COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 91Z
1ère chambre 1ère section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 10 DECEMBRE 2009
R.G. N° 08/01521
AFFAIRE :
Société JEREMY CORPORATION
C/
Mr LE DIRECTEUR DES SERVICES FISCAUX DES HAUTS DE SEINE
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Janvier 2003 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Chambre : 02
N° Section :
N° RG : 02/02558
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER
SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DIX DECEMBRE DEUX MILLE NEUF,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) du 20 novembre 2007 cassant l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles (1ère chambre - 1ère section) le 1er avril 2004 et APPELANTE d'un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre (2ème chambre) le 21 janvier 2003
Société JEREMY CORPORATION
Société de droit étranger ayant son siège social [Adresse 3]
[Adresse 5]
représentée par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER - N° du dossier 20080213
Rep/assistant : Me Seyni LOUM (avocat au barreau de PARIS)
****************
DEFENDEURS et INTIMES DEVANT LA COUR DE RENVOI
MONSIEUR LE DIRECTEUR DES SERVICES FISCAUX DES HAUTS DE SEINE NORD
[Adresse 2]
MONSIEUR LE DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES
élisant domicile en ses bureaux [Adresse 1]
représentés par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD - N° du dossier 0845064
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Novembre 2009, Madame Bernadette WALLON, président ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Bernadette WALLON, président,
Madame Evelyne LOUYS, conseiller,
Madame Dominique LONNE, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT
La société de droit panaméen Jeremy Corporation dont le siège est à Panama, a acquis par acte du 16 janvier 1985 un bien immobilier à [Localité 4] qu'elle a revendu en décembre 2000 pour le prix de 12 000 000 F soit 1 829 388,21 euros.
Considérant que cette société devait être assujettie pour les années 1993 à 1998 à la taxe annuelle de 3% de la valeur vénale du bien, conformément à l'article 990 D du code général des impôts, l'administration fiscale, après mise en demeure du 19 août 1998, a mis en oeuvre une procédure de taxation d'office par notification de redressement du 1er février 1999.
En l'absence de réponse, un avis de mise en recouvrement a été émis le 18 mars 1999 pour un montant total de 3 315 408 F soit 505 430,69 euros représentant 295 723,35 euros en principal, 91 418,04 euros au titre de l'intérêt de retard et 118 289,31 euros au titre de la majoration de 40%.
La société Jeremy Corporation a contesté cette imposition, contestation rejetée par décision du 30 octobre 2001.
Se prévalant des dispositions de la convention d'établissement franco-panaméenne du 10 juillet 1953 et de l'accord franco-panaméen du 8 avril 1995 pour obtenir la restitution des sommes versées pour les années 1993 à 2000 au titre de la taxe de 3%, la société Jeremy Corporation a saisi le tribunal de grande instance de Nanterre qui, par jugement du 21 janvier 2003, a rejeté le recours formé et condamné le demandeur aux dépens.
Statuant sur l'appel interjeté par la société Jeremy Corporation, la cour d'appel de Versailles a confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions et condamné l'appelante au paiement de la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Jeremy Corporation a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel et par arrêt du 20 novembre 2007 la Cour de cassation, au visa des articles L 66 et L 67 du livre des procédures fiscales, a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Versailles en toutes ses dispositions et renvoyé les parties et la cause devant la cour d'appel de Versailles autrement composée au motif qu'en retenant que les avocats représentent leurs clients devant les administrations publiques sans avoir à justifier de mandat, que M.[N] est l'auteur de tous les courriers échangés avec l'administration fiscale et qu'il est établi par sa présence aux côtés de la société et par les réponses faites qu'il disposait d'un mandat implicite lui permettant d'effectuer au nom de la société les actes de procédure la concernant, alors qu'il n'était pas établi que la société ait été mise en demeure et que M.[N], préalablement à l'envoi de la mise en demeure du 19 août 1998, ait déclaré agir pour le compte de la société , la cour d'appel a violé les textes susvisés.
La société Jeremy Corporation a saisi la cour de renvoi conformément aux articles 1032 et suivants du code de procédure civile.
