COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 80CH.L./E.W. 5ème chambre B ARRET No CONTRADICTOIRE DU 21 SEPTEMBRE 2006 R.G. No 05/03413 AFFAIRE : Michel X... C/ SCP BROUARD - DAUDE - Mandataire liquidateur de la S.A.R.L. CINI, Adama Y..., UNEDIC AGS CGEA LEVALLOIS PERRET IDF OUEST Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Avril 2005 par le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT Section :
Commerce No RG : 03/00882 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE VINGT ET UN SEPTEMBRE DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Monsieur Michel X...
... 92120 MONTROUGE représenté par Me Stéphane MORER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K105 substitué par Me Alexis CROIX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P295 APPELANT [****************] SCP BROUARD - DAUDE - Mandataire liquidateur de la S.A.R.L. CINI 34, rue Sainte Anne 75001 PARIS représentée par Me Georges-Henri LAUDRAIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A 174 substitué par Me Pquerette CHARDIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A 174 Monsieur Adama Y...
... 93800 EPINAY SUR SEINE comparant en personne, assisté de Me Sandrine HENRY-GUILLERMARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B 998 UNEDIC AGS CGEA LEVALLOIS PERRET IDF OUEST 90, Rue Baudin 92309 LEVALLOIS-PERRET CEDEX représentée par Me Hubert DE FREMONT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 substitué par Me Séverine MAUSSION, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 133 INTIMÉS [****************] Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Juin 2006, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Emmanuelle WURTZ, vice-président placé chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé de
:
Madame Jeanne MININI, président,
Monsieur Jacques CHAUVELOT, conseiller,
Madame Emmanuelle WURTZ, vice-président placé, Greffier, lors des débats : Mme Christiane PINOT
FAITS ET PROCÉDURE,
M. Michel X..., marchand de biens est dirigeant de dix huit sociétés civiles et commerciales ayant pour vocation d'effectuer des opérations immobilières, soit en rénovation, soit en gestion locative.
En décembre 1993, M. X... a créé une société CINI - CONSORTIUM D'INVESTISSEMENT ET DE NEGOCE IMMOBILIER- exploitant une activité de marchand de biens.
Par contrat à durée indéterminée en date du 10 octobre 2000, M. Adama Z... a été engagé en qualité de maçon par la société CINI.
Par jugement réputé contradictoire du tribunal de commerce de Paris en date du 16 mai 2002, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à la demande de l'URSSAF à l'encontre de la société CINI et la SCP BROUARD-DAUDE désignée en qualité de représentant des créanciers et mandataire liquidateur.
Malgré cette décision, M. Y... a continué à travailler sous les instructions de M. X.... Constatant qu'il ne percevait plus ses salaires à compter du 1er avril 2003, il a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt, aux fins de voir fixer ses créances au passif de la société CINI, les garantir par l'AGS-CGEA et aux fins de voir condamner solidairement M. X... au paiement des sommes fixées, outre un rappel de salaire du 1er avril au 16 mai 2003, une indemnité de congés payés du 16 mai 2002 au 16 mai 2003,
une indemnité de préavis, les congés payés y afférents, une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, des dommages et intérêts pour rupture abusive, subsidiairement une indemnité pour travail dissimulé et enfin une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par jugement en date du 22 avril 2005, le conseil de prud'hommes statuant en sa formation de départage a considéré qu'il y avait eu transfert du contrat de travail de M. Y... entre les mains de M. X..., personne physique, en application de l'article L 122-12 du code du travail et une rupture du contrat aux torts de l'employeur qui avait manqué à ses obligations contractuelles en cessant de régler les salaires dus et en employant le salarié dans des conditions de travail dissimulé.
M. X... a été condamné à payer à M. Y... les sommes suivantes
- 2618,15 euros à titre de rappel de salaires entre le 1er avril et le 16 mai 2003,
- 2094,52 euros à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés pour la période de mai 2002 à mai 2003,
- 3490,86 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 349,08 euros au titre des congés payés y afférents
- 1745,43 euros à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,
- 17 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive
- 750 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Il a également été condamné à remettre à M. Y... des bulletins de paie de décembre 2002 à mai 2003, un certificat de travail et une attestation ASSEDIC conformes au jugement. Le surplus des demandes a été rejeté.
