FAITS ET PROCEDURE :
Le 28 décembre 1993, à 18 heures 45, Madame X... s'est cognée a vive allure dans une baie vitrée non signalée du magasin TOYS'R'US du centre commercial ART DE VIVRE à ERAGNY.
Par actes d'huissier en date des 19 et 21 décembre 1995 et 18 janvier 1996, Madame X... a fait assigner devant le tribunal d'instance de PONTOISE le syndicat des copropriétaires du Centre Commercial ART DE VIVRE, la compagnie d'assurances UAP et la CPAM de LOIRE-ATLANTIQUE aux fins de voir déclarer le syndicat des copropriétaires entièrement responsable de l'accident survenu le 28 décembre 1993 sur le fondement des articles 1382 et 1384 du code civil ; d'obtenir sa condamnation, in solidum avec son assureur, avec exécution provisoire au paiement des sommes de 19.300 francs correspondant à la réparation de son préjudice personnel et matériel,
celle de 5.000 francs à titre de dommages et intérêts et de celle de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
L'expert désigné en référé par le Président du tribunal de grande instance de PONTOISE a conclu à l'indemnisation de Madame X... de la manière suivante : 1.300 francs pour l'incapacité temporaire de travail de huit jours ; 8.000 francs pour le pretium doloris et 10.000 francs pour le préjudice esthétique.
Bien que régulièrement assignée à personne, la CPAM n'a pas comparu. Le 09 juillet 1996, statuant par jugement réputé contradictoire, le tribunal d'instance de PONTOISE a rendu la décision suivante :
- prononce la jonction des procédures RG 96/227, 96/319 et 96/320,
- dit que le syndicat des copropriétaires du centre commercial ART DE VIVRE à ERAGNY SUR OISE n'est pas responsable des conséquences dommageables de l'accident survenu le 28 décembre 1993 à Madame X..., - en conséquence, déboute Madame X... de sa demande d'indemnisation, - déclare le présent jugement commun à la CPAM de LOIRE-ATLANTIQUE,
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la présente décision,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- condamne Madame X... aux dépens.
Le 21 octobre 1996, Madame X... a relevé appel de cette décision. Elle fait grief à la décision entreprise d'avoir ainsi décidé alors d'une part qu'il appartenait au tribunal de rechercher si la signalisation de la baie vitrée était suffisante pour attirer l'attention du client ce qui, selon elle, n'était pas le cas en l'espèce du fait de l'obscurité extérieure et de l'éclairage intense provenant de l'intérieur du magasin ; que depuis d'ailleurs, ces baies vitrées, dont celle litigieuse, sont signalées par des bandes horizontales au sol et au travers des vitres mêmes ce qui permet d'en déduire, selon elle, la reconnaissance de sa responsabilité par le
syndicat des copropriétaires ; qu'il résulte de tout ce qui précède qu'en manquant à son obligation de sécurité à l'égard de ses clients, ledit syndicat a commis une faute justifiant la mise en oeuvre de sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil ; que d'autre part, sur l'application de l'article 1384 alinéa 1er du code civil, qu'il existe une présomption de responsabilité à l'encontre du syndicat qui avait sous sa garde la baie vitrée -chose inanimée- qui lui a causé un dommage ; que si la faute de la victime est une cause exonératoire de responsabilité du gardien lorsqu'elle a été la cause unique du dommage et qu'elle présente les caractères d'imprévisibilité, d'irresistibilité et d'extériorité de la force majeure, il ne peut être retenu en l'espèce aucune faute qui serait la cause exclusive du dommage dont s'agit.
En conséquence, Madame X... prie la Cour de :
- déclarer Madame X... recevable et bien fondé en son appel du jugement rendu le 09 juillet 1996 par le tribunal d'instance de PONTOISE,
- faisant droit audit appel, infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- et statuant à nouveau, déclarer le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU CENTRE COMMERCIAL ART DE VIVRE responsable des conséquences dommageables de l'accident survenu, en application des articles 1382 et 1384 alinéa 1 du code civil,
- en conséquence, condamner le SYNDICAT in solidum avec son assureur l'UAP, à payer à Madame X... la somme de 19.300 francs,
- subsidiairement, prononcer le partage des responsabilités entre le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES et Madame X..., qu'il conviendra à la Cour de déterminer,
- en tout état de cause, condamner solidairement le SYNDICAT et l'UAP, son assureur, à payer à Madame X... la somme de 10.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- les condamner solidairement aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP FIEVET-ROCHETTE-LAFON, titulaire d'un office d'avoués près la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
L'UAP et le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES font valoir que ce dernier n'a commis aucune faute sur le fondement de l'article 1382 du code civil, toutes les précautions ayant été prises pour éviter le risque d'accident par la configuration des lieux, la matérialisation évidente des portes et des parties immobiles ainsi que par un éclairage très suffisant ; qu'on ne peut tirer argument de l'apposition, postérieurement à l'accident dont s'agit, de bandes de signalement de la vitre litigieuse, comme étant une reconnaissance implicite de sa responsabilité ; que, sur le fondement de la présomption de responsabilité des choses inanimées édictée à l'article 1384 alinéa premier du code civil, il convient de relever une faute de la victime présentant tous les caractères de la force majeure de nature à entraîner l'exonération de la responsabilité pesant sur le gardien de la baie.
