COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 57B RENVOI DE CASSATION ARRET No CONTRADICTOIRE DU 28 SEPTEMBRE 2006 R.G. No 04/07085 AFFAIRE :
S.A. CALBERSON GE C/ S.A. AXA CORPORATE SOLUTIONS venant aux droits D'AXA GLOBAL RISK ... COMPAGNIE D'ASSURANCES MANHEIMER VERSICHERUNG AG Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Juin 2000 par le Tribunal de Commerce de PARIS No Chambre : 7 No Section : No RG :
42782/99 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : Maître BINOCHE SCP BOMMART SCP LEFEVRE REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE VINGT HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE SIX, La Cour d'Appel de VERSAILLES a rendu, en audience publique , l'arrêt suivant dans l'affaire, entre : DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 30 JUIN 2004 cassant l'arrêt rendu par la cour d'appel de PARIS le 14 novembre 2002 S.A. CALBERSON GE 7 rue Pablo Néruda 92300 LEVALLOIS PERRET représentée par Me Jean-Pierre BINOCHE - N du dossier 629/04 assistée de Me Philippe GODIN (avocat au barreau de PARIS)
DEFENDEURS DEVANT LA COUR DE RENVOI S.A. AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCES anciennement dénommée AXA GLOBAL RISK 4 rue Jules Lefebvre - 75426 PARIS CEDEX 09 représentée par la SCP LEFEVRE TARDY etamp; HONGRE BOYELDIEU - N du dossier 250131 assistée de Me CAMPANA (avocat au barreau de Paris) Société KARL FIXEMER GMBH ET CO Auf Dem Elm D 66706 - PERL BORG ALLEMAGNE représentée par la SCP BOMMART MINAULT - N du dossier 00032157 assistée de Me MESSMER Hans substitué par Me Alexandra BERBETT, (avocat au barreau de Paris)
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Elle fait enoursuivant l'infirmation du jugement du 6 juin 2000 du tribunal de commerce de Paris, demande à la cour, à titre principal, de débouter les sociétés Générali Assurances IARD et AXA Corporate solutions Assurances de toutes leurs prétentions en les condamnant in solidum à lui verser la somme de 6 000 ç par application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ou, subsidiairement, de dire que l'indemnité mise à sa charge ne saurait excéder la contre valeur en euros de 5 061 DTS, de condamner in solidum la société K. Fixemer, son administrateur judiciaire, ès qualités, et son assureur, la société Mannheimer, à la garantir des condamnations mises à sa charge, ainsi qu'in solidum avec les sociétés Générali Assurances IARD et AXA Corporate Solutions Assurances, à lui verser la somme de 6 000 ç par application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
La société Calberson qui considère que sa responsabilité ne saurait, en toute hypothèse, excéder celle de la société K. Fixemer, "transporteur effectif", s'associe en premier lieu, à l'argumentation développée par cette dernière et tendant à la décharge de toute responsabilité du transporteur sur le fondement de l'article 17
alinéa 2 de la CMR en raison du caractère irrésistible du vol survenu dans la nuit du 17 au 18 août 1998.
Elle soutient ensuite qu'aucune faute personnelle indépendante de celle du transporteur qu'elle s'est substituée, n'est établie à son encontre, ni aucune faute lourde à l'encontre de la société K. Fixemer, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges.
S.A. GENERALI ASSURANCES IARD venant aux droits de la GENERALI TRANSPORTS 5 rue de Londres 75456 PARIS CEDEX 09 représentée par la SCP LEFEVRE TARDY etamp; HONGRE BOYELDIEU - N du dossier 250131 assistée de Me CAMPANA (avocat au barreau de Paris) S.A. AGF IART 87 rue de Richelieu 75002 PARIS représentée par la SCP LEFEVRE TARDY etamp; HONGRE BOYELDIEU - N du dossier 250131 assistée de Me CAMPANA, (avocat au barreau de Paris) Maître J ABEL es qualités d'administrateur judiciaire de la sté KARL FIXEMER GMBH KAISER STRASSE 77 66386 SAINT INGBERT ALLEMAGNE représenté par la SCP BOMMART MINAULT - N du dossier 00032157 assisté de Me Hnas MESSMER, substitué par Me Alexandra BERBETT (avocat au barreau de Paris) COMPAGNIE D'ASSURANCES MANNHEIMER VERSICHERUNG AG
Augustaanlage 66 68165 MANHEIM ALLEMAGNE représentée par la SCP BOMMART MINAULT - N du dossier 00032157 assistée de Me Hans MESSMER, substitué par Me Alexandra BERBETT (avocat au barreau de Paris) PARTIE INTERVENANTE Composition de la Cour : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Juin 2006, Monsieur Philippe BOIFFIN, Conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la Cour composée de :
Madame Simone X..., Présidente,
Madame Marion BRYLINSKI, Conseiller,
Monsieur Philippe BOIFFIN, Conseiller, qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE Y...