M. X... a régulièrement interjeté appel de la décision.
Par conclusions déposées et soutenues à l'audience du 16 juin 2006, il demande à la cour de :
- confirmer le jugement de départage en ce qu'il a débouté M. Y... de ses demandes de condamnation au titre du travail dissimulé,
- constater que les dispositions de l'article L 122-12 du code du travail ne sont pas respectées,
- infirmer le jugement sur le surplus,
- débouter M. Y... de l'intégralité de ses demandes,
Il expose qu'il n'y a aucune raison de considérer qu'il y a eu continuité du contrat de travail de M. Y... à son bénéfice, le salarié étant toujours lié par contrat à la société CINI et la liquidation judiciaire n'entraînant pas de facto la cessation du dit contrat ; qu'en effet, le mandataire liquidateur a, dès sa nomination, la possibilité de licencier ou de maintenir la relation contractuelle ; qu'à défaut de rupture du contrat de travail, le salarié est en droit de voir constater le maintien de la relation contractuelle avec la société représentée par le mandataire liquidateur.
Il précise que dans l'hypothèse d'une société en liquidation judiciaire, l'application de l'article L 122-12 du code du travail ne peut se faire qu'après un rapprochement entre le cessionnaire et l'acquéreur et une cession totale ou partielle, judiciairement autorisée ou ordonnée de l'entreprise en difficulté en application des articles L 621 et suivants du code de commerce et sous réserve que l'activité transférée constitue une entité économique autonome ; qu'en l'espèce, il n'existait aucun rapprochement entre M. X... et le liquidateur judiciaire pour qu'il soit procédé à la cession d'une entité économique autonome, conservant son identité ; qu'il n'y a pas davantage eu d'autorisation judiciaire.
Il fait valoir en outre que si la présence des moyens propres à
l'activité transférée constitue une condition essentielle, elle ne suffit pas à caractériser l'existence d'une entité économique ; qu'une telle entité exige également des moyens corporels ou incorporels ; qu'en l'espèce, l'ensemble des moyens corporels et incorporels se trouvait toujours dans le patrimoine de la société CINI ; que de ce fait, M. Y... ne peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article L 122-12 du code du travail.
Il sollicite subsidiairement sa mise hors de cause, sa responsabilité en qualité de gérant ne pouvant être engagée que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions ; que les obligations déclaratives des salariés sont partie intégrante du rôle du dirigeant d'une entreprise et nullement détachables de ses fonctions.
S'agissant de sa condamnation pour travail dissimulé, M. X... expose que M. Y... ne rapporte nullement la preuve du caractère intentionnel de la faute reprochée ; que le juge départiteur a également procédé par déduction sans relever le caractère intentionnel de l'infraction qui n'a d'ailleurs pas été retenu par le tribunal correctionnel.
Par conclusions déposées et soutenues à l'audience du 16 juin 2006, M. Y... demande à la cour de :
- confirmer le jugement en date du 22 avril 2005,
- confirmer l'ordonnance de référé du 24 mai 2004,
- y ajoutant, condamner M. X... et de tout succombant à lui régler la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Il soutient que postérieurement à la liquidation de l'entreprise dont il était le gérant, M. X... est devenu en toute connaissance de cause son employeur, lui réglant ses salaires avec des chèques personnels ou émis sur le compte de ses proches, ce jusqu'en février et mars 2003 ; qu'il a continué à lui donner des directives jusqu'à
la mi mai 2003 ; que lors de l'audience de conciliation, il s'est engagé à régler les salaires impayés avant le 31 décembre 2003 et à fournir les documents légaux réclamés, précisant qu'il attendait son immatriculation en tant qu'employeur ; que ce ci est constitutif d'un aveu judiciaire sur lequel il ne peut revenir conformément aux dispositions de l'article 1356 du code civil ; qu'enfin, alors même qu'il a reconnu avoir été informé dès janvier 2003 qu'il se trouvait dessaisi de ses fonctions de gérant de la société CINI du fait de sa liquidation judiciaire, il a persisté à émettre de faux bulletins de salaires et de faux certificats de travail à en tête de cette dernière.
Il rappelle qu'aucun licenciement n'a été prononcé ; qu'il y avait lieu de faire application des dispositions de l'article L 122-12 du code du travail dans la mesure où un transfert avait eu lieu au sein d'une entité économique autonome, en l'espèce les six salariés et leur dirigeant ainsi que les éléments corporels et incorporels tels la clientèle et l'entrepôt, pour permettre l'exercice d'une activité économique poursuivant un objectif propre, à savoir la rénovation et l'entretien de biens immobiliers appartenant au dirigeant.
