COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 38E 1ère chambre 2ème section ARRET Nä CONTRADICTOIRE DU 11 MAI 2004 R.G. Nä 02/08268 AFFAIRE : Luc X... C/ Société LA POSTE Décision déférée à la cour : d'un jugement rendu le 04 Juillet 2002 par le Tribunal d'Instance VERSAILLES RG nä : 341.02 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : Me Claire RICARD SCP DEBRAY-CHEMIN REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE ONZE MAI DEUX MILLE QUATRE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : APPELANT Monsieur Luc X... né le 04 Septembre 1965 à PARIS de nationalité FRANCAISE 8 rue de Beynes - Hameau de Cressay 78640 NEAUPHLE LE VIEUX représenté par Me Claire RICARD, avoué assisté de Me Jean MIGNOT, avocat au barreau de VERSAILLES INTIMEE Société LA POSTE exploitant public représenté par le Président de son conseil d'administration, prise en la personne de son Directeur du Centre Financier de la Poste 1 rue Edouard Branly 45900 LA SOURCE CHEQUES représentée par la SCP DEBRAY-CHEMIN, avoués assistée de Me Marc MANDICAS, avocat au barreau de VERSAILLES Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Mars 2004 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Charles LONNÉ, Président chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé de : Monsieur Charles LONNÉ, Président, Madame Sabine FAIVRE, conseiller, Mademoiselle Michèle LUGA, Conseiller, Greffier, lors des débats :
Madame Natacha Y..., FAITS ET PROCEDURE, 5Par jugement contradictoire du 4 juillet 2002, auquel la Cour se reporte pour l'exposé du litige opposant les parties, le Tribunal d'Instance de VERSAILLES a débouté Monsieur X... de ses demandes et l'a condamné aux dépens en déboutant LA POSTE de sa demande faite en application de l'article 700 du nouveau Code de
procédure civile. Monsieur X... a régulièrement interjeté appel de cette décision le 16 décembre 2002 et, aux termes de ses dernières écritures déposées le 9 mars 2004, demande à la Cour de : - infirmer la décision entreprise, - condamner LA POSTE à lui verser la somme de 10.000,00 à titre de dommages et intérêts, - la condamner au paiement de 2000,00 au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens. Au soutien de son recours, il fait essentiellement valoir : - que, nonobstant la demande qu'il avait faite le 30 janvier 2002 de clôturer ses comptes épargne pour transférer leurs soldes créditeurs sur son compte courant débiteur, cette opération n'a été faite que tardivement par LA POSTE, soit vingt jours après, ce qui constitue une faute lourde ; - qu'aucune information ni aucun conseil ne lui ont été donnés pour éviter les difficultés survenues et, notamment, une interdiction d'émettre des chèques et la suppression de tout découvert ; - que le chèque tiré pour payer le matériel informatique acheté aux enchères aurait été honoré si les services de LA POSTE avaient exécuté l'ordre de transfert de fonds dans un délai raisonnable ; - qu'outre les frais qui lui ont été imputés il a subi un préjudice dans la mesure où il n'a plus pu émettre de chèque sur tous ses comptes bancaires et n'a plus obtenu de crédit pour faire face à ses dépenses courantes étant ajouté que sa carte bancaire lui a été retirée. LA POSTE, en réponse, dans ses dernières écritures du 8 janvier 2004, demande à la Cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 4 juillet 2002 en disant qu'elle n'a commis aucune faute envers Monsieur X... et de condamner ce dernier à lui verser 1200,00 au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. Elle soutient : - que l'appelant a sciemment émis un chèque sans provision ; - que sa lettre du 28 janvier 2002 ne saurait s'analyser comme une demande ferme et réfléchie de clôture de comptes
