COUR D'APPEL DE VERSAILLESCode nac :
91Z 1re chambre 1re section ARRET No CONTRADICTOIRE DU 12 OCTOBRE 2006 R.G. No 05/06121 AFFAIRE :Marie-Christine X... C/le DIRECTEUR DES SERVICES FISCAUX DES YVELINES Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Juin 2005 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES No chambre : 1N Section : No RG : 2004/02081 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : SCP JUPINSCP LISSARRAGUE.
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DOUZE OCTOBRE DEUX MILLE SIX,
La cour d'appel de VERSAILLES a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Madame Marie-Christine X... née le 09 Novembre 1948 à BOULOGNE BILLANCOURT (92) ... représentée par la SCP JUPIN etamp; ALGRIN Avoués - N du dossier 0021727rep/assistant : Me Laurent CORNON (avocat au barreau de PARIS) APPELANTE. Monsieur le DIRECTEUR DES SERVICES FISCAUX DES YVELINES élisant domicile en cette qualité 52 avenue de Saint Cloud - 78011 VERSAILLES CEDEX représenté par la SCP LISSARRAGU DUPUIS BOCCON GIBOD Avoués - N du dossier 0541662 INTIME. Composition de la cour : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Septembre 2006 devant la cour composée de :
Madame Francine BARDY, président,
Madame Lysiane LIAUZUN, conseiller,
Madame Geneviève LAMBLING, conseiller, qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT
Madame Marie-Christine X... détient la moitié des parts de la Société Agricole de Seine et Oise (SASO), société civile de personnes soumise aux dispositions des articles 1842 et suivants du Code civil
et de l'article 8 du Code Général des Impôts (CGI), au sein de laquelle elle est cogérante et salariée.
Estimant que ses parts de la SASO constituaient un bien professionnel dans la mesure où elle exerce au sein de cette structure son activité professionnelle d'exploitant agricole, Madame X... ne les a pas déclarées à l'actif de ses déclarations d'Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) des années 1995 à 2000.
Par notification de redressement en date du 29 novembre 2001, l'administration a remis en cause cette exonération sur le fondement de l'article 885 O du CGI.
Par lettre du 26 décembre 2001, Madame X... a fait connaître son refus quant à la réintégration envisagée. Après échange de divers courriers, la Recette des Impôts de Versailles Ouest a adressé à Madame X... trois avis de mise en recouvrement daté du 24 mars 2003 portant sur l'ISF au titre des années 1995, 1996, 1997, 1998, 1999 et 2000, ventilés comme suit :- années 1995 et 1996, avis d'imposition n°7800604 2 06143 14/03/2003 00001 d'un montant total de 21.644 ç,- années 1997 et 1998, avis d'imposition n°7800604 2 06143 14/03/2003 00002 d'un montant total de 16.331 ç,- années 1999 et 2000, avis d'imposition n°7800604 2 06143 14/03/2003 00003 d'un montant total de 20.814 ç.
Le 21 mai 2003, Madame X... a introduit une réclamation contentieuse auprès de la Direction des Services Fiscaux des Yvelines pour en demander la décharge.
Cette dernière ayant laissé s'écouler plus de six mois sans statuer sur cette requête, Madame X... a soumis cette décision de rejet implicite à la censure du Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES, conformément aux dispositions des articles R 198-10 et R 199-1 du Livre des Procédures Fiscales.
Par jugement en date du 28 juin 2005, considérant qu'il n'est pas
contesté que Madame X... est salariée de la SASO dont elle détient également la moitié des parts sociales, que de ce fait elle est exclue du champ d'application de l'article 885 O du CGI, qu'en outre Madame X... ne rapporte la preuve ni de l'existence d'une obligation légale ou réglementaire, ni de conditions de fait d'exercice de sa profession imposant la détention des parts sociales de la SASO et qu'en conséquence elle n'établit pas que les parts de la SASO qu'elle détient bénéficient du caractère de bien professionnels au sens de l'article 885 O du CGI, le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES a rejeté l'ensemble des demandes présentées par Madame X....
