COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
12ème chambre section 2
D.C./P.G.
ARRET No Code nac : 59B1L
contradictoire
DU 14 JUIN 2007
R.G. No 06/08710
AFFAIRE :
Me Marie Dominique DU X... - agissant en qualité de liquidateur (acte d'appel) et représentant des créanciers et de commissaire à l'exécution du plan de la Société AUTOMOBILE SERVICE DE L'ESSONNE "ASE
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C/
Société FCE BANK PLC Exerçant sous la dénomination FORD CREDIT
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Décision déférée à la cour : ordonnance de Monsieur le conseiller de la mise en état rendue le 23 Novembre 2006 par la Cour d'Appel de VERSAILLES
No Chambre : 12ème
No Section : B
No RG : 5096/05
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
SCP DEBRAY-CHEMIN
SCP BOMMART MINAULTE.D.
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE QUATORZE JUIN DEUX MILLE SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Me Marie Dominique DU X..., mandataire judiciaire agissant en qualité de liquidateur (acte d'appel) et représentant des créanciers et de commissaire à l'exécution du plan de la Société AUTOMOBILE SERVICE DE L'ESSONNE "ASE" demeurant 5 bd de l'Europe 91050 EVRY CEDEX.
DEMANDERESSE AU DEFERE - APPELANTE AU PRINCIPAL
représentée par la SCP DEBRAY-CHEMIN, avoués - No du dossier 05000650
Rep/assistant : Me COURTIEZ, avocat au barreau de PARIS.
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Société FCE BANK PLC société de droit étranger, exerçant sous la dénomination FORD CREDIT Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 392 315 776 RCS VERSAILLES, ayant son siège CENTRAL OFFICE EAGLE BRENTWOOD ESSEX CM13 3AR et en France, 34 Rue de la Croix de Fer 78100 SAINT GERMAIN EN LAYE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
S.A.S. FMC AUTOMOBILES Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 425 127 362 RCS VERSAILLES, ayant son siège 34 rue de la Croix de Fer 78100 SAINT GERMAIN EN LAYE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
représentées par la SCP BOMMART MINAULT, avoués - No du dossier 00032121
Rep/assistant : Me Paul COCCHIELLO, avocat au barreau de PARIS (T.04).
DEFENDERESSES AU DEFERE - INTIMES AU PRINCIPAL
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Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Avril 2007 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Denis COUPIN, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Françoise LAPORTE, président,
Monsieur Denis COUPIN, conseiller,
Monsieur François DUCLAUD, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse GENISSEL,
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Le 26 octobre 2001 la société de droit britannique FCE BANK PLC, subrogée dans les droits de la société FORD FRANCE aux termes d'un contrat d'affacturage, a assigné la société AUTOMOBILES SERVICE DE L'ESSONNE, dite A.S.E., devant le tribunal de commerce de Nanterre, en paiement de diverses factures de ventes de véhicules neufs. La société A.S.E. a appelé à la cause, le 11 janvier 2002, la société FORD FRANCE et a réclamé divers dommages et intérêts.
Le 28 janvier 2002, le tribunal de commerce d'Evry ouvrait à l'encontre de la société A.S.E. une procédure de redressement judiciaire, désignant maître A... aux fonctions d'administrateur judiciaire et maître Marie Dominique DU X... à celles de représentant des créanciers.
Ces organes de la procédure collective sont intervenus volontairement dans le litige.
La société anonyme par actions simplifiée FMC AUTOMOBILES est venue aux droits de la société FORD FRANCE.
Maître DU X... a exposé que le redressement judiciaire de la société A.S.E. avait été converti en liquidation judiciaire et qu'elle avait été désignée liquidateur judiciaire. Elle est intervenue en cette nouvelle qualité devant le tribunal qui, par un jugement du 04 février 2005, a joint les procédures, a donné l'acte requis, a fixé la créance de la société FCE BANK PLC au passif de la liquidation judiciaire de la société A.S.E. à la somme de 434.755,24 euros, et a condamné maître DU X..., es-qualités, à payer à chacune des sociétés FCE BANK et FMC AUTOMOBILES 6.000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par déclaration du 28 juin 2005, maître DU X..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société A.S.E., a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions du 18 août 2006, les sociétés FMC AUTOMOBILES et FCE BANK PLC ont saisi le conseiller de la mise en état d'un incident tendant à voir déclarer cet appel nul et de nul effet, en exposant que, par décision du 07 juillet 2003, le tribunal de commerce d'Evry avait arrêté un plan de redressement et nommé maître DU X... aux fonctions de commissaire à son exécution pour la durée de ce dernier, laquelle expirait le 07 juillet 2004, tout en le maintenant à celles de représentant des créanciers.
