COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 50A
1ère chambre
1ère section
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 06 DECEMBRE 2007
R.G. No 07/01973
AFFAIRE :
Pierre X...
...
C/
Me Laurence RIFFIER
...
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
SCP KEIME
SCP FIEVET
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE SIX DECEMBRE DEUX MILLE SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
DEMANDEURS devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi
Monsieur Pierre X...
...
Monsieur Jean-Maurice X...
... SUR SEINE
représentés par la SCP KEIME GUTTIN JARRY Avoués - no du dossier
Rep/assistant : Me Henri Z... (avocat au barreau de PARIS)
****************
DEFENDERESSE devant la cour de renvoi
SCP A... DEPONDT ARSOUZE A...
Société civile professionnelle exerçant sous l'enseigne de notaires ayant son siège ... prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par la SCP FIEVET-LAFON Avoués - No du dossier 220344
Rep/assistant : la SCP KUHN (avocats au barreau de PARIS)
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 Octobre 2007, devant la cour composée de :
Madame Bernadette WALLON, président,
Madame Lysiane LIAUZUN, conseiller,
Madame Geneviève LAMBLING, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie B...
Pierre et Jean X... ont vendu le 27 septembre 1990 à la société Compagnie de promotion et de restauration immobilière ( société groupe COPROR) un immeuble situé à Paris 100 cours de Vincennes , aux termes d'un acte établi par Maître A..., notaire associé de la SCP A..., Depondt, Arouze et A....
Le prix de vente d'un montant de 12 000 000 francs a été réglé au moyen d'un prêt consenti par le société le Crédit chimique aux droits de laquelle de se trouve la société EIA .
La société GROUPE COPROR ayant été informée de l'absence de certificat d'urbanisme et de la réduction du coefficient de constructibilité du terrain en raison de la vente au profit d'un tiers du second immeuble contigu au premier, a saisi le tribunal de grande instance de Paris, au contradictoire des consorts X... et du notaire, d'une demande d'annulation de la vente, de restitution du prix et d'indemnisation de son préjudice. La ville de Paris est intervenue volontairement à la procédure pour requérir l'annulation de la vente. La société EIA est également intervenue pour demander outre l'annulation de la vente, l'attribution directe à son profit de certaines des indemnités devant être versées par le notaire à la société GROUPE COPROR.
La société GROUPE COPROR, qui a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire le 28 avril 1994 , a conclu le 2 juin 1995 avec la société EIA, un accord transactionnel par lequel elle s'engageait à poursuivre jusqu'à son terme l'action en nullité de la vente et en dommages-intérêts engagée contre les vendeurs et le notaire , le produit des condamnations pécuniaires qui seraient prononcées à raison de l'annulation de la vente devant revenir en totalité à la société EIA sous déduction d'un prélèvement forfaitaire au profit des autres créanciers de la société GROUPE COPROR alors qu'en contrepartie la société EIA s'engageait à donner mainlevée des hypothèques et à abandonner le reliquat de sa créance contre la société GROUPE COPROR au titre du prêt demeuré impayé.
Par arrêt du 10 juin 1999 , infirmant le jugement du 14 novembre 1996, la cour d'appel de Paris a annulé la vente du 27 septembre 1990 , ordonné la restitution du prix en contrepartie de la restitution de l'immeuble, déclaré la SCP A..., Depondt, Arouze et A... responsable de l'annulation de la vente, débouté les consorts X... de leur demande en garantie contre la SCP A..., Depondt, Arouze et A..., dit que la SCP A..., Depondt, Arouze et A... devra régler à Maître RIFFIER es qualités la somme de 900 000 francs, dit que la société GROUPE COPROR devra reverser aux consorts X... les loyers par elle perçus qui se compenseront avec la somme de 12 000 000 francs à restituer.
Par jugement du 13 juin 2001, le tribunal a prononcé la résolution du plan de continuation de la société GROUPE COPROR et sa liquidation judiciaire , Maître RIFFIER étant nommée liquidateur.
La cour de cassation, par arrêt du 3 octobre 2001, a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Paris rendu le 10 juin 1999 sauf en ce qu'il avait déclaré le maire de Paris représentant la ville de Paris recevable en son intervention volontaire principale , constaté la nullité de la vente, dit que l'immeuble devait être restitué libre de toutes charges et hypothèques du chef de la société GROUPE COPROR, déclaré la SCP A..., Depondt, Arouze et A... seule responsable de l'annulation de la vente et débouté les consorts X... de leur demande de garantie contre cette SCP, la charge finale du paiement leur incombant dans leurs relations avec le notaire.