Elle fait en
Elle fait en particulier valoir que contrairement à ce qu'allèguent les assureurs de la Sagem, aucun parking éclairé pour poids lourds n'était accessible au centre de la ville de Sens, pas plus que n'était possible le stationnement de l'ensemble routier sur le site d'une de ses agences à Sens ou Troyes.
Elle considère, en outre, que la fixation de l'itinéraire et des lieux de stationnement du véhicule incombait exclusivement au transporteur effectif, la société K. Fixemer, alors qu'en tout état de cause, la société Sagem n'avait pas demandé des conditions de surveillance renforcée de la marchandise lors de la conclusion du contrat de transport, ni averti le transporteur de la nature et de la valeur de la marchandise confiée.
Elle ajoute que l'attitude du préposé de la société K. Fixemer ne saurait s'analyser en une faute constitutive d'une faute lourde dès lors qu'il avait stationné son véhicule à proximité d'habitations, sur une aire de repos qui n'était pas isolée mais au contraire couramment utilisée par d'autres transporteurs.
Elle estime que sa mise en cause de la société Mannheimer, assureur de la société K. Fixemer, par la voie d'une assignation en intervention forcée délivrée le 10 janvier 2006, n'est pas tardive et est recevable dès lors que la procédure collective de cette société n'a été ouverte que le 1er janvier 2002, soit postérieurement au prononcé du jugement déféré, et que ce n'est qu'à la suite d'une
injonction délivrée par la cour que lui ont été communiquées les coordonnées de cet assureur à l'encontre duquel elle dispose d'un FAITS ET PROCEDURE
Suivant instructions en date du 14 août 1998, la société Sagem a chargé la société Calberson GE d'acheminer par la route de Fougères à Varsovie (Pologne) un lot de 9 936 colis de téléphones portables conditionnés en 28 palettes, d'une valeur totale de 8 246 880 francs .
La société Calberson a sous-traité ce transport à la société de droit allemand K. Fixemer .
Une partie de la marchandise, soit une palette entière de neuf cartons et 7 cartons d'une seconde palette était dérobée au cours du transport, le 18 août 1998, vers 3h00 du matin, alors que l'ensemble routier de la société K. Fixemer était à l'arrêt sur une aire de stationnement non éclairée située en bordure de la RN 60, en direction de Sens, au lieu-dit Petit Villiers, son chauffeur prenant son repos obligatoire.
Les co-assureurs de la marchandise, le G.I.E. Générali Transports, la
société AXA Global Risks et la société AGF ont indemnisé la société Sagem de son préjudice à hauteur de la somme de 637 440 francs et ainsi subrogées dans ses droits, ont, le 5 mai 1999, assigné en réparation du dommage la société Calberson GE qui a elle-même appelé en garantie la société K. Fixemer.
Par jugement contradictoire en date du 6 juin 2000, le Tribunal de doit d'action directe en application de "l'article 157 de la loi allemande relative aux contrats d'assurance".
Selon leurs dernières conclusion signifiées le 23 mai 2006, la société de droit allemand Karl Fixemer et son administrateur judiciaire, Me Franz J Abel, invoquent, dans le corps de ces écritures, la nullité du jugement déféré, au visa de l'article 458 du Nouveau Code de procédure civile, faute pour le tribunal d'avoir répondu à leur moyen tiré de l'application en l'espèce de l'article 17 alinéa 2 de la convention CMR.
