COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 ARRET Nä DU 15 Janvier 2004 R.G. Nä 02/01995 AFFAIRE : - SA JPF ENTERTAINMENT C/ - SARL EIDOS INTERACTIVE FRANCE Copie certifiée conforme Expédition exécutoire délivrées le : à : ä SCP BOMMART MINAULT ä SCP KEIME etamp; GUTTIN E.D. REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS -------- LE QUINZE JANVIER DEUX MILLE QUATRE, La cour d'appel de VERSAILLES, 12ème chambre section 2, a rendu l'arrêt CONTRADICTOIRE suivant, prononcé en audience publique, La cause ayant été débattue, à l'audience publique du DIX SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE TROIS DEVANT :
MONSIEUR DENIS COUPIN, CONSEILLER chargé du rapport, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés, en application de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, assisté de Mme Marie-Thérèse GENISSEL, greffier, Le magistrat rapporteur en a rendu compte à la cour, dans son délibéré, celle-ci étant composée de : MADAME FRANOEOISE LAPORTE, PRESIDENT MONSIEUR DENIS COUPIN, CONSEILLER MONSIEUR GERARD POIROTTE, CONSEILLER, et ces mêmes magistrats en ayant délibéré conformément à la loi, DANS L'AFFAIRE ENTRE : - S.A. JPF ENTERTAINMENT ayant son siège social ... 93400 ST OUEN, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. APPELANTE d'un jugement rendu le 30 Janvier 2002 par le Tribunal de Commerce NANTERRE, 3ème Chambre. CONCLUANT par la SCP BOMMART MINAULT, avoués près la Cour d'Appel de Versailles. ET - SARL EIDOS INTERACTIVE FRANCE AYANT SON SIEGE ..., PRISE EN LA PERSONNE DE SES REPRESENTANTS LEGAUX DOMICILIES EN CETTE QUALITE AUDIT SIEGE. INTIMEE CONCLUANT par la SCP KEIME etamp; GUTTIN, Avoués près la Cour d'Appel de Versailles . PLAIDANT par Maître Anne-Sophie BACHELIER, avocat du barreau de Paris (T 03). ****** FAITS ET PROCEDURE : 5 La Société EIDOS INTERACTIVE FRANCE a pour activité le développement en France et l'édition de logiciels de loisirs interactifs; elle
assure la commercialisation de ses logiciels et jeux vidéo à travers un réseau de vente qui comprend, d'une part des grossistes, d'autre part des revendeurs au détails ou distributeurs. Les relations commerciales entre la société EIDOS et ses vendeurs sont régies d'une part par les conditions générales de vente, d'autre part par des barèmes de remises et ristournes dont les modalités sont adaptées au circuit de distribution en cause. La Société JPF ENTERTAINMENT est spécialisée dans la distribution auprès de revendeurs de logiciels et jeux vidéo; dans le cadre de ses activités, elle s'approvisionne auprès d'un grand nombre d'éditeurs. Par courrier du 24 décembre 1997, la Société EIDOS a adressé à la Société JPF ses conditions commerciales auxquelles étaient joints les barèmes d'écarts; elle lui a appliqué, pour l'année 1998, les conditions commerciales destinées aux "distributeurs". Par écrit en date du 17 décembre 1998, la Société EIDOS a communiqué à la Société JPF les conditions commerciales "Grossistes", en vigueur "à compter du 1er janvier 1999". Appliquant pour l'année 1999 les conditions commerciales "Grossistes", la Société EIDOS a fait parvenir à la Société JPF une facture en date du 28 mars 2000, faisant apparaître un montant total de remises pour l'année 1999 de 2.485.053,25 F (378.843,93 ) HT. Pour sa part, se prévalant de la tacite reconduction des conditions commerciales 1998, et faisant valoir que le montant des remises auxquelles elle pouvait prétendre pour l'année 1999 s'élève à 3.485.019,60 F (531.287,81 ), la Société JPF a demandé à la Société EIDOS de lui régler la différence, égale à 999.966,35 F (152..443,89 ). C'est dans ces circonstances que, par acte du 1er décembre 2000, la Société JPF ENTERTAINMENT a assigné la Société EIDOS en paiement de la somme de 999.966,35 F (152.443,89 ) HT. Aux termes de conclusions récapitulatives en date du 10 janvier 2002, elle a présenté des demandes additionnelles tendant au règlement par la
