COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 63B
1ère chambre
1ère section
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 07 SEPTEMBRE 2006
R.G. No 05/02926
AFFAIRE :
Lucien X...
C/
Me Rémy Y...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Mars 2005 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
No chambre : 1
No Section :
No RG : 4895/03
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
SCP LEFEVRE
SCP KEIMEREPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE SIX,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur Lucien Nessim X...
né le 06 Janvier 1942 à SIDI BEL ABBES (Algérie)
... et actuellement ...
représenté par la SCP LEFEVRE TARDY & HONGRE BOYELDIEU Avoués - N du dossier 250249
Rep/assistant : Me Hélène BOULY (avocat au barreau de VERSAILLES)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2005/003695 du 22/06/2005 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)
APPELANT
****************
Maître Rémy Y...
...
représenté par la SCP KEIME GUTTIN JARRY Avoués - N du dossier 05000420
Rep/assistant : la SCP RAFFIN (avocats au barreau de PARIS)
INTIME
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 Mai 2006 devant la cour composée de :
Madame Francine BARDY, président,
Madame Lysiane LIAUZUN, conseiller,
Madame Françoise SIMONNOT, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULTMonsieur X... qui contestait devant le conseil des prud'hommes de Paris la mesure de licenciement de son employeur, l'INCM, prononcé le 30 janvier 1997, a pris contact, en cours de procédure , avec maître Y... lequel a accepté au titre de l'aide juridictionnelle, de l'assister dans la conduite d'une plainte pénale qu'il entendait engager à l'encontre des deux personnes qui avaient établi des attestations produites devant le conseil des prud'hommes par son employeur, attestations dont il dénonçait la fausseté.
Maître Y... déposait plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Paris, assistait monsieur X... lors de l'instruction, laquelle aboutissait à une décision de non lieu confirmé , sur appel de monsieur X..., par la chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris aux termes d'un arrêt en date du 27 juin 2000.
C'est dans ces circonstances que monsieur X... assignait maître Y... le 6 mai 2003 devant le tribunal de grande instance de Versailles aux fins de mettre en jeu sa responsabilité civile professionnelle, action dont il a été débouté par jugement prononcé le 8 mars 2005.
Appelant, monsieur X... conclut aux termes de ses dernières écritures en date du 5 avril 2006 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, à l'infirmation du jugement et prie la cour, statuant à nouveau, de constater les manquements de son ancien conseil et de le condamner à lui payer la somme de 1 € de dommages et intérêts, subsidiairement d'ordonner l'audition du juge en charge de l'instruction pour avoir une meilleure appréciation des défaillances de son conseil, en tout état de cause de débouter maître Y... de sa demande de dommages et intérêts.
Intimé, maître Y... conclut aux termes de ses dernières écritures en date du 30 mars 2006 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, à la confirmation du jugement et prie la cour, ajoutant au jugement, de condamner monsieur X... à lui payer la somme de 5000 € de dommages et intérêts pour appel abusif et celle de 3000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
SUR CE
Considérant que monsieur X... fait grief à son conseil de ne pas l'avoir assisté dans le cadre de l'instruction avec la diligence et le souci de ses intérêts, d'avoir été passif, de ne pas avoir crû au bien fondé de sa plainte, de ne pas notamment lui avoir fait signer la plainte et ne pas lui avoir dénoncé la composition du dossier ,de l'avoir privé d'une confrontation avec monsieur B... son supérieur hiérarchique, de ne pas avoir pris l'initiative de solliciter des actes , d'avoir refusé de répondre à ses interrogations, d'avoir omis d'intervenir devant le juge qui le mettait pratiquement en accusation, de ne pas avoir pris l'initiative de se déporter alors qu'il ne croyait plus à sa cause, d'avoir ainsi manqué au devoir de conseil et d'information, en ne lui donnant pas son avis sur l'opportunité d'engager cette procédure, de ne pas l'avoir informé sur le sens et la portée de l'avis de fin d'instruction, de telle sorte qu'il a dû s'adresser directement au juge d'instruction, d'avoir manqué d'impulsion à donner à l'enquête, d'avoir commis des négligences relativement à la communication des pièces du dossier d'instruction, de telle sorte qu'il n'a pu préparer son audition utilement ;
