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09/11/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000007631826

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ct0111, 09 novembre 2006, JURITEXT000007631826


COUR D'APPEL DE VERSAILLES12ème chambre section 2J.F.F./P.G.ARRET No Code nac : 55ZcontradictoireDU 09 NOVEMBRE 2006R.G. No 05/08757AFFAIRE :SCP BECHERET-THIERRY-SENECHAL - liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société STRAFI LOGISTICC/S.A.R.L. B... FRANCEDécision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Janvier 2004 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLESNo Chambre : 2No Section :

No RG : 2484F/02Expéditions exécutoiresExpéditionsdélivrées le : à :

SCP BOMMART MINAULTSCP LEFEVRE TARDY etamp; HONGRE BOYELDIEU

E.D.REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPL

E FRANCAISLE NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE SIX La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES12ème chambre section 2J.F.F./P.G.ARRET No Code nac : 55ZcontradictoireDU 09 NOVEMBRE 2006R.G. No 05/08757AFFAIRE :SCP BECHERET-THIERRY-SENECHAL - liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société STRAFI LOGISTICC/S.A.R.L. B... FRANCEDécision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Janvier 2004 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLESNo Chambre : 2No Section :

No RG : 2484F/02Expéditions exécutoiresExpéditionsdélivrées le : à :

SCP BOMMART MINAULTSCP LEFEVRE TARDY etamp; HONGRE BOYELDIEU

E.D.REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAISLE NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE SIX La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : SARL STRAFI LOGISTIC ayant son siège ... SUR SEINE.APPELANTESociété en liquidation judiciaire et représentée par :SCP BECHERET-THIERRY-SENECHAL - pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société STRAFI LOGISTIC et désignée en cette qualité par jugement du tribunal de commerce de NANTERRE en date du 26/02/2004. Mission conduite par Maître Véronique X... ayant son siège 3-5-7 Avenue Paul Doumer 92500 RUEIL MALMAISON.Intervenante volontaire.représentée par la SCP BOMMART MINAULT, avoués - N du dossier 00029996Rep/assistant : Me Jean-Robert Y..., avocat au barreau de PARIS (P.209).****************S.A.R.L. B... FRANCE ayant son siège Rocade de l'Autoroute Al, ZI Nord 80700

ROYE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentée par la SCP LEFEVRE TARDY etamp; HONGRE BOYELDIEU, avoués - N du dossier 240216Rep/assistant : Me Z..., avocat au barreau D'AMIENS.INTIMEE****************Composition de la cour :En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Septembre 2006 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller chargé du rapport.Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Françoise LAPORTE, président,

Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller,

Monsieur Denis COUPIN, conseiller Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse A...,

FAITS ET PROCEDURE :

Selon contrat en date du 14 juin 2002, la Société B... a vendu à la Société TDMK GROUPE, en Russie, huit arracheuses de betteraves au prix unitaire de 75.000 $ ; le prix était payable moyennant un acompte de 150.000 $ avant le 09 juillet 2001, et le solde, soit 450.000 $, au moyen d'un crédit documentaire irrévocable confirmé par une banque européenne.

Il était prévu que le crédit documentaire serait mis en oeuvre après que le vendeur eut fourni à la banque exécutrice un certain nombre de documents énumérés dans les conditions de crédit, et notamment les lettres de transport visées par les douanes russes justifiant l'entrée des équipements en Russie ; ce crédit documentaire était divisible et exécuté pour chaque CMR pour le montant des équipements

livrés.

Pour l'exportation des machines en Russie, la Société B... s'est rapprochée de la Société STRAFI LOGISTIC, laquelle s'est chargée d'organiser le transport des marchandises jusqu'à destination.

Par lettre du 21 juillet 2001, elle a confirmé à cette dernière la réservation de huit camions pour le transport des huit machines, au prix unitaire de 34.500 F (5.259,49 ç) par camion ; la Société STRAFI LOGISTIC a accepté la commande par lettre du 25 juillet 2001.

