COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 J.F.F./P.G. ARRET No Code nac : 92Z contradictoire DU 15 DECEMBRE 2005 R.G. No 04/06339 AFFAIRE : S.A.R.L. SOCIETE REUNION DISTRIBUTION OCEAN INDIEN "EUROCLOISONS RDOI" C/ S.A. SCHENKER Décision déférée à la cour :
Jugement rendu le 09 Juin 2004 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE No Chambre : 2ème No Section : No RG : 2003F01947 Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : SCP GAS SCP KEIME GUTTIN JARRY E.D. REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE QUINZE DECEMBRE DEUX MILLE CINQ, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : S.A.R.L. SOCIETE REUNION DISTRIBUTION OCEAN INDIEN "EUROCLOISONS RDOI" ayant son siège ..., agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentée par la SCP GAS, avoués - N du dossier 20040792 Rep/assistant : Me Y..., avocat au barreau de ST PIERRE (97). APPELANTE **************** S.A. SCHENKER ayant son siège ... 214 F, 92230 GENNEVILLIERS, agissant poursuites et diligences de son Président Directeur Général domicilié en cette qualité audit siège. représentée par la SCP KEIME GUTTIN JARRY, avoués - N du dossier 4000827 Rep/assistant : Me Philippe X..., avocat au barreau de PARIS. INTIMEE **************** Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 31 Octobre 2005 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Françoise LAPORTE, Président, Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller, Monsieur Denis COUPIN, conseiller, Greffier, lors des débats : Mme Marie-Thérèse GENISSEL, FAITS ET PROCEDURE : Durant la période comprise entre août
2001 et janvier 2002, la Société SCHENKER, commissionnaire en douane, a accompli, pour le compte de la Société REUNION DISTRIBUTION OCEAN INDIEN "EURO CLOISONS O1" des opérations de transit et de douane afférentes à des expéditions de marchandises (profilés en aluminium) au départ de LEVALLOIS-PERRET (92) et à destination de LA REUNION (97). L'exécution des formalités douanières par la Société SCHENKER l'a conduite à avancer pour le compte de sa cliente la taxe d'octroi de mer perçue au profit des collectivités locales des départements d'outre mer, et s'appliquant aux marchandises en provenance de métropole. Au motif que la Société RDOI avait refusé de prendre à sa charge plusieurs factures d'octroi de mer ainsi que des frais de surestaries, la Société SCHENKER l'a, par acte du 21 mars 2003, assignée en paiement de la somme principale de 14.309,75 ç, à titre de frais de transit et de douane, augmentée des intérêts légaux et des indemnités accessoires. La Société RDOI s'est opposée à cette demande en paiement, reprochant à son mandataire d'avoir classé les produits importés sous des positions tarifaires erronées, et de s'être acquittée des taxes litigieuses alors qu'elle remplissait les conditions légales pour en être exonérée. Par jugement du 09 juin 2004, le Tribunal de Commerce de NANTERRE a : - condamné la SARL REUNION DISTRIBUTION OCEAN INDIEN, "EURO CLOISON O1", à payer à la Société SCHENKER la somme de 14.309,75 ç, assortie des intérêts au taux légal à compter du 06 novembre 2002 ; - condamné la SARL REUNION DISTRIBUTION OCEAN INDIEN "EURO CLOISON O1" à payer à la Société SCHENKER la somme de 2.000 ç, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; - débouté les parties de toutes leurs autres demandes, et condamné la Société RDOI aux dépens. La Société REUNION DISTRIBUTION OCEAN INDIEN "EURO CLOISONS O1" a interjeté appel de cette décision. Elle expose que, par délibération du 19 février 1993, le Conseil Régional de la Réunion a exonéré de la taxe
d'octroi de mer les biens d'équipement, dans la mesure où ceux-ci figurent sur la liste des articles 50 undecies et 50 duodecies, ainsi que les matières premières. Elle fait valoir que toutes les importations réalisées par elle, via la Société SCHENKER, concernent des produits dont les codes douaniers (qu'il s'agisse de 76-04 ou de 76-10) sont au nombre de ceux visés par la liste édictée par l'article 50 duodecies de l'annexe IV du Code général des impôts, à l'exception des produits classés sous la position 35 06. Elle soutient qu'il importe peu que le code APE 515 F la concernant corresponde à l'activité de commerce de gros de matériaux de construction, dans la mesure où elle revendique le bénéfice de l'exonération d'octroi de mer sur le fondement de la délibération du Conseil Régional de la Réunion