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26/04/2001 | FRANCE | N°1999-7939

France | France, Cour d'appel de Versailles, 26 avril 2001, 1999-7939


FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES Monsieur X... et madame LE Y... qui exercent la profession de "désigner" ont déposé à l'Institut National de la Propriété Industrielle le 29 octobre 1991 sous le n°917495 trois modèles de piétements et sous le n°923767 six modèles de meubles les intégrant. Le 25 juin 1992, ils ont cédé à la société ELIXIR qu'ils animent l'intégralité de leurs droits patrimoniaux attachés à ces modèles. Les six modèles de meubles ont été diffusés, jusqu'en 1994, sous une gamme dénommée "Nomad" par la société JPG dans le cadre d'un contrat de l

icence exclusive. A la fin de l'année 1994 et au début de 1995 des contacts o...

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES Monsieur X... et madame LE Y... qui exercent la profession de "désigner" ont déposé à l'Institut National de la Propriété Industrielle le 29 octobre 1991 sous le n°917495 trois modèles de piétements et sous le n°923767 six modèles de meubles les intégrant. Le 25 juin 1992, ils ont cédé à la société ELIXIR qu'ils animent l'intégralité de leurs droits patrimoniaux attachés à ces modèles. Les six modèles de meubles ont été diffusés, jusqu'en 1994, sous une gamme dénommée "Nomad" par la société JPG dans le cadre d'un contrat de licence exclusive. A la fin de l'année 1994 et au début de 1995 des contacts ont été établis entre la société ELIXIR et la société HABITAT FRANCE, mais sont demeurés sans suite. Constatant que le catalogue automne-hiver 1997 de la société HABITAT FRANCE présentait une table dénommée "Lennox" qui, selon eux, reproduisait de façon identique le piétement original, la société ELIXIR, monsieur X... et madame LE Y... ont introduit devant le tribunal de commerce de Versailles une action visant à obtenir l'arrêt de ce qu'ils estiment constituer une contrefaçon, ainsi que le paiement de dommages et intérêts. Par jugement en date du 13 octobre 1999, cette juridiction les a déboutés de toutes leurs demandes et a octroyé à la société HABITAT FRANCE une indemnité de procédure de 10.000 francs. Pour statuer ainsi, les premiers juges ont retenu que les modèles de piétements litigieux ne pouvaient pas bénéficier de la protection du code de la propriété intellectuelle à raison de leur forme dépourvue d'originalité et de nouveauté. Le 15 novembre 1999, la société ELIXIR a interjeté appel du jugement à l'encontre de la société HABITAT FRANCE, et monsieur X... et madame LE Y... en ont fait de même séparément. Par ordonnance en date du 04 mai 2000, le conseiller de la mise en état a prononcé la jonction des deux procédures. La société ELIXIR, monsieur X... et madame LE Y... exposent ensemble que l'originalité du modèle de piétement réside

dans sa ligne courbe particulière, arrondie et fine, qui lui confère un aspect esthétique spécifique donnant au meuble une ligne élégante et une impression de légèreté. Ils font reproche à la société HABITAT FRANCE d'avoir repris de façon identique la forme de ce modèle qui en constitue la caractéristique essentielle. Ils soutiennent que cette contrefaçon porte atteinte au droit moral et au droit de divulgation des auteurs en faisant valoir que la société HABITAT FRANCE a manqué à son obligation de bonne foi en faisant espérer à la société ELIXIR la signature d'un contrat puis en faisant fabriquer et en commercialisant un produit contrefait. Ils concluent à l'infirmation du jugement, à la condamnation de la société HABITAT FRANCE à payer à monsieur X... et madame LE Y... une somme de 300.000 francs et à la société ELIXIR celle de 500.000 francs. Ils demandent la désignation d'un expert pour fixer le préjudice économique subi par la société ELIXIR et une provision de 300.000 francs à valoir sur son indemnisation. Ils sollicitent en outre que défense soit faite à la société HABITAT FRANCE de commercialiser les modèles argués de contrefaçon, que soit ordonnée la destruction des meubles et catalogues en stock ainsi que la publication de l'arrêt à intervenir dans le prochain catalogue HABITAT et dans deux journaux. Ils prétendent enfin à une indemnité de 50.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société HABITAT FRANCE précise que seul le piétement de table est en cause dans le litige à l'exclusion des meubles eux-mêmes. Soulignant la banalité du modèle revendiqué et son absence d'originalité et de nouveauté, elle demande à la cour de confirmer la décision du tribunal, de constater que ces modèles ne peuvent bénéficier de la protection du code de la propriété intellectuelle et de prononcer la nullité du dépôt. Elle en infère l'absence de toute contrefaçon et de toute atteinte au droit moral des auteurs. Elle fait valoir qu'en tout état de cause le

