COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 19 SEPTEMBRE 2007
R. G. No 07 / 00155
AFFAIRE :
Lionel X...
C /
Société ISOR
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Septembre 2005 par le Conseil de Prud'hommes de NANTERRE
No Chambre :
Section : Encadrement
No RG : 04 / 00609
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur Lionel X...
...
94220 CHARENTON LE PONT
représenté par Me Michèle BRAULT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D 378
APPELANT
****************
Société ISOR
18-22 rue d'Arras
92022 NANTERRE CEDEX
représentée par Me Carine KOKORIAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0039
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juin 2007, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Noëlle ROBERT, conseiller faisant fonction de président chargé (e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé (e) de :
Madame Marie-Noëlle ROBERT, conseiller faisant fonction de président,
Madame Patricia DEROUBAIX, Conseiller,
Madame Sylvie BOURGOGNE, conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Catherine SPECHT,
M. X... C / Société Isor – No RG : 07 / 0015519 / 09 / 2007
EXPOSE DU LITIGE
M. X... a été engagé le 29 mars 1993 par la société Isor en qualité de chef des ventes, statut cadre.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de propreté.
M. X... a démissionné au mois d'avril 1997, mais étant revenu sur sa décision, il a été conservé dans les effectifs de la société.
Le 4 juin 1997, le salarié a été nommé adjoint au directeur du développement.
Par avenant du 1er avril 1998, M. X... a été nommé directeur du développement " région parisienne ", chargé des grands comptes au plan national, rattaché directement au directeur général adjoint et par avenant du 1er janvier 1999, " compte tenu des orientations prises par l'entreprise ", il a été déchargé de sa responsabilité des marchés " grands comptes ", ses fonctions étant de seconder le directeur général adjoint dans l'approche commerciale de ces marchés.
En dernier lieu, M. X... occupait, suivant avenant du 1er juin 2001, les fonctions de directeur de développement pour la région parisienne (marchés traditionnels) et il avait en charge les secteurs de Paris Nord, Paris Ouest et Fontenay. Il percevait un salaire brut moyen mensuel de 6 559 € (moyenne de l'année 2003).
Le 05 janvier 2004, la société Isor a informé M. X... de sa décision de créer une direction commune aux grands comptes et aux marchés traditionnels, laquelle serait confiée à M. Y... sous l'autorité duquel il se trouverait dorénavant placé.
Par courrier du 9 janvier 2004, M. X... a contesté cette décision.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 14 janvier 2004, M. X... a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 21 janvier suivant et par lettre du 23 janvier 2004, adressée sous la même forme, il a été licencié pour cause personnelle.
Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, M. X... a saisi le 20 février 2004 le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins d'obtenir la condamnation de la société Isor à lui payer les sommes suivantes :
* 154 224 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
* 57 834 € à titre d'annulation de la clause de non concurrence,
* 3 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par jugement du 9 septembre 2005, le conseil :
-a dit que le licenciement de M. X... ressortait d'une cause réelle et sérieuse et a débouté ce dernier de sa demande indemnitaire à ce titre,
-a condamné la société Isor à payer à M. X... les sommes suivantes :
* 16 500 € à titre de dommages et intérêts pour insuffisance de contrepartie financière à une clause de non concurrence excessive,
* 700 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
-a débouté la société Isor de sa demande d'indemnité de procédure.
Le salarié a régulièrement interjeté appel de cette décision.