Pour l'exécution de ces prestations, la Société STRAFI LOGISTIC s'est adressée à la Société J etamp; P LOGISTICS, qui est spécialisée dans les transports à destination de la Russie ; les transports en cause ont été effectués entre le 30 juillet 2001 pour le premier camion, et le 21 août 2001 pour le dernier camion.

Cinq machines ont été normalement livrées et payées ; toutefois, la BCEN, banque émettrice, a refusé de payer les trois autres machines, en raison de difficultés liées à certaines remises documentaires, deux des CMR ayant été remises à la Société B... avec retard et hors délai, la troisième comportant une irrégularité formelle affectant certains des documents transmis.

Au motif que la Société STRAFI LOGISTIC avait engagé sa responsabilité par suite de son manquement à ses obligations contractuelles à l'origine du non paiement par l'acquéreur des trois machines litigieuses, la Société B... FRANCE l'a, par acte du 10 juillet 2002, assignée en paiement de la contre-valeur en euros de la somme de 225.000 US$, augmentée des intérêts légaux et d'une indemnité de procédure.

Par jugement du 14 janvier 2004, le Tribunal de Commerce de NANTERRE a :- condamné la Société STRAFI LOGISTIC à payer à la Société B... la somme de 225.000 $, avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2002, outre anatocisme ;- dit que cette somme se compensera avec celle de 15.778,47 ç due par la Société B... à la Société STRAFI LOGISTIC ;- condamné la Société STRAFI LOGISTIC au paiement de la somme de 2.000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;- débouté les parties de leurs autres et plus amples demandes.

La Société STRAFI LOGISTIC a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses écritures récapitulatives, la SCP BECHERET-THIERRY-SENECHAL, prise en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société STRAFI LOGISTIC, fait valoir qu'en tant que commissionnaire de transport, cette dernière est en droit de se prévaloir des dispositions de la CMR, sa responsabilité ne pouvant être plus étendue que celle de son voiturier.

Elle rappelle que les opérations de transport elles-mêmes ont toutes été effectuées sans aucun incident, les matériels ayant été livrés à leur destinataire, sans qu'aucune réserve n'ait été formulée par celui-ci à l'encontre du voiturier.

Elle constate que, dans sa lettre d'accord du 28 juillet 2001, la Société B... s'est contentée de préciser que le voiturier serait tenu de lui faire retour, par courrier express, d'une copie certifiée conforme à l'original de la CMR, et que la réception de la copie de la lettre de voiture était une condition du paiement des prestations de transport dans le délai de trente jours mentionné dans l'offre de service du commissionnaire.

Elle relève que ce délai de trente jours ne constituait en aucun cas

l'obligation substantielle constitutive d'une obligation de résultat que la Société STRAFI LOGISTIC aurait contractée envers elle pour le retour des lettres CMR.

Elle fait grief à la décision entreprise d'avoir, en la déclarant responsable des conséquences dommageables du non respect du délai de réception en retour des lettres CMR, fait un amalgame entre le contrat de vente qui liait la Société B... FRANCE à son acheteur et le contrat de commission de transport qui concernait exclusivement la Société STRAFI LOGISTIC.

Elle invoque l'absence de tout préjudice indemnisable de la part de la Société B... FRANCE, dans la mesure où l'inexécution d'un crédit documentaire pour cause de transmission tardive de lettres CMR constitue un préjudice immatériel ne pouvant, en application de l'article 23 OE 4 de la Convention CMR, donner lieu à réparation.

Elle soutient que, ni le retour tardif de deux lettres CMR, ni le rejet d'une lettre CMR comportant des mentions incomplètes par la banque chargée d'exécuter le crédit documentaire, ne peuvent constituer une faute lourde susceptible d'être imputée à la Société STRAFI LOGISTIC.

