COUR D' APPEL DE VERSAILLES
SM
Code nac : 00A
12ème chambre section 1
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 14 FEVRIER 2008
R. G. No 07 / 02993
AFFAIRE :
S. A. S. BOURJOIS
C /
- Société par actions de droit italien GOMMATEX POLIURETANI SPA
- Société par actions de droit italien GIOVANNI CRESPI SPA
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
Me Farid SEBA
Me Didier MACHETTO
Me Jacques ZOUKER
Copies aux parties le
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE QUATORZE FEVRIER DEUX MILLE HUIT,
La cour d' appel de VERSAILLES, a rendu l' arrêt suivant sur le CONTREDIT DE COMPETENCE, dans l' affaire entre :
S. A. S. BOURJOIS
ayant son siège... 92521 NEUILLY SUR SEINE CEDEX, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Ayant pour avoué Me Farid SEBA - No du dossier 0011671
Plaidant par Me Claire PICARD, avocat au barreau de PARIS, membre de la SCP SALANS ET ASSOCIES, société d' avocats au même barreau
DEMANDERESSE AU CONTREDIT formé à l' encontre d' un Jugement rendu par le Tribunal de Commerce de NANTERRE, en date du 30 Mars 2007
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- Société par actions de droit italien GOMMATEX POLIURETANI SPA
ayant son siège... FIRENZE (ITALIE), agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Plaidant par Me Didier MACHETTO, avocat au barreau de PARIS
- Société par actions de droit italien GIOVANNI CRESPI SPA
ayant son siège ... MILANO (ITALIE), agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Plaidant par Me Jacques ZOUKER, avocat au barreau de PARIS
DEFENDERESSES AU CONTREDIT
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Composition de la cour :
L' affaire a été débattue à l' audience publique du 13 Décembre 2007, Madame Sylvie MANDEL, président, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Sylvie MANDEL, président,
Madame Marie- José VALANTIN, conseiller,
Madame Dominique LONNE, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MAREVILLE
La société BOURJOIS, fabricant exclusif des sacs CHANEL, s' approvisionnait pour la réalisation des doublures intérieures en polyuréthane de différentes couleurs auprès de la société de droit italien GIOVANNI CRESPI.
Cette dernière ne fournissant que six coloris, BOURJOIS, par l' intermédiaire de Monsieur C..., est entrée en relation avec la société de droit italien GOMMATEX POLIURETANI SPA et lui a passé commande le 7 avril 1987 d' un matériau destiné à la confection des doublures de sacs sur la base d' un échantillon du produit CRESPI.
A compter de la saison printemps/été 1989, le réseau des magasins CHANEL a enregistré des réclamations sur le vieillissement prématuré d' un certain nombre de sacs qui ont été retournés à BOURJOIS (doublure devenant gluante et poisseuse, se décomposant en un magma collant selon BOURJOIS).
BOURJOIS en a informé GOMMATEX qui, par lettre du 27 juin 1989, a répondu qu' il s' agissait d' un défaut ponctuel du produit.
Cependant au cours des années suivantes, des sacs ont continué à lui être retournés du monde entier, le nombre de retours atteignant finalement près de 300.000 sacs sur une période de 10 ans.
C' est dans ces circonstances que le 23 décembre 1993 la société BOURJOIS a assigné la société GOMMATEX en référé expertise devant le tribunal de commerce de Nanterre, lequel par ordonnance du 31 mars 1994 a désigné, Monsieur D... en qualité d' expert avec pour mission de " constater les désordres et en rechercher les causes, fournir tous éléments de fait de nature à permettre au juge du fond de déterminer les responsabilités et d' évaluer le préjudice éventuellement subi ". Par ordonnance en date du 17 octobre 1996, l' expertise a été rendue commune à la société CRESPI.
Après plusieurs difficultés dues à l' inertie de l' expert, le rapport d' expertise a finalement été déposé le 30 avril 2004, après avoir été rédigé par le sapiteur expert comptable remplaçant l' expert (qui a été radié de la liste). Le préjudice de BOURJOIS a été évalué par l' expert à la somme de 7. 779. 856 euros HT et sur la base des quantités livrées respectivement par les deux défendeurs, le rapport retient une responsabilité de 14, 32 % à la charge de CRESPI et de 85, 68 % à la charge de GOMMATEX.