; - qu'elle ne pouvait virer immédiatement les sommes figurant sur les comptes épargne dont s'agit puisque ceux-ci fonctionnent par quinzaine ; - qu'elle n'a nullement failli à son obligation de banquier et à l'information qu'elle doit à ses clients ; - que le préjudice allégué n'est nullement établi. MOTIFS : Considérant que le 24 janvier 2002 Monsieur X... a acheté du matériel informatique aux enchères pour 1107,00 qu'il a payé par chèque tiré sur son compte courant postal ; Que ce dernier n'étant créditeur au 25 janvier 2002 que de la somme de 429,79 Monsieur X... a écrit le 28 janvier 2002 d'une part au conseiller financier de LA POSTE à NEAUPHLE LE CHATEAU dont il dépend mais également au Service Clientèle du Centre Financier de LA POSTE à LA SOURCE pour les aviser d'un découvert à venir de 762,00 sur son compte et pour demander : - que le chèque remis au commissaire priseur soit honoré par l'acceptation de ce découvert ponctuel ; - à défaut, de solder ses comptes PEL, CEL et son livret en transférant les sommes y figurant sur son compte courant ; Considérant que, sans réponse au 30 janvier 2002, Monsieur X... s'est rendu à son Agence de NEAUPHLE et a procédé à la clôture de ses comptes CEL afin que leurs soldes créditeurs respectifs, totalisant la somme de 610,00 , soient reversés sur son compte courant CCP ; Considérant toutefois que, lorsque le chèque de 1107,00 a été présenté à l'encaissement, LA POSTE l'a rejeté pour insuffisance de provision ; que Monsieur X... a été avisé de cet incident de paiement le 11 février 2002 et qu'il lui a été signifié une interdiction d'émettre des chèques pendant cinq ans et l'obligation de restituer tous les chéquiers en sa possession, outre l'annulation de son autorisation de découvert de 200,00 ; Considérant que ce n'est que le 20 février 2002 que le solde créditeur de ses comptes CEL a été versé au crédit de son compte courant ; Que la mesure d'interdiction bancaire a été levée le 29
avril 2002 ; Considérant que pour débouter Monsieur X... de ses demandes le premier juge a dit que ce dernier ne rapportait pas la preuve de la faute commise par LA POSTE à laquelle l'on ne pouvait reprocher aucun défaut d'information et a indiqué que Monsieur X... avait mal dirigé sa demande de découvert exceptionnel en ne l'adressant pas au Centre Régional des Services Financiers qui pouvait seul lui accorder ce découvert étant par ailleurs précisé que les opérations de clôture de ses comptes CEL et de virement des soldes correspondants sur son compte CCP ne pouvaient être réalisés sans un certain délai administratif lié à la nature de ces comptes ; Considérant que pour justifier le délai de vingt jours qui a couru entre la demande de Monsieur X... de clôturer ses comptes épargne et le versement des soldes créditeurs correspondants sur son compte courant LA POSTE soutient que les comptes épargne fonctionnent par quinzaine et qu'elle ne peut virer immédiatement les sommes qui y figurent ; Qu'elle précise qu'ayant reçu confirmation de la demande de Monsieur X... alors que la première quinzaine du mois de février 2002 était entamée, elle n'a pu faire autrement que de clôturer à l'issue de cette quinzaine ; Mais considérant que les affirmations de l'intimée quant aux particularités des comptes épargne, si elles sont justifiées et bien fondées en ce qui concerne le calcul des intérêts, ne sont pas valables pour la clôture du compte ; Qu'en effet il suffit de se rapporter à l'article 12 des conditions générales des comptes d'épargne-logement concernant la clôture du compte pour relever que "la clôture du compte épargne logement intervient sur demande écrite du titulaire à tout moment", étant indiqué que les prélèvements sociaux en vigueur sont alors appliqués sur les intérêts acquis arrêtés entre le 1er janvier et la fin de la quinzaine qui précède la date de la clôture ; Considérant que rien ne vient corroborer les allégations de l'intimée qui soutient dans ses
