FAITS ET PROCEDURE
Par ordonnance d'injonction de payer en date du 28 mai 1991, rendue à la demande de la SOCIETE GENERALE, Monsieur X... a été condamné à payer à ladite banque la somme de 93.691,54 Francs correspondant au solde débiteur d'un compte bancaire, aux échéances impayées d'un prêt personnel immobilier et au capital restant dû sur ce prêt. Suite à l'opposition formée par Monsieur X... contre ladite ordonnance, le tribunal d'instance de RAMBOUILLET, statuant par jugement contradictoire en date du 1er avril 1997, a rendu la décision suivante :
- reçoit Monsieur X... en son opposition en la forme,
- au fond, la déclare mal fondée,
Et statuant à nouveau,
- constate que Monsieur X... n'a pas formé opposition à l'ordonnance d'injonction de payer,
- rejette les moyens de forme soulevés par Monsieur X...,
- condamne conjointement et solidairement Monsieur et Madame X... à payer à la SOCIETE GENERALE la somme de 88.925 Francs majorée des
intérêts au taux contractuel du 5 mars 1991, jusqu'au jour du parfait paiement,
- condamne Monsieur X... au paiement de la somme de 4.765,54 Francs au titre du solde débiteur de compte, majorée des intérêts au taux légal à compter du 2 février 1991, jusqu'au jour du parfait paiement,
- décharge Madame X... du paiement de la somme de 4.766,54 Francs, - ordonne l'exécution provisoire du présent Jugement nonobstant appel et sans caution,
- condamne Monsieur X... à payer à la SOCIETE GENERALE la somme de 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Le 3 juillet 1997, Monsieur X... a interjeté appel de cette décision. Il fait valoir que le prêt litigieux encourt la nullité puisque les dispositions d'ordre public en matière de crédit à la consommation n'ont pas été respectées, notamment par l'absence de tableau d'amortissements concernant les douze premières mensualités du prêt et ce en contradiction avec les dispositions de l'article L.312-8 du code de la consommation ; que ce défaut ne saurait être justifié, contrairement aux énonciations du premier juge, par le délai de franchise qu'il avait sollicité étant donné que les dispositions protectrices du consommateur sont d'ordre public et qu'il n'est pas possible d'y déroger par des conventions particulières ; qu'en outre la SOCIETE GENERALE encourt la déchéance du droit aux intérêts de ce chef ; que, par ailleurs, la SOCIETE GENERALE ne rapporte pas la preuve que l'acceptation ait été donnée, par voie postale, à l'expiration d'un délai de réflexion de 10 jours (article 312-10 du code de la consommation), qu'en conséquence, la nullité du prêt est encourue sur ce point ainsi que la déchéance du
droit aux intérêts.
Il allègue également qu'en vertu d'une jurisprudence de la Cour de cassation, les découverts en compte bancaire de plus de trois mois sont assimilés à des crédits mobiliers soumis en conséquence aux dispositions des articles 311-1 et suivants du code précité, qu'en l'espèce aucune offre préalable de crédit ne lui ayant été faite, dès lors la SOCIETE GENERALE devra être déchue du droit aux intérêts par application des dispositions de l'article L 311-33 du code précité.