Statuant sur renvoi de la Cour de cassation, la cour d'appel de Versailles, par arrêt du 26 novembre 2003, a constaté que les dispositions de l'arrêt rendu le 10 juin 1999 par la cour d'appel de Paris non visées par la cassation ont acquis l'autorité de la chose jugée, infirmant le jugement entrepris, a en substance :
- dit que les consorts X... devront restituer à la société EIA la somme de 1 829 388,20 euros,
- dit que la mainlevée des hypothèques interviendra après réception de cette somme par la société EIA,
- dit que la SCP A..., Depondt, Arouze et A... devra restituer aux consorts X... la somme de 304 898,03 euros séquestrée entre ses mains,
- dit que maître RIFFIER es qualités devra restituer aux consorts X... les fruits et produits de l'immeuble depuis le 27 décembre 1990,
- débouté Maître RIFFIER es qualités de sa demande en garantie dirigée contre la société EIA à ce titre,
- débouté la société EIA de sa demande de dommages-intérêts dirigée contre la SCP A..., Depondt, Arouze et A...,
- débouté Maître RIFFIER es qualité de sa demande en paiement de la somme de 137 204,12 euros dirigée contre la société EIA,
- avant dire droit sur la demande de dommages-intérêts formée par les consorts X... contre la SCP A..., Depondt, Arouze et A..., ordonné une mesure d'expertise.
Par arrêt du 13 juin 2006, la Cour de cassation a cassé cette décision mais seulement en ce qu'elle a dit que maître RIFFIER, en qualité de liquidateur judiciaire de la société GROUPE COPROR, devra restituer aux consorts X... les fruits et produits de l'immeuble depuis le 27 décembre 1990 et a renvoyé la cause et les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant ledit arrêt devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.
Par arrêt du 5 avril 2007, la cour de céans a notamment dit que les consorts X... ont régulièrement déclaré leur créance entre les mains de maître Riffier, liquidateur de la société Groupe Copror et que l'instance a été valablement reprise, fixé à la somme de 204.031,10 euros la créance des consorts X... au passif de la liquidation judiciaire de la société Groupe Copror, déclaré irrecevables les demandes de maître Riffier es qualités.
L'expert , monsieur C..., désigné en remplacement de monsieur D... suite à l'arrêt du 26 novembre 2003, a déposé son rapport le 7 septembre 2005.
Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 2 octobre 2007 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, les consorts X... demandent à la cour de constater qu'il a été définitivement jugé que le notaire est seul responsable de l'annulation de la vente, dire et juger que le notaire doit réparer l'intégralité des préjudices subis, condamner en conséquence la SCP A... Depondt Arbouze à leur payer la somme de 1.211.472 euros en réparation de leur préjudice matériel et la somme de 150 000 euros en réparation de leur préjudice moral, subroger la SCP A... Depondt Arbouze dans leurs droits et actions contre maître Riffier es qualités de liquidateur judiciaire de la société Groupe Copror en paiement de la somme de 204 031,10 euros représentant les loyers perçus et conservés par cette dernière, condamner la SCP A... Depondt Arbouze à leur payer la somme de 106 819,38 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile outre les dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertise de monsieur C..., avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Keime Guttin Jarry, avoués, conformément à l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 27 septembre 2007 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, la SCP A... Depondt Arbouze demande à la cour de débouter les consorts X... de leurs demandes y compris celle relative à la subrogation et de les condamner au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile outre les dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Fievet Lafon, avoués, conformément à l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 octobre 2007.
MOTIFS
Il a été définitivement jugé que la SCP A... Depondt Arbouze est seule responsable de l'annulation de la vente de sorte que celle-ci ne peut remettre en cause l'existence d'une faute à sa charge. Reste à déterminer si les consorts X... ont subi un préjudice causé par cette faute et à fixer le cas échéant le montant de la réparation, l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 juin 1999 ayant été cassé en ses dispositions relatives à l'absence de préjudice puisque la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt sauf en ce qu'il a déclaré le maire de Paris représentant la ville de Paris recevable en son intervention volontaire principale, constaté la nullité de la vente consentie le 27 septembre 1990 par les consorts X... à la compagnie de Promotion et de restauration immobilière portant sur l'immeuble situé à Paris 100 cours de Vincennes et 1 et 3 passage de la voute, dit que l'immeuble doit être restitué libre de toutes charges et hypothèques du chef de la société Groupe Copror, déclaré la SCP A... Depondt Arbouze seule responsable de l'annulation de la vente et débouté les consorts X... de leur demande de garantie contre la SCP A... Depondt Arbouze la charge finale du paiement leur incombant dans leurs relations avec le notaire . La décision de rejet de toute autre demande, laquelle incluait nécessairement la demande en dommages-intérêts présentée par les consorts X... à l'encontre de la SCP A... Depondt Arbouze, ayant été cassée, la cause et les parties sont remises dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 juin 1999.
La victime d'un acte dommageable a droit à la réparation intégrale de son préjudice.