Ils demandent à la cour :
- à titre principal, de leur accorder le bénéfice de cet article 17 alinéa 2, d'exonérer la société K.Fixemer de toute responsabilité en
raison du caractère irrésistible du vol et, en conséquence, de débouter les assureurs de la Sagem de toutes leurs prétentions formées à leur encontre,
- subsidiairement, de dire que la société K. Fixemer n'a commis aucune faute lourde, de leur accorder le bénéfice de l'article 23-3 de la CMR et, en conséquence, de dire que la réparation ne peut excéder la contre valeur en euros de la somme de 5 061,02 DTS, en jugeant que la part de responsabilité de la société K. Fixemer dans la survenance du sinistre ne saurait dépasser 50 %, l'autre moitié devant être supportée par la société Calberson,
commerce de Paris, après avoir retenu une faute lourde à l'encontre des sociétés Calberson et K. Fixemer, tant dans l'organisation que l'exécution du transport, a:
- condamné la société Calberson GE à payer au GIE Générali Transports, à la Cie AXA Global Risks et à la société A.G.F., "ensemble", la somme de 637 440 francs, augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement, outre celle de 20 000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,
- condamné la société K. Fixemer à garantir la société Calberson GE à concurrence de la moitié de ces condamnations,
- débouté les parties de leurs autres prétentions,
- ordonné l'exécution provisoire et condamné solidairement aux dépens les sociétés Calberson GE et K. Fixemer .
Saisie du recours de la société Calberson GE, la cour d'appel de Paris a, suivant un arrêt rendu le 14 novembre 2002 :
- reçu en son intervention volontaire Me Franz Abel, en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société K. Fixemer dont le
redressement judiciaire avait été ouvert le 1er janvier 2002,
- en tout état de cause, de condamner in solidum les sociétés Calberson GE, Générali Assurances IARD, AXA Global Risks et AGF aux dépens et à leur payer la somme de 6 000 ç en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
Rappelant que la société Calberson GE qui n'a pas exécuté elle-même l'opération de déplacement de la marchandise, n'a pas la qualité de transporteur mais celle de commissionnaire de transport, ils soutiennent que le vol perpétré de nuit par des malfaiteurs s'étant déplacés à bord d'un véhicule tous feux éteints, a présenté le caractère d'irrésistibilité requis pour l'application de l'article 17 alinéa 2 de la CMR.
Ils considèrent, de plus, que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal de commerce de Paris, aucune faute lourde ne peut être reprochée à la société K. Fixemer, que ce soit dans le choix de l'aire de stationnement ou la protection du chargement alors qu'aucune instruction particulière sur l'itinéraire à suivre, ni information spécifique sur les composition et valeur de la
marchandise transportée n'avait été donnée ou fourni à celle-ci par l'expéditeur ou le commissionnaire de transport.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 23 mai 2006, la société Mannheimer Versicherung AG, assureur de la société K. Fixemer, soulève l'irrecevabilité des demandes formées à son encontre par la société Calberson GE en faisant valoir, en premier lieu, que cette société ne justifie d'aucune circonstance liée à l'évolution du litige susceptible de légitimer la tardiveté de l'assignation en - infirmé le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, et statuant à nouveau ou y ajoutant, a :
[* condamné la société Calberson GE à payer aux sociétés Générali France Assurances, Axa Corporate Solutions et A.G.F. la contre-valeur en euros, à la date du prononcé de l'arrêt, de 5 061 droits de tirage spécial - D.T.S. -,
*] ordonné la restitution à la société Calberson GE par les sociétés Générali France Assurances, AXA Corporate Solutions et A.G.F., des sommes qu'elles auraient versées à celle-ci en exécution du jugement
déféré, pour la partie excédant le montant de la condamnation ci-dessus,
[* dit la société Calberson GE fondée en son recours en garantie, pour la totalité, contre la société K. Fixemer, en ayant, sur ce point, ordonné la réouverture des débats afin que la société Calberson justifie de sa déclaration de créance entre les mains des organes de la procédure collective ouverte à l'égard de la société K. Fixemer et sursis à statuer sur la demande tendant à la fixation de sa créance au passif de cette société,
*] débouté les parties de toutes leurs autres demandes et dit que chacune d'elles conserverait la charge de ses dépens d'appel, sauf à réserver ceux devant être exposés après réouverture des débats.
La cour de Paris, après avoir relevé que le chauffeur de l'ensemble routier transportant le chargement s'était arrêté de nuit sur une
intervention forcée qu'elle lui a délivrée le 16 février 2006.