en date du 19 février 1993, non au titre des biens d'équipement visés au a) du II de l'annexe à ladite délibération, mais du chef des matières premières visées au b) du II de cette annexe. Elle estime qu'à supposer que les matériaux en cause relèvent de la position 76-10, et qu'il s'agisse de biens d'équipement, leur assujettissement à l'octroi de mer serait illégal, dès lors que la délibération susvisée du conseil régional ne pouvait, sans méconnaître le principe de la hiérarchie des normes, subordonner l'exonération d'octroi de mer à des conditions sectorielles non prévues par la loi du 17 juillet 1992. Elle en déduit que le paiement par la partie adverse des taxes d'octroi de mer litigieuses a constitué de la part de cette dernière une erreur de droit constitutive d'un manquement fautif dont il lui incombe de supporter les conséquences dommageables. Par voie de conséquence, elle demande à la Cour, en infirmant le jugement déféré, de dire que la délibération du 19 février 1993 de la Région Réunion imposant des conditions à l'exonération d'octroi de mer non prévues par la loi du 17 juillet 1992 est illégale, de constater que les taxes réclamées
par la Société SCHENKER ne sont pas légalement dues, et de débouter la Société SCHENKER de l'intégralité de ses prétentions. Elle demande acte qu'elle s'offre à payer la somme de 439 ç, correspondant aux seules taxes exigibles. Elle réclame la somme de 3.000 ç en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. La Société anonyme SCHENKER conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Société RDOI au paiement des frais de transit et de douane, augmentés des intérêts légaux. Elle indique avoir, à la demande de la société appelante, sollicité de l'administration douanière un remboursement partiel de l'octroi de mer pour un montant égal à 13.510 ç, en exposant que les profilés d'aluminium, qui avaient été déclarés sous la position tarifaire no 76-10, devaient être déclarés sous la position tarifaire no 76-04, et elle précise qu'il a été confirmé par cette administration que les produits litigieux avaient été correctement déclarés sous le no 76-10. Elle observe qu'il résulte de la délibération du Conseil Régional de la Réunion en date du 19 février 1993 que sont en particulier exclues du bénéfice de l'exonération des droits d'octroi de mer les introductions de biens destinés au commerce ou aux activités du bâtiment, lesquels correspondent au secteur d'activité de la société appelante. Elle souligne qu'à supposer que cette délibération soit déclarée illégale par la Cour, la Société RDOI ne pourrait alors se prévaloir d'aucune possibilité d'exonération d'octroi de mer, de telle sorte que cette annulation ne produirait aucun effet. Se portant incidemment appelante de la décision de première instance en tant qu'elle a rejeté sa demande de dommages-intérêts, elle sollicite la condamnation de la Société RDOI à lui verser une indemnité égale à 3.000 ç pour résistance abusive. Elle réclame en outre la somme de 3.000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. L'ordonnance de
clôture a été prononcée le 13 octobre 2005. MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la prétendue responsabilité du commissionnaire en douane :
Considérant que le commissionnaire en douane, professionnel spécialisé en la matière, est tenu de recueillir toutes les informations nécessaires afin d'effectuer des déclarations douanières conformes ; Considérant qu'il répond notamment des conséquences dommageables de l'erreur commise par lui au moment de la déclaration en douane, spécialement lorsque cette déclaration a été effectuée sous une position tarifaire erronée ; lorsque cette déclaration a été effectuée sous une position tarifaire erronée ; Considérant qu'en l'occurrence, la Société REUNION DISTRIBUTION OCEAN INDIEN avait à l'origine reproché à la Société SCHENKER, commissionnaire en douane, d'avoir déclaré les produits (profilés d'aluminium) importés à la position 76-10, alors que ceux-ci auraient dû faire l'objet d'une déclaration à la position 76-04 ("barres et profilés en aluminium"), ce qui avait entraîné un paiement partiellement injustifié de l'octroi de mer ; Considérant que, toutefois, dans sa réponse écrite en date du 1er août 2002 au recours formé par la Société SCHENKER à la demande de sa cliente, la Direction Générale des Douanes de LA REUNION a contesté le bien fondé de cette réclamation, en