COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
12ème chambre section 2
F.L./P.G.
ARRET No Code nac : 61B
contradictoire
DU 22 NOVEMBRE 2007
R.G. No 06/06017
AFFAIRE :
S.A. SAGENA
...
C/
SA JCR EQUIPEMENTS
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Juin 2006 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES
No Chambre : 1ère
No Section :
No RG : 2003F03715 jonction avec 2005F04905
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
SCP BOMMART MINAULT
SCP TUSET-CHOUTEAU
SCP DEBRAY-CHEMIN
SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A. SAGENA ayant son siège 56, Rue Violet 75015 PARIS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
S.A.S. EUROVIA ILE DE FRANCE "EUROVIA IDF" Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 420 948 226 RCS MELUN, ayant son siège 32 rue Jean Rostand 77380 COMBS LA VILLE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
représentées par la SCP BOMMART MINAULT, avoués - No du dossier 00033506
Rep/assistant : Me Philippe CHAULET, avocat au barreau de PARIS (D.866).
APPELANTES
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SA JCR EQUIPEMENTS ayant son siège 10, rue Mége Mouriès ZA du Bel Air 78120 RAMBOUILLET, agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège. Et appelante incidemment
représentée par la SCP TUSET-CHOUTEAU, avoués - No du dossier 20060454
Rep/assistant : Me Martine VERDIER, avocat au barreau de D'ORLEANS.
COMPAGNIE AXA FRANCE IARD venant aux droits d'AXA ASSURANCES ayant son siège 26 rue Drouot 75458 PARIS CEDEX 09, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
représenté par la SCP DEBRAY-CHEMIN, avoués - No du dossier 06000807
Rep/assistant : Me Francis CAPDEVILA, avocat au barreau de VERSAILLES.
SARL FEMIL Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 343 011 706 RCS ALBI, ayant son siège GASTEFER 81120 LOMBERS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
représentée par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, avoués - No du dossier 0643115
Rep/assistant : Me Cyrille TREHUDIC du cabinet PORCHER, avocat au barreau de PONTOISE.
INTIMES
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Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Octobre 2007 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise LAPORTE, président chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Françoise LAPORTE, président, (rédacteur)
Monsieur Denis COUPIN, Conseiller,
Monsieur François DUCLAUD, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse GENISSEL,
FAITS ET PROCEDURE :
La SAS EUROVIA ILE DE FRANCE a acquis pour les besoins de son activité de réalisation de chantiers un camion Renault conçu et aménagé par la SA JCR EQUIPEMENTS.
Le véhicule mis en circulation, le 23 juillet 2001, est équipé d'un compartiment extérieur comprenant un "chauffe-gamelles" rétractable avec portillon relevable assurant sa fermeture.
Le 28 août 2001, alors que le véhicule circulait dans une rue de Garches, le portillon relevé a heurté et grièvement blessé un piéton qui marchait sur le bord du trottoir.
Après avoir obtenu en référé, le 13 mars 2002, la désignation de Monsieur BACH en qualité d'expert qui a déposé son rapport le 17 janvier 2003, la société EUROVIA et son assureur, la société anonyme Générale d'Assurances - SAGENA- SA ont assigné la société JCR et son assureur la compagnie AXA ASSURANCES devant le tribunal de commerce de VERSAILLES aux fins de voir celle-ci déclarée responsable des conséquences dommageables de l'accident du 28 août 2001.
La société JCR a appelé en garantie la SARL FEMIL, son sous-traitant, pour la réalisation de l'installation.
Par jugement rendu, le 07 juin 2006, cette juridiction a débouté les sociétés EUROVIA et SAGENA de toutes leurs prétentions, déclaré les demandes de garantie à l'encontre de la compagnie AXA FRANCE et de la société FEMIL irrecevables, alloué aux sociétés JCR et AXA FRANCE et à la société FEMIL des indemnités de 3.000 euros et de 500 euros en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile à la charge respective des sociétés EUROVIA et SAGENA et JCR et condamné les demanderesses aux dépens par parts égales.
Appelantes de cette décision, les sociétés EUROVIA et SAGENA exposent la conception du "chauffe-gamelles" équipé de trois systèmes, le chauffe gamelles proprement dit, son système de blocage et enfin le portillon refermant le coffre.
Elles allèguent un défaut de sécurité présenté par le dispositif de l'installation résultant du blocage du "chauffe-gamelles" par un simple loquet rotatif ne le bloquant pas automatiquement et susceptible de se débloquer seul et du portillon qui n'est pas sécurisé.
Elles font valoir que lors de la livraison, la société JCR n'a pas remis une notice d'utilisation à l'acquéreur bien que des recommandations auraient dû être fournies quant au poids du "chauffe-gamelles" et au danger du portillon.
