FAITS ET PROCÉDURE La société ALSACIENNE DE MAGASINS POPULAIRES (ci-après SAMP) exploite un magasin à l'enseigne PRISUNIC dans des locaux situés 131-141 avenue Gambetta à PARIS (20ème), lesdits locaux étant la propriété de la GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES (GMF). La société GMF avait à l'origine consenti un bail commercial à la société COMPTOIR COMMERCIAL PELLEPORT, aux droits de laquelle est venue, par absorption, la société BAZAR DU SQUARE dont la SAMP est le successeur. Suivant contrat de concession en date du 14 novembre 1972, la société COMPTOIR COMMERCIAL PELLEPORT avait elle-même consenti à la société d'Alimentation Française (DLAF), le droit d'exploiter un rayon de boucherie à l'intérieur du Magasin PRISUNIC. La concession a été transformée le 15 mars 1979, en contrat de sous-location et celui-ci a été renouvelé, le 1er juillet 1983, au profit de la société Boucherie Bernard qui, entre temps, avait absorbé la société DLAF. Au mois de décembre 1986, a été constituée une société dite "B. PELLEPORT" dont la société Boucherie Bernard détenait 175 parts sur les 500 composant le capital social et qui a repris le rayon boucherie du magasin Prisunic de l'avenue Gambetta. Cette société B. PELLEPORT a cependant rapidement connu, à l'instar de la société des Boucheries Bernard, de graves difficultés et elle a arrêté l'exploitation du rayon boucherie le 07 juillet 1989. Par acte du 19 juillet 1989, la SAMP, sous bailleresse, l'a mise en demeure de reprendre l'exploitation et de lui régler les loyers impayés, cette mise en demeure visant la clause résolutoire stipulée au contrat de sous-location. Toutefois, et avant même que ladite clause n'ait pu prendre effet, une procédure simplifiée de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société "B. PELLEPORT" par jugement du Tribunal de Commerce de PARIS en date du 17 août 1981. Cette mesure a été convertie, par jugement du même tribunal en date du 21 septembre 1989, en liquidation judiciaire, Maître X... étant désigné comme
mandataire liquidateur. Suivant acte sous seing privé en date des 04 juillet et 03 août 1990, Maître X..., ès-qualités, a cédé à la société NOUVELLE BERNARD le fonds de commerce de boucherie en ce compris le droit au bail, exploité par la société B. PELLEPORT dans le magasin Prisunic, moyennant le prix de 300.000 francs en même temps que l'acquéreur s'engageait à régler le solde d'un prêt UFB de 4.080.000 francs. La société NOUVELLE BERNARD n'ayant pu prendre possession du fonds de commerce par elle acquis de Maître X..., ès-qualités, a, après avoir fait constater que la société SAMP avait repris la totalité des locaux et détruit le rayon boucherie, saisi le Tribunal de Commerce de PARIS pour obtenir la condamnation de la société SAMP à lui rembourser le prix d'acquisition et à réparer le préjudice par elle subi. La société SAMP a fait valoir en réplique que le bail s'était trouvé résilié de plein droit par application de la clause résolutoire stipulée au contrat de sous-location et qu'au surplus, le liquidateur de la société B. PELLEPORT, mis en demeure de se prononcer sur la continuation du bail, par application de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985, avait renoncé à la poursuite dudit bail. Par jugement en date du 25 septembre 1991, le Tribunal de Commerce de PARIS a déclaré nul l'acte de cession du fonds de commerce consenti par Maître X..., en qualité de liquidateur de la société B. PELLEPORT à la société NOUVELLE BERNARD, le bail s'étant trouvé résilié de plein droit antérieurement à la cession par application de la clause résolutoire stipulée au contrat de sous-location, et a, en conséquence, débouté la société NOUVELLE BERNARD de toutes ses prétentions, condamnant celle-ci à payer à la SAMP 50.000 francs à titre de dommages et intérêts ainsi qu'une indemnité de 60.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Sur appel de la société NOUVELLE BERNARD, la Cour d'Appel de PARIS a confirmé, par arrêt du 27 mars 1992, le