Le 23 novembre 2006, le conseiller de la mise en état rendait une ordonnance d'incident par laquelle il se déclarait compétent. Il relevait que la société A.S.E. n'avait jamais été placée en liquidation judiciaire et que maître DU X... n'avait à aucun moment été désignée en tant que mandataire liquidateur.
Retenant qu'à la date de sa déclaration d'appel, maître DU X... n'avait pas le pouvoir de représenter la société A.S.E. en tant que mandataire liquidateur, il a dit que l'acte d'appel était entaché d'une irrégularité de fond, au sens de l'article 117 du nouveau code de procédure civile.
Il a relevé que les conclusions de maître DU X... du 22 juin 2006 demandant acte d'une reprise de l'instance en qualité de représentant des créanciers et de commissaire à l'exécution du plan étaient postérieures à l'expiration du délai d'appel et ne pouvaient donc régulariser la procédure. Il a déclaré nul et de nul effet l'acte d'appel et, par conséquent, l'appel irrecevable.
Il a condamné maître DU X... à payer à chacune des sociétés FMC AUTOMOBILES et FCE BANK PLC la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'incident.
Maître DU X... a signifié le 06 décembre 2006 des conclusions de déféré devant la cour de l'ordonnance du conseiller de la mise en état.
Elle rappelle les dispositions de l'article 771 du nouveau code de procédure civile qui ne concernent pas les fins de non-recevoir.
Elle estime que le problème soulevé relève d'un défaut de qualité à agir et non d'une incapacité ou d'un défaut de pouvoir.
Elle souligne qu'il n'est pas contestable qu'elle a la capacité et le pouvoir de représenter la société A.S.E. et soutient que seule se pose la question de la qualité de son intervention dans le cadre de la procédure.
Elle en déduit que la fin de non-recevoir relevant du défaut de qualité à agir énumérée à l'article 122 du nouveau code de procédure civile doit être présentée devant la cour et échappe à la compétence du conseiller de la mise en état.
A toutes fins, elle rappelle qu'aux termes de l'article 126 du nouveau code de procédure civile l'irrecevabilité doit être écartée si la cause a disparu au moment où le juge statue.
Elle critique la décision en faisant valoir que, sur les fondements tant de l'article 121 que de l'article 126 du nouveau code de procédure civile, il n'est aucunement mentionné que l'irrégularité doit être couverte sous réserve des délais de forclusion. Elle estime qu'en statuant ainsi le conseiller de la mise en état a ajouté au texte une condition qui n'est pas requise.
Elle conclut ainsi à la réformation de l'ordonnance et demande à la cour de déclarer que la procédure a été régularisée par ses conclusions signifiées le 22 juin 2006.
Elle observe enfin que l'irrecevabilité de l'appel rendrait définitif le jugement à son encontre, en une qualité de mandataire liquidateur d'une liquidation judiciaire inexistante.
Elle demande en conséquence à la cour d'infirmer l'ordonnance du 23 novembre 2006, de déclarer le conseiller de la mise en état incompétent pour statuer sur l'incident soulevé, subsidiairement de dire que la procédure a été régularisée par ses conclusions du 22 juin 2006, de la déclarer en conséquence recevable en son appel et de condamner les sociétés FMC AUTOMOBILES et FCE BANK PLC aux dépens du déféré ainsi qu'à la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société FMC AUTOMOBILES réplique qu'elle soulève l'exception tirée de la nullité de l'acte d'appel pour défaut de pouvoir de maître DU X... à représenter la société A.S.E. en tant que liquidateur judiciaire ; que cette exception de nullité constitue une exception de procédure au sens des articles 117 et suivants du nouveau code de procédure civile et non pas une fin de non-recevoir. Elle soutient dès lors la compétence du conseiller de la mise en état.