Elle ajoute que la société intimée, faute par elle de démontrer qu'elle ne disposait pas d'autre moyens que le règlement par crédit documentaire pour obtenir le paiement des matériels vendus par elle à son acheteur russe, ne justifie pas de l'existence d'un lien de causalité entre les faits reprochés à la Société STRAFI LOGISTIC et le préjudice qui en serait résulté pour elle.

Aussi, elle demande à la Cour d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la Société STRAFI LOGISTIC au paiement de la somme de 225.000 USD avec intérêts de droit, de condamner la Société B... FRANCE au versement, au titre de factures impayées et non contestées,

de la somme principale de 15.040,91 ç, avec intérêts de droit à compter de l'assignation, et avec capitalisation des intérêts à compter du 29 mai 2006, et de débouter la société intimée de l'ensemble de ses prétentions.

Subsidiairement, elle demande qu'il soit jugé que la responsabilité de la Société STRAFI LOGISTIC ne saurait excéder la somme de 5.259,49 ç X 3 = 15.778,47 ç, conformément aux dispositions de l'article 23 alinéa 3 de la CMR, l'éventuelle créance de la Société B... FRANCE ne pouvant en tout état de cause faire l'objet que d'une fixation au passif de la liquidation judiciaire de la Société STRAFI LOGISTIC, sous réserve d'une déclaration de créance régulière.

Elle réclame en outre ès-qualités la somme de 5.000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La Société B... FRANCE conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu le principe même de la responsabilité encourue et du préjudice subi par elle.

Elle expose que les CMR devaient être retournées dans un délai maximum de trente et un jours de la date de prise en charge du matériel, faute de quoi les accréditifs devenaient caducs.

Elle relève que sa lettre du 21 juillet 2001, laquelle constituait la commande passée à la Société STRAFI LOGISTIC, comportait toutes les obligations dont découlait le bon déroulement de l'opération, et en particulier le règlement effectif de ses factures.

Elle constate qu'en raison de la remise hors délais des dernières CMR ainsi que de certaines irrégularités formelles ayant affecté certains documents transmis, elle s'est heurtée à un refus de paiement par la banque émettrice ALFA BANQUE du solde dû, soit la somme de 225.000 US$.

Elle indique que la Société STRAFI LOGISTIC, qui avait été tenue parfaitement informée des délais à respecter par les fax et lettres adressés par la société intimée, ne pouvait ignorer les dates limites imposées pour le retour des documents afin que le solde du prix de vente soit honoré.

Elle précise que la Société STRAFI LOGISTIC, qui a pris la responsabilité de dactylographier de façon inexacte un document qui avait été à l'origine établi complètement par l'expéditeur, doit supporter les conséquences de ses erreurs.

Elle considère que, dès lors que c'est la tardiveté dans le retour des documents qui est à l'origine du refus de règlement des ventes, elle est parfaitement recevable en sa demande d'indemnisation à l'encontre du commissionnaire de transport.

Elle ajoute qu'elle a tenté vainement de recouvrer sa créance sur la Société TDMK, celle-ci ayant cessé toute activité et s'étant définitivement soustraite à ses obligations.

Par voie de conséquence, elle demande à la Cour de fixer sa créance, régulièrement déclarée par elle, au passif de la Société STRAFI LOGISTIC à l'équivalent en euros de la somme de 225.000 US$, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 10 février 2002, en y ajoutant l'anatocisme, et de dire que ce montant se compensera avec la somme de 15.778,47 ç dûs par la Société B... FRANCE à la Société STRAFI LOGISTIC.

