La société JUNGHEINRICH FRANCE SARL, Madame Marie José X... directrice des ressources humaines, Madame Gisela Y... directeur administratif et financier et Monsieur Stéphane Z... ont fait assigner 38 personnes représentants du personnel CFDT aux fins d'entendre dire et juger que le tract diffusé entre le 17 et 21 juillet 2000 dans l'entreprise intitulé "hommage posthume à notre collègue Jean Claude A... dit Neness" est diffamatoire et insultant à l'encontre des dirigeants de la société et notamment de Madame X... en sa qualité de directrice des ressources humaines, ordonner le retrait du tract et condamner chacun des défendeurs à payer à chacun des quatre requérants la somme d'un euro à titre de dommages et intérêts, ordonner la publication du jugement dans les établissements de la société et condamner les défendeurs au paiement de la somme de 3048,98 par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Par le jugement déféré prononcé le 9 octobre 2000, le tribunal de grande instance de Versailles a mis hors de cause Monsieur B... et : - dit que le document incriminé comporte des imputations diffamatoires à l'encontre des dirigeants de la société JUNGHEINRICH FRANCE et de Madame X... directrice des ressources humaines, - déclaré les demandeurs recevables et bien fondées en leurs demandes de réparation de leur préjudice et condamné chacun des trente huit défendeurs à leur payer à chacun 1 euro à titre de dommages et intérêts, - ordonné le retrait du document précité, - dit que le jugement sera affiché et diffusé dans tous les établissements de la société demanderesse à sa diligence, - débouté du surplus des demandes, - condamné les défendeurs à payer aux demandeurs la somme de 1219,59 par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Appelants les trente huit représentants du personnel CFDT concluent aux termes de leurs dernières écritures en date du 30 mars 2001 auxquelles il est renvoyé
pour plus ample exposé, à l'infirmation du jugement et prient la cour, statuant à nouveau : - déclarer l'assignation introductive d'instance nulle et de nul effet en vertu de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, - déclarer l'action prescrite, - déclarer les demandeurs irrecevables à agir en application de l'article 122 du nouveau code de procédure civile, Subsidiairement, Vu les procès-verbaux des réunions du comité d'entreprise, Vu la note de service du 24 juillet 2000, Vu leur bonne foi, - dire et juger qu'aucun fait précis n'est mentionné à l'hommage posthume relativement à l'implication des dirigeants de la société quant au décès de Monsieur A... en constatant que les éléments constitutifs de la diffamation et de l'injure ne sont pas réunis, - débouter Madame X... et le cas échéant la société, Madame Y... et Monsieur Z... de leurs demandes, En tout état de cause, - les condamner à payer à chacun des appelants la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, - les condamner in solidum à payer la somme de 4573,47 au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les dépens. La société JUNGHEINRICH FRANCE SARL, Madame X..., Madame Y... et Monsieur Z..., intimés, concluent aux termes de leurs dernières écritures en date du 7 mai 2002 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, au débouté des appelants, la confirmation du jugement, à la publication du jugement et de l'arrêt dans tous les établissements de la société et à la condamnation solidaire des appelants à leur payer la somme de 10.000 par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. SUR CE Considérant qu'à l'occasion du décès de Monsieur A... salarié de la société JUNGHEINRICH, a été affiché et diffusé par les représentants du personnel CFDT dans l'entreprise et tous les établissements un document intitulé "hommage posthume à notre collègue Jean Claude A... dit Neness", Monsieur A...
salarié de la société ayant vu son projet de retrait de l'entreprise dans le cadre d'une convention ARPE échoué par suite du refus des Assedic et de l'Unedic, et ayant été placé en congé de maladie avant de décéder après avoir repris son travail ; Considérant que les appelants concluent à la nullité de l'assignation introductive d'instance pour violation des dispositions de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ; Considérant cependant que ce moyen n'est soulevé qu'en cause d'appel et après que les appelants aient développé une défense au fond devant les premiers juges, que la nullité encourue est couverte faute d'avoir été proposée in limine litis, et les défendeurs irrecevables à s'en prévaloir ; Considérant que reprenant le moyen soulevé en première instance, les appelants plaident l'irrecevabilité de l'action en application de l'article 122 du nouveau code de procédure civile, pour défaut de désignation de la victime diffamée, aucun des demandeurs à la poursuite à l'exception de Madame X... directrice des ressources humaines, n'étant expressément nommés dans le document incriminé, qu'ils en concluent que ni la société ni Madame Y... ni Monsieur Z... n'ont qualité et intérêt à agir, qu'au surplus l'intervention de la société JUNGHEINRICH en tant que personne morale serait inconciliable avec l'intervention personnelle de son représentant légal, Monsieur Z... ; Considérant cependant que le document incriminé vise expressément la Direction comme la Direction des ressources humaines, que sont donc visés sans équivoque possible tant la société elle-même personne morale, que les membres de la Direction qui la représentent, que les demandeurs à l'instance sont donc recevables à agir pour avoir qualité et intérêt à poursuivre la réparation du préjudice qu'ils disent avoir subi à raison de la mise en cause dont ils sont l'objet sous le vocable "la direction", étant observé que la loi de 1881 ne distingue pas entre personnes morales et personnes physiques,