relevant que les marchandises importées, dès lors qu'elles sont préparées en vue de leur utilisation dans la construction, ne répondent pas à la définition des profilés en aluminium de la position tarifaire 76-04, et doivent être classés à la position tarifaire 76-10 ; Considérant qu'il s'ensuit que la société intimée, qui a régulièrement procédé à la déclaration des produits litigieux en fonction des éléments qui lui avaient été transmis par son mandant, ne peut voir sa responsabilité engagée pour avoir payé des droits d'octroi de mer sur la base d'une position tarifaire prétendument erronée ; Considérant que la Société REUNION DISTRIBUTION OCEAN INDIEN soutient que, quelle
que soit la position douanière retenue, la Société SCHENKER a commis une erreur de droit en acquittant indûment des taxes pour des importations qui auraient dû en être exonérées conformément à l'article 2.2 de la loi du 17 juillet 1992, lequel renvoie à la liste définie par les articles 50 undecies et 50 duodecies de l'annexe IV du Code général des impôts ; Considérant qu'à cet égard, la loi du 17 juillet 1992 relative à l'octroi de mer dispose (article 2.2) que :
"Les Conseils régionaux peuvent exonérer l'introduction de marchandises lorsqu'il s'agit : a) De produits figurant sur la liste prévue au a) du 5o de l'article 295 du Code général des impôts, et qui sont destinés à une personne exerçant une activité économique au sens de l'article 256 A du même code ; b) De matières premières destinées à des activités locales de production" ; Considérant qu'il apparaît en effet que les produits classés sous les numéros 76-04 à 76-06 et 76-09 à 76-11 figurent sur la liste, telle que mentionnée à l'article 50 duodecies de l'annexe IV du Code général des impôts, des marchandises dont l'importation dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion est susceptible de donner lieu à exonération ; Considérant qu'au surplus, il n'est pas contesté que la Société RDOI rentre dans la catégorie des entreprises exerçant sur le territoire du Département de la Réunion une activité économique industrielle au sens de la loi du 17 juillet 1992 ; Mais considérant qu'il s'infère d'une annexe à sa délibération du 19 février 1993 que le Conseil Régional de la Réunion, qui a décidé d'exonérer les introductions de biens d'équipement figurant sur la liste susvisée conformément à la faculté accordée par la disposition légale susvisée, a toutefois exclu du bénéfice de cette exonération les introductions de biens destinées à certains secteurs d'activité, en particulier le commerce et les activités du bâtiment et des travaux publics ; Or considérant qu'il est justifié par son code APE
515 F que la Société REUNION DISTRIBUTION OCEAN INDIEN exerce l'activité de "commerce de gros de matériaux de construction, appareils sanitaires" ; Considérant que la société appelante prétend vainement qu'outre son activité de commerce sous l'enseigne RDOI, elle assume une autre activité consistant dans la pose de cloisons sous l'enseigne EURO-CLOISONS ; Considérant qu'en effet, une telle activité ressortit au secteur de la construction, également exclu de l'exonération de l'octroi de mer par l'annexe susvisée à la délibération du 19 février 1993 ; Considérant que, d'ailleurs, dans sa réponse écrite du 1er août 2002, l'administration douanière a confirmé que les marchandises litigieuses correspondaient à des produits "préparés en vue de leur utilisation dans la construction" ; Considérant qu'il en résulte que la Société RDOI exerce une activité de commerce, portant sur des marchandises destinées à une utilisation dans le secteur du bâtiment, expressément exclue du bénéfice de l'exonération par la délibération du Conseil Régional de la Réunion ; Considérant que la société appelante n'est pas davantage fondée à revendiquer le bénéfice de l'exonération d'octroi de mer au titre des matières premières visées au b) de l'annexe à la délibération du 19 février 1993, au motif que les causes d'exclusion prévues par cette annexe ne s'appliquent pas à l'importation des matières premières ; Considérant qu'en effet, elle ne justifie pas avoir informé son mandataire que les produits importés, à les supposer assimilables à des matières premières, étaient destinés à son activité locale de production au sens de la législation susvisée (en l'occurrence, le montage de cloisons amovibles), et non à son activité de commerce ; Considérant qu'aux termes de ses dernières écritures, la Société RDOI demande à la Cour de constater l'illégalité de la délibération du Conseil Régional en date du 19 février 1993, en tant que cette délibération subordonne l'exonération d'octroi de mer à des