Monsieur X... demande donc à la Cour de :
- confirmer la décision rendue par le tribunal d'instance de RAMBOUILLET le 1er avril 1997, en ce qu'elle déclarait recevable l'opposition formée par Monsieur X... à l'ordonnance d'injonction
de payer rendue le 28 mai 1991 à son encontre,
- infirmer pour le surplus la décision entreprise et statuant à nouveau,
- constater la nullité du contrat de prêt souscrit le 6 août 1985 par Monsieur X... auprès de la SOCIETE GENERALE et prononcer la déchéance pour la SOCIETE GENERALE de tout droit à intérêt,
- débouter la SOCIETE GENERALE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions au titre du contrat de prêt immobilier,
- prononcer la déchéance pour la SOCIETE GENERALE de tout droit à intérêt en ce qui concerne sa réclamation au titre du solde débiteur de compte bancaire,
- la débouter en l'état de toutes ses demandes, fins et conclusions, de ce chef, faute pour elle de produire un décompte de créance excluant tous agios, frais ou intérêts,
- condamner la SOCIETE GENERALE au paiement de la somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens et dire que la SCP KEIME GUTTIN, avoué, pourra en poursuivre le recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
La SOCIETE GENERALE fait valoir en réplique, sur l'acceptation par lettre et le délai de 10 jours de réflexion, qu'il ne peut être fait application de l'article L.312-10 du code de la consommation puisqu'en l'espèce, le contrat, souscrit le 6 août 1985, donc sous l'empire de la loi du 13 juillet 1979, ne pouvait être soumis aux dispositions nouvelles du code de la consommation entrées en vigueur en 1993 ; sur le tableau d'amortissement, qu'il ne peut lui être reproché de ne pas l'avoir établi pour les douze premières échéances du prêt puisque, en raison de la période de franchise pendant laquelle l'emprunteur ne remboursait que les intérêts et non le prêt, aucun amortissement du capital n'était effectué.
Elle expose ensuite que Monsieur X... ne rapporte pas la preuve, afin d'établir que son autorisation de découvert s'analysait en un contrat de crédit à la consommation, que son compte était débiteur depuis plus de trois mois, qu'en tout état de cause, les dispositions du code de la consommation n'étaient pas applicables à l'espèce.
Par conséquent la SOCIETE GENERALE demande à la Cour de :
- débouter Monsieur X... de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer en tous points la décision entreprise,
- ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1158 du code civil,
- condamner Monsieur X... au paiement d'une somme de 10.000 Francs
en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - condamner Monsieur X... aux entiers dépens d'appel au profit de la SCP JUPIN ALGRIN, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, Monsieur X... réplique que l'assimilation des découverts en compte bancaire à des crédits à la consommation résulte d'un avis de la Cour suprême en date du 29 octobre 1992 relativement à l'application de la loi du 10 janvier 1978, qu'il est donc parfaitement fondé à se prévaloir de cette assimilation.
L'ordonnance de clôture a été signée le 17 décembre 1998 et l'affaire
appelée à l'audience du 12 février 1999.
SUR CE LA COUR
Considérant que le jugement déféré n'est pas critiqué en ce qu'il a retenu que Madame X... n'ayant pas formé opposition à l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 28 mai 1991, celle-ci était devenue définitive à son égard;
1) Concernant les sommes réclamées par la SOCIETE GENERALE au titre
du contrat de prêt immobilier :
Sur l'acceptation de l'offre de prêt :
Considérant qu'il ressort du contrat de prêt litigieux (versé aux débats et communiqué en première instance) que l'offre de prêt a été faite le 24 juillet 1985 et acceptée le 6 août 1985 selon récépissé séparé, soit plus de 10 jours plus tard; que ce contrat a donc été conclu le 6 août 1985, sous l'empire de la loi du 13 juillet 1979, dont l'article 7 prévoyait que l'acceptation devait être donnée 10
jours après l'offre contre récépissé; qu'il ne peut être fait application de la disposition introduite postérieurement à l'acceptation du contrat, à l'article L.312-8 du code de la consommation promulgué le 26 juillet 1993; que par conséquent, l'appelant n'est pas fondé à invoquer l'absence de la lettre d'acceptation revêtue du cachet de la Poste;
Sur le tableau d'amortissement :
Considérant que l'article 87 de la loi du 12 avril 1996, de nature interprétative, énonce que les offres de prêts mentionnées à l'article L.312-7 du code de la consommation, émises avant le 31 décembre 1994, sont réputées régulières au regard des dispositions