partie adverse des sommes supplémentaires de 70.557,46 euros (462.826,62 F) HT au titre des remises sur facture, et de 28.222,98 euros (185.130,64 F) HT au titre du différentiel de Remises de Fin d'Année (RFA), portant ainsi sa réclamation à la somme totale de 251.224,33 euros (1.647.923,61 F) HT. Subsidiairement au cas où le Tribunal estimerait que les conditions commerciales 1999 doivent s'appliquer, elle a sollicité la condamnation de la Société EIDOS à lui payer la somme de 124.220,90 euros (814.835,69 F) HT, ou, pour le moins, celle de 93.732,12 euros (614.842,43 F) HT. Par jugement du 30 janvier 2002, le Tribunal de Commerce de NANTERRE a : - débouté la Société JPF ENTERTAINMENT de ses demandes ; - donné acte à la Société EIDOS INTERACTIVE FRANCE de son engagement de régler sans délai les remises afférentes à l'exercice 1999, dès que la Société JPF aura rapporté la preuve que les conditions ouvrant droit à ces remises sont remplies ; - débouté la Société EIDOS INTERACTIVE FRANCE de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive ; - condamné la Société JPF à payer à la Société EIDOS INTERACTIVE FRANCE la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. La Société JPF ENTERTAINMENT a interjeté appel de cette décision. Elle fait valoir que la distinction opérée par la Société EIDOS entre "grossistes" et "distributeurs" est parfaitement arbitraire, et n'a d'autre but que de favoriser la grande distribution et d'exclure les grossistes de ce marché, en rendant impossibles les ventes par les grossistes à la grande distribution. Elle relève qu'elle a à plusieurs reprises manifesté son refus des nouvelles conditions commerciales que la Société EIDOS a souhaité lui imposer pour l'année 1999. Elle en déduit qu'à défaut d'accord exprès de sa part sur les nouvelles conditions commerciales mises en oeuvre par la société intimée pour l'année 1999, les conditions commerciales de l'année 1998 ont été reconduites.
Subsidiairement au cas où il serait jugé que les conditions commerciales 1999 doivent trouver à s'appliquer, elle soutient que la Société EIDOS n'a pas respecté son obligation de lui verser l'intégralité des ristournes de revente qu'elle s'était engagée à lui régler. Elle relève également que la Société EIDOS a usé à son encontre de pratiques discriminatoires au regard des conditions d'octroi de certaines remises. A cet égard, elle explique que, pour accorder le taux maximum de remise prévu pour ses conditions commerciales 1999, la partie adverse exigeait qu'un chiffre d'affaires trimestriel de 5.000 F. (762,25 ) HT soit réalisé par le grossiste avec chacun des 1.000 points de vente indépendants. Elle allègue que la combinaison de ces deux conditions, non assorties d'une contrepartie réelle, est constitutive d'une pratique discriminatoire prohibée par l'article L 442-6 1ä du Code de commerce. Elle prétend qu'en raison de la disproportion manifeste des conditions commerciales imposées par la société intimée par rapport au chiffre d'affaires réalisé par celle-ci avec ses grossistes, seul un nombre extrêmement restreint de grossistes pouvait, de fait, remplir les conditions de chiffre d'affaires qui leur étaient imparties, et, par là même, bénéficier de cette ristourne, ce qui avait pour effet d'exclure du marché un grand nombre de grossistes, dont la Société JPF. Elle en déduit que les conditions d'octroi de la ristourne de revente, telles que définies aux Barèmes d'écarts Grossistes pour l'année 1999 de la partie adverse, caractérisent une pratique discriminatoire qui crée un désavantage manifeste dans la concurrence faite à la société appelante. Elle invoque en outre l'application discriminatoire des barèmes d'écarts Grossistes, et à ce titre elle s'estime en droit, dès lors qu'elle établit avoir été victime de pratiques anti-concurrentielles de la part de la Société EIDOS, de solliciter de cette dernière qu'elle apporte la preuve
d'une justification objective au traitement différencié dont font l'objet ses grossistes. Elle soutient que, faute pour la société intimée de déférer à cette sommation, la juridiction saisie ne pourra qu'en tirer les conséquences de droit, en jugeant que la société appelante a fait l'objet d'un traitement discriminatoire. Elle ajoute que, dans la mesure où la ristourne de revente mise en place par la partie adverse n'était justifiée par aucune contrepartie réelle et n'était pas appliquée de manière uniforme à l'égard de tous ses grossistes, de telles pratiques caractérisent une entente prohibée conclue entre EIDOS et ceux de ses grossistes ayant bénéficié de cette ristourne