Elle invoque, en second lieu, le défaut de droit de la société Calberson GE à agir à son encontre en soutenant, d'une part, que sa garantie ne peut jouer au profit de cette société et, d'autre part, que cette dernière n'établit pas avoir, conformément au droit des assurances allemand, sollicité et obtenu de l'administrateur judiciaire de la société K. Fixemer le droit d'exercer un recours direct auprès d'elle.
Sur le fond du litige, elle forme les mêmes demandes que son assurée, la société K. Fixemer, et, à leur appui, développe des moyens de fait ou de droit identiques, tout en précisant qu'en vertu de la police d'assurance souscrite par la société K. Fixemer, seule pourrait être couverte la faute simple de celle-ci et non la faute lourde.
Elle sollicite la condamnation in solidum des sociétés Calberson GE, Générali Assurances IARD et AXA Global Risks à lui verser la somme de 2 000 ç par application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
Selon leurs dernières écritures signifiées le 26 avril 2006, les sociétés Générali Assurances IARD, anciennement dénommée Générali France Assurances, venant aux droits du GIE Générali Transports, et la société AXA Corporate Solutions Assurances, anciennement dénommée AXA Global Risks, intimées, concluent à la confirmation en toutes ses
dispositions de la décision entreprise en demandant que la condamnation mise à la charge de la société Calberson au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile soit élevée à la aire de stationnement non éclairée en bordure de la route nationale 60, à proximité d'habitations et d'une cabine téléphonique, que le chauffeur se reposait dans la cabine lorsqu'une partie de la marchandise qui se trouvait dans la remorque plombée avait été dérobée et que l'expéditeur n'avait pas spécialement attiré l'attention du commissionnaire de transport et du transporteur sur la valeur de la marchandise, a notamment retenu que ces éléments de fait ne révélaient pas une négligence d'une extrême gravité dénotant l'inaptitude du transporteur à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il avait acceptée et, en conséquence, a fait application de la limitation de responsabilité prévue par l'article 23 de la Convention de Genève dite CMR .
Statuant sur le pourvoi formé par les assureurs, la chambre commerciale, économique et financière de la Cour de Cassation a, le 30 juin 2004, cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt
attaqué pour défaut de base légale .
La Cour de Cassation a censuré la cour d'appel pour s'être déterminée par les motifs précédemment rappelés sans avoir recherché, "ainsi qu'elle y était invitée, si le transporteur ne pouvait stationner son véhicule sur une aire de stationnement éclairée pour poids lourds près de la gare de Sens ou dans le site clos et gardé d'une agence de la société Calberson à Sens ou Troyes" .
La cour d'appel de Versailles, désignée comme cour de renvoi, a été saisie les 1er et 12 octobre 2004 par l'appelante, la société Calberson GE.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 18 mai 2006,
somme de 6 000 ç.
Elles soutiennent qu'en tant que commissionnaire de transport, la société Calberson GE a manqué à ses obligations et commis une faute personnelle l'obligeant à supporter la réparation intégrale du préjudice, en ayant, malgré la valeur élevée de la marchandise transportée, omis de donner des instruction strictes à son substitué pour que celui-ci prévoit un itinéraire avec des arrêts pour la nuit dans des endroits surveillés et clos comme auraient pu l'être l'une de ses agences ou le parking situé près de la gare de Sens.
Elles invoquent également la faute lourde de la société K. Fixemer, transporteur routier dont le chauffeur a pris la décision d'arrêter son camion pour la nuit "en rase campagne, en un lieu totalement désert", sans surveillance, alors que tant cette société que Calberson ne pouvaient ignorer la valeur élevée de la marchandise confiée puisqu'elles étaient en possession de la facture établie par la société Sagem à l'ordre de l'importateur polonais devant être livré.
Elles dénient tout caractère d'irrésistibilité au vol litigieux, opéré sans violence, et font valoir que la faute lourde commise en l'espèce empêchent les sociétés Calberson et K. Fixemer de se prévaloir de la limitation de responsabilité édictée par l'article 23 de la CMR.