Elle réclame la somme de 2.500 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 septembre 2006.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l'inexécution d'une obligation annexe du contrat de transport :

Considérant qu'il résulte des stipulations du contrat de vente conclu entre les Sociétés B... FRANCE et TDKM que le crédit documentaire ne devait être exécuté qu'après que le vendeur aurait fourni à la banque exécutrice un certain nombre de documents, parmi lesquels devait figurer la lettre de transport CMR visée par les douanes russes, certifiant l'entrée des équipements en Russie;

Considérant qu'il est acquis aux débats que trois des huit factures se rapportant aux matériels vendus n'ont pas été honorées dans le cadre de ce crédit documentaire, au motif que, pour deux d'entre elles (factures no 200155 et no 200156), les lettres CMR ont été envoyées à la BCEN-EUROBANK après la date ultime autorisée du 10 septembre 2001, tandis que, s'agissant de la troisième facture (no 200157), la lettre CMR correspondante a été reçue dans les délais mais a été estimée irrégulière en raison de l'omission d'une mention à la rubrique 15 ;

Considérant que la SCP BECHERET-THIERRY-SENECHAL, prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société STRAFI LOGISTIC, en liquidation judiciaire, conteste que la responsabilité de cette dernière puisse être recherchée en tant que commissionnaire de transport ;

Considérant qu'au soutien de sa prétention, elle explique que, dans sa lettre d'accord du 21 juillet 2001, la Société B... FRANCE n'avait pas mentionné l'exigence d'un délai de 30 (ou 31) jours à compter de l'émission de la CMR pour la remise de celle-ci à la banque exécutrice du crédit documentaire, à peine de rejet des documents, et n'avait pas non plus donné la moindre précision relative à la date d'expiration du crédit documentaire ;

Mais considérant que le commissionnaire de transport, s'il n'est pas lié par les mentions figurant sur les documents de vente accompagnant la marchandise, est en revanche tenu de se conformer à ces mentions lorsqu'elles sont reprises sur la lettre de mission de son client ;

Or considérant qu'aux termes de sa lettre de réservation du 21 juillet 2001, la Société B... FRANCE a donné à la Société STRAFI LOGISTIC l'instruction suivante :"Etablir une copie certifiée conforme à l'original de la CMR remplie au départ; cette copie sera visée par la douane russe au point de passage frontière. L'agent de votre tractionnaire aura à nous retourner le même jour, par DHL, à notre adresse de Roye, cette copie visée par la douane... La réception de cette copie en bonne et due forme par B... FRANCE est une condition essentielle du paiement de chacune de vos prestations de transport dans le délai de trente jours précisé dans votre offre" ;

Considérant que, dans cet écrit, la société intimée a également pris soin de dresser la liste des documents destinés à la banque exécutrice de l'accréditif, parmi lesquels figurait notamment l'envoi d'une copie de la CMR, visée par la douane russe du point de passage ;

Considérant qu'au regard des précisions contenues dans ce document, la Société STRAFI LOGISTIC ne pouvait ignorer que l'envoi des lettres CMR dans les tous meilleurs délais était une condition indispensable au déblocage du crédit documentaire ;

Considérant que, de surcroît, les courriers échangés entre les parties courant août 2001 mettent en évidence que le commissionnaire de transport avait parfaitement connaissance de l'urgence d'un retour des lettres CMR à sa cliente en vue de permettre à cette dernière de

recevoir paiement de ses factures ;

Considérant qu'au demeurant, il doit être observé que la Société STRAFI LOGISTIC n'a pas protesté à réception de la télécopie que la société intimée lui a adressée le 15 août 2001, et dans laquelle celle-ci lui a rappelé que le retour des CMR visées par la douane russe frontalière était une "condition suspensive du paiement des camions" ;

Considérant qu'en effet, dans sa réponse écrite du 21 août 2001, elle s'est contentée de faire état des difficultés rencontrées par les voituriers à l'occasion des opérations de dédouanement, s'engageant à faire toute diligence afin "de trouver une solution au problème rencontré" ;

Considérant qu'il y a donc lieu, en confirmant le jugement déféré, de dire que l'absence de remise des lettres CMR en conformité avec les prescriptions contenues dans la lettre d'accord du 21 juillet 2001 a constitué un manquement à une obligation annexe du contrat de transport, engageant la responsabilité du commissionnaire de transport envers la Société B... FRANCE.