Considérant que la mission d'assistance en justice emporte pouvoir et devoir de conseiller la partie et qu'il incombe à l'avocat de rapporter la preuve qu'il a exécuté son obligation particulière d'information, de conseil et de diligence dans la défense des intérêts de son client ;
Considérant qu'aucun reproche ne saurait être fait à maître Y... dans le choix de la procédure engagée , la plainte avec constitution de partie civile visant les personnes dont monsieur X... prétendait devant le conseil des prud'hommes, qu'elles avaient délivré des attestations constituant un faux, étant la procédure la plus appropriée aux faits de l'espèce, et a permis à monsieur X... d'obtenir un sursis à statuer devant le conseil des prud'hommes qu'il avait saisi de la contestation de son licenciement ;
que contrairement à ce que l'appelant affirme, maître Y... lui a soumis le 15 janvier 1999 le projet de plainte, qu'il a dans le même temps fait les diligences pour obtenir sa désignation au titre de l'aide juridictionnelle qui a été accordée à son client ;
que le 8 octobre 1998 il a avisé monsieur X... de sa convocation devant le magistrat instructeur, l'informant du caractère impératif de sa présence et qu'il l'assisterait ;
que le procès-verbal d'audition du 20 octobre 1998 ne fait pas apparaître que monsieur X... qui a pu s'exprimer, ait été en quelconque difficulté, ayant répondu aux questions du magistrat relativement à l'exercice de ses fonctions, ce qui était nécessaire pour apprécier le degré de son autonomie dans son travail, au vu des attestations litigieuses qui relataient qu'il n'avait jamais donné directement de courriers à taper aux secrétaires lesquelles déclaraient le faire sur instruction et remise de monsieur B..., que monsieur X... a affirmé devant le juge d'instruction qu'il avait bien signé les lettres dactylographiées par ces secrétaires, ajoutant que c'est monsieur B... qui remettait le courrier aux secrétaires ;
que le 15 avril 1999, maître Y... écrivait au juge d'instruction pour demander un tirage des pièces nouvelles du dossier depuis l'interrogatoire du 20 octobre ;
que le 30 avril 1999 le magistrat instructeur répondait n'avoir aucun acte ou élément nouveau dans le dossier, maître Y... ne pouvant être tenu responsable de l'état d'avancement de la procédure ;
que le 3 mai 1999 le magistrat instructeur avisait de la fin de la procédure et la transmission au parquet, en application de l'article 175 du nouveau code de procédure pénale, que le 4 mai il avisait maître Y... de ce qu'une commission rogatoire était toujours en cours ;
que le 7 mai maître Y... informait son client de cette situation et de ce que la commission rogatoire en cours n'était pas encore rentrée et l'invitait à la patience, maître Y... ne pouvant être tenu pour responsable de ces délais ;
qu'à nouveau le 10 mai 1999 maître Y... s'étonnait auprès du juge d'instruction de l'avis de notification des dispositions de l'article 175 du code de procédure pénale, et sollicitait la communication d'un tirage des pièces de fond côtées D 95 à D 112 ;
qu'il dénonçait dans une lettre du 19 mai 1999 au juge d'instruction la violation de la loi pénale, des droits de son client, et réclamait l'audition des secrétaires et celle de monsieur B... ;
que le juge d'instruction lui répondait le 28 mai 1999, l'informant de son intention de donner suite à sa demande présentée dans les formes requises, tout en l'avisant que monsieur X... avait pris directement contact avec elle pour indiquer souhaiter changer de conseil ;
que le 1er juin 1999 maître Y... écrivait au juge d'instruction pour soutenir la recevabilité de sa demande d'acte, son intention d'interroger son client sur le choix d'autre conseil, et réitérait sa demande de pièces, qu'il tenait monsieur X... au courant de ses démarches, comme le prouve le courrier adressé à ce dernier le 1er juin 1999 ;
