L'AGS et le CGEA ILE DE FRANCE OUEST ont relevé appel d'un jugement contradictoire rendu le 26 mai 1997 par le Conseil des Prud'hommes de MONTMORENCY qui a : - fixé la créance de Madame Noùlle X... au passif de la SARL CAR aux sommes de :
- 24 412,08 F à titre de rappel de salaire de juillet à décembre 1995,
- 2 441,20 F à titre de congés payés sur rappel de salaire,
- 5 831,82 F à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 583,18 F à titre de congés payés sur préavis,
- 3 356,67 F à titre d'indemnité légale de licenciement, - dit que le jugement sera opposable à l'AGS - CGEA, selon les dispositions des articles L 143-7 et suivants du code du travail, - enjoint à Maître MANDIN ès-qualité de mandataire-liquidateur de remettre à Madame X... :
- des bulletins de paie pour la période de préavis,
- un certificat de travail conforme, - dit qu'il n'y a pas lieu à astreinte, - mis les éventuels dépens à la charge du passif de la SARL CAR en liquidation judiciaire.
Madame Noùlle X... a été engagée verbalement à compter du 1er octobre 1986 en qualité de secrétaire à mi-temps (20 heures par semaine) par la SARL CAR.
Par jugement du 27 janvier 1995 du Tribunal de Commerce de PONTOISE, la société CAR a été mise en liquidation judiciaire, Maître MANDIN étant désigné comme mandataire-liquidateur.
Madame X... a travaillé de juillet à décembre 1994 sans percevoir aucun salaire et n'a pas été licenciée par Maître MANDIN.
Le 31 juillet 1995, Madame X... a saisi la juridiction prud'homale pour voir fixer sa créance aux sommes de : - 24 412,08 F à titre de rappel de salaire de juillet à décembre 1995, - 2 441,20 F à titre de congés payés sur rappel de salaire, - 8 137,36 F à titre d'indemnité
de préavis, - 813,73 F à titre de congés payés sur préavis, - 3 356,67 F à titre d'indemnité légale de licenciement, et pour se voir remettre des bulletins de paie et un certificat de travail conformes, sous astreinte de 500 F par jour.
Le Conseil a constaté que la société CAR avait cessé toute activité le 27 janvier 1995 et qu'en conséquence, la rupture du contrat de travail de Madame X... était intervenue à la date précitée du 27 janvier 1995.
Il a ainsi accordé à l'intéressée le paiement de ses salaires et les indemnités de rupture.
Dans ses conclusions d'appel, l'AGS et le CGEA soutiennent que selon l'article L 143-11-1 du code du travail, ils ne garantissent les créances résultant de la rupture d'un contrat de travail que si le licenciement intervient, au plus tard, dans les quinze jours de la liquidation judiciaire.
Faisant valoir ainsi que Madame X... n'a pas été licenciée dans les quinze jours de la liquidation de la société CAR intervenue le 27 janvier 1995, ils demandent en conséquence à la Cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il leur a déclaré opposables les créances de Madame X... résultant de la rupture de son contrat de travail.
Madame X..., intimée, conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, en demandant de condamner l'AGS et le CGEA ILE DE FRANCE OUEST à lui payer la somme de 5 000 F à titre de dommages et intérêts ou en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle demande, en outre, d'ordonner à Maître MANDIN, sous astreinte de 500 F par jour de retard, de lui délivrer des fiches de paie afférentes au préavis, congés payés, indemnité de licenciement et un certificat de travail conforme, ainsi que d'annuler les fiches de paie établies à tort pour la période du 1er juillet au 31 décembre
1995.
Elle souligne, par ailleurs, que l'article L 143-11-1 du code du travail, ne dit pas que le "licenciement" doit intervenir dans les quinze jours de la liquidation judiciaire, mais qu'il mentionne "les créances résultant de la rupture des contrats de travail" intervenant dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation, ce qui constitue une notion suffisamment large pour englober toutes formes de cessation du contrat de travail.