de telle sorte qu'il ne peut être soutenu que la société JUNGHEINRICH serait irrecevable à agir en tant que personne morale au motif que son représentant légal intervient, lequel entend agir à titre personnel ; Considérant sur le fond, que les appelants soutiennent que l'hommage rendu dans le document ne contient aucun fait susceptible de constituer une diffamation ou une injure ; Considérant que toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne auquel le fait est imputé est une diffamation ; Considérant que le document incriminé contient bien des propos diffamatoires à l'égard de la Direction de la société et de la Direction des ressources humaines, en ce que il est allégué d'une part qu'elle aurait donné des informations incohérentes et contradictoires à Monsieur A..., "la direction a eu plusieurs attitudes envers Jean Claude A... à savoir une non réponse concernant sa demande...la direction n'a cessé d'indiquer que son dossier serait expédié aux organismes compétents alors qu'il n'en était rien puisque des informations incohérentes et contradictoires sont communiquées à ce sujet...", ces propos imputant directement à la direction une carence professionnelle dans le suivi du dossier de Monsieur A... ; Considérant que le document incriminé impute d'autre part à la Direction d'avoir proféré des menaces à l'encontre de Monsieur A..., "la réponse de la direction s'est traduite par l'intervention de la directrice des ressources humaines en date du 20 juin 2000 et devant plusieurs personnes qui a proféré des menaces contre JC A..." ; Considérant que le document allègue en outre sous forme d'insinuation, d' une responsabilité de la direction dans le décès de Jean Claude A... dont la cause exacte n'est pas précisée, "JC A... a été très perturbé par ces invectives et toutes les personnes présentes ont pu constater combien il avait été affecté par ces menaces, .... nous tenons à préciser que notre seul
objectif ne consiste pas à récupérer les conséquences de ce drame humain à quelque titre que ce soit mais il nous apparaît humainement impossible de passer sous silence certains faits au nom de sa mémoire et l'amitié que nous lui portions", de tels propos laissant supposer aux lecteurs que le décès de Monsieur A... était lié à sa situation professionnelle et précisément aux prétendues menaces dont il aurait été l'objet, que de la même façon est alléguée l'existence d'une relation de cause à effet entre la dépression subie par l'intéressé et les conditions du traitement de son dossier de retraite par la Direction ; Considérant qu'il est imputé à la direction des ressources humaines d'avoir insulter ce salarié en public et manqué à ses obligations avec des conséquences préjudiciables pour le salarié, "bien qu'il paraisse plus que légitime pour un salarié d'avoir une réponse après plusieurs mois , la direction des ressources humaines a préféré insulter un salarié en public avec toutes conséquences possibles que cela peut entraîner pour un être humain, plutôt que de faire le maximum pour traiter un dossier qui somme toute dépend de son service", l'insinuation d'un lien entre le décès et le traitement du dossier étant là aussi formulée ; Que contrairement à ce qui est soutenu par les appelants, les propos dénoncés contiennent bien l'imputation de faits précis portant atteinte à la considération professionnelle des poursuivants, que ces propos dépassent ce qui peut être admis et toléré d'un débat syndical au sein d'une entreprise et les limites du libre droit d'expression fusse dans le cadre d'un hommage posthume envers un salarié de l'entreprise décédé en tout état de cause pour une cause étrangère aux faits dénoncés, les moyens mis en oeuvre pour lui rendre hommage étant hors de proportion avec l'émotion légitime suscitée par sa disparition ; Considérant que la preuve de la carence et la défaillance de l'un des services de la direction dans le
traitement du dossier de Monsieur A... n'est pas démontrée, le refus de la convention ARPE incombant aux décisions des Assedic puis de l'Unedic ; Considérant que la preuve même des menaces ou d'un comportement insultant de la direction envers Monsieur A... n'est pas plus rapportée, et ne ressortant pas des attestations au contenu identique produites aux débats par les appelants ; Considérant qu'il n'est pas plus démontré que la maladie développée par Monsieur A... après le rejet de sa demande de convention ARPE soit en relation, non seulement avec cette décision mais avec le comportement prêté à la Direction dans le règlement de la situation de ce salarié ; Considérant que c'est donc vainement que les appelants invoquent le bénéfice de la bonne foi qui en l'espèce , eu égard à la nature des critiques formulées contre la Direction, est exclue ; Considérant que pour les mêmes motifs, l'invocation d'un climat social difficile au sein de l'entreprise ne peut être valablement avancée comme de nature à atténuer le sens et la portée des propos contenus dans le tract et à exonérer les appelants ; Considérant qu'il convient en conséquence de les débouter de leur appel et de confirmer le jugement déféré y compris en ce qu'il a ordonné l'affichage et la diffusion du jugement dans tous les établissements, la direction étant autorisé à préciser que le jugement a été confirmé par la présent arrêt ; Considérant qu'il serait en outre inéquitable de laisser à la charge des intimés la totalité des frais irrépétibles qu'ils ont été contraints d'exposer en appel ; PAR CES MOTIFS LA COUR statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, REOEOIT les appelants mais les déclare mal fondés, CONFIRME le jugement déféré, CONDAMNE les appelants in solidum à payer aux intimés ensemble la somme de 2200 par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, CONDAMNE les appelants aux dépens avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du
nouveau code de procédure civile. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : (RG 341/01) Le Greffier,
Le Président, Sylvie RENOULT
Francine BARDY