conditions d'activités sectorielles non prévues par la loi du 17 juillet 1992 ; Mais considérant que la loi du 17 juillet 1992 réserve aux conseils régionaux une simple faculté d'exonération d'octroi de mer pour l'introduction de marchandises répondant aux conditions édictées par l'article 2 2 a) de cette loi; Considérant que, dans la mesure où les conseils régionaux sont en vertu de cette disposition légale libres de n'accorder aucune exonération, la société appelante n'explique pas en quoi la délibération en cause dans la présente instance serait critiquable pour avoir soumis le bénéfice de ladite exonération à des conditions supplémentaires non expressément interdites par la législation en vigueur ; Considérant qu'au demeurant, si la délibération du Conseil Régional de la Réunion devait être déclarée illégale, il faudrait alors en conclure que la Société RDOI ne peut se prévaloir d'aucune exonération du droit d'octroi de mer, celle-ci ayant été consentie par cette collectivité locale en violation de la norme supérieure ; Considérant que, dès lors qu'au regard de ce qui précède, le commissionnaire en douane n'a pas commis de faute dans l'établissement des déclarations douanières, ni engagé sa responsabilité en acquittant des taxes d'octroi de mer dont la société appelante ne pouvait légitimement prétendre être exonérée, il convient, en confirmant par substitution partielle de motifs la décision entreprise, de dire que la Société REUNION DISTRIBUTION OCEAN INDIEN est redevable envers la Société SCHENKER de la somme de 13.510 ç, dont le paiement a été avancé par cette dernière à l'administration des douanes ; Considérant que c'est également à bon droit que le Tribunal a accueilli la réclamation de la société intimée ayant trait aux surestaries, laquelle n'est contestée ni dans son principe, ni dans son montant à hauteur de 799,75 ç ; Considérant qu'il y a donc lieu, en confirmant le jugement déféré, de condamner la Société RDOI à payer à la Société SCHENKER la
somme globale de 14.309,75 ç, majorée des intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2002, date de la mise en demeure. Sur les demandes complémentaires et annexes : Considérant qu'en l'absence de preuve que la résistance opposée par la Société REUNION DISTRIBUTION OCEAN INDIEN a généré pour la société intimée un préjudice distinct de celui déjà indemnisé par l'allocation des intérêts légaux, il convient, en confirmant également de ce chef le jugement entrepris, d'écarter l'appel incident de la Société SCHENKER, et de débouter cette dernière de sa demande de dommages-intérêts sur ce fondement ; Considérant que l'équité commande d'allouer à la Société SCHENKER une indemnité complémentaire de 1.500 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Considérant qu'il n'est cependant pas inéquitable que la société appelante conserve la charge des frais non compris dans les dépens exposés par elle dans le cadre de la présente instance ; Considérant que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a condamné la Société REUNION DISTRIBUTION OCEAN INDIEN aux dépens de première instance ; Considérant que cette dernière, qui succombe en son recours, doit être condamnée aux dépens d'appel. PAR CES MOTIFS Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Déclare recevable l'appel interjeté par la Société REUNION DISTRIBUTION OCEAN INDIEN "EURO CLOISONS OI", le dit mal fondé ; Déclare mal fondé l'appel incident de la Société SCHENKER ; Confirme par substitution partielle de motifs le jugement entrepris ; Y ajoutant : Condamne la Société REUNION DISTRIBUTION OCEAN INDIEN à payer à la Société SCHENKER la somme complémentaire de 1.500 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la Société REUNION DISTRIBUTION OCEAN INDIEN aux dépens d'appel, et Autorise la SCP KEIME GUTTIN JARRY, Société d'Avoués, à recouvrer directement la part la concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699
du nouveau Code de procédure civile. Arrêt prononcé par Madame Françoise LAPORTE, Président, et signé par Madame Françoise LAPORTE, Président et par Mme Marie-Thérèse GENISSEL, greffier, présent lors du prononcé Le GREFFIER, Le PRESIDENT,