Dans l' intervalle, par acte du 29 janvier 1997, la société GOMMATEX a assigné la société BOURJOIS devant le Tribunal de PRATO (Italie) aux fins d' obtenir la déchéance du droit à garantie de BOURJOIS sur les fournitures contestées par application de l' article 1495 du code civil italien et la prescription de ce droit eu égard à la date à laquelle les retours des sacs litigieux avaient eu lieu par rapport aux livraisons de doublures faites par le fabricant.
Par un jugement du 30 novembre 1999, le Tribunal Civil de PRATO s' est déclaré compétent en se fondant sur les conditions de vente des marchandises, convenues " franco frontière italienne ", et a renvoyé la procédure au fond. Cette décision a été confirmée par la Cour d' appel de FLORENCE le 7 octobre 2003.
Par un arrêt du 7 décembre 2006, la Cour de Cassation de ROME a rejeté le pourvoi formé par BOURJOIS.
Par actes du 26 janvier 1998 remis au parquet diplomatique, BOURJOIS a assigné les sociétés GOMMATEX et CRESPI devant le tribunal de commerce de Nanterre, lui demandant de se déclarer compétent et de dire que GOMMATEX et CRESPI sont responsables des dommages subis par BOURJOIS et condamner GOMMATEX à lui payer la somme de 6. 533. 529 euros et CRESPI la somme de 1. 088. 921 euros à titre de dommages et intérêts sauf à parfaire.
Par jugements des 18 décembre 1998, 19 janvier 2001 et 16 janvier 2003, le Tribunal de commerce de Nanterre a inscrit l' affaire au rôle des sursis à statuer dans l' attente du dépôt du rapport d' expertise.
Les sociétés CRESPI et GOMMATEX ont soulevé in limine litis l' incompétence du tribual de commerce de Nanterre au profit du tribunal civil de PRATO tant en raison de la litispendance que de la connexité et par application de l' article 5- 1 de la Convention de Bruxelles. A défaut GOMMATEX a conclu à ce qu' il soit sursis à stateur dans l' attente de l' arrêt à intervenir sur le pourvoi en cassation. La société GOMMATEX a également conclu à la nullité de l' assignation.
Par jugement du 30 mars 2007, le Tribunal de Commerce de Nanterre a :
- débouté la société GOMMATEX POLIURETANI SPA de son exception de nullité et dit la société BOURJOIS recevable,
- déclaré les sociétés GIOVANNI CRESPI SPA et GOMMATEX POLIURETANI SPA recevables et bien fondées en leurs exceptions d' incompétence et de connexité,
- et a renvoyé la société BOURJOIS à mieux se pourvoir.
Le tribunal a retenu que les irrégularités affectant l' assignation étaient des irrègularités de forme et que GOMMATEX ne justifiait pas qu' elles lui aient causé grief.
Le tribunal a considéré que selon l' article 26 de la convention de Bruxelles, les décisions rendues dans un Etat contractant sont reconnues dans les autres Etats contractants, sans qu' il soit nécessaire de recourir à une autre procédure. Il a relevé que la société GOMMATEX avait saisi la juridiction italienne au fond pour les mêmes livraisons et les mêmes marchandises avant la saisine de la juridiction française et que la Cour de Cassation de Rome, avait, par décision du 7 décembre 2006, déclaré la juridiction italienne compétente pour statuer sur le litige en application de l' article 5- 1) de la convention de Bruxelles et qu' en conséquence au vu de cette décision ayant autorité de chose jugée en ce qui concerne la compétence territoriale, le tribunal de commerce de Nanterre était incompétent pour connaître du litige opposant BOURJOIS à GOMMATEX.
Concernant l' exception de litispendance, le tribunal a considéré que l' action engagée devant lui par BOURJOIS à l' encontre de CRESPI était une action contractuelle en réparation relative aux marchandises litigieuses fournies alors que l' action antérieurement engagée par GOMMATEX devant la juridiction italienne avait pour objet de faire déclarer BOURJOIS déchue et en tout cas prescrite de son action en garantie relative aux marchandises litigieuses fournies.
Le tribunal en a conclu qu' il n' y avait pas strictement identité de cause entre les deux instances, et a rejeté l' exception de litispendance.
Le tribunal a néanmoins relevé qu' il était dans l' intérêt d' une bonne administration de la justice de juger ensemble les deux instances conformément aux dispositions de l' article 22 de la convention de Bruxelle, et il a donc accueilli l' exception de connexité.
