Monsieur R X... et Madame G Y... se sont mariés le 18 décembre 1952 à PARIS (11ème) sans avoir établi de contrat préalable.
Monsieur X... a assigné son épouse en divorce pour faute le 25 juillet 1984. En cours de procédure, les époux ont dressé devant notaire le 3 février 1986 un acte liquidatif du partage de la communauté à la suite duquel ils décidaient de substituer une demande en séparation de corps à leurs torts partagés sans énonciation de motifs en demandant l'application de l'article 248-1 du Code Civil et Madame Y... renonçait à ses précédentes demandes concernant une somme de 500.000,00 francs sollicitée à titre de dommages et intérêts ainsi qu'un capital de 483.480,00 francs à titre de prestation compensatoire.
Par jugement du 27 février 1986, le Tribunal de Grande Instance de CRETEIL a prononcé la séparation de corps sans énonciation de motifs
et donné acte à la femme de ce qu'elle renonçait à sa demande de prestation compensatoire et de dommages et intérêts.
Par exploit du 21 mars 1991, Monsieur X... a assigné son épouse en conversion de la séparation de corps en divorce devant le Tribunal de Grande Instance de CRETEIL.
Par ailleurs, Monsieur X... a, par acte du 22 avril 1991, assigné Madame Y... devant le même Tribunal en nullité et subsidiairement, en rescision du partage de leur communauté dressé le 3 février 1986 au motif que son épouse aurait détourné et dissimulé des sommes importantes dépendant de la communauté. Le Tribunal a, par jugement du 25 mars 1992, débouté Monsieur X... de cette demande. Sur appel de ce dernier, cette affaire est pendante devant une chambre de la Cour d'Appel de PARIS.
Dans le cadre de la procédure de conversion de la séparation de corps en divorce, Madame Y... a notamment sollicité outre des dommages et intérêts le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure en rescision pour lésion afin qu'elle soit à même de déterminer la nécessité éventuelle d'une demande de prestation compensatoire au regard de la disparité des revenus qui pourrait découler de la remise en cause dudit partage.
Monsieur X... a conclu que l'épouse n'était pas fondée à solliciter le sursis à statuer dès lors qu'elle a définitivement renoncé à une prestation compensatoire et à tous dommages et intérêts ainsi qu'il a été dit dans le jugement de séparation de corps du 27 février 1986 et que dès lors ses demandes sont irrecevables.
Le Tribunal de Grande Instance de CRETEIL a, par jugement du 26 mai 1992 :
- dit que Madame Y... était fondée à revenir sur la renonciation à prestation compensatoire et à dommages et intérêts par elle fait dans le cadre de la procédure de séparation
- avant dire droit sur la demande de sursis à statuer sur le prononcé de divorce et ses conséquences, renvoyé les parties à conclure sur le principe si ce n'est le quantum d'une prestation compensatoire au profit de l'épouse,
- renvoyé l'affaire à la mise en état,
La Cour d'Appel de PARIS a, par arrêt du 10 mai 1994, déclaré irrecevable l'appel qu'avait formé Monsieur X... à l'encontre du jugement de CRETEIL,
- Sur le pourvoi formé par Monsieur X... la Cour de Cassation par arrêt du 20 mars 1996, a cassé l'arrêt de la Cour d'Appel de PARIS dans toutes ses dispositions et renvoyé les parties devant la présente Cour au motif que pour déclarer irrecevable l'appel de Monsieur X... la Cour d'Appel de PARIS avait retenu que le jugement n'était intervenu que sur le sursis à statuer opposé par l'épouse alors qu'en décidant que Madame Y... était fondée à revenir sur sa renonciation le jugement avait tranché une partie du principal et qu'en conséquence, la Cour d'Appel de PARIS avait violé les dispositions de l'article 544 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Dans ses conclusions devant la Cour de céans, Monsieur X... demande de dire que l'accord des parties matérialisé par la signature de l'acte du partage de la communauté du 3 février 1986 et les conditions du 5 février 1986 a été entériné par le jugement du 27 février 1986 qui constitue un contrat judiciaire définitif sur lequel aucune des parties ne peut revenir ; que dès lors c'est à tort que le jugement du 26 mai 1992, a dit que l'épouse était fondée à revenir sur sa renonciation et l'a invité à conclure sur le principe d'une prestation compensatoire en raison de l'instance qu'il a engagée en nullité de partage de la communauté pour un dol et recel et subsidiairement en rescision.
Monsieur X... demande de rejeter les conclusions de Madame Y..., d'infirmer le jugement, de ne pas surseoir à statuer, de convertir en divorce la séparation de corps et de faire défense à la femme de faire usage de son nom patronymique.
