COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53L
13ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 20 DECEMBRE 2007
R.G. No 06/04042
AFFAIRE :
CEGI
C/
LAMARQUE
PATRIMOINE
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Mai 2006 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
No chambre : 02
No Section :
No RG : 05/F02702
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
SCP LEFEVRE TARDY
HONGRE BOYELDIEU
SCP DEBRAY-CHEMIN
Me TREYNET
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT DECEMBRE DEUX MILLE SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES IMMOBILIERES
...
75008 PARIS
représentée par la SCP LEFEVRE TARDY HONGRE-BOYELDIEU, avoués - No du dossier 260464
assistée de Maître X..., avocat au barreau de Paris
APPELANTE
****************
LAMARQUE PATRIMOINE
...
78630 BURES MORAINVILLIERS
représentée par la SCP DEBRAY-CHEMIN, avoués - No du dossier 06000567
assistée de Maître Y..., avocat au barreau de Paris
INTIMEE
****************
Société GDP VENDOME
...
75002 PARIS
représentée par Maître TREYNET, avoué - No du dossier 18121
assistée de Maître Z..., avocat au barreau de Paris
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Novembre 2007, Monsieur Bruno DEBLOIS, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Jean BESSE, président,
Monsieur Bruno DEBLOIS, conseiller,
Madame Annie DABOSVILLE, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER
La société COMPAGIE EUROPEENNE DE GARANTIES IMMOBILIERES, dite la CEGI, a interjeté appel le 1er juin 2006 d'un jugement rendu le 5 mai 2006 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE qui, saisi par la société civile LAMARQUE PATRIMOINE suivant assignation du 15 juin 2005, d'une action en exécution forcée de la garantie qu'elle lui avait apportée le 21 décembre 2004 pour le paiement du prix d'une cession, l'a condamnée à lui payer la somme de 227.509 € avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2005, outre celle de 3.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, au motif que son engagement constituait bien une garantie à première demande et non, comme elle le prétendait, un cautionnement.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 17 octobre 2007, la CEGI conteste l'autonomie de sa garantie par rapport au contrat de base qui a été exécuté. Elle demande donc à la cour d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau :
- de juger que son engagement est un cautionnement qui ne saurait être qualifié de garantie autonome ;
- subsidiairement de considérer que l'exécution de l'obligation de payer du donneur d'ordre rend manifestement abusif le recours à cette garantie ;
- de débouter en conséquence la société civile LAMARQUE PATRIMOINE de ses demandes ;
- de la condamner au paiement d'une indemnité de 6.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
- et de dire que l'arrêt à intervenir sera commun à la société GDP VENDOME qu'elle a appelée à la cause.
Par conclusions signifiées le 18 septembre 2007, la société civile LAMARQUE PATRIMOINE poursuit au contraire la confirmation du jugement pour les mêmes motifs que ceux qui y sont énoncés, demandant à la cour, y ajoutant, de condamner la CEGI à lui payer les sommes de 40.000 € de dommages intérêts pour procédure abusive et de 10.000 € pour frais irrépétibles. La société LAMARQUE PATRIMOINE demande en outre à la cour de statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'intervention forcée de la société GDP VENDOME, dont elle sollicite cependant la condamnation à lui payer les sommes de 15.000 € de dommages-intérêts et de 5.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Enfin la société GDP VENDOME a conclu le 17 octobre 2007 à l'irrecevabilité de son assignation en intervention forcée au regard des dispositions de l'article 555 du nouveau Code de procédure civile, subsidiairement au rejet de toutes demandes dirigées contre elle et en tout état de cause à l'octroi d'une indemnité de 3.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
MOTIFS
L'objet principal du litige ne porte que sur la qualification juridique exacte de l'acte par lequel la CEGI a apporté sa garantie, sur les conséquences de l'exécution du contrat de base et sur l'intervention forcée du donneur d'ordre, outre enfin sur les demandes annexes.
Sur la qualification juridique de l'engagement
En droit, à la différence de la caution, la garantie à première demande qui relevait des dispositions de l'article 1134 du Code civil, est désormais codifiée, à droit constant, à l'article 2321 du même code ; elle doit être autonome par rapport au contrat principal qu'elle est sensée garantir ; elle peut être mise en jeu sans autre formalité que la précision de manquements du donneur d'ordre ; elle comporte renonciation du garant à sa prévaloir des exceptions propres à l'obligation principale ; la durée de sa validité est également indépendante ; l'évaluation des montant garantis ne doit pas dépendre d'une appréciation des modalités d'exécution du contrat de base ; en conséquence de quoi, sa mise en œuvre est indépendante de l'exécution du contrat de base.
En l'espèce, il est constant que par acte sous seings privés du 22 décembre 2004, la société GDP VENDOME a cédé à la société LAMARQUE PATRIMOINE la totalité des actions d'une société RESIDENCE LA ROTONDE dont elle était titulaire, moyennant un prix forfaitaire plancher garanti de 905.509 €, provisionnement arrêté sur la base des comptes sociaux arrêtés au 31 décembre 2004.
