COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 00A
1ère chambre
1ère section
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 22 NOVEMBRE 2007
R.G. No 06/07725
AFFAIRE :
Société ARKEMA
C/
Société CORROCOAT BENELUX BV
Décision déférée à la cour : sentence arbitrale rendue le 05 Septembre 2006 par le tribunal arbitral de Courbevoie
No chambre :
No Section :
No RG :
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
SCP FIEVET
SCP BOMMART
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SOCIETE ARKEMA anciennement dénommée ATOFINA
Société anonyme inscrite au RCS de NANTERRE sous le numéro B 319 632 790 ayant son siège 4/8 cours Michelet - La Défense 10 - 92807 PUTEAUX agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par la SCP FIEVET-LAFON Avoués - No du dossier 261161
Rep/assistant : Me Alain FLEURY (avocat au barreau de PARIS)
APPELANTE
****************
Société CORROCOAT BENELUX BV
Société à responsabilités limitées de droit néerlandais ayant son siège social Griendweg 13 - NL - 3295 KV'S - GRAVENDEEL prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par la SCP BOMMART MINAULT Avoués - No du dossier 00033807
Rep/assistant : Me Marinka SCHILLINGS (avocat au barreau de PARIS)
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Octobre 2007, devant la cour composée de :
Madame Bernadette WALLON, président,
Madame Lysiane LIAUZUN, conseiller,
Madame Geneviève LAMBLING, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT
Conformément à une commande de la société de droit français ARKEMA FRANCE SA intervenue le 22 janvier 2001, la société de droit néerlandais CORROCOAT BENELUX BV a procédé, du 5 juin au 17 juillet 2001, au revêtement intérieur d'un réservoir de stockage d'acide chlorhydrique de l'usine de fabrication de chlore et de PVC de Château-Arnoult-Saint-Auban.
A la suite d'un sinistre industriel survenu le 7 août 2001 sur ce réservoir de stockage, une mesure d'expertise judiciaire a été ordonnée le 4 décembre 2002 par le juge des référés de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Digne.
L'expert a déposé son rapport le 2 avril 2005, aux termes duquel il apparaît que la responsabilité de la société CORROCOAT BENELUX BV est engagée, pour avoir commis des malfaçons dans la réalisation de son revêtement, et que le préjudice subi par la société ARKEMA FRANCE SA de ce fait s'élève à la somme de 2.668.358 euros, montant qui a été arrêté d'un commun accord par les experts respectifs des parties.
Le 9 juin 2005, la société ARKEMA FRANCE SA a assigné la société CORROCOAT BENELUX BV devant le tribunal de commerce de Nanterre afin de voir réparer le préjudice subi par elle du fait de l'exécution fautive de sa cocontractante. La société CORROCOAT BENELUX BV a excipé d'une clause compromissoire selon elle contenue dans ses conditions de garantie jointes à la confirmation de la commande d'ARKENA FRANCE SA émise le 6 février 2001, pour demander au tribunal de se déclarer incompétent.
Par jugement en date du 19 janvier 2007, le tribunal de commerce de Nanterre a rejeté l'exception d'incompétence, a condamné la société CORROCOAT BENELUX BV à payer à la société ARKEMA FRANCE SA la somme de 2.668.538 euros en réparation du sinistre subi par elle du fait de l'exécution fautive de sa cocontractante, et a ordonné l'exécution provisoire. La partie succombante a fait appel de ce jugement le 29 janvier 2007.
Parallèlement, la société CORROCOAT BENELUX BV a saisi le tribunal de Dordbrecht (Pays-Bas) en qualité de juge des mesures conservatoires pour que soit désigné un arbitre. Par décision en date du 26 avril 2006, le tribunal de Dordbrecht, après avoir rappelé que la discussion sur la compétence de l'arbitre ne peut être discutée devant le juge national, mais relève de la compétence de l'arbitre, a désigné en qualité d'arbitre unique Arnaud C..., exerçant à Courbevoie.
L'arbitre ainsi désigné a reçu les parties, a décidé en accord avec elles d'examiner dans un premier temps sa compétence et, par sentence arbitrale en date du 5 septembre 2006, s'est déclaré compétent pour connaître du litige.
Le 31 octobre 2006, la société ARKEMA FRANCE SA a engagé un recours en annulation contre cette sentence devant la cour d'appel de Versailles.
