COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 12 SEPTEMBRE 2007
R.G. No 06/01701 et
06/1767
AFFAIRE :
SCP LAUREAU -
JEANNEROT
Administrateur
judiciaire de la SARL
INTERVENTION
PROTECTION
SURVEILLANCE
ALARMES
TELESECURITE
...
C/
Mohamed X...
AGS CGEA IDF OUEST
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Avril 2006 par le Conseil de Prud'hommes de MANTES LA JOLIE
No Chambre :
Section : Activités diverses
No RG : 05/00058
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SCP LAUREAU - JEANNEROT
Administrateur judiciaire et Commissaire à l'exécution du plan de la SARL INTERVENTION PROTECTION SURVEILLANCE ALARMES TELESECURITE
...
78000 VERSAILLES
représenté par Maître BOTHNER de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, avocats au barreau de VERSAILLES
SARL INTERVENTION PROTECTION SURVEILLANCE ALARMES TELESECURITE (IPSAT FRANCE)
...
78711 MANTES LA VILLE
représentée par Me Céline ROUANET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1727
APPELANTES
****************
Monsieur Mohamed X...
1 Hameau de Bouchereau
Voie communale no 3
77167 POLIGNY
comparant en personne, assisté de M. Jean-Claude Z..., Délégué syndical ouvrier, muni d'un pouvoir spécial et d'un mandat régulier
INTIME
****************
AGS CGEA IDF OUEST
...
92309 LEVALLOIS PERRET CEDEX
représenté par Me BOTHNER de la SCP HADENGUE, avocats au barreau de VERSAILLES
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Juin 2007, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie BOURGOGNE, conseiller chargé(e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :
Madame Marie-Noëlle ROBERT, conseiller faisant fonction de président,
Madame Patricia DEROUBAIX, conseiller,
Madame Sylvie BOURGOGNE, conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Catherine SPECHT
Exposé des faits et de la procédure
Suivant contrat à durée indéterminée, Mohamed X... est engagé par la société Télé Guard à compter du 15 avril 2003, en qualité d'agent de prévention et de sécurité, niveau 2, échelon 2.
Il est notamment prévu à l'article 8 du contrat au titre du régime de travail que « selon les nécessités du service le régime horaire et le lieu de travail peuvent éventuellement changer. En raison de la nature même du gardiennage et de la diversité des prestations demandées, l'employé est tenu d'accepter les mutations d'horaires et de postes de travail ».
Par ailleurs l'article 11 de ce même contrat intéressant les frais de transport dispose :
« En général, l'employé est embauché pour travailler sur tous les postes ou chantiers de surveillance de TG répartis dans un rayon de 30 km autour du siège social et d'exploitation de BRETIGNY.
En conséquence, et dans la mesure où le salaire reste inchangé, le trajet « domicile-travail » ainsi que l'emplacement géographique du lieu du lieu de travail par rapport au domicile de l'employé ne constituent pas des conditions substantielles du présent contrat. Toutefois, dans la mesure du possible, un forfait indemnité de transport pourra être accordé selon un schéma de zones kilométriques d'éloignement.
Des lieux de travail plus éloignés, tant en Ile-de-France, qu'en province, peuvent être proposés aux employés: dans ce cas, un accord relatif à un remboursement partiel des frais de transport pourra être trouvé, il prendra sa base soit sur les tarifs de remboursement carte orange pour l'lle-de-France, soit sur un remboursement kilometrique, tarif du Ministère des Finances ».
Le contrat de travail se poursuit à compter du 1er novembre 2003 au sein de la société IPSAT France.
Les relations contractuelles sont soumises à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.
Par jugement rendu le 24 mai 2004, le tribunal de commerce de Versailles ouvre une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société IPSAT. La SCP Laureau et Jeannerot est nommée en qualité d'administrateur judiciaire avec notamment le pouvoir de représenter la société débitrice dans tous ses actes de gestion et de disposition.