jugement entrepris en toutes ses dispositions mais pour des motifs différents de ceux du premier juge et substitués à ceux-ci . Elle a, en effet, considéré que la mise en demeure d'avoir à reprendre l'exploitation du fonds, signifiée par la SAMP à la société B. PELLEPORT, le 19 juillet 1989, n'avait pu faire jouer la clause résolutoire stipulée au contrat de sous-location, et ce, en vertu des dispositions de l'article 38 alinéa 2 de la loi du 25 janvier 1985, le délai d'un mois imparti au preneur n'était pas écoulé à la date de l'ouverture du redressement judiciaire de la société B. PELLEPORT. En revanche, la Cour a retenu que Maître X..., liquidateur de la société B. PELLEPORT, n'avait pas manifesté la volonté de poursuivre le contrat de bail à la suite de la mise en demeure qui lui avait été notifiée le 22 septembre 1989, conformément à l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985, et que le bail avait donc cessé à la date du 22 octobre 1989, de sorte que Maître X... était sans droit pour le céder avec le fond à la société NOUVELLE BERNARD par actes des 04 juillet et 03 août 1990. Statuant sur le pourvoi formé par la société NOUVELLE BERNARD, la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation a, par arrêt du 12 octobre 1994, cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de PARIS en retenant, au visa de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985, que, pour accueillir la demande, l'arrêt retient que la réponse faite par le mandataire liquidateur à la mise en demeure du 22 septembre 1989, ne pouvait être considéré comme l'expression de la volonté de celui-ci de poursuivre l'exécution du contrat et que le bail avait cessé le 22 octobre 1989, le mandataire liquidateur étant sans droit pour le céder ; qu'en statuant ainsi, alors que la renonciation à la continuation du bail ne pouvait entraîner par elle-même la résiliation du contrat, la Cour d'Appel a violé le texte susvisé. Devant la Cour de ce siège désignée comme Cour de Renvoi, la société
NOUVELLE BERNARD, placée en redressement judiciaire depuis le 08 août 1996 et assistée de la SCP LAUREAU-JEANNEROT, désignée en qualité d'administrateur judiciaire, et de Maître ROGEAU, désigné en qualité de représentant des créanciers qui comparaissent volontairement, soutient essentiellement que le bail liant Maître X..., ès-qualités, à la société ALSACIENNE DE MAGASINS POPULAIRES, était toujours en cours au moment de la cession et elle déduit de là que la société ALSACIENNE DE MAGASINS POPULAIRES a repris possession des lieux sans qu'aucune décision de justice ne l'y ait autorisée. Elle demande, en conséquence, que la société ALSACIENNE DE MAGASINS POPULAIRES soit condamnée à lui payer en réparation de son préjudice les sommes ci-après :
300.000,00 francs en remboursement du prix d'acquisition du fonds,
4.080.600,00 francs au titre du remboursement du prêt UFB repris par elle,
120.400,00 francs au titre des droits d'enregistrement,
4.380.000,00 francs à titre d'indemnité d'éviction,
500.000,00 francs à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée. Elle réclame également remboursement des frais de procédure précédemment exposés à savoir 50.000 francs de dommages et intérêts et 90.000 francs (article 700) outre les dépens exposés devant la Cour d'Appel de PARIS (23.300,08 francs et 24.702,92 francs). Enfin, elle sollicite une indemnité globale de 300.000 francs en couverture des frais qu'elle a été contrainte d'exposer pour faire valoir ses droits. La société ALSACIENNE DE MAGASINS POPULAIRES s'oppose à l'argumentation adverse et persiste à soutenir que le bail dont se prévaut la société NOUVELLE BERNARD a été abandonné dès le 07 juillet 1989 et qu'en tout état de cause il a fait l'objet d'une renonciation expresse de la part des organes de la procédure collective. Elle déduit de là que la cession du bail,
réalisée par acte des 04 juillet 1990 et 03 août 1990, ne peut être que tenue pour nulle comme l'ont dit à bon droit les premiers juges. Subsidiairement, elle estime que la société appelante n'a pas pu valablement acquérir le fonds de commerce de la société PELLEPORT, en raison de l'inexistence d'un tel fonds lié à l'abandon et à la fermeture dudit fonds, de la qualité de franchisée de la société BOUCHERIE BERNARD. Elle en déduit encore que la cession ne peut lui être valablement opposée et qu'aucune faute ne peut lui être imputée. Elle conclut dès lors au rejet des demandes adverses et à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré sauf à se voir allouer la somme de 100.000 francs à titre de dommages et intérêts supplémentaires et 50.000 francs d'indemnité complémentaire au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. En cet état, l'affaire a été clôturée par ordonnance du 03 mars 1998. Postérieurement à ladite clôture, la SCP LAUREAU-JEANNEROT est intervenue en qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la société NOUVELLE BERNARD, mis en oeuvre par jugement du 02 avril 1998. La société PRISUNIC, venant aux droits de la société ALSACIENNE DE MAGASINS POPULAIRES, estime irrecevable l'action poursuivie par le commissaire à l'exécution du plan, et ce, en application de l'article 67 alinéa 2 de la loi du 25 janvier 1985. Elle estime également que en vertu du plan de continuation, la société appelante a retrouvé sa pleine capacité à agir, et que l'administrateur et le représentant des créanciers ne peuvent se maintenir en cause. En réponse et après réouverture des débats sur ce dernier point, la SCP LAUREAU-JEANNEROT et Maître ROGEAU, font valoir qu'ils n'entendaient nullement reprendre à leur compte la procédure initiée par la société NOUVELLE BERNARD mais seulement intervenir volontairement à ladite procédure, suite au changement d'état de cette société, et demandent qu'il leur en soit donné acte. MOTIFS DE
LA DÉCISION I - Sur la recevabilité de l'action poursuivie par le commissaire à l'exécution du plan de la société NOUVELLE BERNARD et sur le maintien en cause du représentant des créanciers de cette société et du commissaire à l'exécution du plan Considérant que le jugement arrêtant le plan de continuation a pour effet de remettre le débiteur à la tête de son entreprise et de permettre à ce dernier d'exercer à nouveau ses droits et actions sur son patrimoine, sauf ceux dévolus au commissaire à l'exécution du plan. Considérant que, par l'effet du jugement en date du 02 avril 1998 arrêtant le plan de continuation de la société NOUVELLE BERNARD, celle-ci retrouve sa pleine capacité à agir pour poursuivre l'action indemnitaire qu'elle avait engagée alors qu'elle était encore in bonis ; qu'il n'en reste pas moins que Maître ROGEAU, maintenu par le jugement susvisé en qualité de représentant des créanciers pendant le temps nécessaire à la vérification du passif, et la SCP LAUREAU-JEANNEROT, désignée par le même jugement en qualité de commissaire à l'exécution du plan, ont le plus grand intérêt à se maintenir volontairement en cause dès lors que l'éventuel succès de l'action en cours est susceptible d'influer sur le plan du règlement du passif tel qu'arrêté par le jugement du 02 avril 1998 susvisé ; que les moyens préalables de procédures invoqués par la société PRISUNIC, venant aux droits de la société ALSACIENNE DE MAGASINS POPULAIRES seront, en conséquence, rejetés et l'action poursuivie par la société NOUVELLE BERNARD, redevenue in bonis, déclarée recevable. II - Sur le fond a) Sur la prétendue disparition du bail Considérant que la société PRISUNIC, venant aux droits de la société ALSACIENNE DE MAGASINS POPULAIRES, soutient tout d'abord que la société B. PELLEPORT aurait renoncé volontairement à son local, antérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire en date du 17 août 1989 ; qu'à cet égard, elle se prévaut essentiellement de ce que le 07 juillet 1989, cette
société a fermé ses locaux, déménagé ses installations, licencié son personnel et annoncé par affiches son départ à la clientèle ; qu'elle ajoute que la société n'est jamais revenu sur les lieux, qu'elle n'a jamais payé le moindre loyer ou indemnité d'occupation et que Maître X..., ès-qualités de liquidateur, a fait inscrire le 24 novembre 1989, une mention de cessation d'activité de son administrée ; qu'elle déduit que le bail n'existait plus lorsqu'il a été cédé à la société NOUVELLE BERNARD le 04 juillet 1990, en même temps que le prétendu fonds de commerce. Mais considérant que la renonciation a un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'une déclaration de volonté du titulaire de ce droit, exempte de toute ambigu'té ; qu'en l'espèce, il apparaît des pièces des débats que la cessation d'activité dont se prévaut la société PRISUNIC est intervenue à quelques jours du dépôt de bilan de la société B. PELLEPORT sans pour autant que cette société manifeste, de quelque manière que ce soit, son intention de renoncer à son droit au bail qu'elle pouvait envisager de céder alors qu'elle était encore in bonis en même temps que son fonds ; que la société bailleresse était d'autant plus consciente de cette situation de fait que, dès le 17 juillet 1989, elle a fait délivrer à la société B. PELLEPORT un commandement visant la clause résolutoire pour non paiement du loyer, ce qui montre qu'elle considérait à cette époque le bail comme toujours en cours malgré la cessation temporaire d'activité de la société locataire ; que, de même, il apparaît que, après le jugement d'ouverture de la procédure collective, la société bailleresse a mis en demeure l'administrateur d'avoir à prendre partie sur la poursuite du bail ; qu'il suit de là que le premier moyen invoqué, tenant à une renonciation de la société locataire à son bail avant l'ouverture de la procédure collective, ne peut être que rejeté. Considérant que la société PRISUNIC soutient ensuite que Maître X..., pris en qualité