Sur la responsabilité du commissionnaire de transport :

Considérant qu'il est acquis aux débats que les transports routiers internationaux litigieux ont été effectués entre la France et la Russie, lesquelles sont toutes deux signataires de la Convention du 19 mai 1956, dite CMR, dont les dispositions sont donc de plein droit applicables à la présente instance ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que, dans le cadre de l'exécution de ces transports, la Société STRAFI LOGISTIC est intervenue en tant que commissionnaire de transport, et a confié l'acheminement des marchandises à la Société J etamp; P LOGISTICS,

laquelle doit donc se voir reconnaître la qualité de voiturier ;

Considérant qu'il est constant que, garant de la réussite de l'opération qu'il s'était vu confier par son donneur d'ordre, le commissionnaire de transport répond, d'une part de son propre fait sur le fondement des articles L 132-4 et L 132-5 du Code de commerce, d'autre part, du fait du voiturier auquel il a eu recours pour l'exécution de ce transport ;

Considérant qu'à cet égard, la Société B... FRANCE expose, aux termes de ses écritures récapitulatives devant la Cour, qu'en raison de la remise hors délais des dernières lettres CMR, ainsi que des irrégularités ayant affecté certains documents transmis, "irrégularités imputables à la Société STRAFI LOGISTIC", elle s'est heurtée à un refus de paiement par la banque émettrice ALFA BANQUE du solde dû, soit la somme de 225.000 Dollars US ;

Considérant qu'elle fait valoir que la Société STRAFI LOGISTIC, qui est responsable non seulement de ses propres fautes, mais également de celles des transporteurs qu'elle s'est substitués, doit répondre, à concurrence de la somme susvisée de 225.000 US$, des conséquences dommageables des défaillances liées d'une part à la remise de deux CMR après la date d'expiration, d'autre part à l'irrégularité formelle de la troisième CMR ;

Mais considérant que la société intimée ne formule à l'encontre du commissionnaire de transport aucun grief précis de nature à engager sa responsabilité personnelle au sens des articles L 132-4 et L 132-5 précités ;

Considérant que, si elle justifie avoir mis en garde la Société STRAFI LOGISTIC sur les conséquences qu'engendrerait pour son donneur d'ordre la remise des CMR au-delà des délais contractuellement prévus, elle n'allègue toutefois nullement que le commissionnaire de transport n'aurait pas répercuté à ses correspondants les

instructions de son commettant telles que formulées aux termes de sa lettre d'accord du 21 juillet 2001 ;

Considérant qu'au demeurant, les nombreuses correspondances échangées courant juillet et août 2001 mettent suffisamment en évidence que la Société STRAFI LOGISTIC a régulièrement rendu compte à la Société B... FRANCE des difficultés rencontrées par les chauffeurs des camions pour suivre les instructions qui leur avaient été communiquées, et pour obtenir la délivrance par la douane frontalière russe des lettres CMR dans les délais impartis ;

Considérant qu'au surplus, dans un courrier du 26 octobre 2001, la société intimée a écrit à la Société STRAFI LOGISTIC : "Nous considérons que votre partenaire a commis de lourdes fautes sur ce dossier dont vous partagez la responsabilité puisque vous êtes le commanditaire", sans là encore invoquer l'existence d'une faute personnelle susceptible d'être imputée au commissionnaire de transport ;

Considérant qu'il s'ensuit qu'au regard des documents produits aux débats, la responsabilité de ce dernier ne peut être recherchée qu'en sa qualité de garant du voiturier auquel il a eu recours pour l'exécution des transports litigieux ;

Considérant qu'il est constant que le commissionnaire, lorsqu'il répond du fait d'un substitué, ne peut voir sa responsabilité étendue au-delà des limites fixées par la loi à la responsabilité de celui-ci ;

Considérant qu'il en résulte que l'indemnité devant être supportée par lui en réparation du dommage subi ne saurait excéder celle mise à la charge du transporteur par la Convention CMR applicable au présent litige ;

