COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 63B
1ère chambre
1ère section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 01 AVRIL 2010
R.G. N° 09/00832
AFFAIRE :
- Me [I] [Y]
- Me [X] [A]
C/
- Epoux [Z]
...
- SCI LA POULE DOREE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Novembre 2008 par le Tribunal de Grande Instance de CHARTRES
N° Chambre : 1
N° Section :
N° RG : 07/01864
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
- SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER
- SCP BOMMART MINAULT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE UN AVRIL DEUX MILLE DIX,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Maître [I] [Y]
[Adresse 5]
Maître [X] [A]
[Adresse 2]
représentés par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER - N° du dossier 20090115
Rep/assistant : Me FLICHY-MAIGNE (avocat au barreau de VERSAILLES)
APPELANTS
****************
Monsieur [J] [Z]
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 7] (28)
Madame [R] [U] épouse [Z]
née le [Date naissance 4] 1965 à [Localité 6] (18)
tous deux gérants de la SCI LA POULE DOREE et demeurant [Adresse 8]
SCI LA POULE DOREE
société civile immobilière ayant son siège social [Adresse 8] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentés par la SCP BOMMART MINAULT - N° du dossier 00036754
Rep/assistant : Me GUEPIN Antoine (avocat au barreau de CHARTRES)
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Février 2010 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bernadette WALLON président chargé du rapport en présence de Madame Evelyne LOUYS conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bernadette WALLON, président,
Madame Evelyne LOUYS, conseiller,
Madame Dominique LONNE, conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Didier ALARY,
Les 2, 17 et 27 février 2006, un compromis de vente faisant suite à une offre d'achat de M. et Mme [Z] d'acquérir l'immeuble appartenant à M. [T] [N] et Mme [H] [O] situé [Adresse 3] moyennant le prix de 800 000 euros, était régularisé en l'étude de maître [Y], notaire, en présence de maître [E] et de maître [A], sous diverses conditions suspensives et notamment celle que l'examen des titres et de l'état hypothécaire ne révèle pas l'existence d'hypothèque ou autre sûreté que le prix de vente ne permettrait pas de rembourser intégralement.
L'état des inscriptions hypothécaires délivré postérieurement à la signature du compromis laissant apparaître de nombreuses inscriptions de créanciers ainsi que l'existence d'un commandement de saisie immobilière publié le 16 février 2005 à la requête de la banque Patrimoine immobilier rendant ledit bien indisponible, ont empêché la régularisation de la vente par acte authentique devant intervenir avant le 30 avril 2006.
Eu égard aux nombreux frais engagés en pure perte, la SCI la Poule Dorée et M. et Mme [Z] ont fait assigner les notaires, à l'effet d'obtenir réparation de leur préjudice, devant le tribunal de grande instance de Chartres qui, par jugement en date du 26 novembre 2008, a :
- mis hors de cause maître [S] [E],
- débouté maitre [S] [E] de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum maîtres [I] [Y] et [X] [A] à payer à la SCI la Poule dorée et à M.et Mme [J] [Z] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, de même que celle de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté maîtres [I] [Y] et [X] [A] de leur demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné la SCI la Poule dorée et M. et Mme [J] [Z] aux dépens de la mise en cause de maître [S] [E] et condamné in solidum maîtres [I] [Y] et [X] [A] aux autres dépens.
Appelants de cette décision, maître [I] [Y] et [X] [A], aux termes de leurs écritures signifiées le 29 décembre 2009 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs moyens, demandent à la cour de :
- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel,
- réformer le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
- dire que la preuve d'une faute contractuelle imputable à maître [Y] n'est pas rapportée,
- dire que la preuve d'une faute quasi-délictuelle imputable à Me [A] n'est pas rapportée,
- déclarer M. et Mme [Z] et la SCI la Poule dorée mal fondés en leurs demandes dirigées contre eux,
- prononcer leur mise hors de cause,
A titre subsidiaire,
- dire que M. et Mme [Z] et la SCI la Poule dorée ne justifient pas d'un préjudice certain et en relation directe de causalité avec la faute alléguée,
- condamner in solidum M. et Mme [Z] et la SCI la Poule dorée à leur verser à chacun, la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 3 000 euros, soit 1 500 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont le recouvrement sera effectué pour ceux la concernant par la SCP Jullien, Lecharny, Rol et Fertier, société titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La SCI la Poule dorée, M. et Mme [J] [Z], aux termes de leurs conclusions signifiées le 21 janvier 2010 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs moyens, demandent à la cour de :
- déclarer recevable mais non fondé l'appel interjeté par maîtres [A] et [Y],
- les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- faire droit à leur appel incident,
- condamner in solidum maîtres [X] [A] et [I] [Y] à leur payer la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2007,
- les condamner in solidum à payer des intérêts au taux légal sur la somme de 40 000 euros à compter de son dépôt le 7 mars 2006 jusqu'à sa restitution le 5 mai 2007,
- confirmer pour le surplus en ses dispositions plus amples et non contraires la décision entreprise,
- condamner in solidum maîtres [A] et [Y] à payer à la SCI la Poule dorée et à M. et Mme [Z] la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés par la SCP Bommart-Minault, avoués associés, et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 janvier 2010.
