET ASSOCIES, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Et ont signé le présent arrêt :
Le Greffier,
Le Président, Marie Hélène EDET
Alban CHAIX