sans toutefois justifier en remplir les conditions d'octroi. Par voie de conséquence, la Société JPF ENTERTAINEMENT demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, et, à titre principal, de condamner la Société EIDOS à lui payer la somme globale de 251.224,33 euros (1.647.923,61 F) HT, ce avec intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2000, date de l'assignation. Elle conclut également à la condamnation de la Société EIDOS à lui payer la somme de 124.220,90 euros (814.835,69 F), à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice consécutif à la pratique discriminatoire qui a résulté de la mise en place de la ristourne de vente, telle que définie aux Barèmes d'écarts Grossistes pour l'année 1999 de la société intimée. Elle demande en outre qu'à défaut de justification par la partie adverse que les conditions commerciales 1999 ont été appliquées sans discrimination à tous les grossistes, la Société EIDOS soit condamnée à lui régler la même somme de 124.220,90 euros, correspondant au montant de la ristourne de revente pour l'année 1999, dont la société appelante a été privée par suite de l'application discriminatoire des Barèmes d'écarts Grossistes. A titre subsidiaire, si les conditions commerciales 1999 devaient être reconnues applicables, elle sollicite la condamnation
de la Société EIDOS à lui verser le solde des remises auxquelles elle pouvait prétendre, soit la somme de 124.220,90 euros (814.835,69 F) HT, ou, pour le moins celle de 93.732,12 euros (614.842,43 F) HT, ce avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation. Elle réclame 8.000 euros HT au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. La Société EIDOS INTERACTIVE FRANCE conclut à la confirmation du jugement déféré. Elle fait valoir que la Société JPF ENTERTAINMENT ne pouvait ignorer que les conditions commerciales 1998 étaient en vigueur pour une durée déterminée limitée à une année. Elle en déduit que les premiers juges ont à bon droit mis en évidence l'intervention d'un accord entre les parties sur les nouvelles conditions commerciales "Grossistes" pour l'année 1999. Elle constate que la partie adverse n'établit nullement que la société intimée aurait créé des conditions "Grossistes" en 1999 dans le but de la défavoriser. Elle soutient que, contrairement à ce qui est allégué par la Société JPF, elle a scrupuleusement respecté les conditions commerciales 1999, s'engageant à régler les ristournes conformes à ces conditions, sous la seule réserve que les modalités exigées pour leur octroi soient remplies. Elle relève que, pour la première fois dans le cadre de la présente procédure, la société appelante invoque des prétendues pratiques discriminatoires et anti-concurrentielles dont elle est incapable d'établir l'existence. A cet égard, elle allègue que le fait d'avoir prévu des ristournes de revente reposant sur la réalisation d'un chiffre d'affaires trimestriel dans plusieurs points de vente est parfaitement licite. Elle précise que la thèse adverse consistant à tenter de faire admettre que les conditions commerciales prévues pour l'année 1999 revêtent un caractère discriminatoire conduirait à annihiler la liberté pour tout fournisseur de fixer ses prix de vente et ses conditions commerciales. Elle ajoute que la Société JPF, qui a la charge de la preuve, ne démontre nullement la
réalité des pratiques discriminatoires auxquelles la société intimée se livrerait entre ses grossistes. Elle réclame la somme complémentaire de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 septembre 2003. MOTIFS DE LA DECISION : SUR LES CONDITIONS COMMERCIALES APPLICABLES EN 1999 : Considérant qu'il est constant que, par courrier en date du 24 décembre 1997, la Société EIDOS a adressé à la Société JPF ENTERTAINMENT les conditions commerciales destinées aux "distributeurs", valables à compter du 1er janvier 1998, et prévoyant en particulier : - des remises inconditionnelles (sur facture) de 10 % ; - des remises sur facture et des ristournes de coopération commerciale et promotionnelles d'un montant total de 33 % sur logiciels pour PC et de 28 % sur logiciels pour consoles ; - des remises de fin d'année de 10 % si le chiffre d'affaires réalisé est égal à 1.000.000 F (152.449,02 ), et pouvant atteindre 12,5 % si le chiffre d'affaires HT s'élève à 11.000.000 F (1.676.939,19 ) ; Considérant qu'il est acquis aux débats que, par écrit en date du 17 décembre 1998, la société intimée a fait parvenir à la Société JPF les conditions commerciales 1999, destinées aux "grossistes", applicables à compter du 1er janvier 1999, et comportant notamment les stipulations suivantes : - des remises sur factures de 5 % ; - des remises sur factures et des ristournes de coopération commerciale et promotionnelles d'un montant total de 31 % sur logiciels PC et de 28 % sur logiciels pour consoles ; - des remises de fin d'année de 10 % si le chiffre d'affaires atteint est égal à 9.000.000 F (1.372.041,16 ) ; Considérant qu'au soutien de sa prétention tendant au bénéfice du maintien pour l'année 1999 des conditions commerciales prévues pour l'année 1998, la Société JPF ENTERTAINMENT fait valoir qu'à défaut d'accord exprès de sa part sur les nouvelles conditions commerciales, celles en vigueur en 1998 ont
été tacitement reconduites ; Mais considérant qu'aux termes de son courrier susvisé en date du 24 décembre 1997, la Société EIDOS a pris soin d'indiquer à la partie adverse que les conditions commerciales pour l'année 1998 se déduisaient des barèmes d'écarts 1998 pour les logiciels sur PC/Mac et consoles, "valables du 1er janvier au 31 décembre 1998" ; Considérant que, selon écrit en date du 17 décembre 1998, elle a confirmé à la société appelante la mise en vigueur des conditions commerciales 1999 "à compter du 1er janvier 1999", tout en lui précisant que : "il est impératif que la nouvelle remise sur facture soit appliquée dès le 1er janvier 1999" ; Considérant qu'était joint à cette correspondance le "barème d'écarts Grossistes", valable du 1er janvier au 31 décembre 1999, et spécifiant que : "ces conditions commerciales sont applicables à compter du 1er janvier 1999 jusqu'au 31 décembre 1999 et se substituent aux conditions préalablement applicables"; Considérant qu'il doit être observé que, dans le courant de l'année 1999, la Société JPF a passé auprès de la Société EIDOS un nombre important de commandes ayant donné lieu à l'établissement de factures, régulièrement acquittées par elle, et sur lesquelles figure la mention : "Remises selon BAREME D'ECARTS GROSSISTE 99 Inconditionnelles, - Logiciels PC : sur facture : 5 %; - Logiciels consoles : sur facture : 5 %"; Considérant qu'il apparaît que, ni à réception du courrier précité du 17 décembre 1998, ni à réception des nombreuses factures dont elle a été destinataire courant 1999, la société appelante n'a émis la moindre protestation ou réserve sur l'application des nouvelles conditions commerciales pour l'année 1999 ; Considérant qu'au demeurant, dans la correspondance de son Conseil en date du 10 juin 1999, aux termes de laquelle elle met en évidence un certain nombre de différences entre les barèmes d'écart des années 1998 et 1999, la Société JPF se contente pour l'essentiel d'attirer
l'attention de son fournisseur sur les pratiques discriminatoires dont elle craint d'être l'objet de la part de ce dernier; Considérant qu'en définitive, il s'avère que c'est seulement par lettre recommandée du 15 février 2000, soit plus d'une année après l'entrée en vigueur effective des conditions commerciales 1999, que la Société JPF a revendiqué pour la première fois officiellement l'application pour l'année 1999 des conditions commerciales appliquées au cours de l'année précédente ; Considérant que, toutefois, cette contestation tardive ne saurait dissimuler l'existence d'un accord intervenu entre les parties sur les nouvelles conditions commerciales "Grossistes" appliquées par elles en 1999 sur les bases définies par le courrier du 17 décembre 1998 et par son annexe ; Considérant que le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté la Société JPF ENTERTAINMENT de sa demande tendant à voir appliquer, par le jeu de la tacite reconduction, les conditions commerciales qui étaient en vigueur en 1998. SUR LE PRETENDU NON RESPECT DES CONDITIONS COMMERCIALES 1999 : Considérant qu'à titre subsidiaire, la Société JPF ENTERTAINMENT fait valoir qu'au moins en ce qui concerne les remises conditionnelles, la Société EIDOS n'a pas respecté les conditions commerciales 1999, telles qu'elles résultent des engagements pris par cette dernière selon télécopie du 18 novembre 1999 et par courrier en date du 10 février 2000 ; Mais considérant que, si la télécopie du 18 novembre 1999 fait état d'une ristourne de 23 % pour les jeux sur consoles et de 33 % pour les jeux sur PC, pour autant ces données chiffrées n'apparaissent pas conformes aux conditions commerciales 1999 telles qu'elles sont définies par le courrier du 17 décembre 1998 et par son annexe ; Considérant qu'à cet égard, il s'infère du "barème d'écarts grossistes"1999 que la ristourne conditionnelle de revente : "ne s'applique qu'aux grossistes stockant les produits distribués par EIDOS Interactive
France du 1er janvier au 31 décembre 1999 dans le but d'exercer une activité de revente sur une clientèle régulière (produisant un chiffre d'affaires trimestriel d'au moins 5.000 F (762,25 ) HT/client sur les produits EIDOS) : - d'un minimum de 500 points de ventes indépendants : 8 % - d'un minimum de 1.000 points de ventes indépendants : 10 %"; Considérant qu'il est précisé "in fine" que les ristournes seront réglées en fonction, notamment, de la "réalisation effective au cours de l'ensemble de l'année 1999 des conditions constituant la contrepartie de ces ristournes"; Considérant qu'au demeurant, dans ses courriers en date des 10 février 2000, 14 mars 2000 et 29 mars 2000, la Société EIDOS a pris soin de rappeler à la société appelante que le règlement des ristournes est subordonné aux conditions fixées à cet effet dans le contrat liant les parties Considérant qu'au surplus, la société intimée a joint à son écrit en date du 10 février 2000 un tableau récapitulatif relatif au chiffre d'affaires réalisé par la Société JPF en 1999 ainsi qu'aux ristournes correspondantes, apparemment calculées en parfaite conformité avec les conditions commerciales établies pour l'année 1999 ; Considérant que, d'ailleurs, dans ses correspondances successives, et encore lors des débats de première instance, elle a constamment rappelé qu'elle était disposée à régler à la société appelante les ristournes auxquelles celle-ci pouvait prétendre, sous réserve de la réalisation des conditions contractuellement fixées pour leur octroi ; Considérant que, toutefois, dès lors qu'elle a été seulement destinataire d'une attestation du commissaire aux comptes de la Société JPF, certifiant que cette dernière avait : "effectué des ventes auprès de plus de mille clients pour la période du 1er janvier 1999 au 31 décembre 1999, et ceci de façon régulière", la société intimée a légitimement estimé que cet unique document, qui ne la renseignait pas précisément sur la nature des produits vendus et sur
le montant des ventes réalisées auprès de la clientèle concernée, ne pouvait ouvrir droit à l'octroi en faveur de sa cocontractante des remises conditionnelles litigieuses ; Considérant qu'il s'ensuit que la société appelante, à qui il incombait de justifier qu'elle remplit les conditions exigées pour bénéficier de ces remises, n'est pas fondée à imputer à la Société EIDOS un non respect des engagements contractuels souscrits au titre de l'année 1999 pour tenter de lui faire supporter la charge de ristournes auxquelles elle ne peut prétendre ; Considérant qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a donné acte à la Société EIDOS INTERACTIVE FRANCE de son engagement de régler sans délai les remises afférentes à l'exercice 1999 dès que la Société JPF aura rapporté la preuve que les conditions ouvrant droit à ces remises sont réunies, et, pour le surplus, de débouter la société appelante de sa demande, présentée à titre subsidiaire, tirée de la non application par la société intimée des conditions commerciales 1999. SUR LES PRETENDUES PRATIQUES DISCRIMINATOIRES ET ANTI-CONCURRENTIELLES : Considérant qu'à titre préalable, il résulte de l'article 954 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile que : "Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la Cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées" ; Considérant qu'en l'occurrence, dans ses dernières écritures récapitulatives, la Société EIDOS INTERACTIVE FRANCE relève que la Société JPF ENTERTAINMENT invoque, pour la première fois dans le cadre de la procédure d'appel, l'existence de prétendues pratiques discriminatoires et anti-concurrentielles, et "renvoie pour les explications sur ce point aux écritures produites dans le cadre des conclusions en réponse à l'incident de communication de pièces soulevé par JPF" ; Considérant
que, toutefois, dès lors qu'elle ne reprend pas l'argumentation juridique qu'elle avait développée en pages 2 à 4 de ses conclusions d'incident du 11 avril 2003, et dès lors en outre qu'elle ne conclut pas expressément à l'irrecevabilité, au sens des articles 564 et suivants du nouveau Code de procédure civile, des prétentions nouvelles formulées par JPF pour la première fois en appel, la société intimée est réputée avoir abandonné ce moyen ; Considérant que la demande présentée de ce chef pour la première fois devant la Cour par la société appelante doit donc être déclarée recevable; Considérant que, sur le fond, aux termes de l'article L 442-6 I du Code de commerce, "Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan : 1ä) De pratiquer, à l'égard d'un partenaire économique, ou d'obtenir de lui des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d'achat discriminatoires non justifiées par des contre-parties réelles, en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence..."; Considérant que la Société JPF ENTERTAINMENT réitère que le versement à son profit de la ristourne de revente susvisée, telle que prévue par le barème d'écarts "grossistes" applicable en 1999, est subordonné à la double condition de la réalisation d'un chiffre d'affaires trimestriel de 5.000 F (762,25 ) HT par le grossiste avec chacun des 500 ou des 1000 points de vente indépendants ; Considérant qu'elle allègue que, si chacune des deux conditions mises par EIDOS à l'octroi de sa ristourne de revente aurait pu être constitutive d'une contrepartie réelle dans l'hypothèse où elle n'aurait pas été associée à l'autre, en revanche la combinaison de ces deux conditions est constitutive d'une pratique discriminatoire prohibée par l'article L 442-6 I 1ä du Code de commerce ; Considérant qu'elle souligne que les conditions d'octroi
de cette ristourne de vente aboutissent "de facto" à ce que seul un nombre très restreint, voire quasi-inexistant, d'opérateurs soit en mesure d'assurer le commerce de gros des produits EIDOS ; Mais considérant que la Société JPF ENTERTAINMENT, qui ne discute pas qu'elle exerce l'activité de grossiste, ne peut à bon droit s'étonner que la Société EIDOS ait décidé de lui appliquer, à partir de 1999, les conditions commerciales auxquelles était alors soumise cette catégorie d'acheteurs ; Considérant qu' il a déjà été indiqué que les conditions commerciales 1999, se référant au barème d'écarts "grossistes" susvisé, ont reçu l'accord des parties et ont été normalement exécutées au cours de l'année 1999 sur les bases convenues en application de ce barème ; Considérant qu'en acceptant de souscrire à ces conditions commerciales, la société appelante qui, dans le cadre de son activité de distribution auprès de revendeurs de matériels, a réalisé un chiffre d'affaires d'environ 200.000.000 F. (30.489.803,45 ) en 1998, et 295.000.000 F (44.972.460,09 ) en 1999, a donc nécessairement pris en compte les avantages qu'elle pouvait espérer retirer des modalités d'octroi en sa faveur des diverses ristournes auxquelles elle pouvait prétendre, et dont seule la ristourne de vente est l'objet d'une contestation de sa part ; Considérant qu'au demeurant, il ne peut se déduire d'aucune disposition d'ordre public applicable aux relations commerciales entre les entreprises que des ristournes de revente dont le versement est subordonné à la réalisation d'un chiffre d'affaires trimestriel dans plusieurs points de vente revêtiraient un caractère illicite ; Considérant qu'au surplus, l'allégation selon laquelle l'application des conditions commerciales prévues pour 1999 aurait pour effet d'exclure du marché un grand nombre de grossistes, dont la société appelante, est en contradiction avec l'avantage que cette dernière reconnaît avoir retiré de sa participation au réseau de grossistes,
puisque, dans un courrier en date du 15 février 2000, elle indique avoir réalisé en 1999 avec la société intimée un chiffre d'affaires en augmentation de plus de 58 % par rapport à celui atteint l'année précédente; Considérant qu'il s'ensuit que le moyen soulevé par la Société JPF, tiré du caractère en elles-mêmes discriminatoire des conditions d'octroi des ristournes de revente litigieuses, doit être écarté; Considérant que la société appelante fait également valoir qu'elle a des raisons de douter que la Société EIDOS exige effectivement de tous ses grossistes qu'ils remplissent toutes les conditions posées par les barèmes d'écarts pour bénéficier des remises; Mais considérant que, dans la mesure où elle ne rapporte nullement la preuve, qui lui incombe, des pratiques discriminatoires dont elle prétend avoir été la victime, elle n'est pas fondée à solliciter de la société intimée qu'elle apporte la justification objective du traitement différencié dont elle aurait fait bénéficier certains autres grossistes; Considérant qu'elle ne saurait donc se prévaloir de ce que la Société EIDOS n'a pas déféré aux sommations l'ayant invitée en cours d'instance d'appel à s'expliquer sur l'application faite par elle des conditions commerciales 1999 à l'égard de tout ou partie des autres grossistes, pour conclure qu'elle a fait l'objet d'un traitement discriminatoire de nature à lui ouvrir droit à une légitime indemnisation; Considérant que, par ailleurs, dès lors que la sociétées grossistes, pour conclure qu'elle a fait l'objet d'un traitement discriminatoire de nature à lui ouvrir droit à une légitime indemnisation; Considérant que, par ailleurs, dès lors que la société appelante ne démontre pas que la ristourne de revente mise en place par la Société EIDOS aurait été appliquée de manière non uniforme envers tous les grossistes, elle ne peut à bon droit invoquer l'existence d'une entente anti-concurrentielle qui aurait été constituée à son détriment, en violation de l'article L
420-1 du Code de commerce, entre la société intimée et ceux des grossistes ayant prétendument bénéficié de cette ristourne sans en remplir les conditions d'octroi; Considérant qu'à titre surabondant, la prétention formulée de ce chef par la Société JPF ne pourrait utilement prospérer que pour autant qu'il soit établi que la ristourne de revente a été versée par la Société EIDOS de manière différenciée entre partenaires se trouvant dans une situation économique identique à l'égard du même fournisseur; Considérant que, par voie de conséquence, il convient de débouter la Société JPF ENTERTAINMENT de sa demande de dommages-intérêts pour pratiques discriminatoires et anti-concurrentielles. SUR LES DEMANDES ANNEXES :
Considérant que la disposition du jugement, qui a débouté la Société EIDOS de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, n'est pas remise en cause devant la Cour, et doit donc être confirmée ; Considérant que l'équité commande d'allouer à la Société EIDOS INTERACTIVE FRANCE la somme complémentaire de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Considérant qu'il n'est cependant pas inéquitable que la société appelante conserve la charge des frais non compris dans les dépens exposés par elle dans le cadre de la présente instance ; Considérant que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a condamné la Société JPF ENTERTAINMENT aux dépens de première instance; Considérant que cette dernière, qui succombe en son recours, doit être condamnée aux dépens d'appel. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, DECLARE recevable l'appel interjeté par la Société JPF ENTERTAINMENT, le dit mal fondé ; CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré; Y ajoutant : DECLARE recevable la demande présentée pour la première fois en appel par la Société JPF ENTERTAINMENT, du chef de pratiques discriminatoires et anti-concurrentielles; la dit mal fondée ;
DEBOUTE la Société JPF ENTERTAINMENT de sa demande de dommages-intérêts sur ce fondement ; CONDAMNE la Société JPF ENTERTAINMENT à payer à la Société EIDOS INTERACTIVE FRANCE la somme complémentaire de 2.000 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; CONDAMNE la Société JPF ENTERTAINMENT aux dépens d'appel, et AUTORISE la SCP KEIME etamp; GUTTIN, Société d'Avoués, à recouvrer directement la part la concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER
LE PRESIDENT M. THERESE GENISSEL
FRANOEOISE X...