MOTIFS DE L'ARRET
Considérant que la SCI la Poule dorée, M. et Mme [Z] font grief aux notaires d'avoir omis de faire figurer au chapitre des conditions suspensives de la promesse litigieuse, la réserve habituelle en la matière selon eux, selon laquelle la vente est subordonnée à la délivrance d'un état hypothécaire ne révélant pas la publication d'un commandement de saisie, la seule réserve inscrite étant que 'cet état ne révèle pas l'existence d'hypothèque ou autre sûreté que le prix de la vente ne permettrait pas de rembourser intégralement, en principal, accessoires et frais' ;
Qu'ils poursuivent que cette rédaction imparfaite a eu pour conséquence d'entraîner l'inefficacité de l'acte alors que les autres conditions suspensives étaient levées ;
Que le débat quant à la responsabilité des notaires sur les actes préparatoires à la vente est vain dans la mesure où il s'agit d'une promesse synallagmatique de vente soit d'un compromis ferme et définitif ;
Considérant que maîtres [Y] et [A] répliquent que lorsqu'un acte constitue seulement un acte préparatoire à la vente, la responsabilité des notaires peut être écartée au regard des éléments qu'ils ignoraient au moment de la rédaction de l'acte ; que l'impossibilité dans laquelle se sont trouvés les acheteurs d'acquérir l'immeuble est exclusivement due à la réticence dolosive des vendeurs qui ont dissimulé qu'un commandement de saisie immobilière leur avait été délivré en décembre 2004 ; qu'il ne peut leur être imposé de s'assurer de la sincérité des déclarations des parties ; qu'enfin, la stipulation d'une condition suspensive relative à l'absence de commandement n'aurait été d'aucune utilité puisque le compromis était caduc du fait de la révélation d'inscriptions pour des montants supérieurs au prix de vente ;
Considérant qu'il est constant qu'un compromis de vente a été signé entre les parties les 2, 17 et 27 février 2006 stipulant au titre des conditions suspensives que l'examen des titres et de l'état hypothécaire ne devait pas révéler :
- l'existence de servitude conventionnelle ou légale à l'exception de celle qui aurait pu être déclarée dans l'acte,
- l'existence d'hypothèques ou autres sûretés que le prix de vente ne permettrait pas de rembourser intégralement en principal, intérêts et accessoires ;
Considérant qu'à réception de l'état des inscriptions hypothécaires le 10 mars 2006, il est apparu que l'immeuble était grevé d'hypothèques et qu'un commandement de saisie immobilière avait été publié le 16 février 2005 à la requête de la Banque patrimoine et immobilier ;
Considérant que la publication du commandement de saisie a empêché la procédure de purge et la régularisation de l'acte de vente qui ne pouvait intervenir qu'avec le concours de tous les créanciers inscrits afin qu'ils acceptent un ordre consensuel aux termes duquel la BPI serait réglée en premier laquelle pouvait seule donner main levée du commandement rendant le bien indisponible ;
Considérant qu'en l'absence d'accord obtenu, la vente n'a pu avoir lieu et l'acompte versé soit 40 000 euros a été restitué aux acquéreurs le 7 mars 2006 ;
Considérant qu'aux termes de leur devoir de conseil fondé sur l'article 1382 du code civil, les notaires doivent avant de dresser les actes, procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer l'utilité et l'efficacité de ces actes ;
Considérant que l'établissement d'un compromis de vente constitue seulement un acte préparatoire à la vente ;
Qu'il est constant qu'à ce stade, la responsabilité des notaires peut être écartée au regard des éléments qu'ils ignoraient au moment de la rédaction de l'acte ;
Considérant que les notaires n'avaient pas les moyens de connaître l'existence du commandement de saisie immobilière qui avait été publié en décembre 2004 dont les vendeurs se sont abstenus de faire état de sorte que l'impossibilité dans laquelle les acquéreurs se sont trouvés d'acquérir l'immeuble est due à la réticence dolosive des consorts [N]-[O] ;
Considérant qu'en stipulant dans l'acte une condition suspensive portant sur la révélation des inscriptions hypothécaires, les notaires ont satisfait à leur obligation de veiller à la sécurité juridique de l'acte qu'ils faisaient signer ainsi qu'à la protection des acquéreurs ;
Considérant qu'il s'ensuit qu'il ne peut être retenu aucune faute à leur encontre ;
Considérant d'ailleurs qu'il ressort du dossier que les dettes des consorts [N]-[O] s'élevaient à 987 415 euros excédant le prix de vente de l'immeuble de 800 000 euros de sorte que la condition suspensive tenant à ce que ne soit pas révélée l'existence d'hypothèques ou autres sûretés que le prix de vente ne permettait pas de rembourser intégralement n'était pas réalisée rendant ledit compromis caduc ;
Considérant que les demandes indemnitaires formées par M. et Mme [Z] et la SCI la Poule dorée seront rejetées et le jugement entrepris, infirmé ;
Considérant que maîtres [Y] et [A] ne rapportant pas la preuve d'un abus commis quelconque dans leur droit d'agir en justice, leur demande de dommages et intérêts sera donc rejetée ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris.
STATUANT À NOUVEAU,
DÉBOUTE M. et Mme [Z] et la SCI la Poule dorée de toutes leurs demandes.
DÉBOUTE maîtres [Y] et [A] de leur demande de dommages et intérêts.
CONDAMNE M. et Mme [Z] et de la SCI la Poule dorée à verser à maîtres [Y] et [A] la somme de 1 500 euros à chacun d'eux sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, avec pour ces derniers droit de recouvrement direct au profit de la SCP Jullien Lecharny Rol et Fertier, avoués, conformément à l'article 699 dudit code.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Bernadette WALLON, président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,