écritures "qu'ayant reçu confirmation de la demande de Monsieur X... alors que la première quinzaine du mois de février 2002 était entamée, elle n'a pu faire autrement que de clôturer à l'issue de cette quinzaine"; Qu'en premier lieu c'est par courrier du 28 janvier 2002 adressé non seulement à LA POSTE de NEAUPHLE LE CHATEAU mais également au Centre Financier de LA SOURCE que l'appelant a adressé un ordre écrit explicite et ne permettant aucune interprétation afin de solder ses comptes épargne et de les transférer sur son compte courant ; Que, deux jours après cette demande a été renouvelée par les demandes de retrait qu'il a déposées à LA POSTE de NEAUPHLE le 30 janvier 2002 ; Considérant que c'est donc bien à la date à laquelle Monsieur X... a donné l'ordre de virement de ses comptes CEL sur son compte courant CCP que la somme de 610,00 aurait due été créditée ; Considérant que LA POSTE ne peut sérieusement faire état de ce que cette somme n'était pas suffisante pour le découvert prévisible puisque l'autorisation de découvert de 200,00 permettait d'y remédier ; Considérant, dès lors, que le délai de trois semaines qui a suivi l'ordre de virement n'est pas justifié et l'on peut dire que LA POSTE a bien commis une faute en tardant à exécuter l'ordre écrit du 28 janvier 2002, réitéré le 30 janvier 2002 ; Considérant, par ailleurs, que Monsieur X... soutient que LA POSTE a commis également une faute en ne l'informant pas avant de rejeter le chèque des conséquences de l'interdiction bancaire dont il risquait de faire l'objet, en violation des dispositions de la loi MURCEF applicable aux chèques postaux ; Mais considérant que LA POSTE produit au débat le courrier qu'elle a adressé le 18 juin 2001 à Monsieur X... lorsqu'il a ouvert son compte courant postal et qui l'informe du montant du découvert autorisé (152,45 ) et des conditions générales d'utilisation de ce découvert dans lesquelles il est clairement mentionné que "le dépassement du montant ou de la durée du découvert
autorisé peut notamment vous exposer à un refus de paiement et à l'interdiction d'émettre des chèques (loi du 30 Décembre 1991) ainsi qu'à des frais. Cette situation entraîne l'annulation de l'autorisation de découvert" ; Considérant, ainsi, que l'appelant ne peut reprocher à LA POSTE de ne pas l'avoir informé des conséquences d'un défaut de provision et force est de constater que Monsieur X..., qui a su prévenir son Centre Financier dans les jours qui ont suivi l'émission de son chèque sans provision, ne pouvait ignorer les conséquences de cette émission ; Que c'est par ailleurs en toute connaissance de cause que Monsieur X... s'est porté acquéreur dans une vente aux enchères d'un matériel informatique à un prix d'adjudication dépassant ses liquidités et qui a été réglé avec un chèque postal qu'il savait non provisionné ; Considérant en conséquence que la Cour considère que tant LA POSTE que Monsieur X... ont tous deux commis une faute à l'origine du préjudice allégué et que chaque partie a contribué à ce préjudice à concurrence de moitié ; Sur le préjudice : Considérant que Monsieur X..., outre les frais bancaires inhérents à son interdiction bancaire, a eu plusieurs demandes de financement qui ont été refusées; Que sa carte bancaire lui a été retirée et que son téléphone portable (rechargeable par carte bancaire) est devenue inutilisable ; Que la gêne occasionnée par cette mesure d'interdiction bancaire pendant deux mois et demi est justifiée par les pièces contradictoirement versées au débat et justifie l'allocation d'une somme de 2000,00 à titre de dommages et intérêts Considérant toutefois que compte tenu du partage des responsabilités comme indiqué ci-dessus, LA POSTE ne sera condamnée à payer à Monsieur X... que la somme de 1000,00 en dédommagement de son préjudice ; Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et sur les dépens : Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de
procédure civile ; Que les dépens tant de première instance que d'appel seront supportés par LA POSTE. PAR CES MOTIFS : Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort. - Déclare l'appel recevable. - infirme le jugement entrepris, - Condamne LA POSTE à payer à Monsieur X... la somme de 1000 à titre de dommages et intérêts. - Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. - Condamne LA POSTE aux dépens de première 'instance et d'appel, avec pour ces derniers application des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile au profit de Maître Claire RICARD, Avoué. Arrêt prononcé et signé par Monsieur Charles LONNÉ, Président et par Madame Natacha Y..., Greffier présent lors du prononcé Le GREFFIER,
Le PRÉSIDENT,