COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
2ème chambre 1ère section
ARRET No
CONTRADICTOIRE
CODE NAC : 20J
DU 20 MAI 2008
R.G. No 07/04545
AFFAIRE :
Michel, Francis, Gérard X..., appelant et intimé
C/
Annick, Yolande, Mathilde Y... épouse X..., intimée et appelante
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Avril 2007 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
No Chambre : J.A.F.
No Section : Cabinet 6
No RG : 04/10743
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
SCP FIEVET-LAFON
SCP JUPIN & ALGRIN
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT MAI DEUX MILLE HUIT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur Michel, Francis, Gérard X..., appelant et intimé
né le 17 Janvier 1949 à NEUILLY SUR SEINE (94000)
...
75016 PARIS
représenté par la SCP FIEVET-LAFON, avoués - No du dossier 270604
assisté de Me Myriam ABRIC, avocat au barreau de PARIS
APPELANT et INTIMÉ
****************
Madame Annick, Yolande, Mathilde Y... épouse X..., intimée et appelante
née le 15 Janvier 1948 à CRETEIL (94000)
...
75016 PARIS
représentée par la SCP JUPIN & ALGRIN, avoués - No du dossier 0023812
assistée de Me Patrick DAVAL, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE et APPELANTE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 08 Avril 2008, en chambre du conseil, Madame Sylvaine COURCELLE, Président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Sylvaine COURCELLE, Président,
Madame Martine LE RESTIF DE LA MOTTE COLLAS, Conseiller,
Madame Béatrice BIONDI, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Denise VAILLANTFAITS ET PROCÉDURE
Michel X... et Annick Y... se sont mariés le 30 novembre 1973 à TROUVILLE SUR MER (14) sous le régime de la séparation des biens.
Deux enfants désormais majeurs sont issus de cette union :
- Charmille, née le 18 mai 1978,
- Sandrine, née le 20 mai 1983.
Autorisée par ordonnance de non conciliation rendue le 20 janvier 2005, Annick Y... a fait assigner son conjoint en divorce pour faute le 23 mai 2005 et par jugement en date du 25 avril 2007, le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES a notamment :
- rejeté la demande de sursis à statuer de Michel X...,
- prononcé le divorce des époux aux torts exclusifs du mari,
- condamné Michel X... à verser à Annick Y... une prestation compensatoire sous force d'un capital de 250.000 euros et sous forme d'un abandon de sa part de l'usufruit sur le bien immobilier sis ...,
- condamné Michel X... à payer à Annick Y... la somme de 5.000 euros au titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
- condamné Michel X... au paiement de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toutes autres demandes,
- dit que chaque partie conserva la charge de ses propres dépens.
Par déclaration en date du 15 juin 2007, Michel X... a interjeté appel de ce jugement.
Annick Y... a également relevé appel de cette décision le 20 juillet 2007. Les deux procédures ont été jointes par ordonnance en date du 22 août 2007.
Dans ses conclusions du 11 mars 2008, Michel X... demande à la Cour de :
- surseoir à statuer dans l'attente du rapport d'expertise permettant de connaître la situation des époux,
subsidiairement,
- lui donner acte de ce qu'il accepte au titre de la prestation compensatoire :
* d'abandonner à l'épouse les créances qu'il détient au titre de la liquidation du régime matrimonial, soit la somme évaluée à 311.186 euros,
* de verser un capital de 75.000 euros,
* de céder l'usufruit sur le bien immobilier sis à PARIS 16ème, évalué à 200.000 euros,
en tout état de cause,
- confirmer pour le surplus,
- débouter Annick Y... de ses demandes plus amples ou contraires,
- la débouter de ses demandes de dommages-intérêts,
- la condamner aux dépens.
Il fait valoir que les éléments apparaissent insuffisants pour apprécier la prestation compensatoire et qu'il convient d'attendre le dépôt du rapport d'expertise.
Il indique que son CDD a récemment pris fin ; qu'il sera désormais pris en charge pour les ASSEDICS moyennant une allocation de 5.300 euros mensuels ; qu'il doit faire face à de lourdes charges ; qu'il ne dispose plus d'aucuns biens immobiliers.
Il précise qu'Annick Y... perçoit quant à elle la pension alimentaire de 3.000 euros qu'il lui verser chaque mois ; qu'elle dispose également de 360.000 euros résultant de la vente du domicile conjugal, ainsi que le produit de ses placements s'élevant à 1.000 euros.
