COUR D' APPEL DE VERSAILLES
Code nac : 80CH. L. / C. R. F.
5ème chambre B ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 14 FEVRIER 2008
R. G. No 06 / 01148
AFFAIRE :
Renaud X...
C /
S. A. ADHESION GROUP en la personne de son représentant légal
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Février 2006 par le Conseil de Prud' hommes de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Encadrement
No RG : 04 / 02347
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATORZE FEVRIER DEUX MILLE HUIT,
La cour d' appel de VERSAILLES, a rendu l' arrêt suivant dans l' affaire entre :
Monsieur Renaud X...
Hameau de la Haye
...
28410 ST LUBIN DE LA HAYE
comparant en personne, assisté de Me Michel WARME, avocat au barreau de CHARTRES substitué par Me Franck CHARNAY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 1648
APPELANT
****************
S. A. ADHESION GROUP agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés de droit au siège social sis :
...
92100 BOULOGNE BILLANCOURT
représentée par Me Nadira CHALALI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : M1866
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l' article 945- 1 du code de procédure civile, l' affaire a été débattue le 11 Janvier 2008, en audience publique, les parties ne s' y étant pas opposées, devant Madame Catherine ROUAUD- FOLLIARD, Conseiller chargé (e) d' instruire l' affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé (e) de :
Madame Jeanne MININI, président,
Madame Catherine ROUAUD- FOLLIARD, Conseiller,
Madame Isabelle OLLAT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Christiane PINOT,
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Monsieur X... a été engagé en qualité de chef de projet par la société ADHESION GROUP SA selon contrat de travail à durée indéterminée du 2 octobre 1995 faisant suite à un contrat de travail à durée déterminée du 10 mars précédent ;
Promu Group manager et responsable marketing France par avenant du 17 octobre 2000 prévoyant aussi une clause de non- concurrence sur trois ans et sans contrepartie, Monsieur X... a perçu un salaire mensuel moyen de 5081 € au cours des trois derniers mois.
Employant plus de dix salariés, la société applique la convention collective dite Syntec.
Monsieur X... a été en arrêt de travail pour cause de maladie du 22 janvier au 30 avril 2003.
Convoqué par lettre datée du 23 avril 2003 à un entretien préalable fixé le 5 mai, Monsieur X... a été licencié par lettre du 7 mai 2003 dans les termes suivants :
" les motifs du licenciement sont dus à l' incompatibilité de stratégie et problèmes relationnels avec la direction... votre préavis de trois mois débutera à la présentation de la présente lettre... "
Les parties ont par ailleurs signé un protocole transactionnel daté du 12 mai 2003 aux termes duquel :
*monsieur X... recevait les sommes de :
- 3895 € au titre d' indemnité de licenciement ;
- 5963 € au titre d' indemnité de congés payés ;
et renonçait au paiement de l' indemnité de préavis et à l' indemnité conventionnelle de licenciement
*la société acceptait de réduire l' application de la clause de non concurrence à un an, fixait le montant de l' indemnité de non concurrence à 12 000 € (1000 € / mois)
*la somme de 12 000 € était compensée avec des avances sur primes et la vente de l' ordinateur de la société ;
Par jugement du 23 Février 2006, le Conseil de Prud' hommes de BOULOGNE- BILLANCOURT a :
- annulé la transaction datée du 12 mai 2003 ;
- ordonné la restitution de la somme de 12 000 € par Monsieur X... ;
- dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
- annulé la clause de non- concurrence ;
- condamné la société à payer à Monsieur X... les sommes de 15 243 € à titre d' indemnité compensatrice de préavis ;
Monsieur X... a régulièrement relevé appel de cette décision.
Vu les écritures déposées et développées oralement à l' audience du 11 janvier 2008 par lesquelles Monsieur X... conclut à l' infirmation partielle du jugement en faisant valoir qu' il désapprouvait la politique de marge élevée et sa dissimulation dans les documents financiers remis aux administrations territoriales clientes ; que son arrêt maladie du 22 janvier au 30 avril 2003 était du à un accident cardiaque survenu après une violente prise à partie de Monsieur A..., PDG de la société qui le malmenait ; qu' à l' issue d' un entretien informel tenu le 5 mai 2003, lui ont été remis une lettre de convocation à entretien préalable anti- datée du 23 avril, un écrit daté du 12 mai relatif à la cession d' un ordinateur et un protocole transactionnel qu' il a signé dans un état d' extrême faiblesse ; qu' à la sortie de cet entrevue du 5 mai, il a rencontré un huissier de justice ayant donné date certaine à ces documents ; qu' antérieure à la lettre de licenciement et signée sous la contrainte morale de l' employeur, cette transaction était par ailleurs dépourvue de concessions réciproques et doit être annulée ; qu' aucune pièce ne justifie le licenciement ; que la compensation prévue à l' indemnité de la clause de non- concurrence n' était pas fondée ; qu' il a respecté la clause de non- concurrence.