Estimant que l'exercice d'une activité salariée n'est pas un critère de nature à écarter la qualification de biens professionnels des parts détenues dans la SASO dès lors que les conditions visées aux articles 885 N et 885 O du CGI sont remplies; que le Tribunal n'a pas répondu au moyen relatif aux conditions d'exercice de l'activité principale de Madame X...; que la SASO représente bien l'essentiel de l'activité économique de Madame X..., son statut de salariée au sein même de la SASO ne représentant qu'une activité mineure et accessoire et n'étant pas de nature à remettre en cause l'exonération des parts au titre des biens professionnels; que si Madame X... est assistée dans sa fonction de dirigeant de l'exploitation, c'est bien elle qui prend toutes les décisions engageant la société; que Madame X... perçoit en rémunération de son activité professionnelle au sein de la SASO des revenus agricoles à titre principal et des "salaires" à titre tout à fait marginal; que la qualification des parts de la SASO de biens professionnels résulte non pas de l'activité salariée de Madame X... mais de l'exercice d'une profession agricole et que la doctrine administrative 7 S 3311 selon laquelle la détention des parts est nécessaire à l'exercice d'une profession salariée ne peut s'appliquer pleinement au cas d'espèce, Madame Marie-Christine X...
a interjeté appel de ce jugement par acte en date du 28 juillet 2005 et demande à la Cour :- de la déclarer recevable et bien fondée en son action tendant à réformer le jugement du Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES en date du 28 juin 2005 et dans son action à l'encontre du Directeur des Services Fiscaux des Yvelines Y faisant droit:- de prononcer l'annulation des trois avis de mise en recouvrement n°7800604 2 06143 0001, 0002 et 0003 émis le 14 mars 2003 par la Recette Divisionnaire des Impôts de Versailles Nord,- de condamner le Directeur des Services Fiscaux à lui verser la somme de 24.000 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Opposant qu'en sa qualité de salariée de la SASO, Madame X... est exclue du champ d'application stricto sensu de l'article 885 O du CGI; que la question de savoir si l'activité d'exploitante agricole constitue l'essentiel de l'activité économique du redevable a été examinée au travers des conditions de fait d'exercice de la profession de l'intéressée, laquelle est en même temps salariée de la société dont elle détient 50% des parts sociales; que si l'appelante est impliquée très activement dans la gestion quotidienne de l'exploitation, cette implication s'exerce dans les conditions définies par le contrat de travail la liant à la SASO; que l'exploitation du domaine a été concédée par bail à ferme à M. Y... et que l'activité agricole n'est donc pas directement exercée par Madame X...; que c'est comme salariée de la SASO que cette dernière exerce ses fonctions de surveillance des terres et de conduite technique de la société, fonctions qui lui procurent la majeure partie de ses ressources; que la faiblesse des salaires perçus par l'appelante découle du choix opéré par la SASO qui a déclaré l'intéressée en qualité d'ouvrière spécialisée; que le montant cumulé du salaire et des revenus agricoles déclarés par
l'intéressée est impropre à caractériser l'exercice à titre principal d'une activité agricole au travers de la SASO et que l'exploitation du domaine par une entreprise sous-traitante ne permet pas de caractériser l'exercice à titre principal d'une activité agricole, Monsieur le Directeur des Services Fiscaux des Yvelines demande à la Cour :- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué,- de débouter Madame X... de toutes ses demandes, fins et conclusions,- de rejeter la demande d'allocation des frais irrépétibles et de remboursement des dépens exposés par l'appelante, - de condamner l'appelante à rembourser les dépens exposés par l'administration.SUR CE
Considérant que l'article 885 N du Code Général des Impôts dispose que les biens nécessaires à l'exercice, à titre principal, tant par leur propriétaire que par le conjoint de celui-ci, d'une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale sont considérés comme des biens professionnels ;