Subsidiairement, il expose que si la liquidation judiciaire n'entraîne pas en soi la rupture du contrat de travail, ce dernier ne peut se poursuivre que dans deux hypothèses qui ne sont pas applicables en l'espèce : une autorisation temporaire de poursuite d'exploitation de l'activité par le tribunal de commerce ou une cession totale ou partielle judiciairement autorisée ou ordonnée en application de l'article L 621 du code de commerce ; qu'il est donc nécessaire de caractériser les conditions et la date de la rupture ; qu'en l'espèce, il y a lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail en raison du manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles ; que c'est l'infraction de travail
dissimulé par dissimulation d'activité qui est reprochée à la S.A.R.L. CINI laquelle n'a pas procédé aux déclarations réglementaires auprès de l'URSSAF ; que la volonté de fraude est manifeste et se déduit de l'accumulation des omissions ; que l'omission pour un employeur de déclarer un salarié aux organismes sociaux pendant toute sa période d'activité constitue un manquement à ses obligations contractuelles justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail au plus tard au 15 mai 2002.
Il argue plus subsidiairement que le mandataire liquidateur, en ne procédant pas aux vérifications qui s'imposent auprès de l'URSSAF pour procéder au licenciement des salariés, les a privés de la possibilité d'être pris en charge par les ASSEDIC et du paiement effectif des indemnités qui leur sont dues ; que le mandataire a ainsi commis une faute justifiant la rupture du contrat de travail au plus tard 15 jours après l'ouverture de la liquidation judiciaire.
Il précise encore plus subsidiairement, que la liquidation judiciaire a entraîné la disparition de la personne morale employeur ; qu'en conséquence, le contrat de travail doit être déclaré rompu au plus tard le jour de cette disparition, soit le 16 mai 2002 ; que dans ces conditions, le salarié est fondé en sa demande d'indemnité légale découlant de la rupture, ainsi que des créances salariales dues en exécution du contrat.
S'agissant de la garantie par l'AGS CGEA, M. Y... expose que si la cour prononce la résiliation du contrat de travail à une date antérieure à la liquidation judiciaire, les indemnités consécutives doivent être garanties sans discussion ; que si la date de rupture est postérieure, il a été jugé que l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L 324-11-1 du code du travail doit être garantie lorsque l'employeur n'a pas exécuté correctement le contrat de travail en méconnaissant ses obligations déclaratives et en privant le salarié
de sa couverture sociale.
Sur la condamnation solidaire de M. X..., il indique que le gérant de sociétés commerciales est responsable envers la société et les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives et réglementaires applicables, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans sa gestion en application des dispositions de l'article L 223-22 du code de commerce ; qu'en l'espèce, il est démontré par les pièces versées aux débats que M. X... a éludé systématiquement pendant près de trois ans le paiement des cotisations sociales, n'a pas respecté les dispositions réglementaires applicables au registre du commerce et des sociétés et a enfin continué à exercer en tant que gérant alors qu'il avait fait l'objet d'une interdiction ; qu'il devra donc être solidairement tenu au paiement des éventuelles condamnations prononcées et fixées au passif de la société CINI.
Il précise que quelle que soit la date de rupture retenue par la cour, M. X... devra être déclaré entièrement responsable comme ayant cessé de remplir ses obligations contractuelles ; qu'il s'est en outre rendu coupable sur la période postérieure au 16 mai 2002 de l'infraction de travail dissimulé ; qu'il y a donc lieu de confirmer l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre.
Par conclusions déposées et soutenues à l'audience du 16 juin 2002, la SCP BROUARD DAUDE es qualité de mandataire liquidateur de la société CINI demande à la cour :
- confirmer le jugement dont appel,
- subsidiairement, rejeter toutes les demandes de M. Y...,
- le condamner au paiement de la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- condamner en tout état de cause M. X... à lui régler la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de
procédure civile,
- condamner M. Y... aux dépens.
Elle expose que les bulletins de salaires produits font apparaître une adresse de siège social qui n'a jamais été celle du siège de la société CINI mais correspond à celle de plusieurs sociétés dirigées par M. X... ; que les paiements étaient effectués par des chèques au nom de M. X... ou de la SCI VOLTAIRE ; que c'est pourquoi le conseil a considéré à juste titre que M. X... était tenu d'assumer ses obligations en tant qu'employeur, personne physique.
Subsidiairement elle argue que lors du prononcé de la liquidation judiciaire le 16 mai 2002, elle n'avait pas connaissance de l'existence de salariés ; que ce n'est que le 25 juillet 2003, qu'elle a découvert cette difficulté ; qu'elle ne pouvait donc pas procéder dans les quinze jours de la liquidation judiciaire de la société au licenciement des salariés qu'elle ignorait.dans les quinze jours de la liquidation judiciaire de la société au licenciement des salariés qu'elle ignorait.