relatives à l'échéancier des amortissements prévues par le 2° de l'article L.312-8 du même code, dès lors qu'elles ont indiqué le montant des échéances de remboursement du prêt, leur périodicité, leur nombre et la durée du prêt, ainsi que, le cas échéant, les modalités de leurs variations;
Considérant que l'offre de prêt litigieuse précisait que le montant des échéances mensuelles de remboursement du prêt serait de 1.270,83 Francs pendant les 12 mois correspondant à la période de franchise, puis de 2.128,10 Francs pendant les 6 années restant à courir de la durée du prêt; qu'en période de franchise, selon les termes des conditions générales du prêt (article 5), l'emprunteur ne s'acquittait que des intérêts et de la cotisation d'assurance groupe, de sorte que les douze premières échéances ne comportaient pas d'amortissement d'une partie du capital emprunté et qu'il n'y avait pas lieu à détailler le montant de ces échéances dans le tableau d'amortissement du prêt; que c'est donc à juste titre que le premier juge a dit qu'il ne pouvait être reproché à la SOCIETE GENERALE d'avoir établi un tableau d'amortissement ne comportant le détail des échéances qu'à compter de la première due à l'expiration du délai de
franchise de 12 mois;
Considérant que Monsieur X... ne démontre pas que l'offre de prêt litigieuse n'était pas conforme aux dispositions de article 5 de la loi du 13 juillet 1979 devenu l'article L.312-8 du code de la consommation; que par conséquent, il n'y a pas lieu à nullité du contrat de prêt, ni même à déchéance du droit aux intérêts;
Considérant que l'appelant ne fait valoir aucun autre moyen concernant sa condamnation solidaire avec son épouse, au paiement de
la somme de 88.925 F au titre du solde du contrat de prêt, majorée des intérêts au taux contractuel à compter du 5 mars 1991 jusqu'à parfait paiement; que la cour confirme donc le jugement déféré de ce chef;
Considérant que la Cour ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, à compter du jour de la demande y afférente, soit le 17 novembre 1997;
2) Sur le découvert du compte bancaire :
Considérant qu'il est de droit constant, selon un principe déjà affirmé par la Cour de cassation dans un avis en date du 9 octobre 1992, que le découvert en compte consenti par une banque à son client pendant plus de trois mois constitue une ouverture de crédit soumise aux dispositions de la loi du 10 janvier 1978 (article L.311-1 du code de la consommation);
Considérant qu'il résulte des récapitulatifs du compte bancaire de
Monsieur X..., communiqués par la SOCIETE GENERALE, que ce compte a fonctionné en position constamment débitrice du 3 mars 1990 au 2 février 1991, date du dernier décompte; que par conséquent, la SOCIETE GENERALE n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de la loi du 10 janvier 1979 ne s'appliqueraient pas, s'agissant d'un solde débiteur antérieur à l'application du code de la consommation du 26 juillet 1993; que faute d'une offre de crédit préalable, conforme aux dispositions d'ordre public de la loi du 10 janvier 1978, la banque est déchue de tout droit aux intérêts en vertu des dispositions de l'article 23 de cette loi, devenu l'article L.311-33 du code de la consommation; qu'il convient donc de déduire du solde débiteur figurant à l'extrait de compte du 2 février 1991, soit 4.766,64 Francs, les intérêts comptabilisés par la banque, soit 809,42 Francs; que la cour, réformant sur ce point le jugement déféré, condamne Monsieur X... (seul titulaire du compte) à payer à la SOCIETE GENERALE la somme de 3.957,12 Francs;
3) Sur l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile :
Considérant que la cour confirme le jugement déféré de ce chef mais qu'en revanche, il n'y a pas lieu d'y ajouter une nouvelle condamnation à ce titre car il n'apparaît pas contraire à l'équité de laisser à la charge de la SOCIETE GENERALE les frais irrépétibles de l'instance d'appel;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:
- CONFIRME le jugement déféré en ses dispositions non contraires à celles du présent arrêt;
Et y ajoutant et réformant:
- ORDONNE la capitalisation des intérêts contractuels, dus au titre du contrat de prêt pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, à compter du 17 novembre 1997;
- CONDAMNE Monsieur X... à payer à la SOCIETE GENERALE la somme de 3.957,12 Francs au titre du solde débiteur de son compte bancaire;
- DEBOUTE Monsieur X... des fins de toutes ses demandes;
- DEBOUTE la SOCIETE GENERALE de sa demande complémentaire sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;
- CONDAMNE Monsieur X... à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre lui par la SCP JUPIN ALGRIN, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Et ont signé le présent arrêt:
Le Greffier,
Le Président,
M. H. Y...
A. CHAIX