COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 80B 15ème chambre ARRET No CONTRADICTOIRE DU 19 OCTOBRE 2006 R.G. No 05/05395 AFFAIRE : Société GENERIX SA C/ Pierre X... Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 23 Septembre 2005 par le Conseil de Prud'hommes de NANTERRE No RG : 04/03752 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS LE DIX NEUF OCTOBRE DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Société GENERIX SA Immeuble Ariane 02 rue Jacques Daguerre 92500 RUEIL MALMAISON représentée par Me Caroline DUQUESNE, avocat au barreau de VALENCIENNES APPELANT [****************] Monsieur Pierre X...
... 75017 PARIS comparant en personne, assisté de Me Jean REINHART-MARVILLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K.30 INTIME [****************] Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Septembre 2006, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, conseiller chargé(e) d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :
Monsieur Gérard POIROTTE, conseiller faisant fonction de président,
Monsieur François MALLET, conseiller,
Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, conseiller, Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
M. Pierre X... a été engagé par la société GENERIX, société de conseil en logiciels et services informatiques, par contrat de
travail à durée indéterminée du 8 décembre 1999 à compter du 3 mars 2000. Le 8 avril 2002, M. Pierre X... a été désigné comme mandataire social en qualité de Directeur Général Délégué.
Le salarié a été convoqué, par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 septembre 2004, à un entretien fixé au 17 septembre 2004 en vue de son licenciement. La rupture lui a été notifiée par une seconde correspondance expédiée dans les mêmes formes libellée ainsi : Nous faisons suite à l'entretien qui s'est déroulé le 17 septembre dernier dans les locaux de Rueil-Malmaison, au cours duquel nous vous avons fait part des raisons pour lesquelles nous étions amenés à envisager votre licenciement pour motif économique, et avons recueilli vos observations.
Ce licenciement est motivé par des difficultés économiques et financières.
Dans un contexte économique très défavorable en 2003, le secteur logiciels & Services a connu une baisse sensible de son activité. En effet, le taux d'activité de notre branche est directement lié à la politique d'investissement des clients ou des prescripteurs.
Ces difficultés de marché se traduisent pour notre société par une perte nette de 1.745.000 ç constatée sur les comptes arrêtés au 31.12.2003.
Face à ces difficultés économiques et financières connues dès la fin de l'exercice 2002, l'entreprise avait d'ailleurs dû prendre un certain nombre de mesures de restructuration qui l'avaient conduite à licencier 28 personnes pour motif économique courant janvier 2003.
Il est néanmoins apparu que le chiffre d'affaires enregistré au cours du premier semestre 2004 est inférieur aux prévisions établies en début d'année, en raison du ralentissement des signatures de licences
constaté au cours du second trimestre 2004, ce qui affecte nos perspectives de retour à une rentabilité positive. ô
En dépit des premières mesures prises en 2003, la situation comptable intermédiaire au 30.06.2004 fait donc encore ressortir une perte nette de1 580 000 ç.