piétement particulier de la table "Lennox" ne reproduit pas les caractéristiques du modèle revendiqué. Elle dénie toute mauvaise foi dans les contacts antérieurs dont rien n'établit, selon elle, qu'ils aient concerné la gamme "Nomad" et sollicite une indemnité de procédure de 50.000 francs. La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 11 janvier 2001 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 27 février 2001. MOTIFS DE LA DECISION Ï Sur la demande d'annulation du dépôt de modèle n°917495 : Considérant que le dépôt effectué par monsieur X... et madame LE Y... le 29 novembre 1991 sous le numéro 917495 correspond à un modèle de cloisonnette, cinq modèles de plateaux, trois modèles de pieds ; que le seul élément litigieux de cet ensemble est celui dit "pied symétrique" ; Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-3 du Code de la propriété intellectuelle, la protection peut être accordée "à tout dessin nouveau, à toute forme plastique nouvelle, à tout objet industriel qui se différencie de ses similaires, soit par une configuration distincte et reconnaissable lui conférant un caractère de nouveauté, soit par un ou plusieurs effets extérieurs lui donnant une physionomie propre et nouvelle ". Qu'au sens de ces dispositions, un meuble ou un élément de mobilier ou de décoration peuvent être qualifiés de modèles pour autant qu'ils réunissent la double caractéristique de nouveauté et d'une originalité suffisante pour exprimer la personnalité créatrice de leur auteur ; Considérant qu'il est établi par les différents documents versés aux débats qu'une forme galbée donnée aux pieds de meuble est courante et banale ; que l'existence immémoriale de tels meubles est notoire ; mais considérant que la protection des modèles peut être accordée à des créations même très inspirées d'éléments connus antérieurement ; qu'il suffit, pour qu'il y ait création, que des éléments connus aient été accommodés, disposés, combinés, ou tant soit peu

individualisés par un effort personnel pour que la condition de nouveauté soit remplie ; Qu'en l'espèce, le piétement apparaît comme un tube métallique décrivant une courbe concave puis convexe ; qu'il est établi par les documents produits que les deux parties de cette courbe tracent un arc d'un cercle de 66 centimètres de rayon et dessinent ainsi une forme de S très aplatie et parfaitement symétrique relativement au point médian ; que ce dessin de la courbe et de la contre-courbe, l'angle de pente générale, le rapport du diamètre à la longueur, l'embout en sabot, constituent autant d'éléments de nature à établir une originalité suffisante traduisant l'effort des créateurs et la nouveauté de la création ; Qu'il en résulte que, bien qu'inspiré de formes très anciennement connues de pieds de meubles, le modèle litigieux dit de "pied symétrique" réunit les qualités de nouveauté et d'originalité suffisantes pour bénéficier des dispositions de l'article L. 511-3 du Code de la propriété intellectuelle ; Qu'il convient en conséquence de déclarer la société HABITAT FRANCE mal fondée en sa demande d'annulation et de l'en débouter. Ï Sur la contrefaçon : Considérant que, pour déterminer la réalité d'une éventuelle contrefaçon, il convient d'examiner le modèle déposé et l'objet incriminé au regard de leur ressemblance ; Qu'en l'espèce, la seule forme galbée des deux piétements ne peut être retenue comme une imitation dès lors qu'une telle caractéristique est, comme il a été rappelé ci-dessus, courante, banale et se retrouve historiquement dans différents styles de meubles ; Considérant que les documents versés aux débats établissent que le galbe du piétement de la table Lennox est constitué d'une courbe concave et d'une contre-courbe convexe dessinée sur un arc de cercle de 62 centimètres de rayon, prolongée en sa partie inférieure par une section droite ; que cette caractéristique a pour effet d'une part de rendre la silhouette du

