En vertu d'une ordonnance autorisant à assigner à jour fixe en date du 1er novembre 1998, les époux X..., les époux Y..., Madame Z..., les époux A..., les époux B..., les époux C..., la SCI DU 1, Rayol Park, et la SCI "A.B", ci-dessous appelés les consorts X..., ont attrait devant le Tribunal de grande instance de PONTOISE Monsieur D..., de nationalité belge, et Monsieur E..., de nationalité française, sur le fondement de l'article 10 de la loi du 24 juillet 1966, en sollicitant leur condamnation, en leur qualité d'associés, au paiement de sommes mises à la charge de diverses sociétés, notamment la S.N.C. E.G.H., en vertu d'arrêts distincts rendus le 28 juillet 1997 par la Cour d'appel d'AIX EN PROVENCE, suite à la résolution de ventes immobilières prononcées par ces arrêts, concernant des biens et droits immobiliers dépendant de la Commune du RAYOL CANADEL SUR MER.
Titulaires d'une créance de même nature, les époux F... sont intervenus volontairement à l'audience.
Par jugement du 16 février 1999, le Tribunal s'est déclaré compétent, rejetant les exceptions d'incompétence territoriale soulevées par Messieurs E... et D....
Ceux-ci ont régulièrement formé contredit à l'encontre de cette décision, demandant à la Cour de renvoyer les demandeurs et intervenants volontaires à mieux se pourvoir, et sollicitant leur condamnation au paiement d'une somme de 15.000 francs chacun en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
Les consort X..., défendeurs au contredit, concluent à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré compétent.
Ils demandent à la Cour d'évoquer le fond du litige, en application
de l'article 89 du Nouveau Code de procédure civile, et encore de prononcer une amende civile et de leur allouer une indemnité de 8.000 francs chacun sur le fondement de l'article 88 du Nouveau Code de procédure civile, analysant la contestation élevée par les défendeurs sur la compétence comme la manifestation d'un comportement abusif et dilatoire.
Ils sollicitent enfin chacun une somme de 10.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
Les époux F..., défendeurs au contredit, concluent de même à la compétence du Tribunal de grande instance de PONTOISE, mais s'opposent à la demande d'évocation formée par les consorts X.... SUR CE, SUR LA DEMANDE DE REJET DES DEBATS DE CONCLUSIONS DES CONSORTS X...
Considérant que par écritures signifiées le 22 octobre 1999, donc trois jours avant l'audience des plaidoiries, tenue le 25 octobre, Messieurs D... et E... ont conclu au rejet des débats, comme tardives, des écritures signifiées le 12 octobre 1999 par les consorts X..., en faisant valoir que l'ordonnance de fixation de l'affaire avait prévu que les parties devraient présenter leurs observations avant le 7 octobre 1999 ;
Qu'il apparaît toutefois que ces conclusions ne sont que la reprise des précédentes écritures signifiées par les consorts X... le 25 mars 1999 et que la réponse à ces conclusions n'appelait pas d'investigations nouvelles, de sorte que les consorts D... ont disposé d'un délai suffisant pour y répliquer et qu'ils sont malvenus à conclure à une violation du principe de la contradiction ;
Que dès lors, il convient de rejeter la demande de rejet des débats desdites écritures ; SUR LA COMPETENCE A L'EGARD DE MONSIEUR D...
