Par acte sous seings privés en date du 30 juin 1987, Mr X... a donné à bail à la société GAUVAIN un local commercial à usage de restaurant, sis 11 rue Louis Rouquier à Levallois-Perret.
Par jugement en date du 16 juin 1992, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société GAUVAIN.
Par jugement en date du 20 juillet 1993, le tribunal a arrêté le plan de continuation de l'entreprise.
Par jugement en date du 16 juin 1994, le tribunal a prononcé la résolution du plan et ouvert une nouvelle procédure de redressement judiciaire.
Par jugement en date du 27 juillet 1994, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société GAUVAIN et désigné Me OUIZILLE en qualité de liquidateur.
Entretemps, le bailleur avait fait délivrer le 16 août 1993 un commandement de payer visant la clause résolutoire.
Il en fera délivrer des nouveaux les 28 juillet 1994, 8 février 1995 et 31 mai 1996.
Le 13 octobre 1994, le juge-commissaire a autorisé Me OUIZILLE à vendre le fonds de commerce ; cette transaction interviendra le 16 décembre 1994 au profit de la société VIRGINIE et sera dénoncée au bailleur le 16 janvier 1995.
C'est dans ces conditions que Mr X... a assigné Me OUIZILLE ès qualités, selon acte d'huissier en date du 19 octobre 1994, aux fins d'expulsion et de paiement de loyers.
Par jugement en date du 23 février 1995, le tribunal de commerce de Nanterre a débouté Mr X... de ses demandes, a dit que Me OUIZILLE ès qualités devrait payer les loyers dus dans le mois qui suivrait la cession du fonds de commerce, lui a donné acte de ce qu'il se réservait de solliciter une somme de 425.000 F à titre de dommages et intérêts et a condamné Mr X... à lui payer la somme de 8 000 F au titre de l'article 700 du N.C.P.C.
Pour débouter le bailleur de ses prétentions, les premiers juges ont retenu que les loyers dus au titre de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 avaient été réglés, que Mr X... ne donnait aucune explication, ni aucune justification quant à la nature du non-respect par la société GAUVAIN et ses mandataires de leurs obligations contractuelles, et que le retard apporté par la société GAUVAIN au règlement de certains loyers ne constituait pas un motif suffisant pour justifier la résiliation du bail.
Mr X... a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 9 mars 1995.
Il a fait grief à la locataire, d'une part de ne pas avoir réglé les loyers, d'autre part de ne pas avoir respecté les clauses et conditions du bail, c'est à dire ne pas avoir exécuté les travaux mis à sa charge, à savoir l'étanchéité des conduits de cheminées extérieurs et la mise en conformité des installations avec les normes de construction, d'hygiène et de sécurité en vigueur, ainsi que ne pas avoir justifié d'une assurance.
Il a considéré qu'en conséquence, la clause résolutoire était acquise depuis le 16 septembre 1993, dès lors qu'il n'avait pas été déféré au commandement délivré un mois plus tôt.
Il en a déduit que la cession du fonds de commerce ne lui était pas opposable.
Il a demandé à la cour de constater l'acquisition de la clause résolutoire, ou en tout cas de prononcer la résiliation du bail faute par la société GAUVAIN d'avoir satisfait aux causes des quatre commandements qui lui avaient été délivrés, d'ordonner son expulsion et de condamner Me OUIZILLE ès qualités au paiement des indemnités d'occupation non réglées, ainsi que d'une somme de 50.000 F au titre
de l'article 700 du N.C.P.C.
Me OUIZILLE ès qualités, a répliqué que les loyers échus postérieurement au second redressement judiciaire avaient été payés et que ceux échus antérieurement n'ouvraient pas droit à résiliation du bail, mais à déclaration de créance conformément à l'article 37 alinéa 2 de la loi du 25 janvier 1985 ; que ces défauts de paiement ne présentaient de toute façon pas un caractère de gravité suffisant pour justifier la résiliation du bail; que les travaux dont Mr X... demandait l'exécution n'étaient pas à la charge de la locataire, mais relevaient au contraire de l'obligation de délivrance pesant sur le bailleur ; que le commandement de 1984 ne visait pas l'exécution de travaux ; que pour la période postérieure, il appartenait à Mr X... de s'adresser au nouveau locataire ; que l'attestation d'assurance avait été fournie et que sa non présentation ne constituait pas une faute grave ; que certains commandements étaient nuls.