Maître MANDIN, ès-qualité de mandataire-liquidateur de la société CAR, conclut à la confirmation du jugement, en faisant valoir que la date de rupture du contrat de travail de Madame X... doit être fixée au 27 janvier 1995 dès lors que la société CAR avait cessé toute activité dès le mois de janvier 1995 et que, par conséquent, Madame X... n'a pas pu continuer à travailler pour cette société postérieurement à cette date.
Il ajoute qu'il n'a pas pu licencier Madame X... du fait de la carence du dirigeant de la société CAR qui ne lui a communiqué aucun document permettant de connaître que Madame X... était salariée de la société CAR.
Maître MANDIN demande en conséquence de déclarer toutes les créances de Madame X... opposables à l'AGS et au CGEA. SUR CE
Sur l'appel principal de l'AGS - CGEA ILE DE FRANCE OUEST :
Considérant qu'en application de l'article L 143-11-1 du code du travail, l'AGS doit garantir "les créances résultant de la rupture des contrats de travail" intervenue dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation judiciaire;
Considérant qu'il apparaît ainsi que la loi n'a pas limité la garantie de l'AGS, comme le prétend cette dernière, aux seules créances résultant d'un licenciement mais qu'elle a envisagé les créances résultant de toute rupture, même en l'absence d'un
licenciement notifié dans les formes légales;
Considérant, en l'espèce, qu'il résulte du dossier que la société CAR a cessé au plus tard toute activité le 27 janvier 1995 et que, de ce fait, le contrat de travail de Madame X... a pris fin de facto au plus tard à cette date; que, par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont fixé la date de la rupture du contrat de travail de Madame X... au 27 janvier 1995 et qu'ils ont, en application de l'article L 143-11-1 du code du travail, déclaré opposables à l'AGS toutes les créances salariales de Madame X... ainsi que celles résultant de la rupture de son contrat de travail;
Considérant que l'article L 143-11-1 du code du travail n'exigeant pas, pour la garantie de l'AGS, qu'intervienne un licenciement par le liquidateur, il importe peu que Madame X... n'ait pas été licenciée par Maître MANDIN, cette absence de licenciement résultant non pas d'une carence du liquidateur mais du fait que celui-ci n'a disposé d'aucun élément lui ayant permis de connaître l'existence de cette salariée;
Sur l'appel incident :
Considérant que le principe et le montant des sommes allouées par le Conseil à Madame X... ne sont pas discutés devant la Cour;
Considérant qu'il appartient à Maître MANDIN de délivrer à Madame X... des bulletins de paie pour les indemnités de préavis, congés payés sur préavis et indemnité de licenciement, ainsi qu'un certificat de travail conforme; qu'en outre, Maître MANDIN a délivré par erreur des bulletins de paie pour les mois de juillet à décembre 1995 qu'il convient d'annuler;
Considérant qu'en relevant appel, l'AGS et le CGEA n'ont commis aucun abus de droit, ne faisant qu'user d'une voie de recours normale; que, par suite, Madame X... sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts;
Considérant que les dépens seront imputés au passif privilégié de la société CAR;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile; PAR CES MOTIFS
La COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Déboute l'AGS et le CGEA ILE DE FRANCE OUEST de leur appel principal; Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions;
Y ajoutant,
Ordonne à Maître MANDIN ès-qualité de délivrer à Madame Noùlle X... un certificat de travail conforme et les bulletins de paie afférents aux indemnités de préavis, congés payés sur préavis et de licenciement;
Annule les bulletins de paie délivrés pour les mois de juillet à décembre 1995;
Déboute Madame Noùlle X... du surplus de ses demandes;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;
Dit que les dépens seront imputés au passif privilégié de la SARL CAR.
Et ont signé le présent arrêt, Madame BELLAMY, Président de Chambre, et Madame Y..., Greffier.