Par conclusions déposées et soutenues à l'audience du 16 juin 2006, l'UNEDIC demande à la cour de :
- de dire et juger que seul M. X... peut être concerné par l'ensemble des réclamations de M. Y...,
- constater que le mandataire liquidateur n'a pas procédé à son licenciement dans le délai de quinze jours de la liquidation judiciaire,
- en conséquence, mettre hors de cause l'AGS s'agissant des indemnités de rupture sollicitées et des créances salariales postérieures de plus de quinze jours à la liquidation judiciaire,
- mettre hors de cause l'AGS s'agissant des frais irrépétibles de la procédure et de dommages et intérêts pour non reversement des cotisations sociales,
- subsidiairement, fixer l'éventuelle créance allouée au salarié au passif de la société,
- dire que le CGEA Ile de France Ouest, en sa qualité de l'AGS, ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 143-11-1 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 143-11-7 et L 143-11-8 du code du travail,
- en tout état de cause, dire que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.
Elle rappelle qu'elle ne garantit que les créances qui résultent de l'exécution du contrat de travail ou de sa rupture, dès lors que celle ci est intervenue dans le délai de quinze jours de la liquidation judiciaire ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, dans la mesure où le liquidateur n'a pas procédé au licenciement économique de M. Y... ; que l'arrêt d'activité de la société CINI consécutif au prononcé de sa liquidation n'entraîne pas la rupture des contrats de travail ; qu'en tout état de cause, l'action ne peut conduire qu'à la fixation d'une créance salariale au passif de la société et la garantie de l'AGS n'est appelée qu'à titre subsidiaire, dans la limite d'un montant maximal correspondant à un mois et demi de salaire.
Pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties, la cour, conformément aux dispositions de l'article 455 du nouveau code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ainsi qu'aux prétentions orales telles qu'elles sont rappelées ci dessus.
MOTIFS, Sur l'application de l'article L 122-12 du code du travail :
Considérant qu'aux termes de l'article L 122-12, al 2 du code du travail, s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ;
Considérant que ces dispositions s'appliquent lorsqu'il y a transfert d'une entité économique autonome conservant son identité propre et dont l'activité est poursuivie ou reprise ;
Considérant que l'article susvisé a également vocation à s'appliquer à toutes les cessions opérées dans le cadre d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire ;
Considérant que dans le cadre d'une liquidation judiciaire, le mandataire liquidateur procède aux licenciements en application des articles L 622-4, L 622-5 et L 622-10 du code de commerce ; que toutefois, si la liquidation donne lieu à la cession d'une unité de production et porte sur une entité économique autonome, le contrat de travail se poursuit avec le repreneur par l'effet de l'article L 122-12 du code du travail et le licenciement par le mandataire liquidateur est privé d'effet ;
Considérant qu'en l'espèce, la liquidation judiciaire est intervenue sans qu'aucun licenciement des salariés par le mandataire liquidateur ne soit intervenu, ce dernier faisant état de son ignorance de l'existence de personnel dans la société CINI laquelle n'a pas comparu à l'audience devant le tribunal de commerce ; qu'il n'y a pas davantage eu de cession d'unité de production de l'entreprise en difficulté ; que M. Y... lui même argue n'avoir été informé de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire qu'en janvier
2003, date à laquelle il s'est étonné de recevoir le règlement de sa paie, par chèques émanant d'autres sociétés ;
Considérant qu'il n'est cependant pas contesté que M. Y... a continué à travailler sur des chantiers après le jugement de liquidation judiciaire de la société CINI et pendant plusieurs mois, sous les ordres de M. X... qui l'a reconnu devant le conseil de prud'hommes ;
Considérant que pour faire application des dispositions de l'article L 122-12 al 2 du code du travail, les premiers juges ont relevé que M. X... a continué à employer des ouvriers, à leurs délivrer des bulletins de salaires à en tête de la société CINI jusqu'au mois de novembre 2002 et à les rémunérer soit sur ses comptes personnels ou ceux de membres de sa famille jusqu'en mars 2003 ; que M. Y... a ainsi poursuivi son activité sous la subordination de M. X..., personne physique, sur les mêmes chantiers et sans modification de ses conditions de travail et de salaire ;