*
Dans ses dernières écritures en date du 18 mars 2008, Annick Y... demande à la Cour de :
- condamner Michel X... à lui verser un capital de 500.000 euros à titre de prestation compensatoire,
- ordonner à Michel X... la souscription d'une caution bancaire ou d'un contrat d'assurance garantissant le paiement de cette prestation compensatoire,
- le condamner à lui verser la somme de 76.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 266 du code civil,
- le condamner à lui payer la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
- le condamner à lui rembourser la moitié de la somme qu'elle a versé au titre de l'ATD, soit 98.000 euros,
- confirmer pour le surplus,
- débouter Michel X... de toutes ses demandes plus amples ou contraires,
- le condamner à lui payer la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient qu'elle a arrêté son parcours professionnel afin de se consacrer à ses enfants et à sa famille ; qu'elle a retravaillé par la suite mais a dû mettre fin à son emploi pour des raisons de santé ; qu'elle n'a aujourd'hui aucun revenu professionnel et doit faire face à des charges mensuelles s'élevant à 3.281 euros.
Elle indique que Michel X... a perçu de fortes indemnités de licenciement ; qu'il est également titulaire d'un portefeuille de stock options ; et bénéficiera d'une retraite confortable.
Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la Cour renvoie aux écritures déposées et développées à l'audience conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Considérant que le bordereau rectificatif communiqué par l'intimée le jour des plaidoiries sera rejeté des débats, la clôture, dont il n'est pas demandé la révocation, ayant été ordonnée le 18 mars 2008.
Considérant que le litige ne porte plus que sur la prestation compensatoire, les dommages et intérêts et le remboursement de créance ;
Considérant que les autres dispositions non contestées de la décision seront confirmées.
Sur le sursis à statuer
Considérant qu'il n'y a pas lieu à faire droit à cette demande, la Cour ayant les éléments pour fixer la prestation compensatoire ;
Sur les dommages et intérêts
Considérant que Annick Y... fait état des différentes fautes du mari (mensonges, adultère, cohabitation, violence et abandon tant affectif que financier) qui lui ont causé un préjudice moral et financier alors qu'âgée de 57 ans et de santé fragile elle se retrouve seule sans retraite et sans ressources ;
Considérant qu'elle démontre donc les fautes de son mari et son préjudice que le Premier Juge a justement évalué ;
Considérant que cette disposition sera confirmée ;
Considérant que Annick Y... ne justifie pas des conséquences d'une particulière gravité autres que celles déjà réparées par l'octroi d'une prestation compensatoire et de dommages et intérêts et de l'allocation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que la décision du Premier Juge, qui a débouté Annick Y... sur ce chef de demande, sera confirmée ;
Sur la prestation compensatoire
Considérant qu'en application de l'article 270 du code civil, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ;
Considérant qu'il y a lieu de tenir compte, notamment, de l'âge et de l'état de santé des époux, de la durée du mariage, du temps déjà consacré ou à consacrer pour l'éducation des enfants, de la qualification et de la situation professionnelle des époux au regard du marché du travail, de leurs situations respectives en matière de pension de retraite et de patrimoine, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;
Considérant que le mariage a duré 34 ans ; la vie commune 32 ans ; que la femme est âgée de 60 ans et le mari de 59 ans ;
Considérant que l'épouse après ses études a travaillé ponctuellement pour des articles à la pige et a été chargée de cours ;
Considérant qu'elle a arrêté de travailler pour s'occuper de son foyer et des enfants ;
Considérant qu'elle a retrouvé en 1997 un travail salarié qu'elle a quitté en 1998 et a commencé une formation de psychothérapeute ;
Considérant qu'elle dit être toujours sans travail et n'aura qu'une faible retraite ;
Considérant que cependant elle produit la première page de son avis d'imposition pour 2006 d'où il apparaît qu'elle est tenue à imposition pour 1.702 euros ce qui laisse présumer de faibles revenus sans doute provenant du placement d'une partie du prix de vente du domicile conjugal ou d'un paiement de la pension alimentaire ;
Considérant que la production partielle de la pièce ne permet pas d'établir la source de son revenu ;
Considérant que son attestation sur l'honneur mentionne des revenus d'une assurance vie, évaluée à 294.000 euros, l'usage de la moitié de l'usufruit de l'appartement qu'elle occupe (appartement estimé à 300.000 euros et sa part d'usufruit à 75.000 euros) ;
Considérant qu'elle fait état en outre :
- d'un codevi : 84,41 euros
- d'un compte épargne : 123,30 euros
- des parts de SCI "LA BRAVADE" représentant deux semaines par an en multipropriété, soit 7.000 euros à 9.000 euros ;
Considérant que ces charges sont principalement des charges de logement tant pour son appartement que pour la S.C.I. : 573 euros, des charges de loyer pour sa fille et des frais de garde meuble et de parking : 814 euros, une aide ménagère 200 euros par mois, outre des frais médicaux et les frais courants ;