Considérant que Monsieur D..., de nationalité belge, fait valoir qu'il se trouve domicilié à MONACO, où il précise du reste qu'il
vient de changer d'adresse, et indique que son adresse à 95560 BAILLET EN FRANCE (6, rue du Golfe), dans le ressort du Tribunal de PONTOISE, correspond à une simple résidence, d'où il déduit la compétence des juridictions de MONACO ;
Que s'agissant de la compétence des juridictions françaises en ce qui concerne l'action intentée par les demandeurs de nationalité française, celle-ci est justifiée au regard des dispositions de l'article 14 du Code civil, énonçant que "l'étranger, même non résidant en France, pourra être cité devant les tribunaux français pour l'exécution des obligations par lui contractées en France avec un Français", étant donné que leur action se fonde sur la qualité, non contestée par Monsieur D..., d'associé d'une société de droit français, débitrice principale en vertu de condamnations prononcées par les juridictions françaises du fait d'opérations immobilières montées en France, étant au demeurant observé que Monsieur D... ne peut invoquer, au titre de sa domiciliation à MONACO, aucune convention internationale qui fasse échec à la compétence prévue à l'article 14 sus-mentionnée ;
Qu'il convient d'observer que la lettre adressée à Monsieur D... en la forme recommandée par le greffe de la Cour, le 12 avril 1999, est parvenue à son destinataire, qui a signé le 13 avril 1999 l'avis de réception afférent, alors qu'un premier courrier recommandé envoyé le 1er avril 1999 par le greffe à l'adresse à laquelle Monsieur D... avait indiqué être domicilié à MONACO (31 avenue de la Princesse Grace de Monaco) est revenu avec la mention postale "n'habite pas à l'adresse indiquée par l'expéditeur", d'où il suit que Monsieur D..., qui s'abstient de fournir la nouvelle adresse à laquelle il déclare être maintenant domicilié à MONACO, a pu valablement être assigné en France devant le tribunal de grande instance de PONTOISE, en tant que juridiction du lieu de sa résidence, en application de
l'article 42 du Nouveau Code de procédure civile ;
Considérant qu'en revanche, en ce qui concerne l'action exercée par Monsieur B..., de nationalité belge, et son épouse, de nationalité suisse, de même que l'action exercée par les époux C..., de nationalité suisse, lesquels demandeurs sont tous domiciliés en Suisse, Monsieur D... objecte à juste raison que l'article 14 du Code civil ne peut justifier à son égard la compétence des juridictions françaises, puisque ce texte suppose une obligation contractée en France avec un Français et qu'il ne régit pas la compétence des tribunaux français en matière d'obligations contractées par un étranger avec un étranger ;
Que ces demandeurs de nationalité étrangère et résidant tous à l'étranger invoquent vainement, pour justifier la compétence de la juridiction française, l'élection de domicile à laquelle ils ont procédé au cabinet de leur avocat plaidant, une telle circonstance n'étant pas de nature à entraîner cette compétence, et peu important au surplus que la demande des intéressés soit de même nature que celles qui sont formées par les autres demandeurs et intervenants ;
Que dès lors, en l'absence de textes qui donneraient compétence en l'occurrence aux juridictions française, il convient d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a retenu la compétence du Tribunal de grande instance de PONTOISE, s'agissant de l'action exercée contre Monsieur D... par les époux B... et par les époux C..., et, en application de l'article 96 du Nouveau Code de procédure civile, de renvoyer ces parties à mieux se pourvoir ; SUR LA COMPETENCE A L'EGARD DE MONSIEUR E...
Considérant que Monsieur E..., de nationalité française mais domicilié en Suisse, à CORBIER GENEVE, conclut à l'incompétence des juridictions françaises au profit de la juridiction helvétique, et plus précisément du Canton de GENEVE, en application de l'article 3
de la Convention du 16 septembre 1988, dite de LUGANO, qui prévoit que "les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat contractant (dont la Confédération helvétique) ne peuvent être attraites devant les tribunaux d'un autre Etat contractant qu'en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 6 du présent titre" ;