Considérant qu'à cet égard, l'article 29 de la Convention CMR interdit au transporteur de se prévaloir des dispositions excluant ou

limitant sa responsabilité si le dommage provient de son dol ou d'une faute qui lui est imputable et qui, d'après la loi de la juridiction saisie, est considérée comme équivalente au dol;

Considérant qu'en l'occurrence, il s'avère que les deux lettres CMR ont été reçues par la BCEN-EUROBANK le 14 septembre 2001, soit avec un retard maximum de quatre jours par rapport à la date d'expiration fixée par le crédit documentaire ;

Considérant qu'un tel retard, dont il est démontré par les correspondances échangées entre les Sociétés STRAFI LOGISTIC et B... FRANCE qu'il trouve son origine dans les difficultés rencontrées par le transporteur auprès des autorités douanières russes à l'occasion des opérations de dédouanement, ne saurait être constitutif d'une négligence d'une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l'inaptitude du transporteur à l'accomplissement de la mission contractuelle acceptée par lui ;

Considérant que la même observation doit être faite s'agissant du rejet du crédit documentaire consécutif au caractère incomplet de la troisième lettre CMR qui avait été remplie dactylographiée par le voiturier, et sur laquelle celui-ci a omis de remplir la case numéro 15 ;

Considérant qu'en effet, il doit être observé que cette omission, qui résulte apparemment d'une erreur matérielle de la part du transporteur, n'a eu d'incidence ni sur les opérations de dédouanement, ni sur la livraison du matériel à son destinataire ;

Considérant que, dès lors, en l'absence de faute lourde susceptible de lui faire perdre le bénéfice des limitations dont son substitué aurait pu se prévaloir, le commissionnaire de transport est bien fondé à revendiquer l'article 23.5 de la Convention CMR, en vertu duquel, lorsque le dommage allégué est imputable à un retard, le

transporteur est tenu de payer, pour le préjudice qui a résulté de ce retard, une indemnité qui ne peut dépasser le prix du transport ;

Considérant qu'il s'ensuit que l'indemnité due par la Société STRAFI LOGISTIC en réparation du préjudice lié au défaut de transmission de trois lettres CMR régulières dans le délai imparti, doit être limitée à la somme de : 5.259,49 ç x 3 = 15.778,47 ç ;

Considérant que, pour tenter de se soustraire à son obligation d'indemnisation envers son donneur d'ordre, la Société STRAFI LOGISTIC, représentée par son mandataire liquidateur, invoque encore l'absence de lien de causalité entre les manquements qui lui sont reprochés et le non paiement des trois factures de vente litigieuses, en faisant valoir que la Société B... FRANCE disposait d'autres moyens pour parvenir au même résultat, notamment en recourant à la procédure d'arbitrage qui était prévue par le contrat de vente;

Mais considérant que la société intimée justifie que les poursuites à l'encontre de l'acquéreur, la société russe TDKM, se sont révélées vaines, celle-ci ayant cessé ses activités peu après la livraison des matériels litigieux ;

Considérant que, par voie de conséquence, il convient, en infirmant sur le quantum alloué le jugement déféré, d'accueillir la réclamation de la Société B... FRANCE à l'encontre du commissionnaire de transport dans la limite du plafond d'indemnisation édicté par l'article 23.5 de la Convention CMR, de fixer la créance de cette dernière, régulièrement déclarée au passif de la Société STRAFI LOGISTIC, à la somme de 15.778,47 ç, et de débouter la société intimée du surplus de sa réclamation ;

Considérant qu'en application de l'article 27 de la Convention CMR, l'ayant droit peut demander les intérêts de l'indemnité, et ces

intérêts courent, s'il n'y a pas eu de réclamation écrite, du jour de la demande en justice ;

