Par actes d'huissier, séparés, en date des 28 juillet 1995 et 24 août 1995, Monsieur Pierre X... a fait citer Monsieur Y... et Madame Z... devant le tribunal d'instance de VERSAILLES afin d'obtenir le paiement des sommes suivantes : 4.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et ce, avec exécution provisoire.
Monsieur X..., entrepreneur de plomberie-chauffage, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d'instance et, y ajoutant, a demandé la condamnation de Monsieur Y... et Madame Z... au paiement d'une somme de 10.000 Francs à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Le demandeur a fait valoir qu'il avait exécuté des travaux de plomberie-sanitaires, chauffage dans l'appartement appartenant à Monsieur Y... et Madame Z... et situé à VERSAILLES ; que ces travaux avaient été conçus et surveillés par Monsieur A..., architecte, avec qui il avait contracté, celui-ci en qualité de gérant de la SARL "M.L - ARCHITECTEUR" ; que la facture définitive laissait apparaître un solde de 19.331,80 Francs et avait été visée par l'architecte ; que la mise en demeure adressée aux défendeurs pour avoir paiement de ladite somme était restée sans effet.
Monsieur Y... et Madame Z... ont comparu et conclu au débouté du demandeur de toutes ses prétentions. Ils ont sollicité, à titre reconventionnel, la condamnation de ce dernier au paiement de la somme de 19.331,80 Francs à titre de dommages et intérêts outre une somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau
Code de Procédure Civile.
Les défendeurs ont soutenu que l'action était irrecevable faute pour le demandeur de préciser le fondement sur lequel il appuyait ses prétentions ;
Qu'en toutes hypothèses, cette action serait mal fondée car, selon eux, l'entreprise ne pouvait bénéficier de l'action directe prévue par l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975, dès lors que le maître d'ouvrage n'avait pas agréé les différentes entreprises chargées des travaux par la Société M.L ARCHITECTEUR, maître d'ouvrage délégué ; que, par ailleurs, ils se disent fondés à opposer au demandeur les dispositions du contrat de maîtrise d'ouvrage délégué aux termes duquel, la Société M.L ARCHITECTEUR devait régler directement les entreprises ; qu'ils ont fait valoir que le contrat conclu avec la Société M.L ARCHITECTEUR ne pouvait être qualifié de mandat par le demandeur qui pourrait se voir reprocher d'avoir accepté le marché de travaux, alors qu'il savait que la Société M.L ARCHITECTEUR était en liquidation judiciaire et qu'elle ne serait donc pas en mesure de pouvoir représenter les sommes remises par les maîtres d'ouvrage ; que ces faits seraient, selon eux, constitutifs d'une complicité d'abus de confiance ; qu'enfin, ni l'enrichissement sans cause, ni le fondement délictuel ne pourraient être retenus.
Monsieur Y... et Madame Z... ont exposé que le demandeur avait commis une faute en contractant avec la Société MARC A... ARCHITECTEUR alors que celle-ci était en liquidation judiciaire ; qu'il aurait dû, en effet, s'enquérir de la solvabilité du maître d'ouvrage délégué ; que le préjudice subi s'élève très exactement au montant de la somme réclamée, selon eux, abusivement par
l'entreprise.
Monsieur X... a répliqué que son action était fondée sur l'exécution des travaux qu'il avait réalisés pour le compte des défendeurs selon un devis approuvé le 8 février 1995 ; que par ailleurs, il ignorait l'existence d'un contrat de maîtrise ouvrage déléguée ; que l'architecte exerçait, selon lui, une mission classique de maîtrise d'oeuvre ; que cette convention lui était donc inopposable ; qu'en outre, la convention de maîtrise d'ouvrage déléguée avait été résiliée par la SARL M.L ARCHITECTEUR en raison d'un manquement grave de Monsieur Y... et Madame Z... à leurs obligations ; que ceux-ci devaient donc remplir les obligations contractées en leur nom ; que les travaux avaient été exécutés conformément au devis, les maîtres de l'ouvrage n'ayant émis aucune contestation avant la présente instance ; qu'ils avaient d'ailleurs payé l'entreprise de peinture alors, qu'elle seule, pouvait être tenue responsable du retard de l'aménagement et qu'aucune faute ne pouvait lui être reprochée personnellement.
Le tribunal d'instance statuant par jugement du 13 mai 1996 a rendu la décision suivante : - condamne solidairement Monsieur Y... et Madame Z... à payer à Monsieur Pierre X... la somme de 19.331,80 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 1995, - rejette la demande de dommages et intérêts, - déboute Monsieur Y... et Madame Z... de leur demande reconventionnelle, - dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, - dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamne les défendeurs aux dépens.
Le 11 juin 1996, Monsieur Y... et Madame Z... ont interjeté
appel.
Ils ont d'abord demandé à la Cour de : - infirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance de VERSAILLES le 13 mai 1996, - débouter Monsieur X... de toutes ses demandes formées à l'encontre de Monsieur Y... et Madame Z..., - le condamner à payer la somme de 10.000 Francs au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi que les entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, en application des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. - prononcer la nullité du contrat passé entre la Société M.L ARCHITECTEURS et Monsieur X..., ou à tout le moins, - dire ledit contrat inopposable aux appelants, Pour le surplus, adjuger aux appelants le bénéfice de leurs précédentes écritures.
Les appelants ont ensuite invoqué expressément les dispositions de l'article 152 de la loi du 25 janvier 1985, ainsi que l'extinction du mandat donné à la SARL "M.L ARCHITECTEUR", et ce, en vertu de l'article 2003 du Code civil.