Elle rappelle la chronologie de la procédure, explique que la société A.S.E. a bénéficié d'un plan de cession après avoir fait l'objet d'un redressement judiciaire. Elle en déduit que l'acte d'appel régularisé par maître DU X... "es qualité de mandataire liquidateur" est nul et de nul effet en raison du défaut de pouvoir de capacité d'ester en justice de cette dernière et de son défaut de pouvoir de représenter la société A.S.E. en tant que liquidateur judiciaire.
Elle rappelle que le défaut de pouvoir et l'absence de qualité pour agir au nom d'une société constitue une irrégularité de fond non susceptible de régularisation.
Elle ajoute que celle affectant l'appel ne peut être couverte après l'expiration du délai de recours.
Elle observe que maître DU X... soulève le moyen tenant à la nullité du jugement sans pourtant formuler aucune demande de ce chef.
Elle demande en conséquence à la cour de débouter maître DU X..., de confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions, de condamner maître DU X... à lui payer 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'incident.
La société FCE BANK PLC développe une argumentation mot pour mot identique à celle de la société FMC AUTOMOBILES sauf à ajouter une référence à un arrêt de cette cour rendu le 02 novembre 2006 établissant une distinction entre nullité d'un acte de procédure et nullité d'un jugement de première instance.
Elle conclut, comme la société FMC AUTOMOBILES, au débouté de maître DU X... et à la confirmation de l'ordonnance, en réclamant 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Considérant que le jugement du tribunal de commerce d'Evry en date du 07 juillet 2003, comme l'extrait d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, établissent que la procédure de redressement judiciaire de la société ASE, ouverte le 28 janvier 2002, a conduit à l'adoption d'un plan de redressement par cession totale des éléments d'actif ;
Considérant ainsi que la liquidation judiciaire de la société ASE n'a jamais été prononcée ; que maître DU X... n'a jamais été désignée liquidateur judiciaire de ASE ; que ses fonctions ont été celles de représentant des créanciers pendant la période d'observation et, postérieurement au jugement arrêtant le plan, pour le temps nécessaire à la vérification des créances ;
Considérant que le tribunal a aussi désigné maître DU X... aux fonctions de commissaire à l'exécution du plan de cession pour la durée de celui-ci, fixée à un an et devant expirer le 07 juillet 2004 ; que par un jugement rendu le 05 juillet 2004, cette même juridiction a prorogé d'office la mission de maître DU X... en tant que commissaire à l'exécution du plan.
Sur la compétence du conseiller de la mise en état
Considérant qu'aux termes des dispositions combinées des articles 910, 771 et suivants du nouveau code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure mettant fin à l'instance ;
Considérant que l'incident dont il était, en l'espèce, saisi visait à déclarer nul et de nul effet l'acte d'appel formé le 28 juin 2005 par maître DU X... en qualité de liquidateur judiciaire de la société ASE ;
Considérant que maître DU X... soutient que, dès lors qu'elle exerce régulièrement les fonctions de représentant des créanciers et de commissaire à l'exécution, la référence erronée à la qualité de liquidateur judiciaire relève d'un défaut de qualité à agir et non d'un défaut de pouvoir ;
Considérant qu'il n'est pas discutable que, eu égard à sa double mission de représenter les créanciers et d'assurer la bonne exécution du plan, maître DU X... avait les pouvoirs de représenter la société ASE dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de cette dernière, laquelle a conduit à un plan de redressement par cession ;
Considérant, en revanche, que maître DU X... ne disposait d'aucun pouvoir de représentation de la personne morale dans le cadre d'une prétendue procédure de liquidation judiciaire qui n'a jamais été ouverte et, donc, jamais existé ;
Considérant ainsi que les pouvoirs dont elle se prévaut, découlant de la revendication de la qualité de liquidateur judiciaire d'une société en liquidation judiciaire, ne reposaient sur aucune base légale ;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 117 du nouveau code de procédure civile, constitue une irrégularité affectant la validité de l'acte, notamment, le défaut de pouvoir d'une personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale ;