Considérant que les défendeurs au contredit objectent que les conditions de l'article 5 de la Convention - permettant au défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant d'être attrait dans un autre Etat contractant, à savoir, en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée - sont en l'occurrence réunies ; qu'en outre est applicable l'article 6 de la Convention - prévoyant que le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant peut être attrait, s'il y a plusieurs défendeurs, devant le tribunal du domicile de l'un deux - étant donné que Monsieur D... a été attrait devant le Tribunal de grande instance de PONTOISE, en application des dispositions de l'article 42 alinéa 3 du Nouveau Code de procédure civile et qu'il dispose d'une résidence sur le territoire français ; Qu'ils ajoutent qu'à supposer même que la Convention de LUGANO fasse obstacle à la comparution devant le Tribunal de grande instance de PONTOISE de Monsieur E..., celui-ci a volontairement fait élection de domicile pour les besoins de la présente procédure à l'adresse (en France) de son avocat, Maître DEBAIN, ainsi que cela résulte expressément de ses écritures, et s'est de la sorte volontairement soumis aux dispositions du Code civil et du Nouveau Code de procédure civile, par cet acte unilatéral régi par les dispositions de l'article 111 du Code civil et qui est distinct de l'élection de domicile qui résulte de la constitution d'avocat postulant ;
Considérant toutefois que le lieu de l'obligation qui sert de base à
la demande n'est pas situé dans le ressort du Tribunal de PONTOISE, puisque l'action tend à la condamnation des défendeurs en leur qualité d'associés de sociétés ayant été condamnées par la Cour d'appel d'AIX EN PROVENCE au paiement de sommes dues au titre d'opérations concernant des droits et biens immobiliers situés dans le sud de la France, de sorte que les défendeurs au contredit sont malvenus à se prévaloir de l'application de l'article 5 de la Convention de LUGANO ;
Que pas davantage, ils ne peuvent prétendre à l'application de l'article 6 de la même Convention, dès lors que le critère de compétence retenu par ce texte est le tribunal du domicile de l'un des défendeurs, et non pas le tribunal de la résidence, et qu'en l'occurrence aucun des défendeurs n'est domicilié en France ;
Que s'il est vrai que Monsieur E..., comme Monsieur D..., a élu domicile au cabinet de son avocat en France, ce choix vaut seulement pour les besoins de la procédure, comme précisé dans leurs écritures, et ne vaut pas soumission aux règles du Nouveau Code de procédure civile ni acceptation de la compétence du Tribunal de grande instance de PONTOISE, par dérogation aux normes de la Convention de LUGANO, étant ajouté que l'article 111 du Code civil, en autorisant les significations, demandes et poursuites relatives à un acte devant le juge du domicile élu, réserve expressément les dispositions de l'article 48 du Nouveau Code de procédure civile et n'a donc pas la portée que lui prêtent les défendeurs au contredit ;
Qu'il s'ensuit que l'action dirigée contre Monsieur E... ne relève pas de la compétence du Tribunal de grande instance de PONTOISE, et qu'il y a lieu de renvoyer les parties à mieux se pourvoir à son égard ; SUR LA DEMANDE D'EVOCATION
Considérant qu'il ne serait pas de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive, s'agissant des demandes qui
ressortissent à la compétence du Tribunal de grande instance de PONTOISE ;
Qu'il convient en conséquence de rejeter la demande d'évocation, à laquelle s'opposent du reste les époux F... ; SUR LES AUTRES DEMANDES
Considérant que tant Monsieur D... que Monsieur E... avaient de justes motifs à faire valoir à l'appui de leur contredit, de sorte qu'il ne convient pas d'accueillir les demandes accessoires aux fins de condamnation à une amende civile et à des dommages-intérets, en application de l'article 88 du Nouveau Code de procédure civile, étant ajouté que les créanciers dont l'action ressortit à la compétence du tribunal de grande instance de PONTOISE ne justifient d'aucun préjudice à l'appui de leur demandes de dommages-intérêts ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;
Qu'en application de l'article 88 du Nouveau Code de procédure civile, les dépens du présent contredit seront partagés par moitié entre Monsieur D... d'une part, et les défendeurs et intervenants d'autre part ; PAR CES MOTIFS,
LA COUR
statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
RECOIT Monsieur D... et Monsieur E... en leur contredit,
DIT n'y avoir lieu à rejet des débats des écritures signifiées le 12 octobre 1999 par les consorts X...,
RENVOIE les DEMANDEURS et INTERVENANTS, dans leur intégralité, à mieux se pourvoir, s'agissant de l'action dirigée contre Monsieur E...,
RENVOIE les époux B... et les époux C... à mieux se pourvoir, s'agissant de l'action dirigée contre Monsieur D...,
RETIENT la compétence du Tribunal de grande instance de PONTOISE en
ce qui concerne l'action dirigée contre Monsieur D... par la SCI "A.B", Madame Z..., les époux X..., les époux Y..., les époux A..., la SCI du RAYOL PARK, ainsi que par les intervenants, les époux F...,
DIT n'y avoir lieu à évocation, et les renvoie en conséquence devant le Tribunal de grande instance de PONTOISE,
REJETTE les prétentions plus amples ou contraires,
PARTAGE les dépens du présent contredit par moitié entre Monsieur D... d'une part, et les demandeurs et intervenants d'autre part.
ARRET REDIGE PAR :
Monsieur Gérard MARTIN, Conseiller
ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,
Le Président, Catherine CONNAN
Colette GABET-SABATIER