pied beaucoup plus aplatie que celle du modèle incriminé en rehaussant le niveau relatif de l'épaulement et d'autre part, et surtout, de supprimer toute symétrie relativement à un point médian, privant ainsi le pied Lennox de la caractéristique essentielle du modèle déposé ; Que les autres éléments constitutifs des piétement ne présentent aucune ressemblance ; que la finesse du tube du modèle n'est pas reprise par le pied Lennox ; que le simple embout caoutchouté de la table Lennox n'est pas comparable au vérin tronconique caractéristique dont est pourvu le modèle ; Considérant que la réalité de ressemblances des pieds de la table Lennox incriminée avec les éléments distinctifs du modèles en ce qu'il a d'original n'est donc pas établie ; que la société ELIXIR, monsieur X... et madame LE Y... sont dès lors mal fondés à reprocher à la société HABITAT FRANCE une contrefaçon et une atteinte corrélative au droit moral des auteurs ; Considérant que l'allégation d'un manque fautif de loyauté de la société HABITAT FRANCE ne peut sérieusement être soutenu par la société ELIXIR, monsieur X... et madame LE Y... qui ne versent aucun élément de nature à établir la nature et la portée des contacts qu'ils auraient eus avec la société HABITAT FRANCE ; qu'il ne peut être tiré, à cet égard, aucune conclusion de la seule production des cartes de visites de deux collaborateurs de cette entreprise ; qu'à défaut de contrefaçon reconnue, ces contacts ne pouvaient s'inscrire que dans le contexte d'une simple approche commerciale dont l'absence de résultat ne saurait être reprochée à la société HABITAT FRANCE ; Qu'il résulte de ce qui précède que le jugement entrepris doit être confirmé en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a retenu que les modèles de piétement ne peuvent pas bénéficier de la protection du code de la propriété intellectuelle ; Considérant que l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Considérant que les appelants qui succombent dans l'exercice de leur recours doivent être condamnés in solidum aux dépens ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a retenu que les modèles de piétement ne peuvent pas bénéficier de la protection du code de la propriété intellectuelle, Y ajoutant, DEBOUTE la SA HABITAT FRANCE de sa demande en annulation du modèle n°917495, DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, CONDAMNE in solidum la SARL ELIXIR, monsieur Thierry X... et madame Catherine LE Y... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP MERLE-CARENA-DORON, société titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR COUPIN , CONSEILLER PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT M.THERESE GENISSEL

F. LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1999-7939
Date de la décision : 26/04/2001

Analyses

DESSINS ET MODELES - Protection - Conditions.

Aux termes de l'article L 511-3 du Code de la propriété intellectuelle, un meuble ou un élément de mobilier peuvent être qualifiés de modèles sous réserve de réunir la double caractéristique de nouveauté et d'une originalité suffisante pour exprimer la personnalité créatrice de son auteur.Tel est le cas d'un piétement métallique qui, bien qu'inspiré de formes très anciennement connues, est constitué de courbes en forme de " s " aplatie, parfaitement symétriques au regard du point médian, alors que le dessin des courbes et contre courbes, le degré d'inclinaison, les proportions, la forme des embouts, constituent autant d'éléments de nature à établir une originalité suffisante traduisant l'effort des créateurs et la nouveauté de la création

DESSINS ET MODELES - Contrefaçon.

Dès lors que la forme galbé d'un piétement de meuble est courante, banale et se retrouve historiquement dans différents styles de mobilier, cette seule caractéristique ne peut être retenue pour caractériser une imitation. S'agissant d'un piétement métallique qui est dépourvu de la symétrie caractéristique d'un modèle, alors qu'aucun de ses éléments constitutifs ne ressemble à ceux du modèle, la réalité d'une ressemblance avec les éléments distinctifs du modèle, en ce qu'il a d'original, n'est pas établie et, partant, l'action en contrefaçon n'est pas fondée


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2001-04-26;1999.7939 ?
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