Suivant acte sous seing privé en date du 18 juin 1986, Madame Yvonne X..., épouse de Monsieur Pierre Y... à ce jour décédé, a donné à bail au CREDIT COMMERCIAL DE FRANCE (C.C.F.) divers locaux à usage commercial, dépendant d'un immeuble situé 14 avenue Maréchal Foch au VESINET, pour une durée de neuf mois commençant à courir à compter du 1er juin 1986 pour se terminer le 30 juin 1995.
Suivant acte en date du 29 novembre 1994, Madame Y... a donné congé au C.C.F. pour le 30 juin 1995, avec offre de renouvellement moyennant un loyer déplafonné annuel de 240.000 francs.
Par lettre du 25 juin 1995, le C.C.F. a accepté le principe du renouvellement mais il a refusé le nouveau loyer proposé.
Après échange de mémoire, la Commission Départementale de Conciliation a été saisie mais celle-ci s'est déclarée incompétente, motif pris "que les lieux loués seraient à usage exclusif de bureau." Suivant acte du 02 novembre 1995, Madame Y... a saisi le juge des loyers commerciaux du Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES pour voir fixer le nouveau loyer annuel à 240.000 francs, en invoquant une sous évaluation du loyer d'origine, le caractère monovalent des locaux, l'utilisation de ceux-ci à usage exclusif de bureaux et une évolution notable des facteurs de commercialité. [*
Par jugement en date du 21 juin 1996 auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des éléments de la cause, le magistrat susdésigné a écarté les motifs de déplafonnement allégués, fixé le loyer en renouvellement selon la seule évolution des indices à 45.716 francs et condamné Madame Y... aux dépens. *]
Appelante de cette décision, Madame Y... fait grief au premier juge d'avoir mal apprécié les éléments de la cause et elle persiste à soutenir que le déplafonnement se justifie en raison du caractère monovalent des locaux, de leur utilisation exclusive à usage de
bureau et d'une évolution favorable des facteurs locaux de commercialité, étant observé que l'appelante ne reprend pas le moyen tiré d'une sous évaluation du loyer d'origine.
Elle réitère en conséquence, sa demande tendant à voir fixer le nouveau loyer à 240.000 francs par an. Elle réclame également au C.C.F. la somme de 15.000 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et une indemnité de 20.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Subsidiairement elle sollicite l'organisation d'une mesure d'expertise.
Le C.C.F. conclut, pour sa part, à la confirmation du jugement déféré par adoption de motifs et réclame une indemnité de 15.000 francs en couverture des frais qu'il a été contraint d'exposer. Il s'oppose également à la mesure d'expertise demandée à titre subsidiaire par l'appelante. *
MOTIFS DE LA DECISION
Considérant que, comme il a été dit précédemment, Madame Y... invoque devant la Cour trois motifs de déplafonnement ; que ces motifs seront successivement analysés ;
. Sur la prétendue monovalence
Considérant que seuls peuvent être qualifiés de monovalents, au sens de l'article 23.8 du décret du 30 septembre 1953, des locaux spécialement construits ou aménagés pour une exploitation déterminée et inaptes à tout autre usage ; que tel n'est pas le cas de locaux qui peuvent, sans transformation profonde et coûteuse, être affectés à une autre destination que celle qui leur a été initialement donnée ;
Considérant qu'en l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats que les locaux litigieux étaient originairement affectés à un commerce de droguerie, produits d'entretien, parfumerie, bazar (cf.
bail de 1968) ; que les seuls aménagements spécifiques effectués par la banque, lors de sa prise de possession des lieux, consistent en l'installation au sous-sol d'une salle de coffre de 17,50 m, sur une surface totale d'environ 211 m (cf. plan des lieux) ;
Or considérant que ces éléments peuvent être aisément enlevés en cas de déménagement pour un faible coût, comme il en est justifié ; qu'il suit de là que le caractère monovalent des locaux ne peut être retenu en l'espèce, et qu'il n'y a pas lieu sur ce point, d'ordonner une mesure d'expertise préalable ;
. Sur le prétendu usage exclusif de bureaux
Considérant qu'il est de principe que l'existence dans le bail d'une clause autorisant le preneur à sous-louer ou à céder son bail pour tout commerce de son choix, exclut l'affectation des locaux à usage exclusif de bureaux, même si cette clause n'a pas reçu application ; Considérant que le bail consenti le 18 juin 1986 au C.C.F. prévoit non seulement que "le preneur pourra exercer dans les lieux loués l'activité de banquier mais également toutes autres activités à l'exception de celles exercées dans l'immeuble" mais encore "que le preneur pourra céder ses droits au présent bail dans le même genre de commerce mais également pour toutes autres activités à l'exception de celles exercées effectivement dans l'immeuble" ; que ces stipulations excluent qu'il soit fait application en l'espèce, comme le réclame l'appelante, de l'article 23.9 du décret du 30 septembre 1953 ;
. Sur la prétendue modification des facteurs locaux de commercialité Considérant que l'appelante ne produit aucun élément objectif susceptible de justifier, pendant la période de référence, une possible évolution des facteurs locaux de commercialité ; que la seule référence qu'elle verse aux débats (A.J.P.I. du 1er septembre
1990) mentionne au contraire dans un secteur voisin "une absence de modification notable des facteurs locaux de commercialité" ; que dans ces conditions, de vagues allégations sur le pouvoir d'achat élevé des habitants du VESINET, ce qui constitue un fait ancien et connu de tous, ne saurait justifier un déplafonnement du loyer et, en l'absence de tout autre commencement de preuve, l'organisation d'une mesure d'expertise ; [*
Considérant que dans ces conditions, et à défaut de motifs de déplafonnement, c'est à bon droit que le premier juge a fixé le loyer en renouvellement à 45.716 francs, en fonction de la seule évolution des indices ;
. Sur les autres demandes
Considérant que Madame Y... ne justifie pas de la demande en dommages et intérêts qu'elle forme à l'encontre du C.C.F. pour résistance abusive, dès lors que les prétentions adverses s'avèrent fondées ; que cette demande sera rejetée ;
Considérant que l'équité ne commande pas cependant qu'il soit fait application en l'espèce de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Considérant enfin que l'appelante, qui succombe, supportera les entiers dépens ; *] PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
- Reçoit Madame Yvonne X... veuve Y... en son appel mais dit cet appel mal fondé et l'en déboute ;
- Confirme en conséquence, en toutes ses dispositions, le jugement déféré ;
- Rejette la demande en dommages et intérêts formée par Madame Yvonne X... veuve Y... pour procédure abusive,
- Dit n'y avoir lieu en l'espèce à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
- Condamne l'appelante aux entiers dépens et autorise Maître ROBERT, Avoué, à poursuivre directement le recouvrement de la part le concernant, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT PRONONCE PAR MONSIEUR MARON, CONSEILLER ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER
LE CONSEILLER
POUR LE PRESIDENT EMPECHE C. DAULTIER
A. MARON