Par la faute du notaire, les consorts X... ont du restituer à l'acquéreur le prix de vente perçu en 1990 mais ils ont obtenu dans le même temps restitution du bien immobilier.
Alors que l'immeuble litigieux avait été vendu en septembre 1990 pour le prix de 12 000 000 francs soit l'équivalent de 1 829 388,20 euros il a été estimé en septembre 2005 par l'expert judiciaire à la somme de 800 000 euros ce qui correspond au prix de sa vente en mars 2005. La SCP A... Depondt Arbouze critique cette évaluation qui pourtant tient compte des particularités de ce bien immobilier dont le rez de chaussée est loué à la société Erteco-ED pour l'exploitation d'une supérette et dont la partie hôtelière est utilisée comme "meublé de préfecture", sans toutefois proposer aucun élément objectif susceptible de la remettre en cause .
Après une chute importante , le marché immobilier connaît depuis plusieurs années une évolution très favorable dont l'expert a tenu compte puisque l'estimation effectuée en avril 2003 par le cabinet d'expertise Michel Marx s'élevait à la somme de 660.000 euros tandis que l'expert judiciaire a retenu la somme de 800 000 euros.
Les consorts X... ont disposé de la somme de 1 829 388 euros correspondant au prix de vente pendant 13 ans et ont ainsi pu en retirer un bénéfice qui peut être évalué à la somme de 1 426 922,80 euros sur la base d'un taux annuel de 6% sur lequel les parties s'accordent. Cette somme doit venir en déduction de leur préjudice. Doivent également être déduits les loyers encaissés soit 147 206 euros ce que ne contestent pas les consorts X....
Enfin, il convient de déduire le bénéfice tiré du placement de la somme de 800.000 euros de mars 2005 à fin 2006 puisque le calcul proposé par les consorts X... tient compte des intérêts qui auraient été perçus sur la somme de 1 829 388 euros jusqu'à cette date, ce qui correspond à la somme de 84 000 euros en retenant un taux de placement de 6% l'an.
C'est à juste titre que les consorts X... évaluent leur préjudice à la différence entre les sommes dont ils auraient disposé si la vente n'avait pas été annulée et celles dont ils ont disposé du fait de cette annulation. Dans la première hypothèse, ils auraient perçu le prix de vente ainsi que les intérêts au taux non contesté de 6% pendant 16 ans ( de 1990 à 2006) soit la somme de 3 585 600 euros. Or, ils ont perçu les intérêts sur le prix de vente pendant 13 ans ( de 1990 à 2003) soit 1 426 922 euros , le nouveau prix de vente soit 800 000 euros en mars 2005, les intérêts sur ce prix de vente soit 84 000 euros (de mars 2005 à fin 2006), le montant des loyers encaissés soit 147 206 euros.
Par ailleurs ils disposent d'une créance d'un montant de 204 031,10 euros envers la société Groupe Copror en liquidation judiciaire. A supposer que l'actif de la société Groupe Copror permette de payer aux consorts X... le montant de leur créance fixée par arrêt de cette cour du 5 avril 2007, ce qui n'est nullement établi puisqu'elle fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et que des doutes sérieux sur sa solvabilité peuvent être émis, cette circonstance n'est pas de nature à priver les appelants de leur droit à obtenir réparation de l'entier préjudice résultant du comportement fautif du notaire. Cette somme doit être intégrée dans le calcul du montant du préjudice à charge pour le notaire de poursuivre le recouvrement de cette créance en sa qualité de subrogé dans les droits des consorts X... conformément à l'article 1250 du code civil.
En conséquence, la cour dispose des éléments suffisants pour fixer à la somme de 1 127 472 euros le montant du préjudice matériel subi par les consorts X... du fait de la faute commise par la SCP A... Depondt Arbouze.
Les consorts X... invoquent un préjudice moral important mais ne verse aux débats aucune pièce de nature à établir un quelconque préjudice de ce chef. Ils seront déboutés de cette demande.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en audience publique, contradictoirement, en dernier ressort,
VU l'arrêt avant dire droit de la cour de céans du 26 novembre 2003,
CONDAMNE la SCP A... Depondt Arbouze à payer aux consorts X... la somme de 1.127.472 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice matériel,
DIT que la SCP A... Depondt Arbouze sera subrogée dans leurs droits et actions en ce qui concerne le recouvrement de la créance d'un montant de 204 031,10 euros à l'encontre de la société Groupe Copror,
DÉBOUTE les consorts X... de leur demande au titre du préjudice moral,
CONDAMNE la SCP A... Depondt Arbouze à payer aux consorts X... la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,
DÉBOUTE la SCP A... Depondt Arbouze de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,
Condamne la SCP A... Depondt Arbouze aux dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertise de monsieur C..., avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Keime Guttin Jarry, avoués, conformément à l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
- signé par Madame Bernadette WALLON, président et par Madame Marie-Christine COLLET, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,