Le 4 avril 2007 la société BOURJOIS a régulièrement déposé au greffe une déclaration de contredit.
Elle demande à la Cour d' infirmer la décision du tribunal de commerce de Nanterre, et de se déclarer compétent par application de l' article 5- 1 de la convention de Bruxelles. Elle réclame par ailleurs la condamnation des sociétés GOMMATEX et CRESPI à lui payer la somme de 100. 000 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile.
Elle fait tout d' abord grief au tribunal d' avoir violé les articles 4 et 16 du CPC en se fondant sur l' autorité de la chose jugée attachée à la décision de la cour de cassation italienne et sur l' article 26 de la convention de Bruxelles alors que les sociétés CRESPI et GOMMATEX ne s' en étaient pas prévalues.
Elle conteste l' autorité de la chose jugée de la décision de la cour de cassation italienne à l' égard de l' action pendante en France, car selon elle l' action introduite en France n' est pas identique à l' action engagée en Italie puisqu' il n' y a pas identité de parties, de cause et d' objet. Elle poursuit en soutenant que la décision italienne a été obtenue par fraude dès lors qu' elle tendait uniquement à priver BOURJOIS de ses droits à réparation au moyen d' un artifice procédural (action de type déclaratoire exclusivement n' existant pas en France) et en déduit que cette fraude fait obstacle à la reconnaissance de cette décision.
Elle estime en outre que la mention " franco- frontière " contenue dans les factures n' emporte pas attribution de juridiction, que rien ne rattache le litige à l' Italie, étant donné qu' il avait été accepté d' un commun accord entre les parties que le lieu de livraison des marchandises se situait en France (Chamant puis Compiègne) et que les juges français doivent donc être déclarés compétents.
La société BOURJOIS expose par ailleurs que c' est à bon droit que le tribunal a dit qu' il n' y avait pas litispendance. En revanche, elle estime qu' il n' y a pas connexité au motif que CRESPI n' est pas partie au litige en Italie et que BOURJOIS n' a introduit aucune demande en condamnation à l' encontre de GOMMATEX en Italie. En toute hypothèse, BOURJOIS soutient que le tribunal ne pouvait que surseoir à statuer mais ne pouvait se dessaisir, le tribunal italien n' étant saisi que de la question de l'éventuelle déchéance et prescription du droit à garantie et non de la question de l' éventuelle responsabilité de GOMMATEX vis à vis de BOURJOIS.
Dans le dernier état de ses écritures (conclusions du 20 novembre 2007), la société GOMMATEX demande à la cour de déclarer irrecevable et nulle la procédure, objet de l'action diligentée à la requête de BOURJOIS pour avoir saisi la formation de référé incompétente par son assignation du 26 janvier 1998 et ce, par application des dispositions des articles 114, 119, 120, 124 et 125 du CPC et en conséquence d' infirmer le jugement sur ce point. Pour le surplus, elle en poursuit la confirmation et sollicite en outre la condamnation de la société BOURJOIS à lui payer la somme de 15. 000 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile.
La société GOMMATEX expose que l' assignation est nulle au motif qu' elle a été délivrée pour une audience de fond collégiale dans les formes et devant la juridiction de référé ; que les mentions prescrites par la loi en ce qui concerne l' assignation au fond n' ont pas été respectées et elle ajoute qu' elle subirait un préjudice certain en cas de régularisation éventuelle eu égard au montant des demandes formulées par BOURJOIS.
Se fondant sur les dispositions de l' article 5- 1o de la convention de Bruxelles, elle expose que le tribunal civil italien de Prato était territorialement compétent puisque l'obligation ayant servi de base à la demande a été exécutée en Italie, lieu de fabrication, lieu de livraison et lieu de paiement des marchandises, celles-ci ayant été livrées à la douane frontière de Milan et non en France, Chamant étant le lieu de destination qui ne doit pas être confondu avec le lieu de livraison.
Par ailleurs, la société GOMMATEX se fonde sur les dispositions des articles 26 et 29 des conventions de Bruxelles et Lugano et sur le fait que la cour de cassation de Rome a déclaré le juge italien compétent pour connaître du litige. Elle conteste qu' il y ait eu fraude.