Elles indiquent devoir réparer l'entier dommage subi par Monsieur B... et s'estiment fondées à obtenir la garantie de la société JCR et de son assureur AXA.
Elles précisent que l'indemnité attribuée à Monsieur B... a été fixée à la somme de 473.531,86 euros outre à une rente annuelle pour tierce personne d'un montant de 70.810 euros.
La société SAGENA qui se prévaut de sa subrogation dans les droits de la victime pour l'avoir indemnisée estime aussi que la responsabilité de la société JCR doit être retenue.
Les sociétés EUROVIA et SAGENA sollicitent la condamnation in solidum de la société JCR et de la compagnie AXA à les garantir des préjudices découlant des conséquences dommageables de l'accident du 28 août 2001 et la société FEMIL in solidum avec celles-ci, si une faute était retenue à son égard, soit la somme de 473.531,86 euros outre de la rente annuelle de 70.810 euros.
Elles réclament aussi une indemnité de 5.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société JCR oppose que les sociétés EUROVIA et SAGENA se sont exonérées de tout visa juridique à leurs demandes dès lors irrecevables.
Elle soutient que l'expert a conclu à une cause extérieure à tout désordre imputable au constructeur.
Elle souligne que le matériel livré ne revêtait aucune malfaçon ou défectuosité.
Elle considère que l'appel des sociétés SAGENA et EUROVIA est téméraire et constitutif d'un abus de droit.
Elle fait grief au tribunal d'avoir estimé qu'elle n'aurait pas qualité, ni intérêt à appeler en garantie la société FEMIL alors que sa propre responsabilité était recherchée et que cette dernière est intervenue pour son compte dans l'aménagement du camion dont le matériel est mis en cause par les sociétés SAGENA et EUROVIA.
La société JCR soulève l'irrecevabilité des demandes des sociétés appelantes et leur débouté.
Elle forme appel incident pour être déchargée de la condamnation au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile prononcée à son encontre et obtenir 5.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi qu'une indemnité de 7.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La compagnie AXA FRANCE IARD, aux droits de la compagnie AXA ASSURANCES, approuve les premiers juges d'avoir déclaré irrecevables les demandes formées à son encontre.
Elle objecte, qu'en toute hypothèse, son assurée, la société JCR, n'encourt en l'espèce aucune responsabilité.
Elle remarque que l'installation de la société JCR présentait les conditions de sécurité nécessaires.
Elle revendique encore plus subsidiairement l'application des limites contractuelles.
La compagnie AXA conclut donc à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de garantie des appelantes dirigée à son encontre et, à tout le moins, demande qu'il y soit procédé sur le fondement de l'article 954 du nouveau code de procédure civile.
Elle sollicite subsidiairement le rejet de toutes les prétentions des sociétés EUROVIA et SAGENA et très subsidiairement la limitation des éventuelles condamnations mises à sa charge aux clauses de la police souscrite par la société JCR.
Elle réclame aussi une indemnité de 2.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société FEMIL soutient qu'il ressort des constatations de l'expert que l'installation du "chauffe-gamelles" avec ses sécurités était conçue pour éviter toute ouverture intempestive du portillon.
Elle rappelle les conclusions de l'expert excluant la mise en cause de l'aménagement.
Elle en déduit qu'aucun défaut de conception, ni de sécurité ne peut lui être imputé au titre du matériel livré.
Elle ajoute que le tribunal a mis, à bon escient, la charge de ses frais à la société JCR.
La société FEMIL conclut à la confirmation intégrale de la décision attaquée et subsidiairement à la condamnation des sociétés EUROVIA et SAGENA à supporter ses frais de première instance.
Elle sollicite, par ailleurs, une indemnité de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la recevabilité des demandes des appelantes
Considérant que même si les sociétés EUROVIA et SAGENA n'ont pas cru devoir clarifier leurs prétentions en spécifiant expressément les textes qui en constituent le fondement juridique, il s'infère néanmoins de leurs écritures que la première, recherche la responsabilité contractuelle de la société JCR en tant que fournisseur de l'aménagement litigieux pour manquement à ses obligations de sécurité et de conseil et la seconde, plus explicite, exerce un recours subrogatoire après justifier avoir intégralement indemnisé la victime Monsieur B... ;
considérant que leurs demandes seront donc déclarées recevables.