Considérant que, dès lors qu'en application de l'article L 621-48 du Code de commerce, le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la Société STRAFI LOGISTIC prononcé le 26 février 2004 a arrêté le cours des intérêts, il y a lieu d'assortir la somme principale de 15.778,47 ç des intérêts au taux légal sur la seule période comprise entre le 10 juillet 2002, date de l'assignation, et le 26 février 2004 ;

Considérant qu'il convient en outre d'ordonner la capitalisation des intérêts, par application de l'article 1154 du Code civil par année entière, à compter de la demande formée pour la première fois par assignation du 10 juillet 2002 soit à partir du 10 juillet 2003 et jusqu'au 26 février 2004, et de débouter la Société B... FRANCE du surplus de ses réclamations tant en principal qu'en intérêts.

Sur la demande reconventionnelle et sur les demandes annexes :

Considérant qu'il est constant que la Société STRAFI LOGISTIC s'est portée reconventionnellement demanderesse en paiement de la somme de 15.040,91 ç, correspondant au solde des frais de transport non acquittés par la Société B... FRANCE ;

Considérant que, dès lors que cette réclamation n'est pas contestée par la société intimée, il convient, en confirmant de ce chef le jugement déféré, de condamner la Société B... à verser à la Société STRAFI LOGISTIC, en liquidation judiciaire, représentée par son mandataire liquidateur, la somme principale de 15.040,91 ç, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 04 février 2003, date de la première réclamation devant le Tribunal ;

Considérant que, dans la mesure où la demande de capitalisation des

intérêts a été formulée pour la première fois par conclusions du 26 mai 2006, les conditions de son prononcé ne sont pas remplies à la date de la présente décision ;

Considérant que, s'agissant de créances connexes au sens de l'article L 621-24 du Code de commerce, il y a lieu d'ordonner la compensation entre les sommes respectivement dues par la Société STRAFI LOGISTIC, en liquidation judiciaire, en réparation du dommage subi par le donneur d'ordre, et la Société B... FRANCE, au titre des factures de frais de transport impayées ;

Considérant qu'il n'est pas inéquitable que chacune des parties conserve la charge des frais non compris dans les dépens exposés par elle dans le cadre de la présente instance ;

Considérant que la décision entreprise doit donc être infirmée en ce qu'elle a alloué une indemnité de procédure à la Société B... FRANCE ;

Considérant qu'il convient de faire masse des dépens de première instance et d'appel, et de les partager par moitié entre chacune des parties.PAR CES MOTIFS

Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme partiellement le jugement déféré, et statuant à nouveau :

Fixe la créance de la Société B... FRANCE au passif de la Société STRAFI LOGISTIC, en liquidation judiciaire, à la somme principale de 15.778,47 ç, majorée des intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2002, date de l'assignation introductive d'instance, jusqu'au 26 février 2004, date du jugement d'ouverture de la procédure collective ;

Ordonne la capitalisation des intérêts sur la somme susvisée, ce à compter du 10 juillet 2003 jusqu'au 26 février 2004 ;

Condamne la Société B... FRANCE à verser à la SCP

BECHERET-THIERRY-SENECHAL, prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société STRAFI LOGISTIC, en liquidation judiciaire, la somme de 15.040,91 ç, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 04 février 2003 ;

Ordonne la compensation entre les créances respectives de chacune des parties, à due concurrence de la moins élevée ;

Déboute l'une et l'autre parties de leurs autres et plus amples demandes;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Fait masse des dépens de première instance et d'appel, dit qu'ils sont partagés par moitié entre chacune des parties, et autorise les avoués de la cause à recouvrer, directement et à due concurrence de ce partage, la part les concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Arrêt prononcé par Madame Françoise LAPORTE, président, et signé par Madame Françoise LAPORTE, président et par Madame Marie SAUVADET, greffier en chef, présent lors du prononcé

Le GREFFIER EN CHEF,

Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ct0111
Numéro d'arrêt : JURITEXT000007631826
Date de la décision : 09/11/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Madame Françoise LAPORTE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2006-11-09;juritext000007631826 ?
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