de liquidateur de la société B. PELLEPORT, et mis en demeure d'opter sur la poursuite du bail et d'exploiter, n'a jamais répondu, de sorte que le bail s'est trouvé résilié de plein droit dès le 03 novembre 1989. Mais considérant qu'il ressort des pièces des débats que la société bailleresse a, par l'entremise de son conseil, adressé à Maître X..., le 22 septembre 1989, une lettre recommandée avec accusé de réception, faisant référence à une première mise en demeure du 28 août 1989 adressée par erreur au représentant des créanciers et aux termes de laquelle elle soutenait, d'une part, qu'elle considérait le bail comme d'ores et déjà résilié et, à toutes fins mettait en demeure Maître X..., conformément à l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985, de prendre parti sur la poursuite du bail ; que, contrairement à ce qui est soutenu Maître X..., ès-qualités, a immédiatement répondu à ce courrier par lettre recommandée du 25 septembre 1989 en ces termes : "Je ne pense pas que le bail soit pour autant résilié et souhaite pouvoir le réaliser en même temps que les autres éléments du fonds de commerce. Je ne serai pas ennemi toutefois d'un arrangement avec la bailleresse". Qu'il en résulte que Maître X... a expressément fait connaître à la société bailleresse son intention de ne pas renoncer à la poursuite du contrat afin de pouvoir le céder ultérieurement avec les autres éléments du fonds de commerce et qu'il a ainsi satisfait aux dispositions de l'ancien article 37 de la loi du 25 janvier 1985 applicable en l'espèce qui prévoyait qu'il y avait présomption irréfragable de non poursuite du contrat seulement à défaut de réponse du mandataire de justice dans le délai d'un mois à compter de la mise en demeure, ce qui n'est pas le cas en la cause comme il vient d'être dit ; que l'argument tiré du défaut de réponse à la mise en demeure ne peut être que rejeté. Considérant que la société bailleresse se fonde ensuite sur les dispositions de l'article 38 de la loi du 25 janvier 1985 pour
affirmer que Maître X... aurait perdu le droit bail ; qu'à cet égard, elle se prévaut de la mise en demeure qu'elle a adressée le 03 octobre 1989 à Maître X... d'avoir à reprendre une activité conforme au bail et d'avoir à payer les loyers des mois d'août, septembre et 4ème trimestre 1989. Mais considérant que, comme l'a fait valoir Maître X... dans son opposition à commandement, le défaut d'exploitation, pendant la période d'observation ou de liquidation, n'entraîne pas la résiliation du bail ainsi qu'en dispose l'alinéa 2 de l'article 38 de la loi précitée ; que, de surcroît, et toujours en vertu de l'article 38 alinéa 1, dans sa version originaire et de l'article 153-3, applicable en cas de liquidation judiciaire, le bailleur doit attendre un délai de trois mois, à compter du prononcé de la liquidation judiciaire, pour introduire une procédure en résiliation de bail pour défaut de paiement de loyers postérieurs à l'ouverture de la procédure. Or, considérant que le jugement de liquidation judiciaire a été prononcé le 21 septembre 1989 et le commandement délivré le 03 octobre 1989, de sorte que le délai de trois mois n'était pas encore expiré ; qu'il en va de même pour un commandement délivré aux mêmes fins le 20 décembre 1989, soit à deux jours de la fin du délai ; qu'il s'ensuit que le moyen invoqué, tiré de l'article 38 de la loi sur les procédures collectives, ne peut prospérer. Considérant enfin et surtout que force est de constater que la société bailleresse n'a jamais diligenté la moindre procédure en résiliation judiciaire du bail à l'encontre de Maître X..., alors que, comme il a été vu et contrairement à ce qui est soutenu, cette résiliation n'a pu opérer de plein droit ; que la demande formée à cet égard par la société PRISUNIC, pour la première fois devant la Cour de Renvoi, est manifestement irrecevable dès lors qu'elle aurait dû être dirigée contre Maître X... qui n'est pas de surcroît partie au présent