Enfin, la société GOMMATEX prétend que devant le tribunal, les avocats des parties ont pu s' expliquer sur le moyen tiré de l' autorité de la chose jugée par la cour de cassation de Rome et ajoute qu' en tout état de cause il y a litispendance voire connexité au sens des articles 21 et 22 des conventions de Bruxelles et de Lugano puisque les juridictions italiennes doivent être saisies du même litige ayant les mêmes causes, les mêmes marchandises et les mêmes parties, et que BOURJOIS a saisi le juge du fond, le 26 janvier 1998, soit postérieurement à l' assignation délivrée par GOMMATEX devant le tribunal civil de Prato le 25 janvier 1997.
La société CRESPI conclut également à la confirmation du jugement et sollicite le paiement de la somme de 5. 000 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile
Elle fait valoir que c' est à bon droit que le tribunal a considéré qu' au vu de la décision des juridictions italiennes ayant autorité de la chose jugée, en ce qui concerne la compétence territoriale du tribunal devant statuer sur la mise en jeu de la garantie de GOMMATEX par BOURJOIS pour les marchandises litigieuses, le tribunal de commerce de Nanterre devait se déclarer incompétent au profit du tribunal civil de Prato.
Bien que n' étant pas partie à l' instance formée par GOMMATEX contre BOURJOIS devant le tribunal civil de Prato, CRESPI expose qu' il existe un lien étroit entre cette instance et celle formée contre elle par BOURJOIS devant le tribunal de commerce de Nanterre et qu' il y a donc lieu par application de l' article 22 de la convention de Bruxelles de faire juger les deux instances par le tribunal civil de Prato.
Enfin, CRESPI soutient qu' au cours de l' audience collégiale du 26 janvier 2007, les parties se sont largement expliquées sur les conséquences juridiques de l' arrêt rendu par la cour de cassation de Rome et sur l' autorité de la chose jugée qui s' attache à cette décision.
SUR CE, LA COUR
I. Sur la validité de l' assignation :
Considérant que le 26 janvier 1998 BOURJOIS a fait délivrer assignation aux sociétés GOMMATEX et CRESPI d' avoir à comparaître le jeudi 9 avril 1998 à 9H15 à l' audience et par devant Monsieur le Président du tribunal de commerce de Nanterre sis 64, rue du 8 mai 1945 à 92 000 Nanterre ; que cette assignation mentionne par ailleurs les articles 56 et 853 du code de procédure civile ;
Considérant en revanche que le titre de la première page est le suivant " assignation devant le tribunal de commerce de Nanterre " et la deuxième page débute par la mention " plaise au tribunal " ; que l' assignation développe des moyens de fond, fait référence à la compétence du tribunal et entend démontrer que GOMMATEX est tenue à garantie et que tant cette société que CRESPI sont responsables des dommages subis par BOURJOIS et doivent l' indemniser ; que l' affaire a été évoquée à une audience collégiale sur le fond ;
Considérant que les mentions erronées portées en première page de l' assignation constituent manifestement des erreurs matérielles qui s' analysent tout au plus comme des irrégularités de forme qui n' ont causé aucun grief à GOMMATEX qui, en dépit de l' adresse erronnée, a constitué avocat, a conclu tant sur la compétence du tribunal de commerce de Nanterre pour connaître du litige que sur la recevabilité de l' action et le fond du litige à plusieurs reprises ;
Que le jugement doit donc être confirmé en ce qu' il a débouté la société GOMMATEX de son exception de nullité ;
II. Sur la violation des droits de la défense :
Considérant qu' il résulte des pièces produites que la société BOURJOIS a communiqué par fax le 24 janvier 2007 à 18H10 l' arrêt de la chambre de la section civile réunie de la cour de cassation italienne du 7 décembre 2006 ;
Que devant le tribunal de commerce l' affaire a été plaidée à l' audience du 26 janvier 2007 ;
Considérant que la procédure étant orale devant le tribunal de commerce, le moyen tiré de l' autorité de la chose jugée attachée à cet arrêt et l' application de l' article 26 de la convention de Bruxelles est présumé avoir été débattu devant les premiers juges ; que BOURJOIS qui a elle- même produit cette pièce et qui était représentée à l' audience par un avocat n' établit pas qu' elle n' a pas soutenu oralement devant les premiers juges qu' aucune autorité de la chose jugée ne pouvait être retenue au motif que les juridictions italiennes n' étaient pas saisies d' une demande ayant le même objet voire que cette décision avait été obtenue par fraude ; qu' en conséquence BOURJOIS ne peut faire grief aux premiers juges d' avoir violé les dispositions des articles 4 et 16 du CPC ;
