Monsieur Samir X... a créé en 1986 la S.A.R.L. TRANS ACT, dont le siège social est à NEUILLY SUR SEINE, et qui a pour objet le négoce international de matières premières et plus précisément celui de produits sidérurgiques.
En 1989, Monsieur Samir X... a ouvert le capital de la société TRANS ACT dont il était le gérant à trois personnes de sa connaissance, à savoir Monsieur Sélim Y..., Monsieur Charbel Z... et Monsieur Mohamed A..., chacun de ces nouveaux associés ayant acquis 25 % des parts sociales de sorte que Monsieur X... est devenu associé minoritaire.
Prétendant avoir découvert dans le courant de l'année 1994, à l'occasion d'un contrôle fiscal, d'importants détournements de sommes au profit de deux sociétés de droit libanais dans lesquelles ses nouveaux associés avaient des intérêts et avoir été contraint, après avoir donné sa démission de gérant de la société TRANS ACT, de déposer une plainte pour abus de biens sociaux, Monsieur X... a saisi le Président du Tribunal de Commerce de NANTERRE, statuant en référé, pour obtenir la nomination d'un administrateur provisoire.
Appelants de cette décision, Messieurs Y..., Z... et A...
estimant que la demande de désignation d'un administrateur provisoire formée par Monsieur X... est, tant irrecevable que mal fondée, et que celle-ci doit être rejetée, réclament en outre à l'intéressé une indemnité de 30.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Ils font tout d'abord valoir, à l'appui de leur recours, que les relations avec les sociétés de droit libanais susévoquées ont donné lieu à l'existence d'un "protocole convenu" entre toutes les parties concernées et que, dans ces conditions, Monsieur X... n'a pas qualité à agir. Ils ajoutent que les faits invoqués par Monsieur X... sont anciens et que ceux-ci ont été initiés par Monsieur X... lui-même qui en a tiré le plus grand profit personnel. Ils font également valoir que les relations avec des sociétés tierces sont justifiées par la communauté d'intérêts existant entre les différents associés. Ils déduisent de là que la nomination d'un administrateur n'est en rien justifiée en l'espèce et qu'elle n'a pour but que de conforter "l'offensive judiciaire" déclenchée par Monsieur X..., ainsi que de préserver les seuls intérêts personnels de ce dernier.
Monsieur X... fait valoir en réplique que les anomalies de gestion dont il a à se plaindre n'ont jamais reçu, contrairement à ce qui est prétendu, son aval personnel et qu'elles sont attestées par les pièces produites aux débats, notamment par un rapport du commissaire aux comptes daté du 14 janvier 1998. Il soutient également que les faits dénoncés d'abus de biens sociaux sont confortées par un rapport d'étape déposé par l'expert comptable que s'est adjoint Maître B.... Il estime, en conséquence, que la société traverse une grave crise de gestion justifiant pleinement la mesure ordonnée par le premier juge et sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise. Il sollicite également une indemnité de 50.000 francs en couverture des frais qu'il a été contraint d'exposer pour défendre au recours engagé à son
encontre.
Monsieur B..., assigné ès-qualités d'administrateur provisoire de la S.A.R.L. TRANS ACT, déclare pour sa part s'en rapporter à justice sur le mérite de l'appel. *
MOTIFS DE LA DECISION
. Sur l'intérêt à agir de Monsieur X...
Considérant qu'il est de principe que toute personne y ayant intérêt peut demander en justice la nomination d'un administrateur provisoire, à condition toutefois qu'elle ait un lien de droit avec la société concernée ;
Considérant qu'en l'espèce, il apparaît que Monsieur X... détient actuellement 25 % des parts de la société TRANS ACT ; qu'il a donc, en sa qualité d'associé minoritaire, qualité et intérêt pour faire désigner un administrateur provisoire dès lors que les faits qu'il dénonce, susceptibles de mettre en cause gravement le fonctionnement de la société, s'avéraient suffisamment étayés ;
. Sur le bien fondé de la demande
Considérant que Monsieur X... reproche essentiellement à ses associés de favoriser les intérêts de deux sociétés de droit libanais dans lesquelles ces derniers sont intéressés et ce, au détriment de l'intérêt social de la société TRANS ACT et des résultats que celle-ci pourrait escompter ; qu'il déduit de là que la société TRANS ACT traverse une crise grave qui justifie la nomination d'un administrateur provisoire ; que les autres associés contestent ces allégations et prétendent que les décisions qui ont pu bénéficier aux sociétés de droit libanais dont s'agit ont été initiées, soit par Monsieur X... lui-même, soit prises avec l'accord de celui-ci qui y trouvait également son intérêt, et qu'il est donc mal venu à les critiquer ;
Mais considérant qu'outre que le rôle prêté par les appelants à Monsieur X... n'est pas clairement établi, si ce n'est par voie d'affirmation; il apparaît, à l'analyse des pièces des débats, que le commissaire aux comptes de la société TRANS ACT a déposé un rapport d'alerte concluant "que la poursuite de l'entreprise est aujourd'hui compromise" ; que surtout, l'expert comptable désigné par Maître B... dans le cadre de sa mission, a relevé dans son rapport certaines anomalies comptables ayant profité aux sociétés de droit libanais PAUL WEIL etamp; Fils et TRANSTRADE CORPORATION, susceptibles d'avoir causé une perte de l'ordre de 12 millions de francs pour la société TRANS ACT ; que ces anomalies de gestion, de nature à compromettre l'existence même de la société TRANS ACT qui pourrait ainsi se trouver vidée de sa substance, justifient même si à ce jour elles ne sont pas encore vérifiées par l'enquête pénale, la nomination de l'administrateur provisoire ordonnée par le premier juge ;
Que l'ordonnance déférée sera en conséquence confirmée, mais par adjonction de motifs en toutes ses dispositions ;
Considérant que l'équité ne commande cependant pas, en l'état actuel de la procédure et en l'absence de conclusions définitives qui pourront être tirées à l'issue de la procédure pénale en cours, qu'il soit fait application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Considérant enfin que les appelants, qui succombent, supporteront tous les frais générés par l'exercice de leur recours. PAR CES MOTIFS La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
- REOEOIT Messieurs Selim Y..., Charbel Z... et Mohamed A... en leur appel mais dit cet appel mal fondé ;
- CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;
Y ajoutant,
- DIT n'y avoir lieu à ce stade de la procédure à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
- CONDAMNE Messieurs Selim Y..., Charbel Z... et Mohamed A... aux entiers dépens d'appel et autorise les avoués en cause concernés à en poursuivre directement le recouvrement, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER qui a assisté au prononcé
LE PRESIDENT M.T. GENISSEL
F. ASSIÉ