Monsieur L G, né le 25 octobre 1963 à ZINGUINCHOR (Sénégal), fils naturel de Monsieur B G, de nationalité française, et de Madame Y D, de nationalité sénégalaise, a fait assigner par acte du 14 janvier 1994 LE PROCUREUR DE LE REPUBLIQUE près le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE aux fins de se voir reconnaître la nationalité française par application des dispositions de l'article 17 du Code de la Nationalité Française selon lesquelles "Est français l'enfant légitime ou naturel dont l'un au moins des parents est français".
Par jugement du 13 novembre 1996, le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE a dit que Monsieur L G n'a pas la nationalité française au motif que la filiation paternelle de celui-ci avait été établie postérieurement à sa majorité, en l'espèce par acte notarié de reconnaissance du 22 mars 1993.
Appelant, Monsieur L G conclut à l'infirmation de la décision entreprise et demande à la Cour, en statuant à nouveau, de dire qu'en sa qualité de fils naturel de Monsieur B G, il a la qualité de français et d'ordonner la mention de l'arrêt conformément à l'article 28 du Code Civil.
Il soutient essentiellement que son père l'a reconnu à la naissance et que sa filiation paternelle a été constatée par un jugement du 13 juillet 1964, ajoutant avoir en outre la possession d'état d'enfant de Monsieur B G.
LE MINISTERE PUBLIC conclut à la confirmation de la décision entreprise, aucun des jugements produits n'établissant selon lui la filiation paternelle de Monsieur L G et aucun jugement ni aucun acte de notoriété n'étant venu consacrer sa possession d'état pendant sa minorité. SUR CE,
Considérant que conformément aux dispositions de l'article 20-1 du Code Civil, la filiation de l'enfant n'a d'effet sur la nationalité
de celui-ci que si elle est établie durant sa minorité ;
Que, selon les dispositions de l'article 311-14 du Code Civil, la filiation est régie par la loi personnelle de la mère, soit, en l'espèce, la loi sénégalaise en application de laquelle la filiation naturelle paternelle d'un enfant ne peut s'établir que par la reconnaissance volontaire faite par son père dans l'acte de naissance ou par acte authentique, par l'effet d'un jugement, par la déclaration de naissance faite à l'Officier d'Etat Civil par le père déclarant sa paternité ou par la possession d'état ;
Considérant que la filiation paternelle de Monsieur L G n'est pas établie par l'acte de naissance résultant de la transcription d'un jugement supplétif du 13 juillet 1964 ni par les jugements rendus les 27 et 29 juin 1993 par le Tribunal Régional de ZINGUINCHOR (Sénégal), le premier annulant l'acte de naissance établi sur la transcription du jugement du 13 juillet 1964 au motif de la destruction du registre de l'année 1964 et le second établissant un nouvel acte de naissance ;
Qu'en effet, aucun de ces documents ne fait état d'une déclaration de reconnaissance par le père, étant observé que la seule mention du nom du père dans l'acte de naissance ne vaut pas déclaration de reconnaissance ;
Considérant qu'un autre jugement a été rendu le 2 janvier 1995 par le Tribunal Régional de ZINGUINCHOR à la requête de Monsieur L G aux termes duquel le Tribunal a :
- dit et jugé que la filiation de Monsieur L G est définitivement établie par jugement rendu par le Juge de Paix de ZINGUINCHOR (Sénégal) le 13 juillet 1964 comme étant né le 25 octobre 1963 à ZINGUINCHOR de Monsieur B G, né en 1938 à B et de Madame Y D, née le 9 mai 1945 à K ;
- dit que le jugement d'autorisation d'inscription de naissance n°
996 du 29 juin 1994 porte reconstitution de la naissance de Monsieur L G, définitivement établie par le jugement en date du 13 juillet 1964 suite à la destruction de la minute dudit jugement et ce après consultation du registre de l'année 1964 du Centre d'Etat-Civil de ZINGUINCHOR portant transcription de la naissance ;
Que toutefois ce jugement, s'il confirme que Monsieur L G a été déclaré à l'Etat Civil comme étant le fils de Monsieur B G, n'établit pas la filiation paternelle de celui-ci au sens du droit français de la nationalité puisqu'il n'est pas précisé la nature de la filiation (légitime ou naturelle) et surtout qu'il n'est pas fait état d'une reconnaissance volontaire de Monsieur L G par Monsieur B G à la naissance ou pendant la minorité de l'enfant, étant observé que le Tribunal de ZINGUINCHOR n'aurait pu attester l'existence d'une telle reconnaissance, ses jugements étant précisément destinés à suppléer à la destruction des actes de l'Etat Civil établis antérieurement ;
Qu'il sera enfin relevé que l'extrait de l'acte de mariage de Monsieur L G établi le 31 décembre 1997 fait mention du nom de son père sans établir la filiation paternelle ;
Considérant que Monsieur L G se prévaut également de deux actes notariés :
- l'un en date du 22 mars 1993 contenant reconnaissance par Monsieur B G de sa paternité à l'égard de Monsieur L G ;
- l'autre en date du 20 mai 1994 aux termes duquel Monsieur B G précise que l'acte établi le 22 mars 1993 consiste en une confirmation de reconnaissance, ayant préalablement reconnu Monsieur L G au moment de sa naissance le 25 octobre 1963 à ZINGUINCHOR ;
Que toutefois ces actes ont été établis pendant la majorité de Monsieur L G et la déclaration le 20 mai 1994 de Monsieur B G, selon laquelle il aurait déjà reconnu Monsieur L G à sa naissance, ne peut prouver au regard du droit de la nationalité l'établissement de la
filiation pendant la minorité, celle-ci ne pouvant résulter que d'un acte de reconnaissance établi antérieurement au 25 octobre 1986 ;
Considérant que Monsieur L G soutient en outre avoir la possession d'état d'enfant de Monsieur B G et produit une attestation de sa tante Madame E G des termes de laquelle il résulte que Monsieur B G envoyait régulièrement de l'argent de France à la mère de Monsieur L G pour subvenir à ses besoins, qu'il apportait de France à l'enfant des vêtements et des cahiers et qu'il a déclaré l'enfant en le prénommant Louis en souvenir de son père Monsieur Lys G ;
Que toutefois, pour produire son effet au regard du droit de la nationalité, la possession doit être établie pendant la minorité de l'enfant ;
Que tel n'est pas le cas en l'espèce, étant observé que la preuve que la possession d'état était déjà constituée pendant la minorité est sans effet au regard des dispositions de l'article 20-1 du Code Civil si cette preuve n'a pas été établie pendant la minorité de l'enfant ; Qu'il s'ensuit que la décision entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions, la filiation paternelle de Monsieur L G ayant été établie par l'acte de reconnaissance du 22 mars 1993, postérieurement à sa minorité ; PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
CONDAMNE Monsieur L G aux entiers dépens de l'appel.
ARRET REDIGE PAR :
Madame Lysiane LIAUZUN, Conseiller
ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,
Le Président, Catherine CONNAN
Colette GABET-SABATIER