Par dernières conclusions signifiées le 12 octobre 2009, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, la société Jeremy Corporation demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté contre le jugement du 21 janvier 2003,
- prendre acte de ce que l'administration renonce au bénéfice du jugement,
- dire et juger nuls et non avenus les mises en demeure, notification de redressement et avis de mise en recouvrement non adressés au siège social de la société Jeremy Corporation ainsi que toute la procédure subséquente,
- condamner l'administration fiscale, prise en la personne de monsieur le directeur des services fiscaux des Hauts de Seine Nord, à la restitution des impositions et taxes payés par elle ainsi que tous les intérêts et frais afférents, d'un montant de 969646,50 euros et au paiement à titre de dommages-intérêts de la somme de 23 416,17 euros versée à titre d'honoraires SARF et ce avec intérêts légaux à compter de la date des paiements en ce qui concerne la somme de 969 646,50 euros par application des dispositions de l'article 208 du livre des procédures fiscales , et à compter de la signification de l'acte introductif d'instance du 21 décembre 2001 valant mise en demeure en ce qui concerne la somme de 23 416,17 euros,
- condamner l'administration fiscale, prise en la personne de monsieur le directeur des services fiscaux des Hauts de Seine Nord au paiement de la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'administration fiscale, prise en la personne de monsieur le directeur des services fiscaux des Hauts de Seine Nord aux dépens de première instance et des deux procédures d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Jullien Lecharny Rol Fertier, avoués, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions signifiées en dernier lieu le 25 septembre 2009, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, le directeur départemental des finances publiques des Hauts de Seine demande à la cour de lui donner acte de sa renonciation au bénéfice du jugement et dire l'appel principal sans objet.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 octobre 2009.
MOTIFS
sur la demande en restitution
Il est constant que l'administration fiscale, considérant que la société Jeremy Corporation de droit panaméen, propriétaire d'un bien immobilier situé à [Localité 4], devait être assujettie , pour les années 1993 à 1998, à la taxe annuelle de 3% conformément aux dispositions de l'article 990 D du code général des impôts, a adressé à maître [N], avocat, le 19 août 1998 une première mise en demeure d'avoir à lui faire parvenir une déclaration n°2746 au titre de cette taxe . N'ayant obtenu aucune réponse, elle a procédé à la taxation d'office et adressé à maître [N] un avis de mise en recouvrement de la somme de 505 630 euros correspondant aux droits, pénalités et majorations de retard.
Le Trésor public ayant inscrit des hypothèques sur l'immeuble litigieux, a fait valoir une créance de 5 932 006,97 F le 14 septembre 2000 lors de la vente de ce bien. Par lettre du 3 mai 2001, maître [N] a sollicité le dégrèvement de ces impositions et la restitution des sommes versées. L'administration a rejeté sa réclamation par décision du 30 octobre 2001 tout en précisant que celle-ci n'était recevable qu'au titre de la taxe annuelle de 3% afférente aux années 1993 à 1998, la demande étant irrecevable pour les années 1999 et 2000, les déclarations déposées n'ayant pas fait l'objet de paiement.
Il est établi que la taxation d'office suivie d'un avis de mise en recouvrement ne concerne que les années 1993 à 1998, l'administration fiscale n'ayant pas procédé à une mise en recouvrement au titre des années 1999 et 2000 pour lesquelles une déclaration a été effectuée et qui ont été réglées. Il n'est d'ailleurs réclamé pour ces deux dernières années ni intérêts de retard ni majorations.
L'irrégularité de la procédure invoquée par la société Jeremy Corporation au motif qu'elle n'a pas été destinataire de la mise en demeure du 19 août 1998 adressée à maître [N] alors que celui-ci n'avait pas mandat pour la représenter préalablement à cet envoi ne concerne que le redressement des impositions dues au titre des années 1993 à 1998, seules visées dans cette mise en demeure ainsi que dans les actes subséquents et notamment l'avis de mise en recouvrement.