Le faible taux de signatures de nouveaux contrats depuis le second trimestre 2004 nécessite de prendre en considération une sous-activité persistante des équipes du département. Services qui sont confrontées. à une baisse sensible de chiffre d'affaires sur les prestations. Dans ces conditions, nous avons consulté le comité d'entreprise en date du 6 septembre 2004 qui a donné un avis favorable sur les licenciements économiques envisagés. Notre entreprise doit donc poursuivre ses efforts de redressement engagés en 2003 afin de sauvegarder son activité et sa compétitivité et pour ne pas obérer ses possibilités de redressement. Cette situation impose de privilégier les fonctions de l'entreprise les plus génératrices de chiffre d'affaires et de marge et nous conduit à mettre en place une nouvelle organisation qui affecte le service dont vous dépendez. L'entreprise a en effet décidé d'externaliser la fonction marketing , notamment pour ses composantes communication et marketing marché , ce qui conduit à la suppression du poste de directeur du département business & développement que vous occupez. Préalablement à cette mesure de licenciement et conformément aux dispositions de l'article L 321-1 alinéa 3 du Code du Travail, nous avons recherché toutes les possibilités de reclassement envisageables au sein de l'entreprise qui, nous vous le rappelons, ne fait pas partie d'un groupe. En dépit de ces efforts, nous ne sommes pas en mesure de vous proposer la moindre solution de reclassement puisqu'aucun poste n'est disponible. Nous vous rappelons, à ce sujet, que courant janvier 2003, nous avons
été contraints de procéder au licenciement économique de 28 personnes ce qui a ramené l'effectif de l'entreprise de 233 salariés à 205 salariés. Nos possibilités de reclassement, qui s'avèrent inexistantes, étaient donc déjà fortement restreintes du fait de cette baisse importante de l'effectif. Compte tenu de ce constat de carence, nous avons tenu, même si nous n'en avions pas l'obligation, à mettre en place des mesures pour faciliter votre reclassement à l'extérieur de l'entreprise. Ainsi, nous avons mis en place un dispositif d'outplacement dont la mission est confiée au Cabinet Right Garon Bonvalot. Nous avons décidé de vous dispenser de travail à la suite de notre entretien du 17 septembre 2004 et d'effectuer votre préavis, périodes qui vous seront néanmoins rémunérées. Vous trouverez des précisions sur ces mesures à l'aide de la note d'information jointe à la présente. Nous avons également décidé de vous verser une indemnité de licenciement complémentaire d'un montant de 4.000 ç avant prélèvements sociaux et de prolonger le bénéfice de votre mutuelle pendant une durée de six mois à compter de la rupture de votre contrat, soit jusqu'au 30 juin 2005. Conformément aux dispositions de l'article L.321-4-2 du code du travail et aux informations contenues dans le dossier qui vous a été remis lors de l'entretien préalable, nous vous proposons de bénéficier de la mise en .uvre anticipée du projet d'action personnalisé prévu par le PARE. Nous vous rappelons que vous disposez d'un délai de huit jours à compter de la première présentation de cette lettre à votre domicile pour nous faire part de votre volonté de bénéficier de ce dispositif et vous présenter à l'ASSEDIC, l'absence de réponse de votre part pendant ce délai étant assimilée à un refus. La date de première présentation de cette lettre fixera donc le point de départ du préavis d'une durée de 3 mois au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu. Nous vous précisons cependant que
nous vous dispensons de l'exécution de ce préavis et que vous percevrez donc aux échéances normales l'indemnité compensatrice correspondante.
Contestant cette mesure le salarié a saisi le conseil des prud'hommes de NANTERRE en sollicitant de sa part la condamnation de son adversaire à lui payer les sommes suivantes : ô
86 896,00 ç d'indemnité conventionnelle de licenciement que la société GENERIX s'était engagée à lui payer par lettre du 8 décembre 1999 en cas de licenciement suite à une nouvelle prise de participation majoritaire de l'entreprise ; ô
8 930;00 ç d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement ; ô
134 000 ç d'indemnité pour licencient sans cause réelle et sérieuse ; ô
5 000 ç en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
L'employeur a demandé le rejet des prétentions adverses et l'allocation de la somme de 5 000 ç en répétition des frais non compris dans les dépens.
Par décision du 23 septembre 2005, la juridiction saisie a condamné la défenderesse à payer au demandeur la somme de 86 896 ç d'indemnité transactionnelle outre 700 ç en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile et a débouté les parties de leurs autres demandes.
L'employeur a régulièrement interjeté appel. Par conclusions écrites déposées et visées par le greffier et soutenues oralement à l'audience, il prie la cour de déclarer nul l'engagement du 8 décembre 1999, subsidiairement de dire que les conditions de cet engagement ne sont pas remplies et de débouter M. X.... Il sollicite une somme de 10 000 ç en application de l'article 700 du
Nouveau code de procédure civile.