En garantie de son obligation de paiement dans la limite de 905.509 €, le cessionnaire avait apporté au cédant la " caution de paiement à terme " que lui avait préalablement consentie la CEGI le 21 décembre 2004 avec effets pendant 45 jours à compter de la régularisation de la cession et au plus tard jusqu'au 15 mars 2005. Le garant s'engageait irrévocablement et inconditionnellement, déduction faite de tout paiement venant en réduire le montant à due concurrence, au paiement de la somme maximum de 905.509 €, sur simple demande du vendeur, après justification d'une mise en demeure du cessionnaire demeurée infructueuse pendant un mois. Dans cette hypothèse, la CEGI serait subrogée dans les droits des vendeurs, conformément aux dispositions de l'article 2029 du Code civil, indépendamment du recours qu'elle pourrait exercer en vertu de l'article 2028 du même code.
Pour écarter les éléments de référence au contrat de base, le Tribunal de Commerce, approuvé en cela par l'intimée, a considéré que la garantie se rapportait à une somme d'argent déterminée, qu'elle était inconditionnelle et irrévocable, faisant même abstraction au bénéfice éventuel de discussion ou de division, et qu'elle pouvait être mise en œuvre indépendamment de l'exécution de l'obligation principale.
Force est pourtant de constater que la garantie ne porte pas sur une somme déterminée, mais sur un montant maximum dont devait être déduit à due concurrence, tout paiement fait par le donneur d'ordre dont la mise en demeure infructueuse constituait un préalable nécessaire à la mise en œuvre de la garantie. C'est donc à tort que cet engagement a été qualifié de garantie autonome alors que sa mise en œuvre était subordonnée, pour le solde restant dû, au défaut d'exécution d'une obligation principale, suivant la définition même de la caution résultant des dispositions de l'ancien article 2011 du Code civil. En outre l'acte, lui-même qualifié de caution, faisait expressément référence aux dispositions des articles 2028 et 2029 du Code civil applicables seulement à la caution. Dès lors, le caractère irrévocable et inconditionnel de la garantie n'a pas fait dégénéré l'engagement de caution en une garantie à première demande. En jugeant l'inverse, le Tribunal a méconnu l'objet même de la garantie qui se rapportait à l'obligation principale, dont elle constituait l'accessoire. Son jugement doit donc être réformé sur ce point.
Sur les conséquences
Il est constant que n'ayant pas encore obtenu le paiement de sa créance, la société LAMARQUE PATRIMOINE a mis en demeure la société GDP VENDOME le 28 février 2005 d'honorer son engagement et appelé le même jour la CEGI en garantie. Elle a enfin fait assigner cette dernière d'abord en référé le 11 mars 2005, puis au fond le 15 juin suivant.
Mais depuis, les sociétés LAMARQUE PATRIMOINE et GDP VENDOME ont convenu du fait que la situation comptable sur la base de laquelle le prix des actions de la société RESIDENCE LA ROTONDE avait été provisoirement établi, devait être revue à la baisse. Elles ont établi entre elles le 20 septembre 2005 un protocole arrêtant un prix définitif de 678.000 €, désormais payé.
Pour condamner la CEGI au paiement de la somme principale de 227.509 € représentant la différence entre le prix provisoire de 905.509 € et celui définitif de 678.000 €, les premiers juges ont considéré que la garantie de la CEGI était autonome par rapport au contrat de base. Mais s'agissant en réalité d'un cautionnement, l'extinction de l'obligation de base relative au paiement des actions cédées au prix finalement convenu, entraîne également l'extinction de la caution.
Statuant donc à nouveau sur les conséquences de la qualification juridique de l'engagement de la CEGI, la cour est amenée à débouter la société LAMARQUE PATRIMOINE de ses demandes.
Sur l'intervention forcée du donneur d'ordre
Au soutien de son appel en intervention forcée de la société GDP VENDOME seulement en cause d'appel, la CEGI ne justifie pas en quoi aurait évolué le litige qui l'oppose à la société LAMARQUE PATRIMOINE dans des termes strictement identiques à ceux de première instance. Par application de l'article 555 du nouveau Code de procédure civile, la mise en cause de la société GDP VENDOME doit être déclarée irrecevable.
Sur les demandes annexes
Partie succombante au principal, la société LAMARQUE PATRIMOINE ne justifie pas en quoi l'appel interjeté à bon droit pas la CEGI serait constitutif d'un abus de droit. Elle ne justifie pas non plus en quoi les conclusions de la société GDP VENDOME lui seraient préjudiciables. Ses demandes de dommages-intérêts doivent donc être rejetées.
Par ailleurs, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses propres frais irrépétibles. Les demandes formées au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile sont donc rejetées. Enfin les dépens incombent à la partie succombante.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu le 5 mai 2006 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE,
Statuant à nouveau,
Déboute la société LAMARQUE PATRIMOINE de ses demandes tendant à l'exécution forcée par la CEGI d'un engagement de caution dont le contrat de base a été exécuté,
Déboute également la société LAMARQUE PATRIMOINE de ses demandes de dommages-intérêts,
Déclare irrecevable l'appel en intervention forcée de la société GDP VENDOME en cause d'appel,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne la société LAMARQUE PATRIMOINE aux entiers dépens, de première instance et d'appel, dont distraction au profit des avoués à la cause qui peuvent y prétendre, par application des dispositions de l'article 699 du même code.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
Signé par Monsieur Jean BESSE, président et par Monsieur Jean-François MONASSIER, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,