Dès lors, la décision de l'administration fiscale de renoncer au bénéfice du jugement qui a débouté la société Jeremy Corporation de sa demande en restitution des sommes versées au titre de la taxe de 3% compte tenu de l'arrêt rendu par la Cour de cassation ne peut s'interpréter comme une renonciation à l'ensemble des impositions dues par la société mais seulement comme une renonciation au redressement par voie de taxation d'office au titre des années 1993 à 1998 faisant suite à la mise en demeure du 19 août 1998 irrégulièrement adressée avec comme conséquence l'irrégularité de l'ensemble de la procédure de redressement s'y rapportant. La restitution des sommes encaissées au titre de la taxation d'office a été effectuée.
Dans ses dernières écritures, la société Jeremy Corporation se contente de solliciter la restitution de l'intégralité des sommes versées à l'administration fiscale sans demander à la cour de juger si les sommes versées au titre de la taxe de 3% pour les années 1999 et 2000, qui n'ont pas fait l'objet d'un recours amiable valable ce que relevait expressément l'administration fiscale dans sa décision de rejet du 30 octobre 2001 et qui n'ont pas davantage fait l'objet d'un redressement par taxation d'office de sorte qu'elles ne peuvent être affectées par l'irrégularité de la mise en demeure du 19 août 1998, sont ou non dues.
La restitution des sommes correspondant à la taxe de 3% au titre des années 1999 et 2000 ne pouvant être valablement invoquée comme conséquence de l'irrégularité de la procédure se rapportant aux seules impositions dues pour les années 1993 à 1998, en l'absence de demande au fond de ce chef, la société Jeremy Corporation ne peut qu'être déboutée de sa demande.
sur la demande en dommages-intérêts
La société Jeremy Corporation sollicite le paiement à titre de dommages-intérêts de la somme de 23 416,17 euros correspondant aux honoraires de la SARF aux services de laquelle elle a du recourir à la demande de l'administration fiscale pour garantir le paiement des droits éventuellement dus après la mainlevée de l'hypothèque, autres que l'imposition sur la plus-value prélevée sur le prix de vente.
L' intimé soutient que le recours aux services d'un représentant accrédité s'imposait dans le cadre de la vente en application de l'article 171 quater du code général des impôts de sorte que l'administration n'a commis aucune faute ayant causé un préjudice indemnisable.
En sa qualité de société étrangère réalisant une opération de vente d'un bien immobilier situé en France, la société Jeremy Corporation était tenue en application de l'article 171 quater du code général des impôts d'accréditer auprès de l'administration fiscale un représentant domicilié en France lequel s'engage à remplir les formalités nécessaires et à acquitter le prélèvement au titre de la plus-value ainsi que la taxe de 3% restant due à la date de la vente.
Si la société Jeremy Corporation justifie par la production aux débats du décompte du notaire du 22 décembre 2000 qu'elle a bien eu recours aux services de la SARF et a acquitté de ce fait des honoraires, elle ne démontre nullement que l'administration aurait à tort exigé d'elle un représentant fiscal en France en raison du redressement par taxation d'office dont elle poursuivait le recouvrement jugé irrégulier. La présence d'un représentant fiscal en France s'imposait du fait de la vente du bien immobilier et c'est à ce titre que les honoraires ont été réglés. Faute pour la société Jeremy Corporation de rapporter la preuve d'une faute commise par l'administration fiscale, sa demande en dommages-intérêts ne peut prospérer.
La société Jeremy Corporation sera déboutée de cette demande.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,
DONNE ACTE à monsieur le directeur départemental des finances publiques des Hauts de Seine de ce qu'il renonce au bénéfice du jugement rendu le 21 janvier 2003 par le tribunal de grande instance de Nanterre,
CONSTATE que le dégrèvement des sommes de 505 430 euros au titre des droits en principal, 91 418 euros au titre de l'intérêt de retard et 118 289 euros au titre de la majoration a été prononcé,
DÉBOUTE la société Jeremy Corporation de sa demande en restitution de la somme de 969 646,50 euros,
DÉBOUTE la société Jeremy Corporation de sa demande en dommages-intérêts,
DÉBOUTE la société Jeremy Corporation de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE monsieur le directeur départemental des finances publiques des Hauts de Seine aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Jullien Lecharny Rol Fertier, avoués, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Bernadette WALLON, président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,