Que, selon les dispositions de l'article 885 O du même Code, sont également considérés comme des biens professionnels les parts de sociétés de personnes soumises à l'impôts sur le revenu visées aux articles 8 et 8 ter lorsque le redevable exerce dans la société son activité professionnelle principale ;
Que ce dernier article ne propose aucune énumération limitative des activités éligibles aux biens professionnels ;
Considérant que le propriétaire des parts doit exercer dans la société des fonctions professionnelles à titre principal et de manière effective ;
Que les salariés ne sont pas concernés ;
Qu'il est admis toutefois que constituent des biens professionnels les biens, droits ou valeurs nécessaires à l'exercice d'une profession salariée lorsque le lien de nécessité soit résulte d'une
obligation légale ou réglementaire faite au salarié, soit découle des conditions de fait d'exercice de la profession sans résulter d'un choix individuel ou d'une simple commodité ;
Considérant que l'exercice d'une profession s'entend de l'exercice effectif à titre habituel d'une activité de nature à procurer à celui qui l'exerce le moyen de satisfaire à ses besoins ;
Que l'appréciation du caractère professionnel de l'activité dépend de circonstances de fait ;
Considérant que dans le cas de madame X..., l'activité agricole proprement dite du domaine est assurée par un salarié de la SASO, qui occupe les fonctions de chef de culture, avec pour mission selon son contrat, d'assurer la gestion des cultures, des entrepreneurs intervenants, des approvisionemments , des produits de la récolte, la préparation des plans d'assolement en liaison avec son employeur et le contact entre fournisseurs et clients ;
Que sous l'autorité de ce chef de culture, monsieur VUE, monsieur Y... intervient dans le cadre d'un contrat de sous-traitance avec mission de procéder aux labours, semis, épandage, desherbage, traitement à l'engrais et moissons, étant relevé que ce dernier peut acquérir au terme d'une année d'exercice le matériel de la SASO mise à sa disposition ;
Qu'enfin un contrat de régie d'exploitation a été conclu entre la SASO et monsieur de Z... qui seconde, à temps plein madame X... dans la gestion quotidienne de l'exploitation, consistant à administrer les salaires, charges sociales, suivi des dossiers techniques, juridiques et administratifs en liaison avec monsieur VUE ;
Que madame X... n'est pas inscrite à un organisme professionnel caractérisant l'exercice d'une activité d'exploitant agricole, ce que justifierait ses prétentions ;
Qu'elle est en revanche affiliée en tant que salariée à la caisse mutuelle des salariés agricole ;
Qu'il suit de ce rappel que madame X... ne justifie pas exercer effectivement et principalement l'activité purement agricole du domaine laquelle est déléguée entièrement à des tiers liés contractuellement à la SASO ni avoir la maîtrise et le contrôle de l'exploitation du domaine , qu'elle ne justifie pas en plus , assurer pleinement et personnellement la gestion quotidienne du domaine autrement que dans le cadre de son contrat de travail à temps partiel et que le recours à ce statut salarié soit rendu nécessaire par les conditions d'exercice de la profession , peu important qu'elle réside sur place et qu'elle perçoive des revenus agricoles à titre principal supérieurs à ses revenus salariés et qu'elle n'est aucune autre activité par ailleurs,, la condition de l'exercice effectif de l'activité faisant défaut ;
Que faute pour madame X... de satisfaire aux conditions légales, il convient de confirmer le jugement qui l'a exclue du bénéfice des dispositions de l'article 885 O du code général des impôts ;
Considérant que madame X... qui succombe doit être condamnée aux dépens ;PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en audience publique par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES en date du 28 juin 2005,
CONDAMNE madame X... aux dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile par la scp LISSARAGUE DUPUIS BOCCON-GIBOD.. - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de
procédure civile. - signé par Madame Francine BARDY, président et par Madame RENOULT, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,
Le PRESIDENT,