Sur le fond
Considérant qu'il incombe aux sociétés EUROVIA et SAGENA qui prétendent que "le véhicule vendu comportait un danger inhérent à sa nature" dont la société JCR aurait omis d'informer l'utilisateur d'en rapport la preuve ;
or, considérant que les appelantes ne sont pas en mesure de le démontrer au vu des constatations expertales de Monsieur BACH établissant le contraire ;
considérant, en effet, que l'expert, après un examen minutieux de l'installation et avoir procédé à une reconstitution de l'accident en comparant diverses situations, a indiqué que lorsqu'il n'est pas utilisé le "chauffe-gamelles" est repoussé au fond du compartiment et un loquet situé sur la partie inférieure avant le bloque sur ses rails et empêche tout mouvement intempestif ;
qu'il relate que les dispositifs de sûreté équipant le "chauffe-gamelles" sont constitués par :
- un loquet d'immobilisation du "chauffe-gamelles" sur ses glissières à bille lorsqu'il est dans son compartiment,
- un loquet de fermeture automatique de la vanne 1/4 de tour d'alimentation de gaz,
- un loquet avec encliquetage par ressort sous la seule pression de rappel du portillon par le vérin à gaz,
- une serrure avec clé du loquet pour verrouiller le compartiment ;
considérant que Monsieur BACH a spécifié que lorsque ces dispositifs sont mis en oeuvre, il est inconcevable que le portillon s'ouvre de façon imprévisible ;
considérant que l'expert a conclu que ce dispositif de sécurité dont le fonctionnement est satisfaisant permet d'éviter tout mouvement du "chauffe-gamelles" sur ses glissières au cours du trajet du véhicule est estimé que l'installation ne pouvait être mise en cause ;
considérant que contrairement aux dires des appelantes, Monsieur BACH a trouvé des causes de l'ouverture du portillon mais exclusivement en cas d'utilisation anormale de l'installation pouvant résulter d'une omission ou d'un acte volontaire humain, tenant à un oubli du chauffeur de rabattre le portillon avant de partir ou de l'ouverture du portillon par un tiers pendant le trajet puisqu'il n'a décelé aucune défectuosité du matériel ;
considérant, de surcroît, qu'il s'en déduit que l'accident aurait pu être évité si le portillon avait été fermé à clef comme prévu à cet effet, à titre de précaution ;
considérant, par ailleurs, que la société JCR a spécifié lors de l'expertise avoir fourni à sa cliente, avec les plans, une notice d'utilisation du "chauffe-gamelles" décrivant en détail les opérations de repli ;
considérant que les sociétés EUROVIA et SAGENA doivent dès lors être déboutées de toutes leurs prétentions ;
considérant qu'il suit de là que les demandes de garantie formées à l'égard de la compagnie AXA et de la société FEMIL sont devenues sans objet, qu'il le sera constaté en réformant de ce chef le jugement attaqué qui les a déclarées irrecevables à tort.
Sur les prétentions accessoires
Considérant que la société JCR ne démontrant pas le caractère abusif de l'appel que les sociétés EUROVIA et SAGENA étaient en droit d'interjeter pour la défense de leurs intérêts, sa demande en dommages et intérêts sera rejetée ;
considérant que l'équité commande d'accorder des indemnités supplémentaires en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile de 4.000 euros à la société JCR, de 2.000 euros à la compagnie AXA et de 3.000 euros à la société FEMIL, à la charge respective des appelantes et de la société JCR envers cette dernière dès lors qu'elle l'a seule appelée en garantie et de surcroît, devant le premier juge, à deux reprises ;
considérant que les sociétés EUROVIA et SAGENA qui succombent en leurs demandes et supporteront les dépens d'appel, ne sont pas fondées en leur prétention au même titre.
PAR CES MOTIFS
Statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare recevables les demandes de la SA SAGENA et de la SAS EUROVIA ILE DE FRANCE,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf à déclarer sans objet les demandes de garantie à l'encontre de la compagnie AXA FRANCE IARD et de la SARL FEMIL,
Déboute la SAS EUROVIA ILE DE FRANCE et la SA SAGENA de toutes leurs prétentions,
Rejette la demande en dommages et intérêts de la SA JCR EQUIPEMENTS,
Condamne la SAS EUROVIA ILE DE FRANCE et la SA SAGENA in solidum à verser des indemnités supplémentaires en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile de 4.000 euros à la SARL JCR EQUIPEMENTS et de 2.000 euros à la compagnie AXA FRANCE IARD,
Condamne la SARL JCR EQUIPEMENTS à régler à la SARL FEMIL la somme complémentaire de 3.000 euros en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Déboute la SAS EUROVIA ILE DE FRANCE et la SA SAGENA de leur demande sur le même fondement,
Les condamne in solidum aux dépens d'appel qui seront recouvrés par les SCP TUSET-CHOUTEAU, DEBRAY-CHEMIN et LISSARRAGUE-DUPUIS-BOCCON-GIBOD, avoués, conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Arrêt prononcé par Madame Françoise LAPORTE, président, et signé par Madame Françoise LAPORTE, président et par Madame Marie-Thérèse GENISSEL, greffier, présent lors du prononcé
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,