litige ; que, de même, force est de constater que la société bailleresse n'a exercé aucun recours contre l'ordonnance du juge commissaire qu a autorisé la cession comprenant le droit au bail et qui est passée en force de chose jugée. Considérant qu'il en résulte que l'existence du bail ne saurait être remise en cause et que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, ledit bail n'a jamais été résilié antérieurement à la cession du fonds de commerce dont il fait partie intégrante ; que le jugement déféré sera, en conséquence, infirmé en toutes ses dispositions. b) Sur la prétendue inexistence d'un fonds de commerce appartenant à la société B. PELLEPORT Considérant qu'à titre subsidiaire, et pour la première fois devant la Cour de Renvoi, la société bailleresse invoque la nullité de l'acte de cession du fonds, motifs pris que la société B. PELLEPORT n'aurait pas été propriétaire d'un fonds de commerce et, qu'en conséquence, Maître X... aurait cédé un droit au bail isolé, cession qui ne pouvait valablement intervenir qu'avec l'accord du bailleur. Considérant qu'à cet égard, elle fait tout d'abord valoir que la société B. PELLEPORT, qui était franchisée par la société BOUCHERIE BERNARD, ne disposait pas de clientèle propre. Mais considérant que, contrairement à ce qui est allégué par suite apparemment d'une confusion avec la situation du locataire gérant, le franchisé est totalement propriétaire de son fonds et de sa clientèle et l'adhésion à un réseau de franchise ne saurait avoir pour effet de lui faire perdre cette qualité. Considérant ensuite que la société bailleresse argue du fait que le fonds de commerce de la société B. PELLEPORT était inclus dans ce magasin Prisunic et qu'il ne disposait d'aucune autonomie lui permettant de développer une clientèle propre. Mais considérant qu'il suffit de se référer aux pièces des débats et notamment à un constat dressé à la requête de la société appelante elle-même, ainsi qu'aux dispositions du bail, pour constater que la
société B. PELLEPORT, franchisée comme il a été dit par la société BOUCHERIE BERNARD, disposait d'un panonceau et d'une enseigne qui figuraient à l'extérieur du magasin, ce qui lui conférait un achalandage propre nullement dépendant de la clientèle de PRISUNIC ; que, de surcroît, le local, contractuellement déterminé à l'intérieur du magasin et doté d'un matériel propre d'exploitation, était parfaitement individualisé et identifiable pour la clientèle, et ne saurait être assimilé, comme le voudrait la bailleresse, à un simple rayon de vente dépourvu d'autonomie ; que cela peut d'autant moins être contesté que le bail, qui fait la loi des parties, prévoyait que : "Les parties reconnaissent expressément que le présent bail est soumis aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 ; "En aucun cas, le locataire principal ne pourra exciper du fait que les locaux de la sous-locataire sont inclus dans le périmètre du Centre Commercial B. PELLEPORT pour prétendre que l'intéressé n'a pas de clientèle propre et n'a pas droit à la propriété commerciale". Qu'il en résulte que l'argumentation, tenant à la nullité de la cession pour inexistence d'un fonds de commerce, ne pourra être encore que rejetée et la cession tenue pour valablement réalisée. c) Sur la détermination du préjudice subi par la société NOUVELLE BERNARD Considérant qu'il est constant que la société ALSACIENNE DE MAGASINS POPULAIRES a repris possession de la totalité des locaux pour installer un rayon à son enseigne et qu'elle a ainsi fait disparaître le fonds de commerce cédé par Maître X..., ès-qualités, à la société NOUVELLE BERNARD ; que la société PRISUNIC ne saurait, pour faire échec aux demandes de réparations formées à son encontre, faire état d'une collusion frauduleuse qu'elle impute aux dirigeants "des sociétés du GROUPE BERNARD" alors que cette collusion n'est nullement établie, si ce n'est par voie d'allégations, et que, comme il a été jugé précédemment, la cession du fonds doit être considérée comme
régulièrement intervenue ; que la société PRISUNIC doit, dans ces conditions, être déclarée tenue de réparer l'entier préjudice occasionné à la société NOUVELLE BERNARD. Considérant que ce préjudice est constitué essentiellement par les frais exposés en pure perte par la société NOUVELLE BERNARD pour acquérir un fonds de commerce dont elle n'a jamais pu obtenir la jouissance, mais également par la perte de chance de pouvoir faire prospérer ce fonds, même si l'exploitation de celui-ci était temporairement arrêtée lors de l'acquisition. Considérant que les frais d'acquisition se composent ainsi qu'il suit, au vu des justificatifs produits qui ne souffrent aucune contestation sérieuse : *