Monsieur X... demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu' il a annulé le protocole transactionnel et la clause de non- concurrence incluse au contrat de travail ;
- infirmer le jugement en disant le licenciement sans cause réelle et sérieuse et en condamnant la société au paiement des sommes de :
*15 243 € à titre de l' indemnité compensatrice de préavis ;
*130 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
*60 972 € à titre de dommages et intérêts pour clause de non- concurrence illicite ;
* 3000 € sur le fondement des dispositions de l' article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société répond que Monsieur X... avait pour objectif de développer l' activité de la société à l' international vers les pays de l' Est et d' Asie en opposition avec la direction souhaitant se concentrer sur le territoire français et d' Europe de l' ouest ; qu' il a dénigré la politique financière de la société auprès des clients, modifié l' offre commerciale et été violent tant avec Monsieur A... qu' avec ses collègues ; que la divergence de vues, reconnue par le salarié, justifiait le licenciement ; qu' en arrêt maladie, il a informé le PDG de sa volonté de quitter l' entreprise et envoyé son avocat pour négocier les termes de la transaction ; qu' il est passé à la société le 5 mai pour signer les documents de la procédure de licenciement et la transaction sans subir la moindre pression ; que la transaction doit avoir autorité de chose jugée entre les parties ; que Monsieur X..., de mauvaise foi, doit être débouté de toutes ses demandes ; qu' il n' a en tout état de cause pas effectué son préavis alors que la lettre de licenciement ne l' en dispense pas ; qu' il n' a subi aucun préjudice, ayant quitté l' entreprise dans des conditions négociées et en créant une société faisant concurrence à son ancien employeur ;
La société demande à la cour, principalement de débouter Monsieur X... de ses demandes, subsidiairement de limiter l' indemnisation du salarié aux six mois prévus par l' article L122- 14- 4 du code de travail, de compenser la somme éventuellement octroyée pour la clause de non- concurrence avec celle de 12 000 € versée en exécution de la transaction et en tout état de cause de condamner Monsieur X... à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l' article 700 du nouveau code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l' article 455 du nouveau code de procédure civile, la cour renvoie, pour l' exposé des moyens des parties aux conclusions qu' elles ont déposées et soutenues oralement à l' audience du 11 janvier 2008.
MOTIFS DE LA DECISION
A- LA TRANSACTION.
Considérant que l' intervention de Pascal DURAND, avocat, aux cotés de Monsieur X... avant la signature de la transaction contestée, est établie par les courriels échangés entre ce conseil et la société à compter du 2 avril 2003 ; que cette assistance juridique ne prive cependant pas l' appelant du droit de solliciter l' invalidation du protocole ;
Considérant que la validité d' une transaction est conditionnée par l' existence de concessions réciproques ; que l' acte litigieux prévoit le paiement au salarié d' indemnités légale de licenciement et de congés payés et d' autre part, une contrepartie de 12 000 € à la clause de non- concurrence ; que le paiement d' indemnités de rupture dues en l' absence de faute grave alors que le licenciement était fondé sur une simple cause réelle et sérieuse, ne constituait pas une concession de la part de l' employeur ; que ce dernier ne sollicite d' ailleurs pas leur remboursement ; que la somme de 12 000 € prévue à titre de contrepartie à la clause de non- concurrence a été principalement compensée avec des avances sur commissions versées au salarié et dont le caractère indu n' est pas démontré ; que la réalité de concessions réciproques n' est donc pas avérée ;
Considérant surtout, qu' aux termes de l' article 2044 du Code civil, la transaction est le contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître ; que la transaction ayant pour objet de mettre fin au litige résultant d' un licenciement ne peut être valablement conclue qu' une fois la rupture intervenue et définitive ; que dans le cas d' espèce, le protocole transactionnel daté du 12 mai 2003 avait été, en réalité, signé à une date antérieure à la lettre de licenciement du 7 mai 2003 ; que date certaine lui avait en effet été conférée par procès verbal d' huissier de justice dressé le 5 mai ; que la transaction est donc nulle et n' a pas autorité de chose jugée entre les parties ;
B- LE LICENCIEMENT.