M. X... demande à la cour :
-de condamner la société Isor à lui verser la somme de 154 224 € à titre d'indemnité pour licenciement abusif et vexatoire,
-de prononcer la nullité de la clause de non concurrence et en conséquence de condamner la société Isor à lui verser la somme de 57 834 € à titre de dommages et intérêts,
-de condamner la société Isor à lui verser la somme de 1 306,95 € à titre de rappel de commissions non réglées,
-de condamner la société Isor à lui verser la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Isor demande à la cour :
-de constater le caractère réel et sérieux du licenciement notifié à M. X...,
-de constater la validité de la clause de non-concurrence du 13 février 2003,
-de débouter M. X... de toutes ses demandes,
-de condamner M. X... à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le rappel de commissions
Considérant que la société Isor soulève la prescription de la demande au titre du rappel de commissions ;
Considérant que M. X... a formé cette demande pour la première fois à l'audience du 1er juin 2007 devant la cour ;
Considérant que la demande relative à la Résidence internationale de Paris ayant trait à des opérations réalisées en 1999 et 2000 et celle relative au Palais de la découverte ayant trait à une opération réalisée en 2001, elles sont couvertes par la prescription ;
qu'il en est de même pour le dossier OAT (opération réalisée en 1997) ;
Considérant que M. X... soutient que la commission qui lui était contractuellement due concernant le marché " Ambassade d'Espagne " ne lui a pas été réglée et qu'il réclame à ce titre 3 % de la somme de 11 717 €, soit 350 € ;
Considérant que ce marché a été conclu le 20 décembre 2002 et que la demande de M. X... n'est donc pas prescrite ;
Considérant que la société Isor, qui se limite à soulever la prescription, ne conteste pas le principe de la demande et ne prétend pas avoir réglé la commission dont il s'agit ;
Considérant qu'il convient donc de faire droit à la demande de M. X... et de lui allouer la somme de 350 € à titre de rappel de commissions ;
Sur le licenciement
Considérant que la lettre de licenciement notifiée à M. X... est rédigée en ces termes :
" (...) nous sommes au regret de notifier votre licenciement à effet du 30 janvier 2004 au soir, pour le motif suivant :
Refus catégorique de vous conformer à une décision de la Direction Générale.
En effet, suite aux insuffisances constatées qui ont fait l'objet de notre courrier du 5 courant, et devant une situation inquiétante, nous avons été contraints de prendre une mesure d'encadrement indispensable au développement de l'entreprise.
La Direction a donc décidé de créer une Direction commune regroupant les " Grands Comptes " et les marchés traditionnels d'Isor dont vous avez la charge, et de confier ce nouveau poste à Monsieur Y....
Bien que nous vous ayons précisé et confirmé par notre courrier du 14 janvier 2004 qu'il ne s'agissait pas d'une modification de votre contrat de travail (maintien de votre statut, de vos responsabilités, rémunérations, commissions) qu'il s'agissait seulement d'un rattachement hiérarchique auprès de Monsieur Y..., et non plus auprès de Monsieur Z..., Directeur Général Adjoint, dont les responsabilités s'étendent à tout le Groupe Cofigor, vous avez refusé catégoriquement de vous conformer à cette décision.
Vous avez exprimé votre refus par courrier recommandé daté du 9 janvier 2004.
La réunion que j'ai organisé le 8 janvier 2004, assisté de Monsieur Z..., à laquelle vous avez participé entouré de Messieurs Y..., A..., D..., E... et de Madame B... avait pour but d'informer ces Responsables Commerciaux des dispositions prises dans l'intérêt de l'entreprise, dispositions qui ne remettent pas en cause et ne modifient nullement votre statut.
La situation de blocage que vous créez rend impossible la poursuite de notre collaboration. Vous avez donc été convoqué à un entretien qui s'est tenu le21 janvier 2004. Vous n'avez pas lors de cet entretien, donné d'explications ni de raisons à votre prise de position, vous contentant de préciser de nouveau que vous refusiez d'être rattaché hiérarchiquement à Monsieur Y....
Nous n'avons pas d'autre alternative que de notifier votre licenciement " ;
Considérant qu'il résulte de la lettre de licenciement que M. X... a été licencié pour " refus catégorique " de se conformer à une décision de son employeur ayant pour objet son rattachement hiérarchique à M. Y... ;
Considérant que par lettre du 5 janvier 2004, la société Isor a indiqué à M. X... que, compte tenu de son comportement laxiste à l'égard de ses collaborateurs, de son manque d'investissement personnel et de la médiocrité de ses résultats, elle avait pris la décision de " confier la Direction du développement Ile de France et des grands comptes à M. Y... " auquel il sera " rattaché hiérarchiquement à effet immédiat " ;
Considérant que bien que dans la lettre le convoquant à un entretien préalable, il ait été indiqué au salarié que son statut de directeur du développement à la tête de trois équipes était
maintenu ainsi que sa rémunération, il résulte des termes non équivoques de la lettre du 5 janvier 2004 que M. X... s'est trouvé dépossédé de ses fonctions de directeur du développement Ile de France (marchés traditionnels), fonctions confiées à M. C..., ce qui constitue une rétrogradation et donc une modification du contrat de travail de l'intéressé ;
Considérant que le refus de cette modification par le salarié ne peut revêtir un caractère fautif et qu'en conséquence, le licenciement prononcé pour ce motif est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Considérant que le jugement entrepris sera infirmé en ce sens ;
