COUR D'APPEL DE VERSAILLES 1ère chambre 1ère section ARRET Nä DU 20 NOVEMBRE 2003 R.G. Nä 02/07279 AFFAIRE : HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES C/ Michel X... Appel d'un jugement rendu le 28 Octobre 2002 par le Tribunal de Grande Instance NANTERRE (1ère ch. A) Expédition exécutoire Expédition Copie délivrées le : à : SCP GAS SCP DEBRAY REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE VINGT NOVEMBRE DEUX MILLE TROIS La cour d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre 1ère section, a rendu l'arrêt CONTRADICTOIRE suivant, prononcé en audience publique, La cause ayant été débattue, à l'audience publique du VINGT TROIS OCTOBRE DEUX MILLE TROIS La cour étant composée de : Madame Francine BARDY, Président, Madame Lysiane LIAUZUN, Conseiller, Madame Françoise SIMONNOT, Conseiller, assistée de Madame Sylvie Y..., Greffier, et ces mêmes magistrats en ayant délibéré conformément à la loi, DANS L'AFFAIRE ENTRE : SNC HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES société en nom collectif éditrice du "JOURNAL DU DIMANCHE" ayant son siège 149 rue Anatole France - Immeuble Europa 92 - 92534 LEVALLOIS PERRET agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège APPELANTE CONCLUANT par la SCP GAS Avoués à la Cour PLAIDANT par Me Christophe BIGOT avocat au barreau de PARIS ET Monsieur Michel X... ... par la SCP DEBRAY-CHEMIN Avoués à la Cour PLAIDANT par Me Marie-France FONTANA Avocat au Barreau de PARIS 5La société HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES est appelante du jugement rendu le 28 octobre 2002 par le tribunal de grande instance de Nanterre lequel statuant sur l'assignation délivrée à son encontre par monsieur X... commandant de police, aux fins de réparation de l'atteinte portée au droit à son image à raison de la publication dans le numéro du Journal Du Dimanche daté du 29 octobre 2000 d'un article intitulé "un massacre pour 3200 f" relatif à l'attaque d'un fourgon blindé, illustré d'un cliché le
représentant occupé à effectuer les premières constatations, a dit qu'il avait été porté atteinte au droit à l'image de monsieur X... et l'a condamnée à lui payer la somme de 4500 de dommages et intérêts outre une indemnité de 2500 sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES conclut aux termes de ses dernières écritures en date du 18 juin 2003 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, à l'infirmation du jugement et prie la cour, statuant à nouveau, au visa de l'article 648-2 du nouveau code de procédure civile, d'annuler purement et simplement l'assignation introductive d'instance, subsidiairement au visa de l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 39 sexies de la loi du 29 juillet 1881 de débouter l'intimé et le condamner à lui payer la somme de 3000 sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Intimé, monsieur X... conclut aux termes de ses dernières écritures en date du 14 mai 2003 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, à la confirmation du jugement sauf à porter à la somme de 38000 le montant des dommages et intérêts et sollicite en outre la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 5000 sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. SUR CE I :
considérant que l'appelant conclut à titre liminaire à la nullité de l'assignation introductive d'instance au motif que l'acte n'indique que le domicile professionnel de monsieur X... et non son domicile personnel, que cette insuffisance de l'acte au regard des dispositions de l'article 648 du nouveau code de procédure civile lui fait grief en ce qu'elle compromet ses chances d'exécuter la décision à intervenir et de recouvrer notamment les sommes versées au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ou lui étant allouées ; Considérant que l'acte introductif d'instance
mentionne l'adresse professionnelle de monsieur X... en contravention avec les dispositions de l'article 648 du nouveau code de procédure civile qui sanctionne l'irrégularité par la nullité de l'acte, étant relevé que les conclusions d'appel de monsieur X... font toujours état de son adresse professionnelle, ce qu'il justifie par la nécessité de protéger sa vie privée ; Considérant que l'acte introductif d'instance ne satisfait pas aux exigences légales, que la nullité n'est encourue qu'à charge pour celui qui s'en prévaut de prouver le grief en résultant pour lui ; Considérant que la difficulté future d'exécution du jugement déféré comme de la décision à intervenir n'est pas démontrée dès lors que la société HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES a fait assigner l'intimé à cette même adresse et que l'acte de signification a été délivrée à la personne même de monsieur Z... de telle sorte que le risque allégué n'est que très hypothétique et pas de nature à constituer le grief nécessaire à l'annulation de l'acte ; Considérant que l'appelante sera déboutée de son exception de nullité ; II :