Il a conclu à la confirmation du jugement, sauf en ce qu'il lui avait imparti un délai d'un mois à compter de la cession du fonds pour procéder au règlement des loyers dus, dès lors que ce délai était déjà expiré au jour du jugement.
Il a, en outre, demandé à la cour de déclarer satisfactoire le règlement de la somme de 49.704,62 F intervenu le 16 mars 1995, et a sollicité une somme de 50.000 F à titre de dommages et intérêts, ainsi qu'une somme de 30.000 F au titre de l'article 700 du N.C.P.C.
Il a enfin demandé le rejet des débats de conclusions de l'appelant signifiées le 13 mars 1998, soit quatre jours avant l'ordonnance de clôture.
SUR CE, LA COUR
Considérant qu'il n'existe aucun motif d'écarter des débats les dernières conclusions de l'appelant, lesquelles ne sont que de simples répliques à des conclusions de l'intimé signifiées quelques jours plus tôt ;
Considérant que Mr X... a fait délivrer quatre commandements visant trois griefs qu'il convient d'examiner successivement ;
Sur le non-paiement des loyers et accessoires
Considérant que par le premier commandement en date du 16 août 1993, Mr X... a mis en demeure la société GAUVAIN et ses mandataires de justice de régler le loyer du deuxième trimestre de 1993, soit une somme de 20.612,20 F ;
Considérant que cette somme a été payée le 9 septembre 1993, soit dans le délai d'un mois prévu à l'article 25 du décret du 30
septembre 1953, ainsi que l'a reconnu Mr X... dans un courrier en date du 17 septembre 1993 ;
Considérant que seul le coût du commandement n'a pas été réglé, mais qu'outre le fait qu'il pouvait être soumis à taxe et que son montant avait été arrêté "provisoirement", il ne constituait pas un "accessoire" du loyer dont le non paiement était susceptible de faire jouer la clause résolutoire, à défaut de disposition expresse dans la clause visant les frais de poursuite ;
Considérant que par le deuxième commandement en date du 28 juillet 1994, Mr X... a réclamé paiement du loyer du deuxième trimestre de 1994 ;
Considérant que la société GAUVAIN a vu résilier son plan de continuation le 16 juin 1994 et s'ouvrir à cette date une nouvelle procédure de redressement judiciaire ;
Considérant que les loyers dus pour la période antérieure au 16 juin 1994 n'ouvraient droit qu'à déclaration de créance, dès lors que par application de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985, l'action tendant à la constatation de la résiliation du bail ne pouvait plus être accueillie de ce chef après cette date ;
Considérant que pour les loyers dus pour la période postérieure au 16
juin 1994, Me OUZILLE ès qualités est recevable à solliciter des délais de paiement, conformément aux dispositions des articles 25 du décret du 30 septembre 1953 et 1244-1 à 3 du code civil, dès lors que la résiliation du bail n'a pas été constatée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée ;
Considérant que, faisant droit à son appel incident, la cour lui accordera un délai jusqu'au 16 mars 1995, date à laquelle la dette a été effectivement réglée, pour s'acquitter de ladite dette ;
Considérant que par le troisième commandement en date du 8 février 1995, le bailleur a sollicité le paiement d'une somme de 49.704,62 F qui a été intégralement payée le 16 mars 1995 et pour laquelle Me OUIZILLE bénéficiera du même délai que ci-dessus ;
Considérant enfin, que par le quatrième commandement en date du 31 mai 1996, Mr X... a réclamé le paiement d'un solde de charges locatives pour les années 1994 et 1995 ;
Considérant que la cession du bail étant intervenue le 16 décembre 1994, ayant été dénoncée le 16 janvier 1995 au bailleur et alors qu'il n'est pas soutenu que la société GAUVAIN soit restée garante des sommes dues par son successeur, le paiement des charges de 1995 n'est pas dû par elle;
Considérant que le non-paiement du solde de charges de l'année 1994, devenu exigible après la cession du bail, ne peut avoir aucun effet sur l'existence de celui-ci, et ce d'autant que le titulaire actuel de ce bail n'est pas dans la cause ;