Par conclusions signifiées le 30 août 2007, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, la société ARKEMA FRANCE SA demande notamment à la cour de dire et juger que l'arbitre Arnaud C... a été irrégulièrement désigné, et a statué sans convention d'arbitrage, rendant une sentence contraire à l'ordre public international. En conséquence, elle entend la voir annulée en toutes ses dispositions. Elle demande que la société CORROCOAT BENELUX BV soit condamnée à lui payer la somme de 30.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, en sus des frais et honoraires de la procédure d'arbitrage et des dépens de l'appel.
Par conclusions signifiées le 30 mai 2007, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, la société CORROCOAT BENELUX BV demande à la cour de débouter intégralement la société ARKEMA FRANCE SA de ses demandes sur recours en annulation de la sentence arbitrale. Elle prétend la voir condamnée à lui payer la somme de 15.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, en sus des frais et honoraires de la procédure d'arbitrage et des dépens de l'appel.
SUR CE
Par application de dispositions de l'article 1504 du nouveau code de procédure civile, la sentence arbitrale rendue en France en matière d'arbitrage international peut faire l'objet d'un recours en annulation dans les cas prévus à l'article 1502, à savoir, notamment, si l'arbitre a statué sans convention d'arbitrage ou sur convention nulle ou expirée (alinéa 1o), si l'arbitre unique a été irrégulièrement désigné (alinéa 2) ou si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence sont contraires à l'ordre public international (alinéa 5), ces trois cas de nullité étant successivement invoqués par la société ARKEMA FRANCE à l'appui de son recours en annulation.
La société ARKEMA contestant l'existence de la convention d'arbitrage invoquée par la société CORROBOAT et sur le fondement de laquelle l'arbitre a retenu sa compétence, il convient d'examiner les rapports contractuels existant entre ces deux sociétés, étant rappelé que la société ARKEMA FRANCE a été préalablement dénommée ELF ATOCHEN puis ATOFINA.
Suite à un appel d'offre émis le 5 mars 1999 pour la mise en place du revêtement intérieur d'un réservoir d'acide chlorhydrique de son usine de chlore et de PVC exploitée à SAINT AUBAN(04), la société CORROCOAT BENELUX BV a adressé à la société ELF ATOCHEN plusieurs offres, dont la dernière en date du 2 novembre 2000 laquelle était assortie d'une garantie de 3 ans "suivant conditions en annexe", cette offre n'ayant toutefois pas été retenue en l'état par la société ATOFINA qui lui reprochait de limiter la garantie proposée à trois ans alors que l'appel d'offre prévoyait une garantie de cinq ans et ses conditions de paiement qu'elle ne jugeait pas acceptables.
Par fax du 9 novembre 2000, la société CORROCOAT a adressé à la société ATOFINA une proposition d'assurance de garantie pour 5 ans moyennant un supplément de prix qu'elle offrait de prendre en charge à concurrence de la moitié et par lettre du 23 novembre 2000, elle a fourni les explications sollicitées et a accepté les conditions de paiement proposées par la société ATOFINA.
Par lettre du 22 janvier 2001, la société ATOFINA a passé la commande en rappelant le prix convenu pour les travaux (108.426,77€) et pour l'extension de garantie à 5 ans (3.353,88€) et en précisant que les conditions d'exécution des prestations, sauf stipulations contraires dans le document de commande, se trouvent soumises aux dispositions contractuelles contenues dans les documents énumérés, dont les conditions générales d'achat de fournitures et prestations (D.ACH 10/91 REV 2) qui prévoient à l'article 38 intitulé "Règlement des différends" que de convention expresse entre les parties, à défaut d'accord, les litiges pouvant naître à l'occasion de l'exécution du contrat seront soumis au choix D'ELF ATOCHEN (ARKENA) soit au Tribunal de Commerce de NANTERRE qui statuera selon la loi française, soit à l'arbitrage.
La société CORROCOAT a retourné le 27 février 2001 à la société ATOFINA l'accusé réception de la commande avec la mention "bon pour acceptation" sur laquelle est apposée son cachet et la signature de son représentant, aucune réserve n'étant faite.
La société CORROCOAT soutient avoir en outre adressé à la société ATOFINA le 6 février 2001 un fax pour confirmer la commande et avoir joint un document intitulé "proposition de garantie de matériaux Corroglass" prévoyant qu'en cas de litige portant sur un défaut dans le revêtement, le litige sera soumis à un arbitre unique convenu par le bénéficiaire de la garantie et le garant ensemble.
La société ARKEMA conteste avoir reçu ce fax et la société CORROCOAT reconnaît ne pas être en mesure de rapporter la preuve de son envoi, n'ayant pas conservé l'accusé réception.
Ce document ne peut donc être retenu, faute pour la société CORROCOAT de rapporter la preuve de son envoi, comme ayant une valeur contractuelle.
