COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 19 MAI 2010
R. G. No 09/ 03701
AFFAIRE :
Gilles X...
C/
S. A. ALCATEL CIT
Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 03 Octobre 2006 par le Conseil de Prud'hommes de VERSAILLES
Section : Activités diverses
No RG : 05/ 209
Copies exécutoires délivrées à :
Me Bruno TURBE
Me Elisabeth LAHERRE
Copies certifiées conformes délivrées à :
Gilles X...
S. A. ALCATEL CIT
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF MAI DEUX MILLE DIX,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur Gilles X...
...
95240 CORMEILLES EN PARISIS
comparant en personne, assisté de Me Bruno TURBE
3, Rue Gay Lussac
75005 PARIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P 164
APPELANT
****************
S. A. ALCATEL CIT
7/ 9 Avenue Morane Saulnier
78141 VELIZY CEDEX
représentée par Me Elisabeth LAHERRE
24 Rue Clément Marot
75008 PARIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P 53
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Avril 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Annick DE MARTEL, Conseiller chargé (e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé (e) de :
Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président,
Monsieur Hubert LIFFRAN, conseiller,
Madame Annick DE MARTEL, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,
M. X... est appelant d'un jugement du conseil de prud'hommes de Versailles, section industrie, rendu le 3 octobre 2006 dans une affaire l'opposant à la société ALCATEL CIT devenue ALCATEL LUCENT FRANCE.
M. X... a été engagé le 11 octobre 1973 par la société des téléphones Ericson en qualité d'agent technique d'essais, coefficient 178. Son contrat s'est poursuivi avec la société Thomson CSF reprise par CIT ALCATEL aux droits de laquelle vient ALCATEL LUCENT FRANCE.
Il a exercé de nombreuses fonctions jusqu'au niveau technicien V coefficient 305 au 1er octobre 1995 ; il était alors affecté au site de Vélizy en qualité de responsable logistique. Il a été admis au dispositif préretraite le 1er août 2003.
M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de diverses demandes liées à l'exécution de son contrat de travail, prime d'ancienneté et particulièrement application du coefficient 365 à compter, selon lui, de 1996. ALCATEL CIT s'est opposée à ces demandes.
Par jugement du 3 octobre 2006, le conseil de prud'hommes a :
- retenu sa compétence
-condamné ALCATEL CIT à payer à M. X... :
•- prime d'ancienneté 5106 € outre les congés payés afférents 510, 60 €
•-700 € par application de l'article 700 du code de procédure civile €.
Le conseil de prud'hommes a ordonné l'exécution provisoire de l'article 515 du code de procédure civile et condamné la société aux dépens.
M. X... a interjeté appel de ce jugement.
***
Par conclusions écrites visées par le greffier à l'audience et soutenues oralement, M. X... demande à la cour :
- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes qui a rejeté ses demandes relatives au coefficient 365 et rejeté sa demande en dommages intérêts
-de dire que le coefficient 365 s'applique à ses fonctions
-de condamner ALCATEL CIT au paiement de diverses sommes :
• prime d'ancienneté 4540 €
• congés payés 100, 30 €
• rappel de salaire 34. 893 € prime d'ancienneté 1003 €
• congés payés 3489 €
• complément d'indemnité PRT 5106 €
• rappel participation intéressement 255 €
A titre subsidiaire, il demande à la cour de faire application du coefficient 335 et condamner ALCATEL CIT au paiement de diverses sommes énoncées dans ses conclusions écrites
-de condamner en tout état de cause ALCATEL LUCENT FRANCE à lui payer 20. 000 € à titre de dommages intérêts et 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions écrites visées par le greffier à l'audience et soutenues oralement, ALCATEL CIT demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. X...
- débouter M. X... de sa demande d'application du coefficient 365 et de sa demande subsidiaire concernant le coefficient 335
- subsidiairement dire que le rappel de salaire est prescrit pour la période antérieure au 9 mars 2000
- débouter M. X... de l'intégralité de ses demandes
-le condamner au paiement d'une somme de 3000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La cour renvoie à ces conclusions déposées et soutenues à l'audience, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
-sur l'attribution du coefficient 365 à M. X... à partir de 1996
Selon l'article L1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Selon M. X..., son droit à l'application du coefficient 365 tient aux fonctions qu'il a exercées depuis 1996 et au fait que ce coefficient a été appliqué à d'autres salariés.