Considérant que selon l' article L. 122- 14- 2 du Code du travail, l' employeur est tenu d' énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre qui le notifie ; que ce ou ces motifs doivent être précis et matériellement vérifiables ; qu' à défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse peu important les motifs allégués par l' employeur ultérieurement ;
Considérant que la lettre de licenciement vise " l' incompatibilité de stratégie et les problèmes relationnels avec la direction " ; que Monsieur X... évoque lui même sa désapprobation vis à vis de la politique de la société ; que l' attestation de Monsieur C... directeur général relève l' existence de désaccords sur la stratégie de l' entreprise et sa politique tarifaire ; que, cependant, aucune preuve n' est rapportée de la mise en pratique par le salarié de cette opposition non plus que d' un rappel à l' ordre de l' employeur ou de conséquences financières négatives pour la société ; que les reproches formulés par l' intimée aux termes de ses écritures et dans les attestations produites (manque d' implication, absence de management) ne sont pas évoqués dans la lettre de licenciement qui fixe les termes du litige ; que les problème relationnels avec la direction ne peuvent résulter de l' échange de mails d' excuses réciproques ; que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Considérant que Monsieur X... doit être indemnisé sur le fondement de l' article L122- 14- 4 du Code du travail ; qu' il produit les avis de paiement d' allocations ASSEDIC jusqu' en juin 2005 ainsi que de très nombreux mails et lettres de recherche d' empoi qui doivent être considérés jusqu' à la création en juin 2004 de la société Proximum développement dont il a été désigné gérant ; que compte tenu de son âge, de son ancienneté, la société sera condamnée à lui verser la somme de 35 000 € à titre de dommages et intérêts de ce chef ;
C- L' INDEMNITE COMPENSATRICE DE PREAVIS.
Considérant que l' employeur est dispensé de respecter le préavis, sans avoir à payer l' indemnité compensatrice de préavis, lorsqu' il établit que le salarié n' est pas resté à sa disposition ; qu' au cas présent, en ne rapportant pas cette preuve, la société ADHESION GROUP doit verser l' indemnité ;
D- LA CLAUSE DE NON- CONCURRENCE.
Considérant que le défaut de référence expresse dans la clause de non- concurrence à une contrepartie financière constitue une cause de nullité de celle- ci ; que la clause de non- concurrence édictée par l' avenant du 17 mars 2000 doit être examinée hors des dispositions du protocole annulé ; qu' aucune contrepartie financière n' est prévue ; que la clause est nulle ; que le respect par le salarié d' une clause de non- concurrence illicite lui cause nécessairement un préjudice ; que Monsieur X... a respecté la clause de non- concurrence jusqu' au mois de juin 2004, date à laquelle il est devenue gérant d' une société dont l' objet social commun (organisations de rencontres d' affaires..) ; concurrençait son ex employeur ; que la société sera condamnée à lui verser la somme de 15 000 € de ce chef ; que la société demande que cette créance soit compensée avec la somme de 12 000 € versée en exécution de la transaction annulée ; que cependant, cette somme n' a pas été payée parce que compensée avec des créances non établies de la société ; qu' aucune amputation des dommages et intérêts ne sera opérée ;
Considérant que la société sera condamnée à payer à Monsieur X... la somme globale de 2500 € sur le fondement des dispositions de l' article 700 du Code de procédure civile (1ere instance et appel confondus) ;
Considérant que la société qui succombe supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
la Cour, statuant publiquement et par décision contradictoire ;
Infirme le jugement du Conseil de Prud' hommes de BOULOGNE- BILLANCOURT du 23 Février 2006 et statuant à nouveau :
Annule la transaction signée par les parties ;
Dit le licenciement de Monsieur X... sans cause réelle et sérieuse ;
Annule la clause de non- concurrence prévue à l' avenant du contrat de travail du 17 mars 2000.
Condamne la société ADHESION GROUP à payer à Monsieur X... les sommes de :
*15 243 € à titre d' indemnité compensatrice de préavis,
*35 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*15 000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la clause de non- concurrence,
Dit que ces sommes porteront intérêts à compter du présent arrêt et seront capitalisées dans les conditions de l' article 1154 du Code civil ;
Déboute les parties des autres demandes ;
Condamne la société à payer à Monsieur X... la somme globale de 2500 € sur le fondement des dispositions de l' article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne la société aux dépens.
Prononcé publiquement par Madame MININI, Président
Et ont signé le présent arrêt, madame MININI, Président et madame PINOT, Greffier
Le Greffier Le Président