Par des conclusion signifiées le 9 septembre 2005, la société Assurances Générales de France IART qui expose n'avoir plus fait partie des co-assureurs de la société Sagem à la date de survenance
du sinistre, sollicite qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle renonce au bénéfice de la condamnation prononcée à son profit par le jugement dont appel, en demandant qu'il soit statué "ce que de droit" sur les dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Considérant qu'il convient de donner acte à la société Assurances Générales de France IART de sa renonciation au bénéfice de la condamnation prononcée à son profit par le jugement rendu le 6 juin 2000 par le tribunal de commerce de Paris ;
- sur la nullité du jugement rendu le 6 juin 2000 par le tribunal de commerce de Paris :
Considérant qu'en ayant retenu la responsabilité des sociétés Calberson GE et K. Fixemer dans la survenance du dommage subi par la société Sagem après avoir, dans les motifs de leur décision, caractérisé à leur encontre des négligences, tant dans l'organisation que l'exécution du transport, constitutives d'une faute lourde excluant la limitation de responsabilité prévue par l'article 23-3 de la CMR, les premiers juges ont nécessairement répondu, pour
l'écarter, au moyen de la société K. Fixemer tiré de l'application en l'espèce de l'article 17 alinéa 2 de cette même convention ;
Qu'il n'y a donc lieu de prononcer la nullité du jugement déféré comme le sollicitent la société K. Fixemer et son administrateur judiciaire ;
- sur la qualité de la société Calberson GE :
Considérant que lorsqu'une entreprise chargée d'un transport se substitue un tiers pour son exécution, cette substitution ne suffit pas, à elle seule, à lui conférer la qualité de commissionnaire, si n'est pas établi le consentement de son donneur d'ordre à l'existence de celle-ci ;
Qu'en l'espèce, il est constant que la société Sagem a, suivant instructions en date du 14 août 1998, confié à la société Calberson GE l'acheminement de la marchandise litigieuse de Fougères, lieu de chargement, à Varsovie, lieu de livraison ;
Que selon les propres écritures des assureurs de la société Sagem, la société Calberson a sous- traité cette opération à la société K. Fixemer sans en avoir informé son donneur d'ordre, ni, à plus forte
raison, avoir recueilli le consentement de ce dernier à cette substitution ;
Que les intimées ne produisent aucun autre élément de nature à démontrer que la société Calberson aurait eu, dès la conclusion du contrat, la qualité qu'ils lui prêtent de commissionnaire de transport chargé par son donneur d'ordre de l'organiser par le recours à des sous-traitants ;
Que cette société est ainsi fondée à faire valoir qu'elle n'est intervenue qu'en tant que transporteur et que, dans ces conditions, sa responsabilité ne saurait excéder celle de la société K. Fixemer à laquelle elle a eu recours pour l'exécution du transport ;
Que même si elle n'a pas, jusqu'à ses écritures signifiées le 24 avril 2006, dénié la qualité de commissionnaire de transport, ce qui, s'agissant de la qualification d'un contrat et donc d'un point de droit et non d'un fait, n'a pu tenir lieu d'aveu judiciaire de sa part, la société Calberson GE, peut, sans se contredire, opposer désormais aux intimées ce nouveau moyen de défense en l'état de l'évolution de la jurisprudence relative aux critères de définition
de la commission de transport ;
Qu'en conséquence, les sociétés AXA Corporate Solutions Assurances et Générali Assurances IARD ne sont pas fondées à rechercher la responsabilité de la société Calberson en invoquant les fautes que celle-ci aurait personnellement commises en tant que commissionnaire de transport ;
- sur la responsabilité du transporteur :
Considérant qu'il ressort du procès-verbal d'audition du chauffeur Vladimir Ousiannikov dressé le 18 août 1998 par la Gendarmerie de Villeneuve l'Archevèque, de la traduction en langue française de la "note déclarative" rédigée par ce même chauffeur le 20 août 1998 et des photographies des lieux versées aux débats que le 17 août 1998, vers 23 heures, celui-ci a arrêté l'ensemble routier de son employeur, la société K. Fixemer, sur une aire de stationnement non éclairée située en bordure de la RN 60, en direction de Sens, distante, aux dires de ce chauffeur, d'environ 500 mètres d'habitations, au lieu-dit Petit Villiers, pour y prendre son repos