Considérant que pendant la vie commune, elle a vendu son patrimoine immobilier en 1986 pour la maison à TROUVILLE, en 1990 pour la maison des "LES LOGES JOSAS" et en 1997 son pavillon, toujours aux LOGES, ce dernier bien acquis conjointement avec son mari le 15 décembre 2004 ;
Considérant que Michel X... était directeur des ressources humaines dans la Société JANSSEN CILAG jusqu'en janvier 2006 ;
Considérant qu'en 2005 il déclarait 284.593 euros ;
Considérant qu'en effet son licenciement de décembre 2004 prenait effet au 31 janvier 2006 après un protocole transactionnel passé avec sa société ;
Considérant qu'il a perçu en juillet 2005 : une indemnité transactionnelle de 482.100 euros et au 31 janvier 2006, au titre du sole de tout compte : 186.000 euros ;
Considérant qu'il ne peut être tenu compte des calculs hypothétiques de Annick Y... qui évalue à 1.096.564 euros l'indemnité contractuelle de licenciement et à 1.245.334 euros au titre du sode de toute compte au vu des pièces fournies ;
Considérant que Michel X... détient des stock options ;
Considérant qu'en 2003, il apparaissait détenir 24.300 stock options ;
Considérant qu'il déclare sur l'honneur en posséder 11.300 euros à 50 dollars chacune ;
Considérant qu'il a retrouvé un CDD du 20 mai au 27 juillet 2006 pour un salaire de 8.780 euros, contrat renouvelé jusqu'en 13 février 2008 ;
Considérant qu'il indique un salaire moyen de 9.700 euros, le contrat portait une rémunération mensuelle brute de 12.350 euros puis des indemnités ASSEDIC à compter de mai 2007 qu'il évalue à 5.382 euros ;
Considérant qu'il a détaillé ses charges notamment de loyer 1.969,15 euros, de parking 211 euros, outre les frais courants ;
Considérant qu'il ne supporte plus depuis août 2007 la pension de l'enfant majeure ;
Considérant que son patrimoine est constitué de la moitié de l'usufruit de l'appartement occupé par son épouse, des placements mobiliers pour 239.979 euros ;
Considérant que compte tenu de son parcours linéaire et de l'importance de ses rémunérations, il aura des retraites confortables y compris une retraite "chapeau" ;
Considérant qu'il les évalue à 6.000 euros pour une prise à 61 ans mais sans indiquer l'incidence de la retraite "chapeau" ;
Considérant qu'il a refait sa vie ;
Considérant qu'il ne justifie des revenus de sa compagne qui gagnerait 2.000 euros par mois ;
Considérant qu'il n'a pas de patrimoine immobilier ;
Considérant que les parties sont en désaccord sur la liquidation de communauté et notamment sur les créances entre époux ;
Considérant qu'eu égard à la disparité de revenu tant actuelle qu'au moment de la retraite, du nombre d'années passées par l'épouse à s'occuper de son foyer et de ses enfants, il convient de fixer la prestation compensatoire sous la forme d'un capital de 380.000 euros, nets de droits ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu d'instituer une garantie ;
Sur la liquidation
Considérant qu'au égard aux contestations des époux sur la liquidation du régime matrimonial, il convient de confirmer la disposition du jugement sur la nomination du notaire ;
Sur la révocation des donations
Considérant qu'il convient de faire application sur ce point de l'article 265 du code civil ;
Sur la restitution des sommes versées au titre de l'ATD
Considérant que s'agissant de comptes entre époux, il convient de les renvoyer à la liquidation de leur régime matrimonial ;
Sur les dommages et intérêts pour appel abusif
Considérant que Annick Y... ne précise pas en quoi l'appel interjeté par son époux qui n'a fait qu'user d'une voie légale serait abusif ;
Considérant qu'elle sera déboutée de sa demande ;
Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Annick Y... les frais irrépétibles du procès d'appel évalués à la somme de 2.500 euros, la disposition relative à ceux de première instance étant confirmée ;
Considérant que Michel X... ayant succombé en ses prétentions gardera ses frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS
Statuant, publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE, après débats en chambre du conseil et en dernier ressort
REJETTE des débats le bordereau versé par l'intimée après la clôture intitulée "bordereau rectificatif des pièces",
DIT n'y avoir lieu à sursis à statuer,
CONFIRME le jugement rendu par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES en date du 25 avril 2007 sauf en ce qui concerne les dispositions relatives à la prestation compensatoire,
et STATUANT à nouveau sur ce point :
CONDAMNE Michel X... à payer à Annick Y... un capital de 380.000 euros, net de droit et frais au titre de la prestation compensatoire,
DÉBOUTE Annick Y... de sa demande de garantie,
FAIT application de l'article 265 du code civil pour les donations,
CONDAMNE Michel X... à payer à Annick Y... la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes et notamment Michel X... de celle formée en application de l‘article 700 du Code de Procédure Civile
CONDAMNE Michel X... en tous les dépens avec distraction au profit de la SCP JUPIN ALGRIN, avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Sylvaine COURCELLE, président et par Denise VAILLANT, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT