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L/RI du 31 MARS 2004 RG : 03/02200 X COUR D'APPEL DE VERSAILLES Arrêt prononcé publiquement le TRENTE ET UN MARS DEUX MILLE QUATRE, par Monsieur RIOLACCI, Président de la 8ème chambre des appels correctionnels, en présence du ministère public, Nature de l'arrêt :
CONTRADICTOIRE Sur appel d'un jugement du tribunal correctionnel de Nanterre, 14ème chambre, du 02 septembre 2003. POURVOI : COMPOSITION DE LA COUR lors des débats, du délibéré, et au prononcé de l'arrêt Président
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Monsieur X..., Monsieur Y..., DÉCISION : voir dispositif MINISTÈRE PUBLIC :
Monsieur MENGIN Z..., GREFFIER
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Madame A... lors des débats, Madame B... lors du prononcé de l'arrêt. PARTIES EN CAUSE Bordereau Nä du X né le ...... à........ (92), de nationalité française, demeurant 92 Déjà condamné, libre, représenté par Maître GISSEROT substituant Maître LAFARGE Grégoire, avocat au barreau de PARIS PARTIES CIVILES C... Annie Demeurant 7, rue de Lorraine - 92300 LEVALLOIS-PERRET,Comparante, assistée de Maître TOURNIQUET Hervé, avocat au barreau de NANTERRE (conclusions) RAPPEL DE LA PROCÉDURE : LE JUGEMENT : Par jugement contradictoire en date du 02 septembre 2003, le tribunal correctionnel de Nanterre a déclaré Xcoupable de : DIFFAMATION ENVERS UN FONCTIONNAIRE, UN DÉPOSITAIRE DE L'AUTORITÉ PUBLIQUE OU UN CITOYEN CHARGÉ D'UN SERVICE PUBLIC PAR PAROLE, IMAGE, ECRIT OU MOYEN DE COMMUNICATION AUDIOVISUELLE, le16 décembre 2002, à LEVALLOIS-PERRET (92), infraction prévue par les articles 31 AL.1, 23 AL.1, 29 AL.1, 42 de la loi du 29/07/1881 et réprimée par les articles 31 AL.1, 30 de la loi du 29/07/1881, INJURE PUBLIQUE ENVERS UN PARTICULIER EN RAISON DE SA RACE, DE SA RELIGION OU DE SON ORIGINE, PAR PAROLE, IMAGE, ECRIT OU MOYEN DE COMMUNICATION AUDIOVISUELLE, le 16 décembre 2002, à LEVALLOIS PERRET (92), infraction prévue par les articles 33 AL.3,AL.2, 23 AL.1, 29 AL.2, 42 de la loi du 29/07/1881 et réprimée par l'article 33 AL.3,AL.4 de la loi du 29/07/1881, SUR L'ACTION PUBLIQUE : a rejeté l'exception de nullité concernant la citation délivrée le 12 juin 2003 par Annie C..., a relaxé X du chef de diffamation à l'encontre d'Annie C..., personne chargée d'un service public, pour les propos tenus le 16 décembre 2002 à Levallois-Perret, en l'espèce : "vous rendez-vous compte du soulagement des parents qui se rendent compte qu'un militant communiste comme vous de la plus belle aube, puisse... Madame C..., je suis sûr que vous appreniez aux petits Levalloisiens à faire des faucilles et de marteaux avant d'apprendre l'alphabet, russe !", l'a déclaré coupable de diffamation à l'encontre d'Annie C..., personne chargée d'un mandat public, pour les propos tenus le 16 décembre 2002 à Levallois-Perret, en l'espèce : "ne figurent sur ce rapport, Madame C..., que des dépenses qui ont été faites dans l'intérêt de la ville ; alors que vous, vous avez fait des dépenses dans l'intérêt du parti communiste", a déclaré X coupable
d'injure publique à l'encontre de Madame Annie C..., pour les propos tenus le 16 décembre 2002 à Levallois-Perret, en l'espèce : "il va bientôt falloir vous mettre au musée et dans une cage ! Savez-vous qu'au conseil de Paris, l'adjoint à la culture fait des acquisitions de perroquets vivants pour le musée d'art moderne. Peut-être que pour le musée ethnologique, on pourrait également vous mettre dans une cage avec intitulé "dernier spécimen de parti communiste vivant" on pourrait ainsi vous nourrir jusqu'à la fin de vos jours et très longtemps", l'a condamné à une peine d'amende de 1 500 ä. SUR L'ACTION CIVILE: a reçu Annie C... en sa constitution de partie civile, a condamné X à payer la somme de 1 500 ä à Annie C... à titre de dommages et intérêts, outre la somme d'un montant de 1 000 ä, en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, a ordonné l'insertion dans le quotidien "Le Parisien des Hauts-de-Seine", dans un délai d'un mois après le caractère définitif du présent jugement et aux frais de BALKANY, du communiqué suivant : "Par jugement du 02 septembre 2003 de la 14ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de NANTERRE, X a été déclaré coupable du délit de diffamation et d'injure publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, X lors d'une réunion publique du conseil municipal de la ville de Levallois-Perret qu'il présidait le 16 décembre 2002, a en effet tenu publiquement des propos diffamatoires et injurieux à l'encontre d'Annie C..., siégeant en qualité de conseillère municipale, X a été condamné à payer une peine d'amende et à dédommager Annie C... au titre de son préjudice moral, a rejeté le surplus des demandes. LES APPELS : Appel a été interjeté par : X le 02 septembre 2003, M. le procureur de la République le 02 septembre 2003. DÉROULEMENT DES DÉBATS : A l'audience publique du 19 novembre 2003, la Cour a renvoyé l'affaire à l'audience du 18 février 2004, A l'audience publique du 18 février
2004, Monsieur le Président a constaté l'absence du prévenu qui ne comparaît pas mais est représenté par son conseil ; Ont été entendus : Monsieur RIOLACCI, conseiller, en son rapport et interrogatoire, La partie civile, en ses observations, Maître TOURNIQUET, avocat, en ses plaidoirie et conclusions, Monsieur MENGIN Z..., substitut général, en ses réquisitions, Maître GISSEROT, avocat en ses plaidoirie et conclusions, MONSIEUR LE PRÉSIDENT A ENSUITE AVERTI LES PARTIES QUE L'ARRÊT SERAIT PRONONCÉ À L'AUDIENCE DU 31 MARS 2004 CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 462 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE. DÉCISION La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant : LE RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE Par acte d'huissier délivré le 12 mars 2003, Annie C..., conseiller municipal de LEVALLOIS-PERRET, faisait citer à comparaître devant le tribunal correctionnel X, maire de la ville, pour diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, diffamation publique envers un citoyen chargé d'un service public et injure publique envers un particulier. Elle reprochait à X certains de ses propos tenus en séance publique du conseil municipal le 16 décembre 2002, lors de l'examen du rapport de la Chambre régionale des comptes d'Ile-de-France sur la gestion des comités des fêtes, et plus particulièrement les passages suivants : "Ne figurent sur ce rapport, Madame C..., que des dépenses qui ont été faites dans l'intérêt de la ville, alors que vous avez fait des dépenses dans l'intérêt du parti communiste. Moi, Madame, je ne me suis occupé que des Levalloisiens. Je n'ai jamais filé un franc au RPR ni mis un franc dans ma poche" qui seraient diffamatoires à son encontre, en sa qualité de conseillère municipale, puis : "Vous rendez-vous compte du soulagement des parents qui se rendent compte qu'un militant communiste comme vous de la plus belle aube, puisse..... Madame C..., je suis sûr que vous appreniez aux petits Levalloisiens à
faire des faucilles et des marteaux avant d'apprendre l'alphabet, russe !" Qui seraient diffamatoires à son encontre, en sa qualité d'enseignante, ces propos faisait référence au départ à la retraite de Madame C... et à ses compétences d'enseignante. Elle reprochait également à X les propos suivants, qu'elle qualifiait d'injure publique envers un particulier : "Il va bientôt falloir vous mettre au musée et dans une cage ! Savez-vous qu'au Conseil de Paris, l'adjoint à la culture fait des acquisitions de perroquets vivants pour le musée d'art moderne. Peut-être que pour le musée ethnologique, on pourrait également vous mettre dans une cage avec intitulé "dernier spécimen du Parti Communiste vivant". On pourrait ainsi vous nourrir jusqu'à la fin de vos jours et très longtemps" Elle sollicitait en conséquence la condamnation de X pour ces infractions et l'octroi d'une somme de 30 000 ä à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 2 000 ä au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. Elle demandait en outre également l'affichage de la décision à intervenir à la porte de l'Hôtel de Ville et sur l'ensemble de panneaux administratifs pendant deux semaines à compter du jugement, sous astreinte de 500 ä par jour de retard, ainsi que sa publication dans les journaux L'HUMANITÉ et LE PARISIEN et dans le magazine d'informations municipales LEVALLOIS INFO, aux frais du prévenu. X soulevait, in limine litis, la nullité de la citation délivrée, au motif que celle-ci ne répondrait pas aux exigences de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, selon lesquelles "la citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite", et ce, à peine de nullité de la poursuite. En effet, les faits de diffamations ne seraient pas suffisamment qualifiés et la qualification d'injure envers un particulier serait erronée, compte-tenu des fonctions exercées par Annie C... Sur le fond, concernant les faits de