obligatoire ; qu'il s'y trouvait seul ; que le 18 août 1998, vers 3 heures 30, alors qu'il était couché dans sa cabine, il a "entendu du bruit provenant de l'arrière de son camion" et, en étant descendu, a "vu partir un véhicule tous phares éteints en direction de Sens" ; qu'il a ainsi constaté que les portes arrières de la remorque avaient été ouvertes et que de la marchandise avait été dérobée ;
Considérant que selon les dispositions de l'article 17 de la convention du 19 mai 1956 , le transporteur est responsable du vol des marchandises qu'il transporte à moins que celui-ci ait pour cause des circonstances que le transporteur ne pouvait éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait obvier ;
Que dans le cas présent, les sociétés Calberson GE et K. Fixemer ne justifient pas de l'existence de telles circonstances ;
Que la société K. Fixemer qui n'ignorait évidemment pas les risques de vol auxquels étaient exposés de semblables transports routiers à l'occasion d'arrêts sur des aires de stationnement, pouvait organiser le trajet de son employé de manière telle que celui-ci s'arrête sinon sur un emplacement clos ou surveillé, du moins sur une aire de repos éclairée et moins isolée, comme il en existe par exemple sur une
autoroute ;
Qu'en outre, il résulte des déclarations précitées du conducteur de l'ensemble routier que le vol a été commis sans qu'il ne soit physiquement confronté à ses auteurs et n'ait subi de violences de leur part ;
Que les sociétés Calberson GE et K. Fixemer ne sont donc pas fondées à se prévaloir de l'article 17 alinéa 2 de la convention CMR pour s'exonérer de leur responsabilité ;
Considérant que les sociétés AXA Corporate Solutions Assurances et Générali Assurances ne démontrent pas non plus que le transporteur ait commis une faute lourde de nature à écarter, en application de l'article 29-1 de la CMR, la limitation de responsabilité prévue par l'article 23 de la convention ;
Que pour être caractérisée une telle faute suppose une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant l'inaptitude du transporteur, maître de son action, à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il a acceptée ;
Qu'il ressort des photographies versées aux débats par la société
Calberson GE que contrairement à ce que prétendent les sociétés AXA Corporate Solutions Assurances et Générali Assurances, l'aire de stationnement où a été commis le vol n'était pas un lieu "totalement désert, en rase campagne", mais même non éclairée et non surveillée, était située non loin d'habitations et d'une cabine téléphonique, en bordure de la RN 60, axe routier fréquenté ; que cet aire était habituellement utilisée par des véhicules poids lourds ; qu'il n'est pas allégué qu'elle ait été particulièrement exposée aux vols ; que le conducteur de l'ensemble routier dont la remorque était plombée, est resté dans sa cabine pour y prendre son repos obligatoire ;
Qu'il n'est par ailleurs aucunement établi que le transporteur ait eu la possibilité de stationner son véhicule sur une aire de stationnement éclairée pour poids lourds près de la gare de Sens ou dans le site clos et gardé d'une agence de la société Calberson à Sens ou Troyes ;
Qu'il résulte, en effet, des pièces produites par cette société que le parking situé près de la gare de Sens, éclairé mais non gardienné, est "réservé exclusivement aux personnes munies d'un titre de
transport TGV Yonne" et, de surcroît, se trouve au centre de la ville de Sens dont l'accès est interdit aux véhicules de plus de 7,5 tonnes depuis un arrêté municipal du 29 septembre 1997, sans qu'il soit prouvé que la société Calberson ait disposé dans cette ville d'un dépôt lui ayant permis d'échapper à cette interdiction ;
Que n'est pas davantage démontrée l'existence d'une agence Calberson dans cette localité, dans des communes voisines ou, encore, à Troyes, dont le site aurait été accessible à des horaires compatibles avec le transport litigieux ;
Que les "plans d'accès" communiqués par les assureurs subrogés ne concernent pas des agences de la société Calberson mais celles d'autres sociétés, Walbaum International, BMV Sens ou autres, indépendantes de la première même si elles font partie du groupe Geodis ;
Considérant, de plus, que la société Sagem, donneur d'ordre, n'avait pas spécialement attiré l'attention du transporteur sur la valeur de la marchandise transportée, ni donné à celui-ci d'instructions spécifiques quant à l'itinéraire à suivre ;
Que le bordereau du 14 août 1998 ne prévoyait qu'un "groupage" ; qu'il ne comportait aucune déclaration de valeur quant à la marchandise transportée; que s'agissant d'un document étranger au contrat de transport, ni la société Calberson GE, ni son sous-traitant, la société K. Fixemer ou son chauffeur, n'avaient à porter une attention particulière à la facture de vente qui était jointe à ce bordereau ;