M. X... est technicien ; il s'est vu attribuer les coefficients suivants :
- le 21 octobre 1974 il a été engagé au coefficient 178
- le 1er janvier 1986, au moment de son transfert de Thomson CSF à ALCATEL CIT, il est passé au coefficient 270
- le 1er novembre 1988, il atteignait le coefficient 285
- le 1er octobre 1995 lui fut attribuer le coefficient 305 ; il y restera jusqu'à son départ en pré-retraite en 2003.
- de 1996 à 1999, il est chargé de " la gestion des anomalies provenant des installations des chantiers (GSM), sans changement de coefficient.
Jusqu'à cette période, M. X... a connu une progression tout à fait normale de sa carrière, ainsi que cela ressort du graphique qu'il produit.
A partir de 1996, lui sont attribuées les fonctions de " responsable de l'obtention des avis de problèmes, de leur saisie dans la base de données et de la production des indicateurs associés, " c'est à dire la gestion administrative des rapports d'anomalie émis par les sous traitants de ALCATEL CIT.
Il lui est reproché en 1999 par sa hiérarchie, de ne pas exécuter les missions qui lui sont confiées (pièces 7 et suivantes de ALCATEL CIT) et ce malgré une mise en demeure.
Fin février 2000, lui est proposé un autre poste au sein de FTS qu'il refuse, refusant également de confirmer par écrit son refus d'accepter le poste ; il ne se rend pas à un entretien fixé au 23 mars 2000 ; il n'a plus d'activité. Ces faits n'ont pas été contestés.
Puis en juin 2000, il accepte un poste de " gestionnaire d'acceptance site " jusqu'au 1er août 2003, date de son départ en pré-retraite.
Il est constant que l'attribution du coefficient revendiqué par M. X... doit correspondre aux fonctions réellement occupées par le salarié, et pas simplement à leur intitulé.
Or le niveau V qu'il a atteint le 1er octobre 1995, correspond au niveau le plus élevé de la responsabilité des connaissances requises et de l'autonomie. Selon la convention collective le niveau V est ainsi défini :
" d'après les directives constituant le cadre d'ensemble de l'activité et définissant l'objectif du travail, accompagnées d'instructions particulières dans le cas de problèmes nouveaux il assure ou coordonne la réalisation de travaux d'ensemble ou une partie plus ou moins importante d'un ensemble complexe selon l'échelon. "
Ce niveau V comporte 3 échelons (coefficient 305, 335, 385) comportant un degré d'autonomie et de responsabilité croissant :
Pour le premier échelon (305) attribué à M. X... " l'innovation consiste à rechercher des adaptations et des modifications cohérentes et compatibles entre elles ainsi qu'à l'objectif défini ; le recours l'autorité hiérarchique est de règle en cas de difficulté technique ou d'incompatibilité avec l'objectif ".
Or depuis 1996, M. X... assumait la gestion administrative des rapports d'anomalie sous l'autorité de M. Z... ; il devait obtenir des avis de problèmes, les saisir dans la base de données, obtenir des rapports sur les anomalies, ce qui correspond tout à fait à l'échelon 305.
M. X... n'apporte au demeurant aucun élément relatif à son autonomie ou sa responsabilité, permettant d'affirmer que les fonctions qu'il occupait correspondaient au coefficient 335 : " élaboration de solutions pouvant impliquer de proposer des modification de certaines caractéristiques de l'objectif initialement défini ".
A fortiori, ses fonctions n'ont rien à voir avec les fonctions se rattachant au coefficient 365 : élaborer et mettre en oeuvre des solutions nouvelles résultant de spécifications déterminées et proposées par le salarié.
De plus, les difficultés intervenues en 1999 avec M. X... qui n'avait que partiellement donné satisfaction à son employeur dans l'exécution de ses tâches ainsi qu'en attestent les pièces 7 à 9 d'ALCATEL CIT, ne permettent pas d'affirmer que le salarié méritait un passage à l'échelon supérieur.