En conséquence ils prient la Cour de :
- débouter Madame X... de son appel mal fondé,
- confirmer le jugement frappé d'appel,
- dire, en effet, sur le fondement de l'article 1382 du code civil que le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES n'a commis aucune faute et n'a pas omis de prendre les précautions nécessaires pour éviter tout accident tel que celui qui est survenu à Madame X...,
- dire, sur le fondement de l'article 1384 du code civil que le comportement de Madame X... a constitué un événement imprévisible et irrésistible propre à exonérer le SYNDICAT de la présomption de responsabilité qui pèse sur lui,
- débouter Madame X... de toutes ses demandes,
- la condamner à payer au concluant une somme de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par la SCP LAMBERT-DEBRAY-CHEMIN conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
La CPAM DE LOIRE-ATLANTIQUE, assignée à personne habilitée, n'a pas constitué avoué.
L'ordonnance de clôture a été signée le 08 décembre 1998.
SUR CE LA COUR :
-I- Considérant sur le fondement explicitement formulé de l'article 1384 alinéa 1 du code civil, qu'en droit, le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU CENTRE COMMERCIAL est le gardien de la chose inanimée que constitue la porte ou baie vitrée dont s'agit, et qu'il est patent qu'il y a "fait" de cette chose (au sens de cet article 1384) puisqu'elle a été -pour partie du moins- l'instrument du dommage subi par Madame X... née Y..., étant constant de plus que cette porte ou baie vitrée ne comportait aucun signe distinctif bien apparent (tels que disques ou bandes), et de préférence de couleur vive, destiné à attirer l'attention des piétons ;
Considérant au demeurant que de telles bandes distinctes ont été posées, à la suite de cet accident, ce qui démontre bien que le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES, en tant que gardien, a tardivement pris conscience de l'utilité d'un tel dispositif de sécurité qui, en l'espèce s'impose, compte tenu de la fréquentation importante des lieux par des populations d'âges et de conditions physiques diverses et qui légitimement, peuvent être pressées et se hâter ver le magasin, surtout à l'approche de l'heure de la fermeture ;
Considérant que le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES, gardien de sa chose inanimée qui a été l'instrument du dommage reste donc présumé responsable, mais qu'il y a lieu ensuite de rechercher si une faute de la victime a contribué à la production de ce dommage et si elle peut (ou non) exonérer partiellement ou totalement le gardien de sa responsabilité ;
Considérant que les éléments d'appréciation soumis à la Cour (et qui avaient été produits devant le premier juge) démontrent que cet
accident est survenu au 28 décembre à 18 heures 45, et que ces circonstances venant s'ajouter à la vive lumière à l'intérieur du centre pouvant être éblouissante,d devaient inciter Madame X... à circuler à allure modérée et à être vigilante, et qu'en personne avisée et prudente, elle devait donc assurer sa propre sécurité, ce que manifestement, elle n'a pas fait, puisque la violence même de ce choc contre cette baie ou porte vitrée démontre qu'elle marchait à allure trop vive et sans être suffisamment attentive aux obstacles prévisibles ;
Considérant que cette faute certaine de la victime a contribué pour moitié à la production de son dommage, et que le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU CENTRE COMMERCIAL, gardien de la chose, est donc exonéré de sa responsabilité dans cette proportion ; que le jugement est donc infirmé ;
-II- Considérant que la responsabilité du gardien étant ci-dessus retenue sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 du code civil, il devient superfétatoire d'analyser les arguments des parties sur le
fondement de l'article 1382 dudit code, également invoqué par l'appelante ;
-III- Considérant, quant à l'évaluation du préjudice ainsi directement causé à Madame X... née Y..., que les documents justificatifs précis et complets produits permettent de la fixer de la manière suivante :
- incapacité temporaire de travail et perte de salaires : 1.300 francs (du 28 décembre 1993 au 31 décembre 1993 et du 05 janvier au 10 janvier 1994),
- pretium doloris (fracture du nez, hématome de la lèvre supérieure, hématome sous les yeux, douleurs cervicales et céphalées) : 8.000 francs,
- préjudice esthétique (compte tenu notamment de l'âge de la victime, alors âgée de 35 ans) : 10.000 francs ;
Considérant que compte tenu du partage des responsabilités, ci-dessus retenu, le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU CENTRE COMMERCIAL ART DE VIVRE à ERAGNY SUR OISE et son assureur l'UAP sont donc condamnés in solidum à payer à Madame X... épouse Y... 9.650 francs de dommages et intérêts ;
Considérant que compte tenu de l'équité, les deux intimés sont condamnés in solidum à payer à Madame X... la somme de 5.000 francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; que par contre, eu égard à l'équité, les deux intimés sont déboutés de leur propre demande fondée sur ce même article.
PAR CES MOTIFS ;
La COUR statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en
dernier ressort ;
INFIRMANT le jugement déféré et statuant à nouveau :
VU l'article 1384 alinéa 1 du code civil ;
JUGE que le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU CENTRE COMMERCIAL "ART DE VIVRE" à ERAGNY SUR OISE demeure présumé responsable, à concurrence de moitié ;
Par conséquent : LE CONDAMNE in solidum avec l'UAP à payer à Madame Sylvie X... née Y... NEUF MILLE SIX CENT CINQUANTE Z... (9.650 francs) de dommages et intérêts ;
LES CONDAMNE in solidum à payer à l'appelante la somme de CINQ MILLE Z... (5.000 francs) en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
CONDAMNE les deux intimés à la moitié des dépens de l'instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre eux, dans cette proportion, par la SCP d'avoués FIEVET-ROCHETTE-LAFON conformément
aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Et ont signé le présent arrêt :
Le Greffier,
Le Président,
Marie-Hélène EDET.
Alban CHAIX.