Il demande en outre de condamner Madame Y... à lui verser la somme de 100.000,00 francs à titre de dommages et intérêts en raison de son comportement exclusif de toute bonne foi et la somme de 100.000,00 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Madame Y... demande de débouter Monsieur X... de ses prétentions, de confirmer le jugement, de renvoyer les parties devant le Tribunal de Grande Instance de CRETEIL afin qu'il soit statué sur la rupture du lien matrimonial et sur les effets de celle-ci en condamnant Monsieur X... au paiement d'une somme de 50.000,00 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire et d'une somme de 20.000,00 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
SUR CE, LA COUR
Considérant que si dans le cadre de la procédure en divorce engagée à l'initiative du mari en 1984 la femme avait formé notamment une demande de prestation compensatoire, il résulte de la procédure qu'à la suite d'un acte liquidatif du partage de la communauté dressé devant notaire le 3 février 1986, le mari puis la femme ont le 5 février 1986, substitué à la demande en divorce, une demande en séparation de corps en invoquant les dispositions de l'article 248-1 du Code Civil ;
Que l'abandon fait par Madame Y... à ce moment là de sa demande de prestation compensatoire n'est que la conséquence du passage de la procédure en divorce à celle de la séparation de corps ;
Qu'en effet, une prestation compensatoire ne peut être envisagée que dans le cadre d'une procédure en divorce si une disparité est constatée dans les conditions de vie respectives à la suite de la rupture du mariage alors que le prononcé d'une séparation de corps laisse subsister le devoir de secours entre époux ;
Qu'ainsi en abandonnant la procédure en divorce pour y substituer celle de la séparation de corps, la femme ne pouvait transiger sur ses droits futurs alors que l'éventualité de l'appréciation de la disparité dans ses conditions de vie et la détermination d'une prestation ne peuvent s'effectuer qu'au moment de la conversion de la séparation de corps en divorce selon les règles propres de celui-ci ainsi qu'il est dit à l'article 308 OE 2 du Code Civil ;
Qu'en conséquence, Madame Y... est recevable à formuler une demande de prestation compensatoire du fait de la demande de conversion en divorce formée à l'initiative de Monsieur X... ;
Considérant que l'action en nullité de l'acte de partage de la communauté du 3 février 1986 introduite à l'initiative de Monsieur X... qui est toujours pendante devant la Cour d'Appel de PARIS peut avoir une incidence sur l'appréciation d'une éventuelle disparité dans les conditions de vie respective des parties ;
Qu'il y a lieu en conséquence de surseoir à statuer sur la conversion en divorce en attendant qu'une décision définitive soit prise dans l'action en cours sur la nullité ;
Considérant qu'aucune décision n'est encore advenue dans la présente procédure pour apprécier notamment le bien fondé d'une prestation compensatoire ;
Qu'il convient dans ces conditions de renvoyer l'affaire devant le Tribunal de Grande Instance de CRETEIL pour le prononcé du divorce et ses conséquences afin de respecter le double degré de juridiction ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de retenir un comportement fautif dans les voies de recours exercées par les parties qui sont déboutées de leurs demandes respectives de dommages et intérêts ;
Qu'il est équitable de dire que Monsieur X... doit verser à Madame Y... une somme de 10.000,00 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et de débouter celui-ci de sa demande formée au même titre en lui laissant la charge des dépens ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, après débats en chambre du conseil :
VU le jugement du 26 mai 1992 et l'arrêt de la Cour de Cassation du 20 mars 1996,
- REFORMANT le jugement du 26 mai 1992 et STATUANT A NOUVEAU :
- DIT recevable la formulation d'une demande de prestation compensatoire par Madame Y...,
- SURSOIT A STATUER sur le prononcé du divorce et ses conséquences en attendant qu'une décision définitive soit prise dans l'action en nullité de l'acte liquidatif du partage de la communauté du 3 février 1986 engagée par Monsieur X...,
- REJETTE les demandes de dommages-intérêts des parties et la demande fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile de Monsieur X...,
- CONDAMNE Monsieur X... à verser à Madame Y... une somme de 10.000,00 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- TRANSMET le présent dossier au Tribunal de Grande Instance de CRETEIL pour la poursuite de la procédure,
- LAISSE les dépens jusqu'alors exposés à la charge de Monsieur X... et DIT qu'ils pourront être recouvrés par la SCP GAS, titulaire d'une charge d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :
LE GREFFIER EN CHEF
LE PRESIDENT
Carole BOUCHER
Thierry FRANK