Par lettre du 28 juillet 2004, M. X... informe la société IPSAT qu'il ne rendra pas sur son nouveau lieu d'affectation situé à Créteil du fait de l'éloignement de son domicile et demande à son employeur de procéder à son licenciement à compter du 1er août 2004. Il est ensuite en arrêt maladie jusqu'au 30 septembre.
En réponse à un courrier du mandataire judiciaire du 3 septembre 2004 envisageant une sanction à son égard pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute, le salarié indique que les nouveaux lieux d'affectation qui lui sont proposés sont éloignés de plus de 100 kilomètres de son domicile et du siège de la société, en violation des dispositions de son contrat de travail, et qu'il est donc fondé à les refuser, sollicitant le versement de ses salaires des mois d'octobre, novembre et décembre.
Par jugement en date du 14 décembre 2004, le tribunal de commerce homologue le plan de redressement par voie de cession au bénéfice de la société SCGP Corentin. Il ordonne le transfert de la totalité des 64 contrats de travail repris conformément aux dispositions de l'article L. 621-88 du Code de commerce et maintient la SCP Laureau et Jeannerot dans sa fonction d'administrateur judiciaire avec les pouvoirs nécessaires à la mise en œuvre du plan, la SCP étant désignée par ailleurs commissaire à l'exécution du plan. L'entrée en jouissance du repreneur est prévue le 1er janvier 2005.
La SCP Laureau et Jeannerot par lettre du 17 décembre 2004 fait savoir au salarié que les propositions de sites d'affectation qui lui ont été faites ne sont pas contraires à son contrat de travail et qu'en conséquence, son absence est injustifiée et que ses jours ne seront pas payés.
Par courrier du 11 janvier 2005, M. X... conteste les termes de cette lettre et indique « je vous rappelle que compte tenu que je n'ai perçu aucun salaire, ni mission conforme à mon contrat de travail, je considère donc celui-ci rompu. J'ai donc décidé de saisir la juridiction prud'homale en la matière ».
Il saisit le conseil de prud'hommes de Mantes La Jolie aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail et la condamnation de la société IPSAT France à lui payer les sommes suivantes :
* 6 864 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
* 229 euros à titre d'indemnité de licenciement,
* 1 144 euros à titre d'indemnité de préavis,
* 114 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,
* 2 288 euros à titre de rappel de salaire d'octobre et novembre 2004,
* 228 euros à titre de congés payés afférents,
* 1 144 euros à titre de congés payés,
* 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
L'employeur sollicite à titre reconventionnel la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par jugement du 10 avril 2006, le conseil :
- prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'administrateur judiciaire ès qualités qui n'a pas voulu licencier en connaissance de cause M. X..., se mettant en contravention délibérée avec les textes,,
- dit y avoir par là même un abus de droit caractérisé et une volonté discriminatoire envers un seul salarié de la société dont il a régulièrement licencié l'ensemble des 19 autres salariés dans une volonté de représailles explicitement apparue à l'audience,
- dit inacceptable cet agissement aggravé par la qualité d'auxiliaire de justice de la SCP Laureau-Jeaunnerot,
- condamne la SCP Laureau-Jeaunnerot ès qualités d'administrateur judiciaire de la société IPSAT France à une amende civile de 3 500 euros au titre de sa responsabilité directe dans le traitement de ce dossier,
- dit que toutes les conséquences de la résiliation judiciaire seront portée à la charge exclusive de l'administrateur lui-même puisque résultant directement de sa responsabilité mal exercée d'administrateur,
- condamne la SCP Laureau-Jeaunnerot à payer à M. X... les sommes suivantes :
* 6 864 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
* 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- dit que ces sommes donneront lieu à exécution provisoire,
- déboute M. X... de ses autres demandes,
- déboute la société Ipsat France de ses demandes reconventionnelles,
La SCP Laureau et Jeannerot et la société Ipsat France relèvent régulièrement appel de cette décision.