Considérant qu'il convient donc de confirmer le jugement et de dire que le contrat de travail en cours a été transféré à M. X..., personne physique, dans le cadre d'une application volontaire de l'article L 122-12 du code du travail puisqu'il résulte de l'ensemble des documents produits aux débats : - que M. X... a poursuivi à titre personnel une activité de rénovation et d'entretien d'immeubles postérieurement à la liquidation judiciaire de la société CINI, - qu'il a donné des instructions à son salarié bien après eu connaissance du placement de la société CINI en liquidation judiciaire ; Sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences financières :
Considérant qu'il est établi et non contesté que des salaires de M. Y... sont restés impayés et que M. X... a cessé de lui fournir du travail, en contravention avec ses obligations contractuelles
fondamentales d'employeur ; qu'il n'a pas davantage procédé à une déclaration préalable à l'embauche de son salarié ni à sa propre immatriculation auprès de l'URSSAF en qualité d'employeur de personnel ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la rupture du contrat de travail lui était imputable et ouvrait droit à des dommages et intérêts pour rupture abusive ;
Considérant que cette rupture est intervenue sans respect des dispositions des articles L 122-14 et suivants du code du travail, au préjudice d'un salarié disposant d'une ancienneté de plus de quatre ans dans une entreprise comportant six salariés ; qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande d'indemnisation de M. Y... au titre de la rupture abusive dans les conditions édictées à l'article L 122-14-5 du code du travail ;
Considérant que M. Y... justifie n'avoir bénéficié d'une prise en charge par les ASSEDIC qu'à compter du 3 janvier 2005 ; qu'il est resté plusieurs mois sans revenu ; que les cotisations de sécurité sociale et de retraite complémentaire sont restées impayées par son employeur ; que la cour a les éléments suffisants pour lui allouer une somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et au titre de l'irrégularité de procédure ; que le jugement sera donc infirmé ;
Considérant que le jugement sera confirmé pour le surplus des sommes allouées au titre du rappel de salaires pour la période du 1er avril au 16 mai 2003, du solde d'indemnité compensatrice de congés payés pour la période de mai 2002 à mai 2003, de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents, de l'indemnité conventionnelle de licenciement (somme omise dans le dispositif du jugement) ; Sur la mise hors de cause de la SCP BROUARD-DAUDE et de l'UNEDIC :
Considérant que les créances susvisées et la rupture du contrat de
travail de M. Y... étant intervenue postérieurement à la liquidation judiciaire, aucune fixation des créances au passif de la société n'est à prononcer ; qu'il y a donc lieu de mettre hors de cause la SCP BROUARD-DAUDE, ainsi que l'UNEDIC en sa qualité de représentant de l'AGS-CGEA de l'Ile de France Ouest ;
Considérant qu'eu égard aux motifs adoptés ci dessus, la demande de condamnation solidaire de M. X... au paiement des créances fixées au passif de la société CINI est devenue sans objet ; Sur les demandes annexes :
Considérant que l'indemnité des congés payés fixée par l'ordonnance de référé ne fait plus l'objet de contestation pour la période considérée ; qu'il convient donc de faire droit à la demande de condamnation dirigée contre M. X... après application des dispositions fixées par l'article L 122-12 du code du travail ;
Considérant qu'il convient d'allouer à M. Y... une indemnité totale de 1 000 euros au titre des frais de procédure exposés ;
Considérant que toutes les autres réclamations au titre des frais irrépétibles de procédure doivent être rejetées ;
PAR CES MOTIFS,
La COUR,
Statuant publiquement et CONTRADICTOIREMENT,
Confirme le jugement en date du 22 avril 2005 en ce qu'il a fait application de l'article L 122-12 al 2 du code du travail et condamné M. X..., personne physique à régler à M. Y... les sommes suivantes :
- 2618,15 euros à titre de rappel de salaires du 1er avril 2003 au 16 mai 2003,
- 2 094,52 euros à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés pour la période de mai 2002 à mai 2003,
- 3490,86 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 349,08 euros de congés payés y afférents,
- 450,32 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, Avec intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2003 ;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
Condamne M. X... à verser à M. Y... les sommes supplémentaires suivantes :
- 12 000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive et non respect de la procédure,
- 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Ordonne la remise de bulletins de salaires, d'un certificat de travail et d'une attestation ASSEDIC conformes à la présente décision ;
Met hors de cause la SCP BROUARD-DAUDE et l'UNEDIC ;
Déboute les parties de toutes autres demandes ;
Laisse les dépens à la charge de M. X...
Arrêt prononcé par Mme Jeanne MININI, président, et signé par Mme Jeanne MININI, président et par Mme Christiane PINOT, greffier présent lors du prononcé
Le GREFFIER,
Le PRÉSIDENT,