Ils ont donc demandé à la Cour de : - prononcer la nullité du contrat passé entre la Société M.L ARCHITECTEURS et Monsieur X..., ou à tout le moins, - dire ledit contrat inopposable aux appelants, Pour le surplus, adjuger aux appelants le bénéfice de leurs précédentes écritures.
Monsieur X... a d'abord demandé à la Cour de : - déclarer recevables mais mal fondés Monsieur Y... et Madame Z... en leur appel,, En conséquence, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, - ordonner la capitalisation des intérêts en
application de l'article 1154 du Code civil, - condamner Monsieur Y... et Madame Z... à verser à Monsieur X... la somme de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - les condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, titulaire d'un office d'avoué près la Cour d'appel de VERSAILLES, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Monsieur X... a conclu à nouveau en invoquant l'article 2009 du Code civil et en réclamant le bénéfice de l'action directe que la loi du 31 décembre 1975 accorde au sous-traitant.
L'ordonnance de clôture a été signée le 7 mai 1998 et l'affaire plaidée à l'audience du 29 mai 1998.
SUR CE, LA COUR,
I/ Considérant que, tant devant le tribunal d'instance que devant cette Cour, les parties argumentent longuement au sujet de la société à responsabilité limitée Marc A... dont l'extrait K Bis du Registre du Commerce de PERIGUEUX indique qu'elle avait été mise en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de PERIGUEUX, du 29 novembre 1994, Maître Jean-François TORELLI ayant été désigné comme liquidateur, et cette société pouvant poursuivre son activité pendant trois mois ; que, néanmoins, jamais les parties n'ont jugé utile de mettre en cause ce liquidateur judiciaire, ès-qualités ; qu'il doit donc être tenu pour constant que la "convention de maîtrise d'ouvrage déléguée" signée le 16 juin 1994 par les appelants avec la SARL "M.L ARCHITECTEUR", représentée par son gérant Monsieur Marc A..., architecte, constituait bien un
contrat de mandat dont la régularité n'est pas contestée ; qu'en droit, en application de l'article 152 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, ce jugement de liquidation judiciaire emportait de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement par cette société de l'administration et de la disposition de ses biens ; que cette SARL n'avait donc plus le pouvoir de conclure, le 8 décembre 1994, un contrat avec Monsieur X... (entrepreneur de chauffage-plomberie) ; Considérant, de même, qu'en raison de ce dessaisissement de plein droit, Monsieur Marc A... n'avait plus le pouvoir d'écrire à Monsieur Y... et à Madame Z..., le 5 janvier 1995 pour leur demander un appel de fonds n° 2, en une prétendue qualité de "gérant de la SARL M.L ARCHITECTEUR" ; qu'en outre, et en tout état de cause, il est observé que postérieurement à ce jugement de liquidation judiciaire, Maître TORELLI, ès-qualités, n'a jamais exigé l'exécution de ce contrat -à le supposer "contrat en cours" au sens de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985- et que, de son côté, Monsieur X... n'a jamais adressé au liquidateur une mise en demeure, conformément à cet article 37 ; que, d'une manière générale, Maître TORELLI n'a pas pris parti dans les conditions prévues par cet article 37 alinéa 1 de la loi ;
Considérant par ailleurs, que s'agissant ici d'un contrat de mandat donné par les appelants à cette SARL, ce contrat a, conformément aux dispositions de l'article 2003 du Code civil, pris fin par le prononcé de cette liquidation judiciaire de la SARL mandataire ; qu'il y a donc eu extinction de ce contrat de mandat et que la SARL était ainsi dessaisie de tout pouvoir d'agir au nom de ses anciens mandants ;
Considérant que, s'agissant d'une extinction du mandat résultant d'une liquidation judiciaire et non pas d'un cas d'extinction volontaire par voie de renonciation du mandataire ou de révocation par le mandant, les dispositions de l'article 2009 du Code civil ne peuvent s'appliquer en l'espèce, et que Monsieur X... n'est donc pas en droit d'invoquer sa qualité de "tiers de bonne foi", au sens de cet article 2009 ;
Considérant enfin que Monsieur X... n'est pas un sous-traitant (au sens de la loi du 31 décembre 1975), vis-à-vis des appelants, ni même à l'égard de la SARL (qui est mandataire et non pas entrepreneur), et qu'ainsi, il n'est pas fondé à réclamer le bénéfice de l'action directe que cette loi reconnaît au sous-traitant à l'encontre du maître d'ouvrage ;
Considérant que Monsieur Y... et Madame Z... sont donc en droit de refuser de payer Monsieur X... qui agit contre eux en exécution d'un contrat irrégulièrement conclu par une personne dont le mandat était éteint et qui, de plus, était en liquidation judiciaire ; que Monsieur X... est donc débouté de toutes ses demandes contre eux et que le jugement déféré est infirmé en son entier ;
Considérant enfin qu'il est souligné que Monsieur X... n'invoque pas l'existence d'un mandat apparent dont il pourrait éventuellement se prévaloir à l'encontre des deux appelants, et que, pas davantage, il ne prétend qu'il y aurait eu, pour eux, un enrichissement sans cause ;
II/ Considérant que, compte tenu de l'équité, Monsieur X... est
condamné à payer aux appelants la somme de 5.000 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
VU l'article 2003 du Code civil :
VU l'article 152 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 :
I/ . DEBOUTE Monsieur X... de toutes ses demandes contre Monsieur Y... et Madame Z... ;
. INFIRME en son entier le jugement déféré :
II/ . CONDAMNE Monsieur X... à payer aux appelants la somme de 5.000 Francs (CINQ MILLE FRANCS) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
LE CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés contre lui par la SCP d'avoués, JULLIEN LECHARNY ROL, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,
Le Président, Marie Hélène EDET
Alban CHAIX