III. Sur la fraude :
Considérant que BOURJOIS soutient que GOMMATEX a tenté frauduleusement de saisir un juge étranger, le juge italien, pour échapper au juge naturellement compétent ; que selon elle GOMMATEX s' est contentée, alors qu' une expertise étant pendante en France, de saisir le juge italien d' une action en " reconnaissance de prescription " action interdite en tant que telle en France alors que GOMMATEX aurait pu en défense opposer devant le juge français le moyen tiré de la prescription de la garantie ; qu' elle ajoute que sachant qu' elle serait assignée au fond en France, GOMMATEX a " pris les devants " en assignant BOURJOIS devant son juge local en la " prenant de court " ; qu' elle en conclut que GOMMATEX a mis au point un stratagème lui permettant de revendiquer le bénéfice d' une autorité de chose jugée quasi automatique attachée à une décision qu'aucune jurdiction française n' aurait pu prendre ;
Mais considérant qu' il résulte des pièces de la procédure que dès l' instance en référé initiée en 1993 GOMMATEX s' est prévalue de la compétence du juge italien pour connaître du présent litige et du moyen tiré de " la prescription de la garantie " ;
Considérant que la demande introduite par GOMMATEX devant le juge italien tend non seulement à voir déclarer la déchéance du droit à la garantie sur les fournitures contestées et à voir déclarer quoiqu' il en soit la prescription effective du droit à garantie sur ces fournitures mais aussi en cas de refus ou de contestation " à repousser subsidiairement et au fond toutes les demandes qui pourraient éventuellement être avancées, parce que sans fondement " ;
Considérant qu' alors que devant le juge des référés, BOURJOIS faisait valoir que " le moment venu elle établira devant le juge du fond que même au vu des dispositions de l' article 5- 1 de la Convention de Bruxelles, le juge français du fond est compétent pour connaître du litige qui l' oppose à GOMMATEX ", elle a attendu le 26 janvier 1998 pour assigner GOMMATEX devant le tribunal de grande instance de Nanterre et voir reconnaître la compétence du juge français ; que dans ces conditions, BOURJOIS ne peut valablement soutenir que GOMMATEX l'aurait prise " de cours " et aurait agi de manière frauduleuse en l' assignant le 29 janvier 1997 devant le tribunal civil de Prato, cette assignation étant intervenue près de trois ans après l' ordonnance de référé du 31 mars 1994 et un an avant la propre assignation au fond de BOURJOIS ; que ce moyen n'est donc pas fondé ;
IV Sur la compétence des juridictions françaises :
1) vis à vis de GOMMATEX :
Considérant que dans le cadre du litige opposant GOMMATEX à BOURJOIS devant la juridiction italienne, à propos des mêmes marchandises et des mêmes livraisons, BOURJOIS a opposé une exception d' incompétence territoriale en faisant valoir qu' en vertu des dispositions de l' article 5. 1 de la convention de Bruxelles et de la convention sur la vente internationale de marchandises, le tribunal compétent était celui du lieu de l' Etat où les marchandises contestées avaient été livrées et qu' en l'espèce les marchandises avaient été livrées à Chamant 60300 Senlis ;
Considérant que par décision du tribunal civil de Prato, confirmée par arrêt de la cour d' appel de Florence du 29 octobre 1993 il a été jugé que le lieu de la livraison des marchandises ayant toujours été l' Italie, à savoir Prato, la juridiction italienne était compétente en application de l' article 5. 1 de la convention de Bruxelles pour connaître du litige opposant GOMMATEX à BOURJOIS et ayant trait aux conséquences de cette vente notamment quant à la garantie au titre des vices ayant pu affecter les marchandies livrées ; que par arrêt de la cour de cassation du 7 décembre 2006 le recours formé contre l' arrêt de la cour d' appel de Florence a été rejeté aux motifs de " l' absence d'accord des parties relatif à l' individualisation d'un lieu d' exécution de l' obligation de délivrance différent de celui de la délivrance au transporteur " et que " dans les ventes internationales impliquant un transport de marchandises le lieu de délivrance est celui dans lequel les biens ont été transmis au transporteur sauf dérogation contractuelle prévue par les parties en ce qui concerne un lieu de délivrance différent aux fins de libérer le vendeur " ;