Sur les conséquences du licenciement
* sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Considérant qu'au moment de son licenciement, M. X... avait au moins deux années d'ancienneté et que la société Isor employait habituellement au moins onze salariés ;
Considérant qu'en application de l'article L 122-14-4 du Code du travail, M. X... peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu'il a perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement ;
Considérant qu'en raison de l'âge du salarié au moment de son licenciement (39 ans), de son ancienneté et du préjudice matériel et moral qu'il a nécessairement subi, il convient de lui allouer la somme de 60 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* sur l'indemnité au titre de la clause de non-concurrence
Considérant que M. X... soutient :
-que la clause de non-concurrence, qui résulte d'un avenant à son contrat de travail en date du 1er novembre 2002, est nulle dans la mesure où elle ne tient pas compte de la spécificité de son emploi et comporte une interdiction générale d'exercer dans le même secteur d'activité, qu'elle n'est pas limitée dans l'espace et que la contrepartie financière (15 % de son dernier salaire mensuel brut) est insuffisante au regard de la restriction apportée à sa liberté de travailler,
-que cette clause de non-concurrence l'a empêché de retrouver du travail ;
Considérant que la société Isor fait valoir :
-que la clause de non-concurrence est limitée dans l'espace et dans le temps, qu'elle est également limitée quant à la nature de l'activité et qu'elle est assortie d'une contrepartie financière dont le montant a été librement fixé par les parties en l'absence de dispositions de la convention collective,
-que cette clause tient compte de la spécificité des fonctions du salarié et qu'elle protège les intérêts légitimes de la société,
-que depuis le mois de février 2005, M. X... ne justifie plus qu'il respecte sa clause de non-concurrence ;
Considérant qu'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ;
Considérant qu'aux termes de la clause de non-concurrence prévue contractuellement, il était fait interdiction à M. X..., en cas de cessation du contrat, d'entrer au service d'une autre entreprise ayant les mêmes activités que la société Isor et de s'intéresser directement ou indirectement et sous quelque forme que ce soit (activité personnelle ou sous couvert de toute autre personne physique ou morale) à une entreprise ayant les mêmes activités que la société Isor ;
que ces interdictions étaient limitées à une période de deux ans et valables pour Paris, la région parisienne et tous les départements gérés par l'établissement dont il dépendait dans lesquels la société Isor exerçerait son activité le jour de la cessation du contrat de travail ;
Considérant qu'à la date de son licenciement, M. X... exerçait les fonctions de directeur de développement Ile de France et que l'interdiction prévue à la clause de non-concurrence ne pouvait donc concerner que Paris et les départements de la région parisienne et non l'ensemble du territoire national comme le soutient le salarié ;
Considérant qu'en outre M. X..., qui exerçait au sein de la société des fonctions commerciales, ne peut légitimement soutenir que ses compétences était spécifiques au domaine d'activité de la société Isor, à savoir le nettoyage de locaux ;
Considérant qu'enfin la contrepartie financière prévue contractuellement, d'un montant de 15 % du dernier salaire mensuel brut, représente une juste compensation aux obligations du salarié ;
Considérant qu'en conséquence la clause de non-concurrence n'est pas entachée de nullité et qu'il y a lieu de débouter M. X... de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;
* sur le remboursement des indemnités de chômage aux organismes concernés
Considérant qu'en application de l'article L 122-14-4 du Code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société Isor aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'ils ont versées à M. X... à concurrence de six mois ;
Sur l'indemnité de procédure
Considérant qu'il apparaît équitable de condamner la société Isor à payer à M. X... la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en sus de celle qui lui a été allouée en première instance ;
Considérant qu'il convient de débouter la société Isor de cette même demande ;
PAR CES MOTIFS :
La COUR,
Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE,
Infirme partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 9 septembre 2005 et statuant à nouveau :
Condamne la société Isor à payer à M. X... la somme de 60 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Ordonne le remboursement par la société Isor aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versées à M. X... à concurrence de six mois ;
Déboute M. X... de sa demande en paiement de dommages et intérêts au titre de la clause de non-concurrence ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à M. X... la somme de 700 € à titre d'indemnité de procédure ;
Y ajoutant :
Condamne la société Isor à payer à M. X... les sommes suivantes :
* 350 € à titre de rappel de commissions
* 1 500 € au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
Condamne la société Isor aux dépens.
Arrêt prononcé et signé par Madame Sylvie BOURGOGNE, conseiller, en remplacement de Mme Marie-Noëlle ROBERT, conseiller faisant fonction de président, empêché, et signé par Mme Catherine SPECHT, greffier présent lors du prononcé.
Le GREFFIERLe PRESIDENT