La SCP Laureau-Jeaunnerot demande à la cour de :
- dire et juger qu'elle n'était pas tenue de licencier M. X...,
- reformer le jugement déféré,
- dire et juger que M. X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 11 janvier 2005,
- dire et juger que la prise d'acte de rupture s'analyse en une démission,
- débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes,
- ordonner à M. X... le remboursement de la somme de 7 364 euros,
- condamner M. X... à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La SCP Laureau-Jeaunnerot fait valoir :
- qu'elle n'a jamais considéré M. X... comme démissionnaire,
- qu'elle a décidé de suspendre la procédure de licenciement entamée le 3 septembre 2004 dans la mesure où M. X... justifiait de son absence depuis le 1er août 2004,
- qu'aucune discrimination n'est démontrée,
- qu'en tout état de cause, le contrat de travail ayant été transféré au 1er janvier 2005, la rupture du contrat ne peut être mise à la charge de la procédure collective et encore moins à la charge personnelle du mandataire judiciaire.
L'Unédic AGS-CGEA Ile de France Ouest s'associe à ces observations.
La société IPSAT France demande l'infirmation partielle du jugement entrepris et que la cour constate :
- que M. X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 11 janvier 2005, soit postérieurement au transfert de son contrat de travail dans le cadre du plan de continuation par voie de cession et que les demandes du salarié à son égard sont donc irrecevables,
- que le contrat de travail était suspendu depuis le 1er octobre 2004, du propre fait du salarié,
Elle sollicite le rejet des demandes de M. A... et la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle fait valoir :
- que les demandes à son égard sont irrecevables dès lors que le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail après le transfert de ce contrat dans le cadre du plan de cession,
- que durant ses arrêts de travail l'intéressé ne peut bénéficier d'un complément de salaire versé par son employeur dès lors qu'il n'a pas rempli les conditions prévues par les dispositions conventionnelles concernant le délai de prévenance et n'avait pas l'ancienneté requise,
- que la prise d'acte ne peut produire que les effets d'une démission dès lors qu'il n'y pas eu modification du contrat de travail, le lieu de travail pouvant être changé tant aux termes des prévisions contractuelles que des dispositions conventionnelles,
- qu'il ressort des pièces produites par l'intéressé que celui-ci travaillait déjà pour autre société de sécurité à Grigny.
M. X... demande la condamnation de la société IPSAT France et ou du commissaire à l'exécution du plan à lui verser les sommes fixées en première instance et maintient les autres demandes pour lesquelles il a été débouté.
Il fait valoir :
- qu'il résulte de l'article 11 du contrat de travail que le site d'affectation ne devait pas se situer à plus de 30 kilomètres du siège social et que les sites qui lui ont été proposés dépassait cette limite géographique ; qu'il y a donc eu modification du contrat,
- que la société IPSAT avait indiqué par note de service du 14 juin 2004 que son licenciement interviendrait le 31 juillet 2004 au motif qu'elle avait perdu le marché de Combs la Ville où il travaillait,
- qu'il est le seul salarié de ce site à ne pas avoir été licencié,
- qu'il est fondé à obtenir des rappels de salaire.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.