Par conclusions écrites déposées et visées par le greffier et soutenues oralement à l'audience, l'intimé soutient que l'indemnité de 86 896 ç constitue une indemnité de départ venant s'ajouter à l'indemnité de licenciement et sollicite en conséquence la condamnation de l'appelant à lui verser les sommes suivantes : ô
86 896 ç augmentée des intérêts y afférents ; ô
8 930 ç de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement ; ô
134 000 ç d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; ô
30 000 ç en réparation de la perte de chance dont il a été victime faute d'avoir disposé de la somme de 86 896 ç, en l'absence de laquelle n'a pu se réaliser son offre de reprise de la société de logiciels Creative Valley auprès de Maître BROUARD DAUDE, mandataire judiciaire au redressement et à la liquidation des entreprises ; ô
10 000 ç en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément aux dispositions de l'article 455 du Nouveau code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ainsi qu'aux prétentions orales telles qu'elles sont rappelées ci-dessus. DÉCISION
Sur le licenciement
Considérant que les difficultés économiques de l'entreprise sont établies par un faisceau d'éléments précis et concordants : ô
au 31 décembre 2002 la société accusait une perte nette de 7 724 000 ç, au 31 décembre 2003, une perte nette de 1 744 574 ç et au 31 décembre 2004 une perte nette de 3 278 000 ç, pour des chiffres
d'affaire nets respectifs de 16 16.001 ç, de 17 267 391 ç et de 16 199 634 ç ; ô
ces mauvais résultats étaient d'autant plus significatifs que plusieurs licenciements collectifs avaient déjà eu lieu précédemment à raison de 5 personnes en avril 2002 et 28 personnes en décembre 2002, tandis qu'un quatrième licenciement collectif économique portant sur 9 emplois est intervenu postérieurement au licenciement litigieux en juin 2005 ; ô
le licenciement de M. X... peut d'autant moins êtres considéré comme injustifié et inhérent à sa personne qu'il affectait 6 personnes ; ô
entre avril 2002 et juin 2005, les licenciement collectifs pour motifs économiques dont celui de M. X... ont occasionné une diminution des effectifs de 48 personnes, tandis que l'entreprise qui comptait à la première date 252 salariés n'en avait plus que 159 à la seconde ;ution des effectifs de 48 personnes, tandis que l'entreprise qui comptait à la première date 252 salariés n'en avait plus que 159 à la seconde ; ô
dans une note du 30 juillet 2004 à l'intention de l'Autorité des Marchés Financiers, la société GENERIX expose ses difficultés en invoquant sa situation avérée de difficulté financière et un risque concernant la continuité de son exploitation ;
Considérant que le rachat de la société CEITEL en mars 2005 postérieurement au licenciemnt ne suffit pas pour combattre les éléments de preuve de la mauvaise santé de la société GENERIX et peut ne s'inscrire que dans une stratégie de redressement ;
Considérant que le salarié ne peut soutenir que le reclassement n'a pas été sérieusement recherché au motif que M Y..., directeur de services a été engagé le 19 juillet 2004, s'agissant d'un poste orienté vers la productivité et la rentabilité qui requérait des
compétences très différentes de celle de l'appelant chargé du business et développement orientée vers le domaine commercial, la communication et le développement à l'international, de sorte qu'ainsi que le confirme son curriculum vitae il n'était pas préparé à un tel poste ; Que pour l'y affecter il fallait prévoir une véritable reconversion avec formation initiale à reprendre et non pas une simple adaptation ou une simple formation ;
Qu'en dehors de la référence à ce poste, le salarié, qui s'est vu communiquer le registre du personnel, n'indique pas d'autre possibilité ; Qu'un reclassement était d'ailleurs impossible dans une entreprise qui procédait à des licenciements collectifs à répétition ;
Considérant qu'il s'ensuit que le licenciement en cause était bien fondé sur une cause réelle et sérieuse et que la demande d'indemnité sollicitée en réparation de cette rupture sera rejetée ;
Sur les irrégularités de procédure
Considérant qu'en application de l'article L 122-14 du Code du travail, l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou de la remise en mains propres, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce puisque la lettre recommandée avec accusé de réception portant convocation à l'entretien préalable du 17 septembre 2004 n'a été présentée que le 13 précédent ;