Sur la justification de travaux
Considérant que sont inopérants les deux derniers commandements délivrés après la cession du bail et dont seule la société VIRGINIE pouvait être utilement destinataire ;
Considérant qu'aux termes du commandement en date du 16 août 1993, il a été fait commandement au locataire "de fournir au requérant les justificatifs relatifs :
- à la bonne étanchéité de leur (sic) conduit de cheminée extérieure,
- à la bonne conformité de ces installations avec les normes de construction, d'hygiène et de sécurité en vigueur" ;
Considérant que par le commandement en date du 28 juillet 1994, il a été "expressément demandé" à la société GAUVAIN les mêmes justificatifs ;
Considérant que ces demandes, qui ne s'analysent nullement en une
mise en demeure d'avoir à exécuter des travaux, sont reléguées en fin d'acte, après le rappel des dispositions de l'article 25 du décret du 30 septembre 1953, et sans qu'il soit précisé, contrairement à la demande en paiement des loyers, qu'il devait être satisfait à la demande dans le délai d'un mois ;
Considérant que les deux commandements, tels qu'ils étaient rédigés, ne permettaient pas au locataire de savoir que le bailleur entendait se prévaloir de la clause résolutoire s'il n'était pas satisfait à ses demandes dans le délai légal ;
Considérant que de ce fait, les commandements sont nuls par application des dispositions de l'article 25 alinéa 1 in fine du décret du 30 septembre 1953 ;
Considérant que de toute manière, les travaux que Mr X... entend faire supporter par sa locataire sont des grosses réparations au sens de l'article 606 du code civil, et certainement pas des travaux d'entretien, et ne sont mis à la charge du preneur par aucune disposition claire et précise du bail ;
Considérant qu'ils incombent donc au seul propriétaire ;
Considérant que de même, la mise en demeure de la mairie de Levallois-Perret, délivrée au surplus postérieurement à la cession du
bail, d'avoir à procéder à la remise en état du conduit d'évacuation ne peut concerner que Mr X..., lequel en a du reste été le seul destinataire ;
Sur la justification de l'assurance
Considérant que de même que pour la justification des travaux, les commandements sont nuls en ce qui concerne la demande d'attestation d'assurance ;
Considérant que de toute manière, celle-ci a été aujourd'hui fournie au bailleur ;
Considérant que Mr X... doit donc être débouté de l'ensemble de ses demandes ;
Sur les dommages-intérêts et l'article 700
Considérant que Me OUIZILLE ès qualités ne justifie d'aucun préjudice à l'appui de sa demande en dommages-intérêts et en sera donc débouté ;
Considérant que l'équité commande en revanche de lui allouer une somme de 20.000 F au titre de l'article 700 du N.C.P.C. ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les conclusions de l'appelant signifiées le 13 mars 1998 ;
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a dit que Me OUIZILLE pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la société GAUVAIN devra payer à Mr X... les loyers dus, un mois à compter de la cession du fonds de commerce ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Accorde à Me OUIZILLE ès qualités un délai jusqu'au 16 mars 1995 pour s'acquitter de la dette ;
Constate qu'à cette date, l'intégralité des sommes dues au titre de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 avait été réglée ;
Y ajoutant,
Condamne Mr Georges X... à payer à Me OUIZILLE ès qualités de liquidateur de la société GAUVAIN une somme de 20.000 F au titre de l'article 700 du N.C.P.C. ;
Le condamne aux dépens, lesquels seront recouvrés par la SCP JUPIN ALGRIN, conformément aux dispositions de l'article 699 du N.C.P.C.;
Rejette toutes autres demandes comme étant non fondées ou sans objet. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :
LE GREFFIER
LE PRESIDENT
M. LE Y...
J-L GALLET