diffamation envers un citoyen chargé d'un mandat public, il précisait que les propos tenus se rapportaient à la gestion de la ville par l'ancien maire communiste et son équipe, à une époque où Annie C... n'était pas conseillère municipale et non à cette dernière personnellement. Quant aux faits de diffamation envers un citoyen chargé d'un service public, les propos tenus ne dépasseraient pas le cadre de la simple polémique. Enfin pour les faits d'injure, il estimait que ces propos pouvaient valablement bénéficier de l'excuse de provocation, compte-tenu des propos préalablement proférés par Annie C... Il demandait donc au Tribunal de constater la nullité de la citation et sollicitait sa relaxe des chefs de la prévention. C'est dans ces conditions qu'intervenait le jugement frappé d'appel qui a rejeté la nullité soulevée, condamné X à une amende délictuelle de 1 500 ä, alloué à la partie civile des dommages et intérêts et ordonné la publication d'un communiqué dans un quotidien. [* *]
[* Devant la Cour, Annie C..., présente en personne, a fait part de son humiliation et fait part de sa conception différente de la vie publique. L'Avocat général a sollicité la confirmation d'un jugement lui apparaissant équilibré. *] [*
*] Dans ses écritures, X reprend l'argumentation développée en première instance après avoir souligné que lors de la réunion du 16 décembre 2002 qu'il présidait, plusieurs conseillers avaient engagé la polémique en le prenant personnellement à partie. Il soutient donc qu'il y a lieu de déclarer nulle la citation visant tant à l'injure,
ces propos ne visant que la particulière en raison de son engagement politique, que la diffamation en l'absence de visa de l'article 29 alinéa 1er. A titre subsidiaire, sur le fond, il soutient tout d'abord que seule la personne visée personnellement peut se plaindre de diffamation car elle seule peut arguer d'un préjudice direct et personnel, ce qui n'est pas le cas d'Annie C... ; il fait valoir ensuite que les propos visant l'enseignante ne sont pas diffamatoires mais seulement polémiques comme jugé par le Tribunal ; enfin, sur l'injure publique, X demande à bénéficier de l'excuse de provocation à raison des prises à partie dont il a préalablement fait l'objet et de la polémique engagée tant sur son honnêteté que sur ses rapports avec le RPR. * *
* Dans ses écritures, Annie C... après avoir évoqué son itinéraire personnel sur les plans professionnel et politique, développe les termes de sa citation ; à titre préalable, les propos qualifiés d'injurieux visant bien la particulière à raison de son engagement politique sans la moindre allusion à ses fonctions électives. Sur la qualification de diffamation, l'intimée soutient que la citation est parfaitement conforme aux exigences jurisprudentielles. Sur le fond, l'intimée demande à la Cour de confirmer l'analyse des premiers juges suivant laquelle l'imputation d'avoir fait des dépenses publiques dans l'intérêt d'un parti politique ou à son propre profit, est diffamatoire et la vise bien en qualité de citoyenne chargée d'un mandat public ; sur l'imputation diffamatoire visant l'enseignante, Annie C... considère qu'elle est également diffamatoire car affichant un mépris certain tant envers la personne que par rapport à sa conscience professionnelle. Sur l'injure, l'intimée maintient qu'à
la différence des imputations diffamatoires, ces propos visent bien la particulière à raison de son engagement politique en n'ayant d'autre objectif que de blesser et de tenter de ridiculiser leur destinataire et victime ; par ailleurs, selon elle, la seule provocation ressortant du compte-rendu officiel des débats est venue de X lui-même. Sur l'élément intentionnel de l'infraction, ce dernier lui apparaît évident, l'expérience de la vie publique du prévenu suffisant à exclure que puisse être retenue la thèse du "dérapage". SUR CE, LA COUR SUR LA NULLITÉ DE LA CITATION Considérant que les appels, interjetés dans les forme et délai légaux, sont recevables ; Considérant que la citation respecte les exigences énoncées à l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881. En effet, les deux infractions reprochées à X sont clairement définies et exactement qualifiées par le visa de l'article 31, s'agissant des faits de diffamation envers un citoyen chargé d'un mandat public ; Considérant, quant à la qualification