Que cette irrégularité a nécessairement causé un préjudice au salarié, même s'il était informé au préalable de la rupture envisagée en raison de la consultation sur ce projet du comité d'entreprise qui avait donné un avis favorable le 7 septembre par 7 voix contre une ; Considérant qu'aux termes de l'article L 122-14-1 du Code du travail, si le salarié est inclus dans un licenciement collectif d'ordre
économique concernant moins de dix salariés dans une même période de trente jours, la lettre de licenciement ne peut lui être adressée moins de sept jours ; Qu'il s'agit en l'espèce du licenciement de six salariés dans une période de 30 jours selon les énonciations non contestées de l'employeur ; Et que l'intimé n'établit pas avoir reçu la lettre de licenciement qui est datée du 29 septembre 2004 moins de sept jours après l'entretien du 17 septembre précédent ;
Considérant que l'irrégularité de procédure retenue conduit la cour à allouer à M. Z... de ce chef la somme de 800 ç ;
Sur l'indemnité conventionnelle de départ
Considérant qu'une lettre émanant du président directeur général de GENERIX datée du 8 septembre 1999 énonce : Suite à notre entretien, nous vous confirmons que si la société GENERIX décidait de votre licenciement suite à une nouvelle prise de participation majoritaire de l'entreprise, vous bénéficieriez d'une indemnité transactionnelle forfaitaire venant s'ajouter à l'indemnité légale de licenciement. Le montant de cette indemnité serait de 285 000 Francs si le licenciement survenait dans les six mois suivant votre prise de fonction chez GENERIX et de 570 000 Francs si celui-ci survenait au delà des 6 mois suivant votre prise de fonction ;
Considérant qu'ainsi que le relève M. X..., cette clause instaurait un mécanisme de protection pour le cas où son départ serait lié à une prise de participation majoritaire dans le capital de la société GENERIX ;
Considérant que si, en règle générale, une telle prise de pouvoir par une société dans une autre, ne constitue par un motif réel et sérieux de licenciement, une telle clause ne saurait être déclarée nulle, dès lors qu'il n'est pas exclu que certaines hypothèse particulières co'ncident avec un cas de licenciement prévu par les règles d'ordre public régissant cette matière ;
Mais considérant qu'en l'espèce, la rupture résulte de difficultés économiques et fait partie d'un train de licenciements collectifs qui se sont succédé sur plusieurs années, la première remontant plus de deux ans avant la prise de capital de la société BEFORE au sein de la société GENERIX, le 17 septembre 2004 ;
Considérant que le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à payer la somme de 86 896 ç ;
Considérant que la demande en paiement de la somme de 30 000 ç de dommages-intérêts pour la perte de chance de pouvoir acquérir la société CREATIVE VALLEY résultant du défaut de perception de cette indemnité transactionnelle forfaitaire montant ne peut par suite qu'être rejetée ; PAR CES MOTIFS LA COUR
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Infirme le jugement rendu par le conseil des prud'homme de NANTERRE le 23 septembre 2005, mais uniquement sur l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement et sur l'indemnité contractuelle de 86 896,00 ç ;
Statuant à nouveau ;
Condamne la société GENERIX à payer à M. Pierre X... la somme de 800 ç d'indemnité pour procédure irrégulière ;
Déboute M. Pierre X... de sa demande en paiement de la somme de 86 896 ç d'indemnité contractuelle ;
Y ajoutant ;
Déboute M. Pierre X... de sa demande en paiement de la somme de 30 000 ç de dommages-intérêts pour perte de chance d'acquérir la société Creative valley ;
Déboute M. Pierre X... de sa demande tendant à voir déclarer nul l'engagement pris par lettre du 8 décembre 1999 de la société GENERIX ;
Condamne la société GENERIX à payer à M. Pierre X... la somme de
800 ç au titre des frais d'appel non compris dans les dépens ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile en faveur de la société GENERIX ;
Condamne la société GENERIX aux dépens.
Arrêt prononcé par Monsieur François MALLET , Conseiller, et signé par Monsieur Gérard POIROTTE, Conseiller faisant fonction de président et par Monsieur Pierre-Louis LANE, Greffier présent lors du prononcé Le GREFFIER, Le PRESIDENT,