Il n'est pas indiqué en quoi les tâches qu'il a fini par accepter en juin 2000, pourraient être rattachées à l'un des coefficients des échelons 2 et 3 du niveau V.
A partir de 2002 M. X... dit avoir remplacé M. SAIT Y... responsable logistique. Il n'est pas précisé si cette tâche occupait tout ou partie de son temps et si elle avait ou non remplacé ses tâches antérieures.
La description donnée par la convention collective de ces tâches de logistique, rappelées par M. X... dans ses écritures ne permettent pas davantage de discerner un degré supérieur dans les responsabilités et l'autonomie du salarié.
Au demeurant lors de son entretien de plus de 8 ans, son chef de service proposait " promotion 335 prématurée cette année. Clairement sur une trajectoire de progrès qui doit permettre si maintenue en 2003, d'obtenir cette promotion ". Beaucoup de conditions étaient posées.
Les courriels échangées (pièce 5 du salarié) ne démontrent aucune initiative ou autonomie particulière de M. X... par rapport à son échelon 305. Il est chargé de tâches de gestion, de tâches de suivi ; aucune pièce ne démontre qu'il ait eu un rôle moteur dans le lancement de produits de fabrication. Aucun avenant n'a d'ailleurs modifié les fonctions de M. X... et les bulletins de salaire identifient toujours de la même manière le salarié : " technicien ".
Son prédécesseur M. Ait Y... s'est vu d'ailleurs refuser cette même appartenance au coefficient 365 par un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 24 avril 2007 qui n'a pas été réformé par la Cour de Cassation. Ce salarié tout comme M. X..., n'apportait aucun élément de preuve permettant de contester sa qualification. Cette décision a été rendue alors même que des prédécesseurs de M. Ait Y..., ainsi que le fait valoir M. X..., avaient pu avoir cette qualification, à l'issue d'un parcours dont on ne sait rien.
Il appartient à M. X... qui invoque, sans la nommer, une discrimination dont l'objet n'est au demeurant pas précisé, de présenter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'une telle discrimination au sens de l'article L1134-1 du code du travail, ce qu'il ne fait pas.
ALCATEL CIT produit pour sa part des éléments concernant plusieurs salariés dont la situation était comparable à celle de M. X... au moment où il a quitté la société : M. C..., M. D..., Mme E....
M. X... sera débouté de sa demande de rappel de salaires, ainsi que de celles relatives aux congés payés afférents, à la prime d'ancienneté afférente ainsi qu'au complément d'indemnité PRT et au rappel d'ancienneté et de participation cette dernière ayant cessé d'être versée depuis 1995.
- sur la prime d'ancienneté
Une tentative de règlement amiable est intervenue entre la direction de la société et plusieurs salariés. M. X... a refusé de la signer, ce qui n'est pas contesté.
ALCATEL CIT a fait valoir ainsi que le rappelle le Conseil de prud'hommes, que la demande de M. X... ne pouvait être faite que pour le temps non prescrit soit entre la saisine du conseil le 9 mars 2005 et le 9 mars 2000. M. X... ne démontre pas qu'un acte interruptif de prescription conforme aux exigences de l'article 2224 du code civil ait altéré le cours de la prescription.
Le dossier et les écritures de M. X..., devant la cour, n'apportent aucun élément nouveau et au demeurant aucune explication quant aux sommes demandées.
Cependant, eu égard aux protocoles intervenus avec la société et en l'absence de tout autre élément permettant d'attribuer à M. X... les sommes qu'il demande, il convient de confirmer la décision du Conseil de prud'hommes.
- sur les dommages intérêts
La faute de ALCATEL CIT n'étant pas établie, le préjudice invoqué par M. X... n'est pas un préjudice indemnisable.
- sur les frais irrépétibles
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles et non compris dans les dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort
-confirme le jugement du 3 octobre 2006 en toutes ses dispositions ;
- déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;
- condamne ALCATEL LUCENT FRANCE aux dépens.
Arrêt prononcé par Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président, et signé par Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président et par Monsieur Pierre-Louis LANE, greffier présent lors du prononcé.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,