d'injure publique envers un particulier, que les propos litigieux ne font référence ni aux fonctions d'Annie C..., ni à ses compétences en sa qualité de conseillère municipale ou d'enseignante, mais à son appartenance politique et à son engagement personnel ; qu'ils visent Annie C... à titre personnel et relèvent donc de l'alinéa 2 de l'article 33, qui est précisément visé par la citation ; Considérant qu'il y a lieu en conséquence, de confirmer le jugement entrepris sur le rejet de l'exception de nullité soulevée par le prévenu ; SUR LE FOND Sur la diffamation envers un citoyen chargé d'un mandat public Considérant qu'il apparaît qu'Annie C... étant la seule représentante du Parti Communiste présente lors de ladite séance du conseil municipal, la première partie des propos lui était bien adressée en raison de son appartenance politique et les reproches formulés ne lui étaient pas directement imputables ; que toutefois, l'expression "Moi, Madame
C..., je ne me suis occupé que des Levalloisiens. Je n'ai jamais filé ni un franc au RPR ni mis un franc dans ma poche" la vise directement, suggérant qu'elle avait pu, dans le cadre de son mandat, faire bénéficier le Parti Communiste de fonds municipaux ou encore qu'elle ait pu tirer personnellement avantage de ses fonctions ; Considérant que la diffamation envers un citoyen chargé d'un mandat public est donc suffisamment constituée, s'agissant de porter atteinte à une élue bénéficiant d'une ancienneté certaine en politique et ayant été forcément liée à la gestion municipale du maire communiste ayant précédé X; Sur la diffamation envers un citoyen chargé d'un service public Considérant que l'évocation du soulagement ressenti par les parents d'élèves au moment de son départ à la retraite, de l'endoctrinement politique auquel elle aurait participé et de l'abus commis dans l'exercice de sa fonction d'enseignante, est évidemment diffamatoire à l'encontre d'Annie C... en vertu de l'article 31, puisque l'atteignant dans sa dignité en la présentant comme une enseignante soucieuse par dessus tout de profiter de son contact avec la jeunesse pour imposer ses idées politiques ; Considérant que le jugement de première instance a donc à tort considéré que l'infraction n'était pas constituée, la caricature employée étant purement gratuite et ne se justifiant réellement dans un échange politique ; Sur l'injure publique envers un particulier Considérant que les propos sont outranciers et particulièrement blessants la traitant d'espèce en voie de disparition, qu'ils ne sauraient bénéficier de l'excuse de provocation ; car ils dépassent largement le cadre des propos tenus par Annie C... et sont particulièrement vexatoires et méprisants ; qu'il y a donc de lieu de confirmer la culpabilité du prévenu sur ce point, s'agissant d'attaques personnelles totalement incongrues par rapport à l'échange engagé ; Considérant que ces faits doivent être
replacés dans un contexte conflictuel quasi-permanent justifiant le prononcé d'une amende et l'allocation de dommages et intérêts modérés ; que la mesure de publication à titre de réparation civile complémentaire se justifie ; PAR CES MOTIFS LA COUR, après en avoir délibéré , Statuant publiquement, et contradictoirement, Réformant le jugement entrepris, Déclare X coupable de l'ensemble des faits reprochés, Le condamne à une amende délictuelle de 1 500 ä ainsi qu'au paiement de la somme de 1 500 ä à titre de dommages et intérêts, Confirme à titre de réparations civiles l'insertion d'un communiqué en encadré dans la première page de l'édition départementale du Parisien des Hauts-de-Seine sous le libellé suivant : "Par arrêt du 31 mars 2004 de la 8ème chambre correctionnelle de la Cour d'appel de VERSAILLES, X a été déclaré coupable du délit de diffamation et d'injure publique envers un citoyen chargé d'un mandat public et particulier, X, lors d'une réunion publique du conseil municipal de la ville de LEVALLOIS-PERRET qu'il présidait le 16 décembre 2002 a, en effet, tenu publiquement des propos diffamatoires et injurieux à l'encontre d'Annie C..., siégeant en qualité de conseillère municipale, X a été condamné à payer une peine d'amende et à dédommager Annie C... au titre de son préjudice moral", Sans que l'insertion puisse excéder 1 000 ä. Et ont signé le présent arrêt, le président et le greffier.
LE GREFFIER,
LE PRÉSIDENT. Décision soumise à un droit fixe de procédure (article 1018A du code des impôts) :120,00 ä