considérant que la société HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES soutient que la demande ne serait pas recevable dès lors que monsieur X... ne serait pas reconnaissable et identifiable sur le cliché litigieux ; Considérant que s'il est vrai que l'intimé est pris de profil, la simple comparaison de ce cliché avec la photographie d'identité de l'intéressé suffit à établir que l'intimé est parfaitement reconnaissable ; III : considérant que la société HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES soutient encore que le cliché litigieux est destiné à illustrer un article relatif à un événement d'actualité, que la jurisprudence exclut tout caractère fautif à la publication de l'image d'une personne participant à un événement d'actualité dont la presse doit légitimement se faire l'écho, la seule réserve non accomplie ici étant de ne pas porter atteinte à la dignité humaine,
que le cliché litigieux illustre pertinemment un articule d'actualité, qu'il est manifeste que l'intimé cherche en réalité en utilisant un texte général, à s'affranchir des contraintes procédurales et de prescription qui pèsent sur lui sur le terrain de l'article 39 sexies de la loi du 29 juillet 1881 seul fondement possible à sa demande ; Considérant que chacun dispose sur son image d'un droit absolu l'autorisant à interdire sa reproduction sans son consentement ; Considérant que l'article 39 sexies de la loi du 29 juillet 1881 ne peut ici servir de fondement à l'action engagée par monsieur Z... sur le fondement des articles 9 et 1382 du code civil, dès lors que le texte spécial invoqué par la société HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES ne vise que l'infraction résultant de la révélation de l'identité des fonctionnaires de police dont les missions exigent pour des raisons de sécurité le respect de l'anonymat ; Considérant qu'en l'espèce l'identité de monsieur X... n'est pas mentionnée et qu'aucun impératif de sécurité n'est en cause à raison de la seule divulgation de l'image de l'intéressé même pris dans l'exercice de ses fonctions ; Considérant que si le droit à l'information reconnu par l'article 10 OE 1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les principes jurisprudentiels qui en sont l'application autorisent la publication à titre d'illustration d'un article consacré à un événement d'actualité, de l'image de personnes présentes sur les lieux, c'est à la condition, non remplie en l'espèce, que la personne dont l'image est publiée participe directement à l'événement d'actualité en ce qu'elle y est intimement impliquée, que tel n'est pas le cas de monsieur X... qui n'était pas présent sur les lieux lors de l'attaque et qui n'y est apparu que postérieurement afin d'exercer sa mission de police judiciaire sur l'infraction commise ; Considérant que le fait que
l'article soit consacré à l'attaque du fourgon et aux circonstances de son élucidation ne suffit pas à justifier l'atteinte portée au droit à l'image de l'intimé par la publication sans son consentement d'un cliché photographique le représentant en train d'effecteur les constatations d'usage, cette publication n'étant pas une illustration nécessaire et pertinente de l'article ; Considérant que l'atteinte est établie ; IV : considérant que l'appelante conclut à la diminution du montant des dommages et intérêts, tandis que l'intimé fait appel incident et sollicite la somme de 38000 en réparation du préjudice subi ; Considérant que l'intimé qui agit sur le fondement de l'article 9 et de l'article 1382 du code civil ne saurait invoquer des impératifs de sécurité comme preuve du préjudice subi, qu'en revanche l'intimé dont l'image a été divulguée sans son consentement et dans des conditions compromettant un souci légitime d'anonymat et de préservation de son intimité, a subi par cette publication un préjudice moral dont les premiers juges ont fait une juste évaluation en lui allouant la somme de 4500 ; Considérant que le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions ; Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimé la totalité des sommes qu'il a été contraint d'exposer pour la défense de ses droits en cause d'appel ; PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, REOEOIT l'appel mais le déclare mal fondé, DÉBOUTE l'intimé de son appel incident, CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, CONDAMNE la société HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES à payer à monsieur X... la somme de 2000 sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, CONDAMNE la société HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES aux dépens avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier ayant
assisté
Le Président, au prononcé, Sylvie Y...
Francine BARDY