que le 10 septembre 1999 maître Y... faisait une nouvelle demande de copies auprès du juge d'instruction et obtenait l'audition de son client organisée le 22 décembre 1999 ;
que maître Y... avisait le 15 décembre 1999 le juge d'instruction que sa demande de communication des pièces n'avait toujours pas été satisfaite ;
que maître Y... avisait son client de la réception des pièces à la suite de l'audition tenue le 22 décembre 1999, l'invitant à en prendre connaissance à son cabinet et l'informant qu'il en ressortait que s'il avait au début de ses fonctions une certaine autonomie, il avait été l'objet par la suite d'un contrôle systématique de sa hiérarchie, que ces documents pouvaient lui être utiles dans son procès civil ;
qu'enfin maître Y... a demandé au juge d'instruction une nouvelle audition laquelle lui a été refusée le 12 janvier 2000, le juge d'instruction expliquant que le fait de ne pas avoir pu consulter les pièces avant l'audition du 22 décembre 1999, ne pouvait justifier cette demande, ajoutant, ce qui est singulier, que maître Y... aurait dû mettre à profit le retard pris par le juge dans la conduite de ses auditions pour étudier le dossier, dont les pièces étaient réclamées depuis plusieurs semaines ;
que le 8 février 2000, une ordonnance de non lieu était rendue laquelle a été confirmée par la chambre d'instruction sur l'appel exercé par monsieur X..., maître Y... l'ayant avisé le 10 février du délai pour exercer recours, de ses réticences sur les chances de succès d'un recours, en relevant que devant le juge d'instruction, monsieur X... avait admis n'avoir jamais remis directement aux secrétaires de courriers à taper, puisqu'il remettait les courriers qu'il préparait à monsieur B... qui seul disposait du pouvoir de les donner à taper aux secrétaires , de telle sorte que la fausseté alléguée des attestations, tombait d'elle-même ;
que l'appel n'a d'ailleurs pas prospéré ;
Considérant qu'il suit de ce rappel que maître Y... justifie des diligences accomplies dans la conduite de l'affaire pénale pour laquelle il prêtait assistance à monsieur X... dont les griefs formés contre son ancien conseil, sont dénués de tout fondement ;
Considérant que monsieur X... n'apporte d'ailleurs aucun élément établissant que maître Y... n'aurait pas rempli ses devoirs ;
Qu'il ne saurait solliciter de la Cour l'audition du juge d'instruction lequel est étranger aux relations nées entre l'avocat et son client, cette mesure ne pouvant être utile en quelque façon que ce soit à la connaissance du litige ;
que le jugement sera en conséquence confirmé pour avoir dit que les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité civile de l'intimé n'étaient pas réunies, faute de preuve d'une faute ;
Considérant que les premiers juges ont parfaitement caractérisé l'abus de droit commis par monsieur X... qui a porté des accusations graves contre son ancien conseil, sans fondement aucun, par simple refus de tirer les conséquences inéluctables d'une mauvaise cause ;
qu'en interjetant appel dans les mêmes circonstances et en réitérant devant la cour les mêmes griefs dont le tribunal avait fait litière par une décision motivée en droit comme en fait, sans justifier d'un quelconque élément nouveau, monsieur X... a commis à nouveau un abus du droit d'ester en justice, son appel étant voué manifestement à l'échec, maître Y... étant fondé à obtenir sa condamnation à lui verser la somme de 2000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
que monsieur X... qui succombe dans son appel et doit supporter les dépens, doit être condamné à indemniser maître Y... des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer à nouveau en appel ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en audience publique par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE monsieur X... à payer à maître Y... la somme de 2000 € de dommages et intérêts par application de l'article 1382 du code civil et la somme de 1500 € par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
CONDAMNE monsieur X... aux dépens lesquels pourront être recouvrés directement conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile et à la loi de l'aide juridictionnelle.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
- signé par Madame Francine BARDY, président et par Madame RENOULT, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,