Que les sociétés AXA Corporate Solutions Assurances et Générali France Assurances ne rapportent donc pas la preuve qui leur incombe d'une faute lourde commise par le transporteur ;
Que la société Calberson GE et la société K. Fixemer sont ainsi fondées à se prévaloir de la limitation de responsabilité prévue par l'article 23-3 de la CMR ;
Que le jugement déféré doit être réformé en ce sens ;
Que suivant le dit article 23-3, l'indemnité devant être supportée par le transporteur ne peut dépasser 8,33 unités de compte par kilogramme de poids brut manquant ;
Qu'il n'est pas contesté que le vol a concerné deux palettes d'un
poids moyen unitaire de 303,78 kilogrammes ;
Que la société Calberson qui, à l'égard du donneur d'ordre et conformément à l'article 3 de la convention CMR, répond du fait de la société K. Fixemer à laquelle elle a eu recours pour l'exécution du transport, doit ainsi être condamnée à payer aux sociétés AXA Corporate Solutions Assurances et Générali France Assurances, subrogées dans les droits de la Sagem, une indemnité équivalente à :
303,78 Kgr x 2 x 8,33 DTS = 5 061 DTS ;
- sur la demande de garantie formée par la société Calberson GE
- sur la demande de garantie formée par la société Calberson GE
Considérant que l'exécution défectueuse du transport étant due au seul fait de la société K. Fixemer, la société Calberson GE, dont, comme cela a été dit, l'intervention en tant que commissionnaire de transport n'est pas établie, est, en application de l'article 37 a) de la convention CMR, fondée à solliciter la garantie de cette société pour la totalité des condamnations mises à sa charge ;
Considérant, sur l'intervention forcée en cause d'appel de la société Mannheimer Versicherung AG, assureur de la société K. Fixemer, qu'en
raison de l'ouverture, le 1er janvier 2002, du redressement judiciaire de cette société, la société Calberson GE justifie d'une circonstance de fait et de droit postérieure au jugement du 6 juin 2000 du tribunal de commerce de Paris modifiant les données juridiques du litige et rendant recevable sa mise en cause de cet assureur ;
Que ce dernier ne peut s'y opposer en invoquant, au visa de l'article 555 du Nouveau Code de procédure civile, la tardiveté de l'assignation qui lui a été délivrée le 16 février 2006 ; qu'ayant conclu à deux reprises et ne s'étant pas opposé au prononcé de l'ordonnance de clôture, il n'établit pas la réalité d'une atteinte aux droits de sa défense ;
Considérant que la société Calberson qui a déclaré le 30 décembre
2002 sa créance à l'administrateur judiciaire de la société K. Fixemer, Me Franz J Abel, lequel lui a indiqué, par courrier en date du 22 mars 2004 dont les copie et traduction en langue française sont versées aux débats, "débloquer" à son profit "le droit à la couverture correspondant" à l'assurance transports souscrite par son administrée, justifie de la réalisation des conditions requises par la loi allemande pour l'exercice d'un recours direct à l'encontre de l'assureur, telles que la société Mannheimer les définit elle-même ; Considérant, de plus, qu'aux termes de la police d'assurance contractée par la société K. Fixemer, dont la traduction en langue française est également communiquée, est couverte "la responsabilité" de cette société "en tant que transporteur de marchandise par route pour le compte d'autrui selon...la CMR";
Que la société Mannheimer qui énonce que cette assurance "couvre ...les dommages dont la réparation serait mise à la charge de son assuré en application de la CMR et au profit des assureurs de la victime du vol, la société Sagem", ne saurait contester le droit de la société Calberson GE à bénéficier de la mise en jeu de cette garantie puisque répondant à l'égard du donneur d'ordre du fait de son substitué, cette dernière doit assurer la réparation du dommage né de l'exécution défectueuse du transport effectué par la société K. Fixemer ;
Qu'il convient, en conséquence, de faire droit à la demande de la
société Calberson GE et de condamner in solidum la société K. Fixemer, Me Franz J Abel, ès qualités, et la société Mannheimer à la garantir de toutes les condamnations mises à sa charge au profit des sociétés AXA Corporate Solutions Assurances et Générali France Assurances ;
Considérant que les premiers juges ont exactement statué sur le sort des dépens de première instance et l'allocation à ces dernières sociétés d'une somme de 3 048,98 ç (20 000 francs) par application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;