Considérant que l'exception tirée de la nullité de l'acte d'appel pour défaut de pouvoir de maître DU X..., constitue une exception de procédure au sens dudit article et non pas une fin de non-recevoir pour défaut de qualité ;
Qu'il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état qui s'est déclaré compétent pour connaître de l'incident ;
Sur la nullité de l'acte d'appel
Considérant que, à la date du 28 juin 2005, maître DU X... avait la double qualité de représentant des créanciers et de commissaire à l'exécution du plan, dans le cadre de la procédure collective de redressement judiciaire de la société ASE ;
Considérant pourtant qu'elle a interjeté appel en se prétendant liquidateur judiciaire de la société ASE, alors qu'elle n'avait pas ce pouvoir ; que ce défaut constitue une irrégularité de fond, au sens de l'article 117 du nouveau code de procédure civile qui affecte la régularité de l'acte ;
Considérant que l'ordonnance du conseiller de la mise en état doit donc recevoir confirmation en sa disposition déclarant nul et de nul effet l'appel interjeté le 28 juin 2005 ;
Sur la régularisation
Considérant que maître DU X... a signifié, le 22 juin 2006, des conclusions rectificatives en se prévalant de ses exactes qualités de commissaire à l'exécution du plan et de représentant des créanciers de la société ASE ;
Considérant qu'invoquant l'article 121, et aussi mais inexactement l'article 126, du nouveau code de procédure civile, elle considère que l'irrégularité affectant l'acte du 28 juin 2005 s'est ainsi trouvée couverte avant l'ouverture des débats ;
Considérant cependant que, comme l'a dit pertinemment le conseiller de la mise en état, la procédure ne pouvait se trouver régularisée par un acte formalisé postérieurement au délai d'appel, lequel a expiré le 03 juillet 2005 ;
Considérant qu'en statuant ainsi ce magistrat n'a pas, comme le soutient maître DU X..., ajouté au texte (articles 121 ou 126 du nouveau code de procédure civile) une condition qui n'est pas requise ; que la régularisation de l'acte nul ne pouvait être acquise par de simples conclusions rectificatives, sauf à priver de toute portée les dispositions de l'article 528 du nouveau code de procédure civile ;
Sur la nullité du jugement
Considérant que le conseiller de la mise en état n'a pas le pouvoir de prononcer ou de constater la nullité d'un jugement de première instance ;
Considérant que la seule circonstance que, sur les indications erronées de maître DU X..., le jugement a fixé la créance de la société FCE BANK PLC au passif de la liquidation judiciaire de la société A.S.E., pourtant inexistante, est inopérante à priver le conseiller de la mise en état de son pouvoir de statuer sur la validité de l'acte d'appel ;
Sur les autres demandes
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la société FMC AUTOMOBILES et à la société FCE BANK PLC la charge des frais qu'elles ont été, l'une et l'autre, contraintes d'engager pour le présent déféré ; que maître DU X... sera condamnée à payer, à chacune d'elles, une indemnité complémentaire de 500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Considérant que l'équité ne commande pas d'allouer des sommes sur le fondement du même texte à maître DU X... qui, succombant dans l'exercice de son recours, doit être condamnée aux dépens du déféré ;
PAR CES MOTIFS
Statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée,
Y ajoutant,
Condamne maître Marie Dominique DU X... à payer à chacune de la SAS FMC AUTOMOBILES et de la société de droit britannique FCE BANK PLC la somme complémentaire de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application de ce même texte au bénéfice de maître Marie Dominique DU X...,
Condamne cette dernière aux dépens du déféré qui pourront être recouvrés directement par la SCP BOMMART-MINAULT, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Arrêt prononcé par Monsieur Denis COUPIN, conseiller, et signé par Monsieur Denis COUPIN, conseiller et par Madame Marie-Thérèse GENISSEL, greffier, présent lors du prononcé
Le GREFFIER,Le CONSEILLER POUR LE PRESIDENT EMPÊCHÉ,