Motifs de la décision
Considérant qu'il convient dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction des deux procédures d'appel ;
Sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences
Considérant que M. X... n'a pas été licencié que ce soit par le mandataire judiciaire ou par la société IPSAT France, qui n'aurait d'ailleurs pas eu qualité pour le faire ;
Considérant que la SCP Laureau et Jeannerot n'était pas tenue de licencier l'intéressé qui ne peut se prévaloir valablement à cet égard d'une discrimination ;
Considérant qu'il est constant que M. X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 11 janvier 2005, avant la saisine du conseil de prud'hommes ; qu'il ne peut en conséquence solliciter la résiliation de son contrat de travail, la prise d'acte ayant consommé la rupture ;
Considérant qu'il n'est pas utilement contesté qu'à la date de la prise d'acte, le contrat de travail avait été transféré à la société SCGP Corentin, sous la nouvelle dénomination IPSAT France Europe, laquelle n'a pas été attraite dans la procédure ;
Considérant qu'aucun élément n'est fourni établissant une volonté de nuire au salarié de la part de l'administrateur judiciaire dont la responsabilité personnelle, qui n'avait d'ailleurs pas été évoquée par le salariée en première instance, ne saurait être retenue ;
Considérant que dans ces conditions, les demandes du salarié formées à cet égard doivent être rejetées ;
Sur les rappels de salaire et de congés payés
Considérant qu'en ce qui concerne la période postérieure au transfert du contrat de travail à la société SCGP Corentin, aucune somme ne peut en tout état de cause être réclamée à ce titre dans le cadre de la procédure collective intéressant la société IPSAT France ;
Considérant pour la période antérieure non couverte par les arrêts maladie, que la demande n'apparaît pas fondée ;
Que le salarié sollicite en effet des rappels de salaire faisant valoir qu'on ne l'a pas affecté sur des sites de travail conformément aux dispositions contractuelles et que l'employeur a donc manqué à ses obligations ;
Considérant cependant que le contrat de travail ne prévoit pas que le lieu d'affectation du salarié se limite à un rayon de 30 kilomètres autour du siège social de la société contrairement à ce que celui-ci soutient ; qu'il dispose seulement au titre des frais de transport qu'un accord pourra être trouvé entre les parties sur le remboursement partiel de ces frais lorsque le lieu de travail proposé en Ile de France ou en province est plus éloigné ;
Considérant qu'il a été proposé au salarié plusieurs sites d'affectation, qu'il a refusés au motif qu'ils étaient trop éloignés et non pour la raison que l'employeur n'aurait pas voulu discuter d'un accord sur les modalités éventuelles du remboursement des frais de transport; qu'il convient de relever que l'un des sites proposés était selon ses explications situé à 33 kilomètres du siège de la société ;
Qu'il apparaît dans ces conditions que l'employeur n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations et que c'est le salarié qui a refusé d'exécuter ses prestations ; qu'il ne peut donc demander un rappel de salaire pour les périodes non travaillées ;
Considérant que s'agissant du complément de salaire demandé au titre de la période couverte par les arrêts maladie ( 1er août au 30 septembre 2004), le salarié ne prétend pas avoir respecté le délai de prévenance prévu par la convention collective et avoir bénéficié d'une ancienneté de 3 ans conditionnant le versement d'un tel complément de salaire par l'employeur aux termes de l'article 8 de cette même convention ; que sa demande ne peut donc être accueillie ;
Sur l'intervention de l'Unédic CGEA-AGS Ile de France Ouest
Considérant que compte tenu de ce qui précède, il n'y a pas lieu à garantie de cet organisme ;
Sur l'amende civile
Considérant qu'il n'y a pas lieu de prononcer une telle amende en l'absence de faute de la SCP Laureau et Jeannerot ;
Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Considérant que l'équité ne commande pas l'application de cet article ;
Par ces motifs
La cour,
statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Ordonne la jonction des instances inscrites au répertoire général du greffe sous les numéros 06/01701 et 06/01767 et dit que du tout, il sera dressé un seul et même arrêt,
Infirme partiellement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Mantes la Jolie le 10 avril 2006,
Statuant à nouveau,
Dit n'y avoir lieu à résiliation du contrat de travail de M. X... aux torts exclusifs de l'administrateur judiciaire ès qualités,
Dit n'y avoir lieu à condamner la SCP Laureau et Jeannerot à payer ès qualités à M. X... des dommages et intérêts pour rupture abusive et une indemnité au titre des frais de procédure engagés en première instance,
Dit n'y avoir lieu au paiement d'une amende civile,
Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement déféré,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu en cause d'appel à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne Mohamed X... aux dépens.
Arrêt prononcé et signé par Madame Marie-Noëlle ROBERT, conseiller faisant fonction de président, et signé par Madame Catherine SPECHT, greffier présent lors du prononcé.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,