Considérant qu' ainsi que l' ont retenu les premiers juges en vertu de l' article 26 de la Convention de Bruxelles " les décisions rendues dans un Etat contractant sont reconnues dans les autres Etats contractants, sans qu' il soit nécessaire de recourir à aucune procédure " ;
Qu' il s' en suit que la décision rendue par la cour de cassation italienne s' impose au juge français en ce qui concerne la compétence territoriale du tribunal devant statuer sur les conséquences de la vente des marchandises litigieuses par GOMMATEX à BOURJOIS notamment quant à la possibilité pour BOURJOIS de se prévaloir de la garantie des vices ayant pu les affecter ; que le jugement doit donc être confirmé en ce qu' il a renvoyé BOURJOIS à mieux se pourvoir en ce qui concerne sa demande à l' encontre de GOMMATEX ;
2) vis à vis de CRESPI :
Considérant que CRESPI n' étant pas partie à la procédure opposant en Italie GOMMATEX à BOURJOIS, la décision rendue par la cour de cassation italienne ne lui est pas opposable mais que par voie de consquénce il convient de rechercher s' il existe un lien de connexité entre les deux actions ainsi que le soutient CRESPI devant la cour ;
V. Sur la connexité :
Considérant qu' en vertu de l' article 22 de la convention de Bruxelles sont connexes, les demandes liées entre elles par un rapport si étroit qu' il y a intérêt à les instruire et à juger en même temps afin d' éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ;
Considérant que les juridictions italiennes sont saisies d' une demande tendant à voir juger que BOURJOIS est déchue de son droit à garantie sur les marchandises que lui a livrées GOMMATEX et en tout état de cause que ce droit à garantie est atteint par la prescription et à titre subsidiaire et au fond au rejet de toutes demandes qui pourraient éventuellement être avancées parce que sans aucun fondement ; que toutefois devant les juridictions italiennes BOURJOIS n' a engagé quant au fond aucune action en responsabilité et n' a formé aucune demande de condamnation à l' encontre de GOMMATEX ;
Or considérant que BOURJOIS a assigné les sociétés CRESPI et GOMMATEX aux fins qu' il soit jugé qu' elles sont responsables des dommages subis par BOURJOIS du fait des vices rédhibitoires présentés par les doublures fournies par CRESPI et GOMMATEX pour la fabrication de sacs et en vue d' obtenir leur condamnation à réparer son préjudice dans la proportion d' 1 / 7 pour CRESPI et de 6 / 7 pour GOMMATEX et se voir allouer par provision une somme de 50.000.000 F ;
Considérant que la question de la responsabilité de CRESPI est indépendante de la garantie contractuelle dont serait redevable GOMMATEX en vertu de l' article 1495 du code civil italien dès lors que CRESPI a été le fabricant des doublures incriminées de 1984 à 1986 et que GOMMATEX lui a succédé à partir de 1987 ; qu' au demeurant dans ses écritures au fond devant le tribunal, BOURJOIS, sur la base du rapport d' expertise sollicite deux condamnations distinctes ;
Considérant que par voie de conséquence il n' existe pas de lien de connexité entre l' action introduite devant les juridictions italiennes et celle introduite par BOURJOIS à l'encontre de CRESPI devant le tribunal de commerce de Nanterre ; que le jugement sera donc réformé de ce chef et l' affaire sera donc renvoyée devant les premiers juges pour qu' il soit statué sur l' action introduite par BOURJOIS à l' encontre de CRESPI ;
VI. Sur la litispendance :
Considérant que devant la cour, CRESPI ne soutient plus ce moyen ;
VII. Sur l' article 700 du CPC :
Considérant que l' équité ne commande pas de faire application des dispositions de l' article 700 du CPC à l' une ou l'autre des parties ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
- CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu' il a fait droit à l' exception de connexité.
- L' INFIRME de ce chef et RENVOIE l' affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre pour que soit jugé le litige opposant la société BOURJOIS à la société CRESPI.
- DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.
- CONDAMNE la société BOURJOIS aux dépens du présent contredit.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l' arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l' article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Sylvie MANDEL, président, et par Sabine MAREVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
LE GREFFIER LE PRESIDENT