Que la société Calberson GE obtenant, pour la majeure partie de ses prétentions, gain de cause en appel, les sociétés AXA Corporate Solutions Assurances, Générali France Assurances, K. Fixemer, Mannheimer et Me Franz J Abel, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société K. Fixemer, seront condamnés in solidum aux dépens d'appel ;
Qu'il n'y a lieu, en cause d'appel, à allocation d'une somme par application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement et en dernier ressort, sur renvoi après cassation totale de la décision de la cour d'appel de Paris du 14 novembre 2002 par arrêt de la Cour de Cassation du 30 juin 2004 :
- Donne acte à la société Assurances Générales de France IART de sa renonciation au bénéfice de la condamnation prononcée à son profit par le jugement du 6 juin 2000 du tribunal de commerce de Paris,
- Infirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à l'allocation aux GIE Générali Transports et à la Cie AXA Global Risks d'une somme de 3 048,98ç (20 000 francs) par application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,
- Statuant à nouveau et y ajoutant :
[* condamne la société Calberson GE à payer aux sociétés Générali France Assurances et AXA Corporate Solutions Assurances la contre valeur en euros, à la date du présent arrêt, de 5 061 DTS,
*] condamne in solidum la société K. Fixemer, Me Franz J Abel , ès qualités d'administrateur judiciaire de cette société, et la société Mannheimer Versicherung AG à garantir la société Calberson GE de toutes les condamnations mises à sa charge par le présent arrêt,
[* rejette toute autre demande plus ample ou contraire,
*]Dit n'y avoir lieu en cause d'appel, à allocation d'une somme par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- Condamne in solidum aux dépens d'appel, en ce compris ceux de l'arrêt cassé, les sociétés AXA Corporate Solutions Assurances France, Générali France Assurances, K. Fixemer, Mannheimer Versicherung AG et Me Franz J Abel, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société K. Fixemer ; sur sa demande, autorise Me Jean-Pierre Binoche, Avoué, à recouvrer contre eux ceux de ces dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision . Arrêt prononcé par Madame Marion BRYLINSKI, Conseiller. Et ont signé le présent arrêt : Madame Simone X..., Présidente, Madame Bernadette RUIZ DE Y..., Greffier.
22ème chambre arrêt no Du 28 septembre 2006 RG 04/7085 affaire : SA CALBERSON GE
Me BINOCHE C/ J ABEL (Sté KARL FIXEMER GMBH) SCP BOMMART cnie assce MANHEIMER... SCP BOMMART SA AXA CORPORATE SCP LEFEVRE SA GENERALI
FRANCE ASSCE SCP LEFEVRE SA AGF IART SCP LEFEVRE PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement et en dernier ressort, sur renvoi après cassation totale de la décision de la cour d'appel de Paris du 14 novembre 2002 par arrêt de la Cour de Cassation du 30 juin 2004 :
- Donne acte à la société Assurances Générales de France IART de sa renonciation au bénéfice de la condamnation prononcée à son profit par le jugement du 6 juin 2000 du tribunal de commerce de Paris,
- Infirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à l'allocation aux GIE Générali Transports et à la Cie AXA Global Risks d'une somme de 3 048,98ç (20 000 francs) par application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,
- Statuant à nouveau et y ajoutant :
[* condamne la société Calberson GE à payer aux sociétés Générali France Assurances et AXA Corporate Solutions Assurances la contre valeur en euros, à la date du présent arrêt, de 5 061 DTS,
*] condamne in solidum la société K. Fixemer, Me Franz J Abel , ès qualités d'administrateur judiciaire de cette société, et la société Mannheimer Versicherung AG à garantir la société Calberson GE de
toutes les condamnations mises à sa charge par le présent arrêt,
[* rejette toute autre demande plus ample ou contraire,
*]Dit n'y avoir lieu en cause d'appel, à allocation d'une somme par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- Condamne in solidum aux dépens d'appel, en ce compris ceux de l'arrêt cassé, les sociétés AXA Corporate Solutions Assurances France, Générali France Assurances, K. Fixemer, Mannheimer Versicherung AG et Me Franz J Abel, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société K. Fixemer ; sur sa demande, autorise Me Jean-Pierre Binoche, Avoué, à recouvrer contre eux ceux de ces dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision .
Arrêt prononcé par Madame Marion BRYLINSKI, Conseiller. Et ont signé le présent arrêt : Madame Simone X..., Présidente, Madame Bernadette RUIZ DE Y..., Greffier.