La société CORROCOAT soutient que la convention d'arbitrage invoquée par elle, mentionnée dans le document relatif aux conditions de garantie annexé à l'offre du 2 novembre 2000, résulte de l'acceptation par ATOFINA le 22 janvier 2001 de ladite offre, laquelle a été modifiée et complétée par lettre du 23 novembre 2000.
L'offre de la société CORROCOAT du 2 novembre 2000, à laquelle est annexé un document intitulé "proposition de garantie matériaux CORROCOAT", mais sans indication de l'assureur, comporte effectivement une clause prévoyant qu'en cas de litige portant sur un défaut dans le revêtement, le litige sera soumis à un arbitre unique convenu par le bénéficiaire de la garantie et le garant ensemble, étant toutefois observé que cette proposition n'a pas été acceptée en l'état par la société ATOFINA, laquelle contestait la durée de la garantie proposée qui n'était que de trois ans alors que le cahier des charges la fixait à 5 ans et les conditions de paiement.
La société ARKENA a en revanche accepté la proposition d'assurance adressée par fax le 9 novembre 2000 proposant une garantie de 5 ans moyennant le prix de 6.470,02€ que la société CORROCOAT acceptait de prendre en charge à hauteur de 50%, ce prix incluant le contrôle de qualité indépendant par SGS AXA MED et à laquelle était annexé une " offre de projet à assurer" (en français) émanant de SGS AXA MED et les caractéristiques du projet (en néerlandais), étant observé qu' aucune des trois pages composant cet envoi par télécopie ne comporte une clause de compétence en cas de litige.
La clause compromissoire de l'offre du 2 novembre 2000, qui n'est contenue que dans le document relatif aux conditions d'assurances, conditions qui n'ont pas été acceptées, et auxquelles il n'est pas expressément fait référence dans l'offre, acceptée, du 9 novembre 2000, n'a donc pas de valeur contractuelle entre les parties, d'autant que l'offre du 2 novembre 2000 n'a pas été visée comme élément de référence dans la commande du 22 janvier 2001 qui constitue, avec l'acceptation du 27 février 2001 la convention des parties.
Il résulte de l'article 4 de la commande du 22 janvier 2001, intitulé "formation du contrat", que le contrat est valablement formé par l'acceptation du fournisseur (en l'espèce l'acceptation du 27 février 2001 qui ne comporte aucune réserve), que nul ne saurait se prévaloir d'un accord tacite, que toutes modifications ou réserves apportées par le fournisseur dans l'accusé réception ainsi que tout autre document qui y serait joint sont considérés comme nuls si ELF ATOCHEN ne les agrée pas expressément, que le contrat est réputé contenir la totalité des accords intervenus et que tout commencement d'exécution du contrat par le fournisseur implique son acceptation pure et simple.
La commande du 22 janvier 2001 prévoit expressément dans son article 38 intitulé "Règlement des différends" que de convention expresse entre les parties, à défaut d'accord, les litiges pouvant naître à l'occasion de l'exécution du contrat seront soumis au choix d'ELF ATOCHEN (actuellement ARKEMA FRANCE), soit au Tribunal de commerce de NANTERRE qui statuera selon la loi française, soit à l'arbitrage.
La société ARKEMA FRANCE, après le dépôt, le 2 avril 2005 du rapport de l'expert désigné par le juge de référés du Tribunal de Grande Instance de DIGNE, ayant fait le choix de soumettre le litige au Tribunal de commerce de NANTERRE par assignation du 9 juin 2005, la société CORROCOAT ne pouvait solliciter en novembre 2005 d'un juge hollandais la désignation d'un arbitre.
Il convient en conséquence de prononcer l'annulation de la sentence arbitrale du 5 septembre 2006, l'arbitre ayant statué en l'absence d'une convention d'arbitrage, la clause d'arbitrage invoquée par la société CORROCOAT n'étant pas entrée dans le champ de ses relations contractuelles avec la société ARKEMA, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs invoqués par la société ARKEMA
Considérant que pour faire valoir ses droits, la société ARKEMA a dû exposer des frais non répétibles dont il est équitable qu'elle soit indemnisée à concurrence de la somme de 15.000€
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,
VU les articles 1504 et 1502 alinéa 1du nouveau code de procédure civile,
ANNULE en toutes ses dispositions la sentence rendue le 5 septembre 2006 par l'arbitre unique Monsieur C...,
CONDAMNE la société CORROCOAT BENELUX BV à payer à la société ARKEMA FRANCE la somme de 15.000€ en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
LA CONDAMNE aux entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
- signé par Madame Bernadette WALLON, président et par Madame Sylvie RENOULT, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,