300.000 francs correspondant au prix principal, *
120.400 francs correspondant aux frais d'enregistrement, *
1.641.426 francs correspondant au remboursement de l'emprunt UFB souscrit initialement par la société B. PELLEPORT et repris, par suite de l'acquisition, par la société NOUVELLE BERNARD. Soit au total : ------------------
2.061.826 francs. Qu'à cette somme doit s'ajouter celle de 500.000 francs correspondant à l'indemnisation de la perte de chance de faire prospérer le fond. Que le dommage subi par la société NOUVELLE BERNARD, toutes causes confondues, sera, en conséquence, fixé à la somme globale de 2.561.826 francs, ladite société étant ainsi totalement indemnisée de la valeur du fonds qui n'était plus en exploitation au moment de l'acquisition et qui n'avait d'autre valeur que celle du droit au bail ; que la société NOUVELLE BERNARD sera, en conséquence, déboutée du surplus de ses demandes d'indemnisation et notamment de sa demande en paiement d'une indemnité d'éviction. d) Sur les autres demandes Considérant que la société PRISUNIC, qui succombe, sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et de la demande qu'elle forme au titre de
l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Considérant que la société NOUVELLE BERNARD sera également déboutée de la demande de dommages et intérêts complémentaires qu'elle forme pour résistance abusive dès lors que, en raison de la complexité du litige, la société PRISUNIC a pu de bonne foi se méprendre sur l'étendue de ses droits. Considérant, en revanche, qu'il serait inéquitable de laisser à la société NOUVELLE BERNARD les frais qu'elle a été contrainte d'exposer pour faire consacrer ses droits ; que la société PRISUNIC sera condamnée à lui payer en couverture de ces frais, et en application de l'article 700 précité, une indemnité de 100.000 francs. Considérant enfin que la société PRISUNIC, qui succombe, supportera les entiers dépens exposés tant en première instance que devant la Cour de PARIS, et la présente Cour de Renvoi. PAR CES MOTIFS La Cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et après cassation, DIT recevable l'appel et l'action poursuivis par la société NOUVELLE BERNARD, redevenue in bonis par suite du jugement en date du 02 avril 1998, arrêtant le plan de continuation de cette entreprise, DIT également recevable l'intervention volontaire de Maître Cosme ROGEAU, maintenu par le jugement susvisé en qualité de représentant des créanciers, ainsi que l'intervention volontaire de la SCP LAUREAU-JEANNEROT, désignée par le même jugement en qualité de commissaire à l'exécution du plan, FAISANT droit pour l'essentiel à l'appel de la société NOUVELLE BERNARD, INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 septembre 1991 par le Tribunal de Commerce de PARIS, Et statuant à nouveau : CONSTATE que Maître X..., ès-qualités de mandataire liquidateur de la société B. PELLEPORT, a régulièrement cédé, par acte des 04 juillet et 03 août 1990, le fonds de commerce de cette société à la société NOUVELLE BERNARD, CONSTATE que la société ALSACIENNE DE MAGASINS POPULAIRES, aux droits de laquelle se trouve
la société PRISUNIC, s'est indûment appropriée le fonds cédé et l'a fait disparaître, CONDAMNE, en conséquence, la société PRISUNIC à payer à la société NOUVELLE BERNARD, à titre de dommages et intérêts et toutes causes confondues, la somme de 2.561.826 francs, DÉBOUTE les parties du surplus de leur réclamation à l'exception de la demande formée par la société NOUVELLE BERNARD sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, CONDAMNE à ce titre la société PRISUNIC à payer à la société NOUVELLE BERNARD une indemnité de 100.000 francs, CONDAMNE également la société PRISUNIC aux entiers dépens de première instance et d'appel exposés à ce jour, et autorise la SCP d'avoués GAS à en poursuivre directement le recouvrement, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRÊT PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRÉSIDENT ET ONT SIGNE LE PRÉSENT ARRÊT LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT qui a assisté au prononcé C. DAULTIER
F. ASSIÉ